VIII. LE COMPTE D'AFFECTATION SPECIALE SUR L'APPRENTISSAGE : UN PILOTAGE NATIONAL TOUJOURS ABSENT

1. La maquette budgétaire du compte manque de visibilité

En vertu de l'article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, un compte d'affectation spéciale (CAS) retrace, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées.

L'objet du compte d'affectation relatif au financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage (CAS « apprentissage ») est de flécher une partie des recettes issues de la taxe d'apprentissage (à savoir la fraction régionale de la taxe d'apprentissage égale à 51 % du produit de la taxe 9 ( * ) ), à laquelle s'ajoutent les sanctions prévues en matière d'apprentissage et les fonds de concours, vers les régions (ainsi que la collectivité territoriale de Corse et le département de Mayotte), selon une clef de répartition fixée par la loi, afin qu'elles financent cette formation en alternance.

La maquette budgétaire du CAS « apprentissage » a été profondément remaniée l'an dernier, suite à la réforme du financement de l'apprentissage engagée par le Gouvernement depuis 2013 10 ( * ) .

Le compte spécial a pour but de maintenir le même niveau de ressources que celui atteint en 2013 qui couvrait :

- la contribution au développement de l'apprentissage ;

- la péréquation des disparités de la taxe d'apprentissage ;

- les contrats d'objectifs et de moyens 2011-2015 ;

- la compensation au titre des compétences transférées en matière d'apprentissage.

En outre, le compte procède à la répartition de la part variable (ou part dynamique de la ressource régionale pour l'apprentissage) selon des critères spécifiques ayant trait à la proportion de la taxe d'apprentissage au niveau national redistribuée à l'échelon régional (60%), au nombre d'apprentis préparant un diplôme inférieur au bac (26%) et supérieur à ce niveau (14 %).

En revanche, le compte ne retrace pas l'évolution de la partie de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui constitue, au côté de la fraction régionale de la taxe d'apprentissage, l'autre volet de la ressource régionale pour l'apprentissage .

Votre rapporteur pour avis déplore la complexité de la réforme du financement de l'apprentissage, qui rend très difficile un examen parlementaire des compensations attribuées aux régions.

Par ailleurs, il constate qu'aucun document ne permet à l'heure actuelle d'étayer ou de réfuter l'argument selon lequel certains conseils régionaux utiliseraient une partie des crédits attribués par l'Etat à d'autres fins que le financement de l'apprentissage. Interrogée par votre rapporteur pour avis, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle a indiqué qu'une mission avait été récemment confiée à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) pour élaborer une méthodologie de contrôle, et que les contrôles ponctuels réalisés ne faisaient pas apparaître de situations anormales.

Dans un souci de transparence et de lisibilité des comptes publics, votre rapporteur pour avis demande par conséquent au Gouvernement d'élaborer un jaune budgétaire qui retracerait l'effort de la Nation en faveur de l'emploi et de l'apprentissage, afin de discerner clairement la contribution de l'Etat et des régions.

Figure n° 18 : Effort public en faveur de l'apprentissage entre 2014 et 2016

(en millions d'euros)

Effort financier Etat

2014

2015

2016

Indemnité compensatrice forfaitaire (prime à l'apprentissage)

431
dont 117 TICPE

280
dont 255 TICPE

234 (TICPE)

Exonération des cotisations sociales

1 156

1 276

1 249

Crédit d'impôt

435

400

410

Exonérations Impôt sur le revenu

335

355

375

Aide au recrutement

-

36

60 TICPE (prévisionnel)

Aide TPE-Jeunes apprentis

-

23

222

Affectation de TICPE pour compléter la ressource régionale à l'apprentissage

-

146

148

Total ETAT

2 357

2 516

2 698

Total ETAT hors primes Régions

1 926

2 200

2 404

Evolution des ressources « taxes »
TA / CDA et CSA

avant/après réforme*

2014

2015

2016

Régions

1 572

1 491

1 494

CFA et SA

878
dont 150
en provenance
du barème

1 010

1 012

Ecoles et organismes (hors CFA)

744

672

674

Total taxes

3 194

3 173

3 180

Total effort apprentissage (hors écoles - barème)

4 807

5 017

5 204

Source : DGEFP

2. Des crédits stables par rapport à 2015

Les recettes du compte d'affectation spéciale atteindront 1,49 milliard d'euros en AE et CP l'an prochain, soit le même niveau que celui prévu cette année par le PLF 2015.

Ces recettes financent deux programmes.

Le programme 787, qui désigne la fraction régionale de la taxe d'apprentissage, bénéficiera de 1,395 milliard d'euros en 2016 (soit deux millions de moins que dans le PLF 2015).

Le programme 790, relatif à la correction financière des disparités régionales de taxe d'apprentissage et aux incitations au développement de l'apprentissage, disposera de 95 millions d'euros en AE et CP (soit deux millions de plus que dans le PLF 2015).

La part de la TICPE affectée aux régions, qui n'est pas retracée dans le périmètre du CAS, s'élèvera à 148,3 millions d'euros en vertu des dispositions du VII de l'article 12 de la première partie du PLF 2016 (voir supra ).

Pour mémoire, l'article L. 6241-2 du code du travail prévoit, dans sa rédaction actuelle, que la ressource régionale pour l'apprentissage depuis 2015 doit être égale à 1,544 milliard d'euros 11 ( * ) .

3. La nécessité d'une réforme globale de l'apprentissage

Votre rapporteur pour avis rappelle que le nombre d'entrées en apprentissage a chuté de 8 % en 2013 et 2,9 % en 2014, ce qui relativise la récente hausse de 2,5 % par rapport au troisième trimestre 2014.

L'année dernière, sur proposition de votre rapporteur pour avis, la commission avait donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage », compte tenu de l'absence de pilotage du système d'apprentissage, qui participe à l'augmentation du chômage, et de ses hésitations en matière de prime.

Votre rapporteur constate qu'aucune réforme structurelle n'a été menée depuis un an afin de redonner un nouveau souffle à l'apprentissage.

Suite au déplacement d'une délégation en Allemagne et en Autriche en avril dernier, votre commission poursuit sa réflexion en vue d'une réforme globale de l'apprentissage , en liaison avec la délégation sénatoriale aux entreprises.

*

* *

Lors de sa réunion du mercredi 25 novembre 2015, suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « travail et emploi » sous réserve de l'adoption en séance publique de l' amendement précité de la commission des finances , qui modifiera en profondeur l'enveloppe dédiée aux contrats unique d'insertion.

En revanche, faute d'une réforme globale et ambitieuse de l'apprentissage, elle a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale susmentionné .


* 9 Pour mémoire, le produit de la taxe d'apprentissage est désormais distribué en trois blocs selon les règles définis à l'article L. 6241-2 du code du travail et suivants : 51% au titre de la fraction régionale pour l'apprentissage, 26 % à destination des personnes gestionnaires des centres de formations d'apprentis et des sections d'apprentissage (« quota ») et 23% couvrent les dépenses libératoires des employeurs (« hors-quota »).

* 10 http://www.senat.fr/rap/a14-111-8/a14-111-810.html#toc227

* 11 Si la ressource régionale est inférieure à ce montant, elle est distribuée aux régions en reprenant la même clef de répartition que celle mentionnée à l'article L. 6241-2 du code du travail. En revanche, si elle supérieure, le solde excédentaire est distribué aux régions en fonction des trois critères relatifs à la proportion de la taxe d'apprentissage au niveau national redistribuée à l'échelon régional (60%), au nombre d'apprentis préparant un diplôme inférieur au bac (26%) et supérieur à ce niveau (14%).

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