LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

le 14 octobre 2015 :

Audition sur la question du rapprochement de l'AFD et de la CDC

- M. Rémy RIOUX, secrétaire général adjoint du Quai d'Orsay

- Mme Clarisse PAOLINI, chargée de mission auprès du secrétaire général

le 27 octobre 2015 :

Audition du collectif d'associations Coordination Sud

- M. Philippe JAHSHAN, président de Coordination SUD

- M. Christian REBOUL, administrateur de Coordination SUD (Oxfam France)

- M. Grégoire NIAUDET (Secours Catholique-Caritas France)

- Mme Vanessa LAUBIN (Geres)

- M. Gautier CENTLIVRE (Coordination SUD)

ANNEXE I - AUDITION DE MME ANNICK GIRARDIN, SECRÉTAIRE D'ETAT CHARGÉE DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA FRANCOPHONIE, LE 10 NOVEMBRE 2015

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Nous sommes heureux d'évoquer avec vous, dans la perspective du budget pour 2016, vos grands sujets, qui sont aussi les nôtres : la francophonie et le développement. La mission « Aide publique au développement » (APD) est composée de deux programmes. Dans le projet de loi de finances initial, ses crédits diminuaient de plus de 6 %. Des amendements déposés par le Gouvernement à l'Assemblée nationale ont abouti à une enveloppe stable par rapport à 2015. Que pouvez-vous nous dire du projet d'adossement de l'Agence française de développement (AFD) à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ? Sur la francophonie - non moins essentielle que le développement - nous avons reçu M. Jacques Attali après la publication de son rapport : que pensez-vous de ses propositions ?

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie. - Merci de votre accueil. Le budget de l'aide au développement et de la francophonie figure aux programmes 209 et 110. En cette année exceptionnelle, historique, le monde repense la manière de vivre demain : comment, d'ici 2030, construire un monde plus juste et plus équitable ? En juillet dernier, au rendez-vous d'Addis-Abeba, la France, comme l'ensemble de l'Europe, a réaffirmé l'objectif de consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide au développement avant 2030 - dont 0,2 % au profit des pays les moins avancés (PMA). À New York ont été définis les dix-sept objectifs de développement durable, sous l'impulsion notable de la France. À Lima, la question du financement de la lutte contre le réchauffement climatique a été débattue. À l'issue de la pré-COP, nous nous apprêtons à entrer dans l'événement d'importance mondiale que sera la COP 21, au cours duquel la France s'efforcera de promouvoir un accord universel, ambitieux et contraignant. Le budget pour 2016 doit refléter ces engagements.

Aux grands défis, la France apporte une réponse financière : le Président de la République a annoncé 4 milliards d'euros supplémentaires pour le développement d'ici 2020, avec une montée en puissance progressive, et dont 2 milliards d'euros seront consacrés à des actions de lutte contre le réchauffement climatique - ce qui porte notre effort en la matière à 5 milliards d'euros d'ici 2020. Sur ces sommes, 370 millions d'euros seront des dons : leur part globale ne doit pas diminuer par rapport à celle des prêts.

Ce budget 2016 prend aussi en compte les crises et leurs évolutions. Ainsi, il prévoit un effort supplémentaire en faveur des réfugiés : le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens, qui abonde le programme 209 de 50 millions d'euros. Inversement, la crise de l'Ébola se résorbant - sept jours sans nouveau cas en Guinée - nous pouvons réduire les crédits concernés, ou encore faire des économies grâce à la fin des engagements en Afghanistan. Une crise en chasse une autre... Nous nous adaptons aussi aux évolutions géopolitiques. La France participera à la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures.

Construire le monde de demain, un monde zéro carbone, c'est lutter contre la pauvreté et contre le dérèglement climatique. Un amendement du Gouvernement mobilise 100 millions d'euros à cet effet, issus de la taxe sur les transactions financières (TTF) : c'est une bonne nouvelle, car cela stabilise notre budget.

