B. LA RÉPARTITION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 175 : ENTRE MISE EN oeUVRE DE LA LOI RELATIVE À LA LIBERTÉ DE LA CRÉATION, À L'ARCHITECTURE ET AU PATRIMOINE ET VOLONTÉ DE RATTRAPAGE ?

1. Une répartition contrastée entre les actions

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

Comme le révèle le tableau ci-après, les crédits des actions connaissent des évolutions différentes :

- les crédits des actions 2 « Architecture », 3 « Patrimoine des musées de France », 7 « Patrimoine linguistique » et 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » progressent fortement , puisqu'ils croissent davantage que la mission « Culture » dans son ensemble, pour laquelle le ministère de la culture et de la communication annonce une hausse des crédits de l'ordre de 5,5 % ;

- les crédits de l'action 1 « Patrimoine monumental » progressent également, mais dans une moindre mesure , puisque la hausse ne représente que 3,6 % en CP, maintenant l'enveloppe à un niveau très en deçà de celle de 2012 (- 11 %) ;

- les crédits des actions 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » et 9 « Patrimoine archéologique » évoluent différemment selon qu'il s'agisse des AE ou des CP . Les CP de l'action 9 croissent de 3,8 % en AE, mais reculent de 2,9 % en CP. L'évolution de l'action relative aux archives est la plus contrastée, puisque les AE chutent de 17,6 %, mais les CP progressent encore de 2,4 %.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

Comme l'illustre l'histogramme ci-dessus, l'évolution des crédits des actions du programme 175 en 2017 semble procéder d'une double logique .

Elle s'inscrit, d'une part, dans le nouveau cadre fixé par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine , dont un important volet vise à renforcer la protection du patrimoine et remettre l'architecture et l'architecte au coeur de la qualité de vie des citoyens. Ainsi, la revalorisation des crédits d'intervention de l'action n° 2 « Architecture » (+ 9,59 % en AE et + 9,17 % en CP) doit notamment permettre d'accompagner la mise en place des « sites patrimoniaux remarquables », le nouveau régime d'espaces protégés créé par cette loi en remplacement des secteurs sauvegardés, des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et des aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP) ;

Elle cible, d'autre part, plusieurs actions dont les crédits avaient été significativement réduits au début du quinquennat, laissant à penser que les hausses de crédits consenties pour 2017 doivent aussi permettre de compenser la forte contraction des crédits de certaines actions , notamment en 2013 et 2014.

Ainsi, les crédits de l'action n° 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques », qui avaient été pratiquement réduits de moitié en 2013 et restés relativement stables depuis, connaissent la plus forte progression, à 12,24 % en AE comme en CP. De même, les crédits de l'action n° 3 « Patrimoine des musées de France », qui avaient baissé de plus de 10 % entre 2012 et 2016, progressent de 8,1 % en AE et de 6,4 % en CP et enregistrent la plus forte croissance en volume, avec près de 28 millions d'euros de crédits nouveaux en AE et plus de 21 millions d'euros en CP. En revanche, les crédits de l'action n° 9 « Patrimoine archéologique », qui ont connu une croissance de près de 5 % entre 2012 et 2016, ne progressent que modérément en AE par rapport à la plupart des autres actions du programme (+ 3,8 %) et sont les seuls à reculer en CP (- 2,9 %).

2. La situation des opérateurs
a) Une hausse globale des crédits

Les crédits consacrés aux opérateurs , qui représentent plus de 50 % des dépenses du programme , s'inscrivent également, en 2017, dans la tendance générale à la hausse , même sans tenir compte de l' évolution du périmètre liée à l'intégration du financement de l'établissement public du palais de la porte Dorée-cité nationale de l'histoire de l'immigration (EPPPD-CNHI) sur le programme 175, qui relevait jusqu'ici du programme 224.

Toutes les subventions aux opérateurs progressent , à la fois pour prendre en compte la hausse du point d'indice dans la fonction publique, pour compenser la mise en oeuvre de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique (« loi Sauvadet ») qui prévoit la titularisation de certains personnels contractuels , et pour accompagner le renforcement des mesures de sécurité .

Les revalorisations de crédits de paiement les plus importantes en 2017 concernent les opérateurs suivants :

- la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs Élysées (RMN-GP), dont les subventions pour charges de service public et les dotations en fonds propres progressent de 24,2 % pour permettre le lancement des premiers travaux de restauration du Grand-Palais ;

- le Centre des monuments nationaux (CMN), dont les crédits croissent de 7,7 % pour les motifs salariaux et sécuritaires précédemment évoqués et, dans une moindre mesure, pour conforter les moyens dont il dispose pour l'entretien et la restauration des monuments dont il a la charge ;

- le musée des arts décoratifs , dont les crédits progressent de 6,7 % pour répondre aux besoins de développement de l'établissement, qui s'est donné pour ambition d'accroître le niveau de sa fréquentation et d'attirer davantage le monde du design, et pour renforcer les mesures de sécurité ;

- le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou (CNAC-GP), dont les dotations en fonds propres augmentent de 6,11 % dans la perspective de la rénovation du bâtiment et pour accroître sa subvention d'acquisitions ;

- la Cité de l'architecture et du patrimoine (CAPA), dont les crédits de paiement progressent de 4,8 % pour lui permettre de mieux exercer ses missions de protection des archives et des collections d'architecture, de diffusion de la culture architecturale et patrimoniale auprès du public et de formation auprès des professionnels de l'architecture et du patrimoine.

