D. LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER LA « CAP » AU PLUS TARD EN 2018

1. Les propositions de votre rapporteur pour avis pour réformer la CAP

Votre rapporteur pour avis prend acte du fait que le gouvernement ne souhaite pas conduire de réforme de la CAP dans le PLF 2016 contrairement à ce qui avait été envisagé l'année dernière. Il considère que ce report qui a toute les chances de se reproduire, pour les mêmes raisons, l'année prochaine dans le cadre du PLF pour 2017 fragilise grandement la situation des sociétés de l'audiovisuel public compte tenu des garanties insuffisantes qui entourent un financement par la « TOCE » et nécessite de réfléchir, dès maintenant, aux modalités de la réforme qui pourrait être conduite dans le cadre du PLF pour 2018.

Votre rapporteur pour avis a déjà a eu l'occasion de développer ses propositions l'année dernière dans son avis budgétaire 10 ( * ) en estimant qu' « en retenant le principe d'une imposition par foyer nos voisins allemands ont mis en oeuvre une réforme particulièrement solide qui garantit le dynamisme de la ressource et, donc, le financement et l'indépendance de l'audiovisuel public » . Il a également pu préciser sa réflexion il y a quelques semaines dans le cadre d'un rapport d'information 11 ( * ) rédigé conjointement avec notre collègue de la commission des finances André Gattolin.

Ce rapport d'information a établi que les défauts intrinsèques de la contribution à l'audiovisuel public et la situation économique actuelle du secteur audiovisuel public plaident pour une réforme de la CAP destinée à garantir sur le long terme un financement pérenne et prévisible aux sociétés de l'audiovisuel public .

Dans ce contexte, le scénario qui a été retenu par votre rapporteur pour avis et notre collègue de la commission des finances est la mise en place, à compter de l'année 2018, d'une contribution forfaitaire universelle , à l'exemple de la réforme qui a été initiée en Allemagne (voir infra), ainsi qu'une remise à plat du système actuel des remboursements et dégrèvements particulièrement coûteux pour les finances publiques.

Votre rapporteur pour avis n'a pas retenu l'extension de l'assiette de la CAP aux appareils connectés tels que les tablettes et les smartphones . Une telle solution présenterait en effet plusieurs inconvénients notables , pour un rendement supplémentaire limité.

La direction de la législation fiscale (DLF) estime ainsi que l'élargissement de la CAP aux ordinateurs et aux supports connectés ne rapporterait pas de revenus supplémentaires . En revanche, elle aurait des conséquences du point de vue du contrôle de la fraude puisque les effectifs consacrés à cette mission, par nature difficile, devraient être sensiblement augmentés dans la mesure où il est plus aisé de soustraire au paiement de la CAP la possession d'un smartphone ou d'une tablette que d'un poste de télévision. Enfin, les fiscalistes soulignent la difficulté juridique associée à la caractérisation pérenne des objets connectés et des nouveaux supports .

En outre, cette évolution ciblerait d'abord les jeunes.

L'année 2018 semble appropriée à votre rapporteur pour avis pour passer à une contribution universelle, étant donné que le risque d'attrition de l'assiette ne devrait pas peser à court terme du fait du dynamisme persistant du rendement de la CAP. En outre, ce délai permettrait de prendre en compte les conséquences qu'une telle réforme pourrait avoir sur la requalification juridique de la CAP en prélèvement obligatoire , du point de vue du respect des engagements budgétaires européens de la France dans le cadre du programme de stabilité. Enfin, les années 2016 et 2017 pourraient être mises à profit pour étudier attentivement quelles pourraient être les évolutions du système actuel de remboursement et de dégrèvement ainsi que sa prise en charge par le budget général .

En tout état de cause, la réforme proposée par votre rapporteur pour avis et notre collègue André Gattolin n'a pas d'abord vocation à augmenter les ressources attribuées aux sociétés de l'audiovisuel public mais, avant tout, à moderniser l'assiette de la CAP afin de tenir compte des nouveaux modes d'accès aux services audiovisuels, le but étant de rétablir l'égalité de traitement fiscal entre usagers . Cependant, les ressources supplémentaires permises par la réforme pourraient être utilisées à une ou plusieurs des actions suivantes : compenser une diminution de la publicité sur les chaînes du service public audiovisuel, baisser le tarif de la CAP pour l'ensemble des foyers ou permettre à France Télévisions de prendre des participations minoritaires dans des sociétés de production pour sécuriser ses approvisionnements .

2. Le succès confirmé de la réforme menée en Allemagne

Depuis le 1 er janvier 2013, le modèle de financement de l'audiovisuel public ne se fonde plus, en Allemagne, sur la possession de récepteurs (appareils de radiodiffusion, de télévision, et nouveaux récepteurs depuis le 1 er janvier 2007) mais sur l'occupation d'un logement (domaine privé) ou d'un établissement (domaine non privé : entreprises et communes).

Dans le cadre de l'évolution du modèle de financement, le Beitragsservice a procédé à une transformation des « comptes d'usagers » (Teilnehmerkonten) en « comptes de contribution » (Beitragskonten). Dans le domaine privé, chaque foyer actif, c'est-à-dire disposant d'un appareil récepteur et ne s'étant pas désinscrit, a été transformé en compte sous la forme d'un logement. Dans le domaine non privé, les usagers ont été informés en amont des changements prévus pour eux en 2013. Sans réaction de leur part, ils ont été soumis à une contribution transitoire.

Selon l'office chargé de la collecte de la contribution à l'audiovisuel (le Beitragsservice), le surplus de recettes devrait être de 1,5 milliard d'euros 12 ( * ) sur la période 2013-2016 par rapport aux premières prévisions des chaînes publiques allemandes 13 ( * ) (ARD, ZDF, Deutschlandradio, ARTE) en avril 2013.

En outre, la nouvelle contribution à l'audiovisuel public a été évaluée par la Commission de radiodiffusion des Länder deux ans et demi après son entrée en vigueur (1 er janvier 2013). Cette étude conclut au « succès » du nouveau modèle de contribution audiovisuelle et souligne que l'existence du surplus de recettes ne nécessite pas de modifier la structure globale du modèle de prélèvement.

Les ajustements nécessaires restent marginaux et les objectifs principaux de la réforme sont remplis : une stabilité du montant de la contribution semble acquise, après la diminution du tarif de 17,98 euros à 17,50 euros par mois et par foyer intervenue 1er avril 2015 et le système de prélèvement a été confirmé dans sa légalité par la jurisprudence à plusieurs reprises.

Nombre de comptes assujettis à la redevance/contribution

Entre 2012, dernière année avant l'application de la réforme, et 2014, le nombre de comptes assujettis à la redevance (2012), puis contribution (2014), est passé de 41,8 millions à 44,5 millions , soit une augmentation de 2,7 millions de comptes (+6,46%).

En 2013 les autorités chargées de la déclaration de domicile avaient transmis aux instances de régulation des médias des Länder un certain nombre de données. C'est à cette procédure que le Beitragsservice attribue l'importante augmentation des recettes, en raison de l'ampleur imprévue de personnes jusqu'ici non « participantes » à la redevance audiovisuelle et désormais intégrées au système de contribution.


* 10 Avis n° 112 - Tome IV - Fascicule 1 a (2014-2015) pp. 18 et suivantes.

* 11 « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020 », rapport d'information n° 709 du 29 septembre 2015 de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances.

* 12 Le chiffre de 1,5 milliard d'euros est celui, officiel, donné par le Beitragsservice dans un communiqué de presse du 5 mars 2015.

* 13 Sur la période 2009-2012, les recettes totales ont été de 29 433 millions d'euros .

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