Nous tenons nos engagements en maintenant l'aide aux projets et en renforçant l'aide bilatérale, pour respecter le message fort que vous nous avez adressé. À travers le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Programme alimentaire mondial (PAM), l'aide aux réfugiés financera des actions concrètes. Nous devrons concentrer les projets du Fonds vert pour le climat vers les plus vulnérables au changement climatique, qui sont aussi les plus pauvres. D'ailleurs, les efforts de lutte contre la pauvreté et de lutte contre le réchauffement climatique convergent généralement vers les mêmes pays.

Nous sommes au rendez-vous de nos engagements en matière d'effort d'urgence. Les crédits d'aide alimentaire et de sortie de crise sont stables. Nous renforçons l'aide aux ONG humanitaires et soutenons les acteurs du développement. Dans l'esprit d'Addis-Abeba, nous doublons les crédits qui leur sont destinés pour atteindre 79 millions d'euros cette année. À la coopération décentralisée, nous affectons 9,2 millions d'euros, comme l'an dernier. Le budget du volontariat international, qui sera réformé cette année, est lui aussi stable, à 19,2 millions d'euros.

Bref, ce budget met fin à la baisse que nous connaissons depuis cinq ans, réaffirme notre trajectoire de croissance vers 0,7 % du PIB et renforce notre action envers les plus vulnérables, avec l'objectif de leur consacrer 0,2 % de notre PIB. Les députés ont souhaité aller plus loin : après leurs votes, ce budget est en hausse. La stratégie qu'il incarne résulte de la loi-cadre, aujourd'hui opérationnelle, que vous avez votée et appelle à renforcer l'efficacité de tous les opérateurs. Reste à débattre des réformes institutionnelles : rapprochement entre l'AFD et la CDC, création d'Expertise France, voulue par le Sénat, réforme de la gouvernance en cours...

M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis des crédits de l'aide publique au développement. - Merci pour cet exposé clair et plein d'entrain. Notre commission est très attentive à l'aide au développement, car certains de ses membres, notamment d'anciens rapporteurs, s'y sont personnellement impliqués. Expertise France, par exemple, est un bébé de la maison. Je comprends votre présentation. Initialement, les auspices n'étaient pas favorables, puisque le budget de l'aide publique au développement devait baisser de 6 %. Grâce à plusieurs décisions prises par le Gouvernement et par les députés, il se maintient à un étiage qui ne devrait pas poser de problème, si ce n'est qu'avec des crédits identiques, nous devrons faire davantage. Cela n'a rien d'anormal, mais les sommes consacrées au climat ou aux réfugiés ne sont pas minces, et elles pèseront sur votre budget.

Oui, avec d'autres pays, nous nous sommes engagés depuis longtemps à atteindre un montant d'aide publique au développement de 0,7 % du PIB, même si nous sommes passés des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) aux Objectifs de développement durables (ODD). Loin de nous rapprocher de cet objectif, nous nous éloignons, puisque nous sommes à 0,36 %. Quelle stratégie pluriannuelle adopter pour tenir nos engagements ? Je me rappelle que lors des discussions autour de la TTF, les autres ministres européens ne se privaient pas de me les rappeler...

Nous confirmez-vous qu'il manquera 22 millions d'euros pour verser au Global Alliance for Vaccines and Immunization (Gavi) la contribution promise par la France ? Nous avons interrogé le Directeur du Trésor sur la répartition entre dons et prêt, car la présentation de vos deux programmes n'est pas très claire sur ce point. Il est favorable aux prêts, ce qui peut se comprendre... Pouvez-vous nous apporter des précisions ? À l'Assemblée nationale, deux amendements déposés par les députés ont été adoptés malgré un avis défavorable du Gouvernement. Celui-ci compte-t-il y revenir ? Enfin, je souhaiterais que vous nous en disiez davantage sur l'adossement de l'AFD à la CDC.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Nous avons des rapporteurs engagés.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis des crédits de l'aide publique au développement. - Vous faites souffler un vent d'optimisme bienvenu dans le climat actuel. Après l'annonce, décevante, d'une baisse de votre budget, nous avons eu la bonne surprise des amendements déposés par le Gouvernement et par les députés. La cohérence de votre politique implique des ajustements budgétaires. Elle doit être juste et participer à la construction d'un monde plus équitable, malgré les crises qui le secouent. L'objectif des 0,7 % a été confirmé, tant mieux ! Nous devons nous donner les moyens de le mettre en oeuvre. Je me réjouis que 50 millions d'euros soient alloués aux réfugiés. L'adossement de l'AFD à la CDC inquiète certaines ONG, car il semble annoncer le développement de son activité de prêt et la multiplication des projets luttant contre le réchauffement climatique. Pouvez-vous nous confirmer que ce rapprochement n'aboutira pas à une diminution de l'effort en faveur des pays les plus pauvres ? Enfin, le rapport de M. Le Roux sur Air France montre que celle-ci s'acquitte de la plus grosse partie de la taxe de solidarité sur les billets d'avion.

