B. UNE AUGMENTATION DE LA PART DE LA TAXE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES CONSACRÉE AU DÉVELOPPEMENT

1. Une initiative novatrice de la France

La France a mis en oeuvre la taxe sur les transactions financières (TTF) à partir de juillet 2012, conformément aux engagements du Président de la République à la tribune des Nations Unies ainsi qu'au G8 et au G20.

La TTF est une taxe de 0,2 % sur les acquisitions de titres de capital 7 ( * ) . La TTF française comprend également deux autres dispositifs : une taxe sur les ordres annulés dans le cadre d'opérations à haute fréquence et une taxe sur les acquisitions de contrats d'échange sur défaut d'un État ( Credit default swaps ). Les rendements de la TTF ont été de 871 M€ en 2014, la prévision est de 1 050 M€ pour 2015 et de 1 072 M€ dans le présent projet de loi de finances.

Les rendements de la taxe sur les transactions financières françaises se sont montrés bien supérieurs à l'ancien impôt sur les opérations boursières 8 ( * ) (environ 200M€ par an), ceci sans provoquer de perturbations importantes des marchés concernés, de perte d'attractivité de la place de Paris ou d'impacts négatifs sur le financement de l'économie française.

Conformément aux engagements du Président de la République, une partie des recettes de la TTF française est affectée, dans la limite d'un plafond fixé par le Parlement, à la lutte contre le changement climatique et les grandes pandémies, par le biais d'une affectation au fonds de solidarité pour le développement (FSD) . Le reste des recettes de la TTF est affecté au budget général de l'État. La part maximale pouvant être affectée au développement a progressivement augmenté, passant de 10 % des recettes en loi de finances pour 2013, à 15 % dans celle pour 2014, puis 25 % dans celle pour 2015. Les plafonds respectifs atteignaient 60 M€ en 2013, 100 M€ en 2014, 140 M€ en 2015, 160 M€ en 2016.

2. Une extension souhaitable à d'autres pays

La TTF est une taxe de type « Tobin » et a en tant que telle une vocation internationale. Des négociations sur la mise en place d'une telle taxe au niveau communautaire ont commencé en 2010 après l'échec des négociations au sein du G20. Toutefois, les désaccords rapidement apparus entre les pays membres ont montré que seule une coopération renforcée était envisageable à court terme. Outre la France, 10 États membres sont désormais engagés dans cette coopération renforcée : Allemagne, Espagne, Italie, Belgique, Portugal, Grèce, Autriche, Estonie, Slovénie et Slovaquie.

Ces États ont ainsi élaboré une feuille de route en marge du Conseil « Ecofin » du 6 mai 2014. La TTF européenne reposera sur le principe d'une assiette large et de taux faibles. L'objectif du Gouvernement est d'obtenir une convergence politique sur les grandes lignes structurantes de la taxe lors du Conseil « Ecofin » de novembre, en vue d'un accord à l'unanimité des États membres participants d'ici la fin 2015, pour un accord sur un projet de directive courant 2016 et une mise en oeuvre effective au début de 2017.

3. Une affectation plus substantielle de la TTF à l'aide au développement

Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement qui constitue, du point de vue de vos rapporteurs, une avancée notable . Cet amendement comporte deux parties :

- la première partie relève le plafond du produit de la TTF affectée au FSD à hauteur de 260 millions d'euros en 2016 , ce qui équivaut à un peu moins de 25% de la recette attendue de la taxe (1072 M€) ;

- la deuxième partie supprime le plafonnement en pourcentage , ce qui permettra la poursuite de l'augmentation de la fraction des recettes de TTF affectée au FSD (cf. ci-dessous l'encadré sur le FSD).

En outre, les députés ont adopté, contre l'avis du Gouvernement, un amendement ayant pour objet l'affectation de 25 % du produit de la TTF, soit 268 M€, à l'AFD.

Selon vos rapporteurs, le principe de l'additionnalité des financements innovants ne doit pas être perdu de vue . Cette additionnalité est inscrite dans toutes les déclarations politiques depuis 2004 et dans les rapports consacrés à ce sujet (rapport du Secrétaire général des Nations unies, rapport quadripartite, rapport Landau en France 9 ( * ) ).

Ainsi, en 2005, le rapport Landau soulignait déjà qu'« un prélèvement nouveau ne produit pas toujours et nécessairement une ressource supplémentaire ( ...). Pour diverses raisons, la recette obtenue peut être minorée par la réduction du produit d'autres contributions (...). Par définition, la taxe coexisterait avec les flux existants d'aide publique. Il y a donc un risque qu'elle ne s'ajoute pas, mais se substitue à ces flux. Chaque État peut toujours réduire son effort budgétaire d'APD dès lors qu'une source nouvelle de financement, par exemple sous forme de taxes, apparaît. À l'extrême, la substitution est totale. L'introduction d'une taxe dans un système principalement volontaire n'augmente donc pas nécessairement l'aide globale, l'effet d'éviction pouvant compenser la ressource additionnelle. La plupart des pays développés sont aujourd'hui soumis à des contraintes budgétaires fortes, ce qui accroît la tentation de réduire leur effort au prorata des recettes nouvelles procurées par une fiscalité internationale. L'expérience des initiatives de réduction de dette n'incite pas, à cet égard, à l'optimisme. Dans de nombreux cas, l'effort budgétaire correspondant s'est substitué, mais ne s'est pas ajouté à d'autres formes existantes d'aide ».

