E. LA PROROGATION DU CRÉDIT D'IMPÔT POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE (ARTICLE 40) : UNE VISIBILITÉ BIENVENUE MAIS UNE EFFICACITÉ CONTESTÉE

Afin d'en renforcer l'attractivité, la loi de finances pour 2015 a réformé le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prévoyant :

- un taux unique relevé à 30 % en lieu et place des deux taux antérieurs - respectivement 15 % pour une action seule ou 25 % dans le cadre d'un « bouquet de travaux » - pour toutes les dépenses éligibles, dès la première dépense engagée et sans conditions de ressources ;

- un élargissement du périmètre des opérations éligibles : installations de compteurs individuels pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les copropriétés, mise en place de bornes de recharge pour les véhicules électriques ou encore installation, dans les départements d'outre-mer, d'équipements de raccordement à un réseau de froid, alimenté majoritairement par du froid d'origine renouvelable ou de récupération ;

- enfin, une éco-conditionnalité : pour être éligibles, les travaux doivent avoir été réalisés par un professionnel titulaire d'un signe de qualité « reconnu garant de l'environnement » (RGE) délivré par un organisme accrédité de qualification ou de certification ayant signé une convention avec l'État.

Si la mise en place des nouvelles règles a commencé à produire ses effets puisque la dépense fiscale correspondante devrait plus que doubler entre 2014 et 2016 , passant de 619 millions d'euros à 1,4 milliard d'euros, le dispositif devait théoriquement s'éteindre à compter du 1 er janvier 2016.

Au vu de la nécessité de poursuivre l'effort de rénovation énergétique des logements mais aussi de soutenir l'activité du secteur du bâtiment, l'article 40 du présent projet de loi de finances prévoit de proroger le CITE jusqu'au 31 décembre 2016 .

Deux modifications sont par ailleurs apportées afin d' exclure du champ des dépenses éligibles :

- les installations d'éoliennes , à compter du 1 er janvier 2016 ;

- les équipements mixtes combinant équipements éligibles et équipements solaires non éligibles, et ce dès le 30 septembre 2015 afin de mettre fin au contournement, par ce biais, de l'exclusion des équipements solaires du bénéfice du crédit d'impôt depuis le 1 er janvier 2014.

Dans les deux cas, il s'agit d' éviter le cumul , pour un même équipement de production d'électricité renouvelable, du bénéfice du crédit d'impôt avec les autres formes de soutien dont il bénéficie par ailleurs, sous la forme de tarifs d'achat garantis ou de complément de rémunération au prix de marché 45 ( * ) .

Enfin, les chaudières « à condensation » éligibles au crédit d'impôt sont remplacées par des chaudières « à haute performance énergétique » afin, selon l'évaluation préalable annexée au projet de loi de finances, « d'établir une correspondance avec les dispositions du règlement écoconception n° 813/2013 définissant les systèmes de chauffage 46 ( * ) ».

Sous l'hypothèse d'un maintien du nombre de bénéficiaires au niveau attendu pour 2016, soit un million de foyers, le coût de la prorogation du CITE sur l'année 2017 est estimé à 1,4 milliard d'euros .

Au total, votre rapporteur pour avis, qui avait déploré l'an dernier l'instabilité d'un dispositif retouché presque sa chaque année depuis sa création en 2000, juge que la prolongation du CITE, et les modifications marginales qui lui sont apportées, apporte une visibilité bienvenue .

Il appelle cependant le Gouvernement, d'une part, à renforcer la communication sur le dispositif - qui est encore trop souvent méconnu de nos concitoyens - et, d'autre part, à évaluer les effets du crédit d'impôt depuis la réforme intervenue l'an dernier alors que son efficacité est contestée .

Ainsi, une étude récente de l'UFC-Que Choisir réalisée à partir des données de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) 47 ( * ) juge que le crédit d'impôt est un « dispositif coûteux sans effet d'entraînement sur le marché » 48 ( * ) autre qu'un effet inflationniste sur le prix des travaux et qui « oriente mal les dépenses d'investissement des ménages » en corrélant les aides à la nature des équipements, avec un « effet plancher » au profit « des équipements juste éligibles au CITE », et non au niveau de performance énergétique atteint après travaux.

À cet égard, votre rapporteur pour avis appelle le Gouvernement à profiter, par exemple, de la refonte, à compter de 2016, du « jaune budgétaire » sur les moyens consacrés à la politique énergétique, pour procéder non plus seulement à une énumération mais bien à une véritable analyse de ces moyens, comme demandé par le législateur 49 ( * ) .


* 45 Sur la base du même principe de non-cumul des aides publiques pour une même activité, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte avait déjà, à l'initiative de votre commission, d'une part, supprimé l'exclusion des activités de production photovoltaïque non subventionnées du bénéfice des réductions d'impôt sur le revenu et d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des investissements au capital de petites et moyennes entreprises et, d'autre part, étendu le non-cumul de ces réductions d'impôts avec le bénéfice d'un contrat offrant un complément de rémunération.

* 46 Règlement (UE) n° 813/2013 de la Commission du 2 août 2013 portant application de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences d'écoconception applicables aux dispositifs de chauffage des locaux et aux dispositifs de chauffage mixtes.

* 47 Rénovation énergétique des logements : le crédit d'impôt, une mesure à grands frais qui manque sa cible environnementale, UFC-Que Choisir, service des études, octobre 2015.

* 48 L'étude rappelle, pour étayer ce point, que malgré la très forte contraction du coût du crédit d'impôt entre 2009 et 2013 (- 73 %), les dépenses réelles des ménages en travaux de rénovation énergétiques sont globalement restées stables sur la période (- 1 % seulement).

* 49 Art. 174 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

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