M. Gilbert Roger. - Quasiment de la totalité !

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis. - De la part la plus importante, en tout cas. Quelles suites envisagez-vous de lui donner ?

M. Christian Cambon. - En effet, une focalisation excessive sur le dérèglement climatique nuirait à l'aide aux pays en voie de développement. Les contributions versées par la France à certaines organisations multilatérales atteignent des montants parfois trop importants. J'ai effectué une mission, trop brève, auprès du Fonds européen de développement (FED), qui pèse environ 700 millions d'euros dans notre budget. L'Association internationale de développement (AID) nous coûte 350 millions d'euros, le Fonds Africain de Développement (FAD), 127 millions d'euros... Votre ministère évalue-t-il mieux ces dépenses ? Je ne nie pas leur utilité, mais l'argent public est rare, et le Parlement doit contrôler sa bonne utilisation. Or la mission que j'avais menée avec M. Peyronnet auprès du FED nous avait laissé une impression mitigée : ses décaissements s'étalaient parfois sur plusieurs années, alors même que la France se voyait réclamer un accroissement de sa participation.

Expertise France se porte bien. Cet établissement a sans doute plusieurs « pères » et plusieurs « mères », notamment au sein de cette commission. La subvention d'équilibre de 3,5 millions d'euros n'est toutefois pas garantie, comme Mme Perol-Dumont n'aurait pas manqué de le souligner. Or la création d'Expertise France n'avait pas pour but de faire des économies mais de porter la France au niveau de ses concurrents étrangers dans ce secteur où notre performance était trop morcelée. Avez-vous réussi à persuader Bercy qu'il ne fallait pas entraver l'expansion d'Expertise France ?

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. - Nous devrons faire plus avec un budget stable. L'aide publique au développement ne diminue pas ; les annonces du président de la République à New York et les décisions prises le montrent. Même si nous sommes encore à 0,36 %, nous nous orientons résolument vers 0,7 %. À Addis-Abeba, nous avons affirmé que pour relever les défis auxquels il est confronté, le financement du développement devait se transformer. Il faut, par exemple, faire passer l'aide publique au développement par les collectivités territoriales, les entreprises ou les banques de développement et trouver des outils innovants, comme la TTF. Le multilatéralisme, qui démultiplie le levier, est le seul moyen de répondre aux demandes, à condition de varier les outils. Ainsi, en République centrafricaine, nous avons créé un fonds fiduciaire, et nous allons en créer un d'1,8 milliard d'euros à Malte, car les outils européens ne sont plus adaptés.

C'est pourquoi nous procédons au rapprochement entre l'AFD et la CDC. La loi de 2014, que vous avez portée et que je nourris, nous impose une recherche constante d'efficacité par l'amélioration des outils dont nous disposons. Par ce rapprochement, l'AFD sera reliée aux territoires, à leur savoir-faire, à leurs expériences et à leurs entreprises. La CDC accompagnera mieux nos entreprises à l'étranger que ne le fait Proparco. Bien sûr, nous devrons veiller à préserver l'identité de l'AFD et nous assurer que son action se concentre sur les pays les plus fragiles. D'ailleurs, les seize pays pauvres prioritaires (PPP) sont aussi ceux qui sont le plus touchés par la désertification, la déforestation ou la montée des eaux. Ce rapprochement ne pourra se faire sans une loi. Peut-être avez-vous déjà reçu M. Rioux, qui en est le préfigurateur. Son travail devrait être achevé à la fin de l'année, afin que le rapprochement puisse avoir lieu au moment de l'anniversaire de la CDC.