De fait, dans le projet de loi de finances 2016 tel qu'amendé par le Gouvernement, l'augmentation du plafond de la TTF va de pair avec une diminution importante des crédits budgétaires de la mission Aide publique au développement, à l'encontre du principe d'additionnalité . Cette situation est évidemment liée à la contrainte très forte qui pèse actuellement sur l'ensemble du budget de l'Etat et il serait sans doute quelque peu excessif d'exiger une additionnalité complète des financements innovants dans cette situation. Toutefois, ce caractère additionnel devra être autant que possible rétabli dès lors que les marges de manoeuvre budgétaires de notre pays seront restaurées.

En outre, les députés ont adopté en séance publique, avec un avis de sagesse du Gouvernement, un amendement ayant pour effet d'étendre l'assiette de la TTF aux transactions intrajournalières . Il s'agit ainsi de taxer des mouvements dont certains sont jugés de nature purement spéculative. Alors que les députés à l'origine de cet amendement souhaitaient initialement que cet élargissement s'applique dès 2016, ils ont finalement accepté, sur l'instance du Gouvernement, de reporter cette application au 1 er janvier 2017.

En effet, selon le Gouvernement, d'une part, une taxe intrajournalière serait inapplicable en 2016 du fait de l'inexistence de mécanismes permettant de prendre en compte les échanges de titres qui ont lieu au cours d'une journée et ne donnent par conséquent pas lieu à la comptabilisation quotidienne effectuée par les chambres de compensation ; d'autre part, une taxe « intraday » qui ne serait applicable qu'en France risquerait de conduire à la délocalisation de certaines transactions vers d'autres places financières. Dès lors, il est préférable d'attendre que les négociations en cours entre les onze États de l'Union européenne engagés dans la coopération renforcée aboutissent à la décision de mettre en place une taxe qui, précisément, ne fera pas l'impasse sur ces transactions intrajournalières.

LES DÉPENSES DU FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT (FSD)

Dans la limite des plafonds en vigueur, les ressources de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et, depuis 2013, une partie de la taxe sur les transactions financières française sont affectées au FSD.

En application du décret n° 2013-1214, l'AFD gère le FSD et effectue les versements pour le compte de l'Etat, sous la supervision et les instructions d'un comité de pilotage interministériel.

Les bénéficiaires des ressources du FSD sont fixés par décret. Depuis le 23 décembre 2013, le FSD peut financer, en plus de la facilité internationale d'achats de médicaments Unitaid, de la facilité financière internationale pour l'immunisation (IFFIm) et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), les actions des bénéficiaires suivants : le Fonds vert pour le climat, l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI), le fonds fiduciaire de l'Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural (RWSSI) de la Banque africaine de développement et l'Initiative solidarité santé Sahel (I3S) de l'AFD. Le paiement des contributions françaises à l'IFFIm est prioritaire sur les autres dépenses : compte tenu du montage spécifique de cette modalité de financement innovant et de l'engagement associé, un retard de paiement d'un des contributeurs aurait des effets mettant en péril tout le mécanisme.

Au 31 août 2015, les montants cumulés du FSD depuis 2006 sont les suivants :

- Recettes encaissées : 1 877,7 M€ dont 1 579,8 M€ pour la taxe de solidarité sur les billets d'avion (depuis 2006) ; 297,9 M€ pour la taxe française sur les transactions financières (depuis 2013) et 10,0 M€ de versement du budget général ;

- Dépenses effectuées : 1 628,4 M€ dont 1 020,9 M€ à UNITAID, 197,5 M€ au remboursement de l'IFFIm, 342,0 M€ au Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, 20,0 M€ à GAVI, 40,0 M€ à RWSSI, 6,0 M€ à l'I3S, 1,0 M€ pour les Fonds Vert, 0,9 M€ à l'AFD (prestation de gestion).

En 2016 et 2017, les dépenses du Fonds de solidarité pour le développement seront, à l'instar des années précédentes, consacrées prioritairement aux enjeux de santé et à la lutte contre le changement climatique.


* 7 Aucune taxe n'est à ce jour prélevée sur les contrats dérivés non dénoués physiquement.

* 8 Ce dernier a été supprimé en 2008 car il était assis sur un principe de résidence, ce qui incitait à la délocalisation des activités de courtage hors de France.

* 9 Rapport Landau : « Les nouvelles contributions financières internationales » à la Documentation française, 2005.

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