Les emplois affectés aux opérateurs sont également en croissance (+ 38 équivalents temps plein travaillé - ETPT), même si cette hausse ne profite pas à l'ensemble des opérateurs :

- 73 ETPT sont créés pour renforcer les dispositifs de sécurité de trois opérateurs : le CMN (+ 36 ETPT), l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles (+ 35 ETPT) et l'établissement public du château de Fontainebleau (+ 2 ETPT) ;

- le musée Picasso et le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) enregistrent une croissance de leurs effectifs, respectivement de 3 ETPT et de 1 ETPT ;

- 39 ETPT sont supprimés pour contribuer à l'effort de réduction de l'emploi public ;

Par ailleurs, 22 ETPT sont réintégrés au domaine national de Chambord, sans changement réel pour l'opérateur, puisqu'ils étaient auparavant décomptés hors plafond.

b) Le Centre des monuments nationaux entre satisfaction sur les effectifs et inquiétudes budgétaires

Votre rapporteur pour avis constate avec satisfaction la création de nouveaux emplois au sein du CMN, relevant de surcroît du titre 3, ce qui donne davantage de souplesse d'utilisation. L'établissement a subi de plein fouet les conséquences des différents attentats qui ont endeuillé la France en 2015 et 2016, avec une chute de la fréquentation des principaux monuments qu'il gère et la hausse de ses charges pour renforcer les dispositifs de sécurité. Les trois monuments les plus fréquentés placés sous sa responsabilité, l'Arc de Triomphe, les tours de Notre-Dame et le Panthéon, ont subi des baisses de fréquentation respectivement de l'ordre de 30 %, 23 % et 13 %. D'après les informations communiquées à votre rapporteur, les attentats ont entraîné une chute de fréquentation de 450 000 visiteurs, dont 100 000 pourraient avoir été définitivement perdus du fait de l'accès ralenti aux monuments depuis l'installation de portiques de sécurité.

La capacité financière de l'établissement à engager de nouveaux projets de restauration d'envergure est, en revanche, plus préoccupante . Le montant de la subvention d'investissement versée par l'État en 2017, de 18,93 millions d'euros, est manifestement insuffisant pour permettre à l'établissement de lancer de nouvelles grandes opérations, à l'image des travaux de restauration menés au château de Champs-sur-Marne ou à la Villa Cavrois.

La loi de finances pour 2007 a en effet confié au CMN la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration des monuments nationaux qui lui sont remis en dotation. Une subvention d'investissement est allouée chaque année au CMN pour la restauration, la réparation, l'entretien, l'aménagement, la mise en valeur et l'amélioration de l'accessibilité des monuments historiques dont il a la charge. Jusqu'à ce que le CMN soit pleinement opérationnel pour exercer la maîtrise d'ouvrage - en 2010 -, le montant de cette subvention a été transféré sur un fonds de roulement dédié aux investissements.

Or, c'est justement depuis 2010, au moment où le CMN a commencé à exercer pleinement la maîtrise d'ouvrage, que le montant de la subvention d'investissement a été peu à peu réduit . Dans les premières années, ces baisses de crédits ont pu être absorbées par les réserves constituées par l'établissement sur son fonds de roulement. Mais, ces réserves sont aujourd'hui pratiquement épuisées, sans que la subvention d'investissement ne soit revue à la hausse, alors même que les besoins du CMN en la matière sont évalués à 30 millions d'euros. En effet, la programmation de travaux s'élève en 2016, hors hôtel de la Marine, à 31 millions d'euros, un niveau d'engagements similaire à ceux de 2013 ou 2014, et qui se justifie par les urgences sanitaires, comme pas la nécessité d'améliorer la présentation et l'accessibilité de certains monuments, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

La sous-dotation de l'État en crédits d'investissement conduit le CMN à reporter plusieurs opérations initialement prévues pour 2017, tels que la deuxième phase des travaux de restauration du Panthéon, qui devait porter sur le péristyle pour un montant de 12 millions d'euros, la restauration des façades et de la couverture de la Merveille du Mont-Saint-Michel ou la restauration de la Grande Cascade du Domaine de Saint-Cloud et de ses abords. Votre rapporteur pour avis comprend d'autant moins cette sous-dotation que le succès touristique qui suit ces phases de restauration est généralement au rendez-vous, avec de fortes retombées sur l'économie locale , au moment du chantier et ensuite.

Il observe par ailleurs que la faiblesse des crédits d'investissement risque d'avoir des effets désastreux sur l'entretien régulier des monuments nationaux gérés par l'établissement , dont on sait pourtant l'intérêt pour éviter, à terme, des travaux de restauration de grande ampleur, nécessairement coûteux. Face à cette situation, le CMN n'aura d'autre choix que de se concentrer sur les travaux les plus urgents ou ceux jugés prioritaires. Pour 2017, le Président de l'établissement a ainsi confirmé à votre rapporteur pour avis la poursuite de certaines opérations déjà engagées, qu'il s'agisse, par exemple, des travaux de restauration du château d'Azay-le-Rideau, du château de Voltaire à Ferney ou du cloître du Mont-Saint-Michel. Il a par ailleurs indiqué que les travaux du clos et du couvert sur l'Hôtel de la Marine débuteraient effectivement en 2017, mais il s'agit d'une opération particulière financée, pour 10 millions d'euros, par les ministères chargés des affaires étrangères et de la défense, pour 9,5 millions d'euros par le CMN sur ses fonds propres - à partir de son fonds de roulement « gestion » -, et pour 80 millions d'euros par un prêt. Enfin, une nouvelle opération devrait être lancée pour permettre la restauration du monastère royal de Brou.

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