Comment financer nos engagements ? Vous l'avez dit, malgré l'importance que nous donnons à la santé, il nous manque 22 millions pour régler notre contribution au Gavi. Nous en restons le quatrième contributeur et en vingt ans, nous lui avons versé 1,7 milliard d'euros. Pour les années 2016-2020, nous avons prévu un financement innovant, notamment au travers d'une initiative pilote lancée par la fondation Bill & Melinda Gates, consistant en un prêt concessionnel de 100 millions d'euros. Nous réaliserons un effort budgétaire conséquent, de 365 millions d'euros, et nous verserons 150 millions d'euros à l'International Finance Facility for Immunisation (IFFIm). Pour les 22 millions d'euros manquants, je me suis engagée devant l'Assemblée nationale à trouver une solution avant le 31 décembre. Un amendement a été déposé prévoyant des financements complémentaires. Je les affecterai en priorité au Gavi, qui recevra ainsi en 2016 ce que nous n'avons pas pu payer en 2015.

C'est vrai, les crédits de l'aide publique au développement sont structurellement fragmentés et peu lisibles. Nous nous efforçons d'améliorer la lisibilité, comme vous l'avez prévu dans la loi et comme le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) l'a souhaité. Mais il reste des progrès à faire... La TTF doit être mieux soutenue par nos partenaires européens, à présent que la France l'a mise en place. Nous nous sommes engagés à Addis-Abeba à en accroître le taux.

La francophonie est un véritable atout pour le rayonnement de la France, qui est totalement négligé. Il s'agit d'un lien puissant avec plus de 80 pays, membres ou partenaires de l'organisation internationale de la francophonie (OIF), et avec 750 millions de locuteurs potentiels en 2050. Pourtant, dans les pays francophones les plus anciens, on observe un recul de l'usage du français. Pour l'enrayer, il faudrait consacrer plus de moyens à l'éducation et à la formation. Alors que le français est la deuxième langue dans le monde économique, combien de conseils d'administration se tiennent en anglais à Paris même ? Et je ne parle pas des anglicismes... Issue d'un territoire d'outre-mer entouré d'Américains et de Canadiens anglophones, je sais ce que c'est que de lutter pour sa langue ! En métropole, il y a moins d'inquiétudes. La nouvelle feuille de route de l'OIF, donnée à Dakar, met l'accent sur la francophonie économique. Nous devons impliquer davantage nos entreprises. Celles-ci se montrent d'ailleurs intéressées par des outils qui pourraient être pilotés par l'OIF : labels, priorité dans le recrutement à ceux qui ont fait l'effort d'apprendre le français, etc. En 2016, le budget de la francophonie sera de 47,4 millions d'euros, en baisse de 2 millions d'euros. Des choix ont été faits, d'autres urgences identifiées, mais il faut continuer à mener ce combat.

Le rapport Attali préconise de considérer la francophonie comme un atout. Pour que des jeunes apprennent le français, cette langue doit leur être utile, et ne pas leur apparaître comme une vieille dame figée. De fait, l'âge moyen des locuteurs du français à l'étranger est élevé, ce qui donne parfois l'impression d'une francophonie de salon. Deux missions ont été lancées, l'une sur les établissements d'apprentissage du français, avec l'idée d'un établissement privé, l'autre sur la francophonie et la culture. Le rapport Attali préconise également l'animation de réseaux d'anciens étudiants francophones, la réduction des délais de délivrance de visas, la mise en place d'un passeport talents et le renforcement de l'offre de films et de programmes audiovisuels en français : toutes ces propositions ont été mises en oeuvre. L'important, c'est qu'un rapport ne reste pas au fond d'un tiroir.

La France s'est battue pour que 50 % du Fonds vert soient consacrés à l'adaptation : énergies renouvelables, lutte contre la montée des eaux, systèmes d'alerte précoce aux catastrophes naturelles... Toutes ces mesures combattent également la pauvreté : il ne faut pas opposer la question climatique et la lutte contre la pauvreté. Lutte contre la déforestation et foyers améliorés vont de pair : les foyers ouverts alimentés au bois seraient responsables de quatre millions de décès prématurés. Il faut se féliciter des financements annoncés à Addis-Abeba et à Paris.

La taxe sur les billets d'avion avait un objectif clair : taxer la mondialisation pour aider les plus vulnérables. Il s'agit d'un mécanisme stable, sans effet sur le marché de l'aviation. Certes, lorsque la France l'a lancée, il eût été bon que d'autres pays nous suivent. Pour autant, nous pouvons être fiers de cette initiative, qui rapporte 210 millions d'euros par an à la cause du développement, consacrés à la lutte contre les grandes pandémies. Son montant a été réévalué en 2013 pour prendre en compte l'inflation. Nous ne devons surtout pas revenir en arrière, car il s'agit d'un financement d'avenir. D'autres projets de financements innovants sont à l'étude, comme une loterie solidaire ou encore le don par SMS, sur lequel j'espère que la loi portée par Mme Lemaire apportera des solutions.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - La francophonie est un combat. Or certains comportements perdurent, comme ces ministres ne s'exprimant pas dans notre langue... On se souvient qu'un Président de la République avait quitté une réunion internationale pour ce motif. En particulier, nos jeunes diplomates sont peu sensibles à cet enjeu. Ainsi, la réforme de TV5 ne prenait nullement en compte les aspirations des autres pays francophones. Peut-être faudrait-il demander au Quai d'Orsay de mieux intégrer cette exigence dans le recrutement ou la formation des diplomates ?

M. Jacques Legendre. - Très bien !

Mme Bariza Khiari. - À votre budget s'ajoutent près de 2 milliards d'euros issus d'autres missions, en particulier pour l'aide aux réfugiés et l'écolage, qui correspond aux dépenses liées à l'accueil et à l'instruction d'étudiants étrangers en France. L'instruction correspond aux bourses, très bien. Mais l'accueil ? J'ai le souvenir douloureux de la circulaire dite Guéant, très maladroite, qui avait brisé la confiance entre les familles et le système éducatif français en ôtant toute sécurité juridique au séjour des étudiants étrangers en France. Pourtant, ces étudiants sont garants du maintien de la francophonie et de son dynamisme et, à terme, ils seront des prescripteurs pour nos entreprises, dont dépendront les emplois de demain. Qu'allez-vous faire pour améliorer leur accueil et en attirer davantage en France ?

M. Robert Hue. - J'apprécie l'esprit dans lequel vous avez présenté votre budget. Les crédits annoncés par le Président de la République à l'ONU représentent un effort considérable. Mais l'objectif de consacrer 0,7 % du PIB à l'aide au développement n'est pas pris au sérieux. J'ai connu un certain nombre de plans quinquennaux : la pire des choses, c'est de ne pas atteindre l'objectif ! Malgré le sérieux manifesté par la Chine et la Corée du Sud, la COP 21 peut échouer si l'on n'est pas capable d'échelonner les contraintes et de prévoir des réajustements réguliers afin d'atteindre l'objectif des 2 degrés : c'est indispensable pour trouver un accord avec les pays émergents. L'idée d'un bilan tous les cinq ans est judicieuse. Ne devrions-nous pas adopter une démarche similaire au niveau européen pour atteindre les 0,7%, et prendre enfin les choses à bras-le-corps ?

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Il me semble que le document envoyé à Bruxelles sur les perspectives budgétaires est le seul à occasionner une programmation pluriannuelle. Il n'y a plus de plan.

M. Christian Cambon. - Et comme tous les budgets sont faux...

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - M. Hollande et M. Xi Jinping se sont mis d'accord en Chine pour une action commune en Afrique. Est-il envisagé d'y faire participer Proparco, qui peut être un interlocuteur pour les entreprises, notamment via le private equity ?

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. - Expertise France est opérationnelle depuis le 1er janvier 2015, avec des locaux unifiés et un excellent directeur général, qui sait plaider sa cause avec éloquence. Nous souhaitons qu'elle atteigne à moyen terme l'autonomie financière. En attendant, je plaide auprès de Bercy pour obtenir une subvention d'équilibre. La décision sera prise d'ici le conseil d'administration de décembre. Avec 114 millions d'euros, une taille critique a été atteinte et dans quelques jours, une convention sera signée avec l'AFD. Expertise France bénéficiera largement de l'adossement de celle-ci à la CDC. Certes, nous ne l'avons pas créée pour faire des économies. Cela dit, il faut rationaliser. Un regroupement de structure coûte toujours plus cher la première année.

L'accueil des étudiants est un élément essentiel du rayonnement et de l'attractivité de la langue française. Je reviens de Colombie, où j'ai inauguré à Medellín un lycée français, car il y a là-bas de nombreux élus colombiens francophones et francophiles et 80 entreprises françaises dynamiques.

La circulaire Guéant est abrogée depuis 2012.

Mme Bariza Khiari. - La confiance est-elle revenue ?

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. - Beaucoup d'étudiants francophones optent pour le Canada, en raison de la qualité de l'accueil ; sa nouvelle orientation politique vers plus d'ouverture ne le rendra que plus attractif encore. Au Canada comme aux États-Unis, l'accueil d'un étudiant étranger fait l'objet d'un paquet, prenant en compte son orientation, son hébergement, sa sécurité sociale. Nous cherchons à élaborer une offre globale. Sur les 136 000 étudiants étrangers que nous accueillons, 78 000 sont africains - c'est une chance, car l'Afrique est un continent en développement. Quand il va mal, cela impacte la France et toute l'Europe. Son indispensable développement passe par ces étudiants.

Quant à la trajectoire vers le 0,7 % - l'objectif à atteindre - nous nous en approchons avec les annonces du Président de la République. Avec 5 milliards d'euros de plus d'ici 2020, dont 360 millions de dons, nous l'atteindrons en 2030.

M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis. - C'est bien d'y croire !

M. Christian Cambon. - « Veillez et priez », disent les Écritures !

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. - Tant que je serai là, je me battrai pour cet objectif : c'est un marqueur pour les pays du Sud, et un facteur de dynamique.

M. Robert Hue. - Le problème, c'est de l'atteindre.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis. - Les Britanniques l'ont fait.

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. - La France est le quatrième pays le plus solidaire, l'Europe est en tête ; nous pouvons en être fiers. Notre agenda est bien d'atteindre 0,7 % en 2030.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Rendez-vous est pris !

M. Alain Gournac. - Nous serons là, fidèles au poste !

Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. - Proparco, filiale originale de l'AFD, constitue un lien précieux avec les entreprises qu'elle accompagne vers plus de responsabilité sociale et environnementale. Il faudra conserver toute cette expérience, ce savoir-faire à l'international, dans le cadre du rattachement de l'AFD à la CDC. Il y a un rôle à jouer dans l'interface entre entreprises, ONG et collectivités, notamment avec nos partenaires chinois et du Golfe qui veulent profiter des liens exceptionnels que nous entretenons avec le continent africain. Preuve que la francophonie a des répercussions économiques. Je veillerai à ce que cet outil soit préservé ; nous pouvons le faire tous ensemble.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Merci de vos convictions, de votre enthousiasme - que nous ne voudrions en aucun cas émousser, tout en vous incitant à la vigilance, sur ces combats de longue haleine. Merci de nous tenir au courant des suites données au rapport Attali, et de son idée originale de mobiliser les grandes entreprises françaises pour construire une offre privée d'éducation, qui pourra avoir un effet levier. Comme le dit Abdou Diouf, « le problème du français, ce n'est pas la demande, mais l'offre. » Il suffit d'ouvrir un lycée français pour le remplir !

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