II. MONUMENTS HISTORIQUES ET ESPACES PROTÉGÉS : DES EFFORTS QUI DOIVENT ÊTRE POURSUIVIS

A. 2017 : ANNÉE DU SURSAUT ?

1. Un patrimoine mieux protégé sur le plan juridique

La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine , a profondément modifié le livre VI du code du patrimoine, qui traite des questions relatives aux monuments historiques et aux espaces protégés.

Elle a garanti la protection de certains biens qui n'était jusqu'ici pas assurée en tant que telle en droit français :

- elle a intégré au droit national le principe de la protection des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et fixé les principales règles qui s'imposent à l'État et aux collectivités territoriales au titre de cet engagement ;

- elle a instauré une protection spécifique aux domaines nationaux , définis comme les ensembles immobiliers présentant un lien exceptionnel avec l'histoire de la nation et dont l'État est, au moins pour partie, propriétaire.

Elle a encadré plus strictement les cessions de monuments historiques appartenant à l'État , en soumettant les projets d'aliénation à l'avis préalable de la nouvelle Commission nationale du patrimoine et de l'architecture et aux observations du ministre chargé de la culture.

Elle a complété l' arsenal législatif de lutte contre le dépeçage et la dispersion de notre patrimoine :

- elle a mis en place un régime d'autorisation préalable au détachement des effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure d'un immeuble classé ou inscrit , pour éviter que des ornements ou des éléments de décor puissent être déposés, faisant perdre aux édifices ainsi dépouillés une bonne part de leur intérêt historique ou artistique ;

- elle a posé le principe de la nullité de l'acquisition d'un bien meuble ou immeuble qui aurait été illégalement détaché d'un monument historique.

Elle a également complété les règles relatives à la protection des objets mobiliers :

- elle a ouvert la possibilité d'un classement pour les ensembles ou collections d'objets mobiliers qui apparaîtraient remarquables « au point de vue de l'histoire, de l'art, de l'architecture, de l'ethnologie, de la science ou de la technique » et dont la conservation en tant qu'ensemble cohérent revêtirait, de ce fait, un intérêt public ;

- elle a permis que puisse être prononcée, avec l'accord du propriétaire et moyennant indemnité, une servitude de maintien dans les lieux pour les objets et ensembles présentant un lien artistique ou historique fort avec l'immeuble classé dans lequel ils sont situés , au point de donner à l'ensemble une qualité et une cohérence exceptionnelles.

Enfin, elle a modifié certains outils existants dans l'objectif d'en simplifier le fonctionnement et d'en accroître l'efficacité. C'est notamment le cas des sites patrimoniaux remarquables , le nouveau régime d'espace protégé qui s'est substitué, depuis juillet dernier, aux régimes des secteurs sauvegardés, des ZPPAUP et des AVAP et doit permettre de valoriser le patrimoine urbain et rural, auquel le Sénat a largement contribué, au cours des débats, à donner la forme qu'il a aujourd'hui. Il s'applique aux « villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public », ainsi qu'aux « espaces ruraux et les paysages qui forment avec ces villes, villages ou quartiers un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur ».

Si la loi du 7 juillet 2016 a prévu la transformation automatique et immédiate des secteurs sauvegardés, ZPPAUP et AVAP en sites patrimoniaux remarquables, elle a reporté à l'examen de la loi de finances pour 2017 le débat autour du dispositif « Malraux » prévu à l'article 199 tervicies du code général des impôts, se contentant de poser le principe de sa préservation. Ce dispositif, mis en place en 1977 dans les secteurs sauvegardés, accorde à l'investisseur un avantage fiscal pour les travaux de conservation ou de restauration réalisés sur un immeuble d'habitation destiné, après l'opération, à la location pour une durée minimale déterminée, à usage de résidence principale du locataire. Il a été étendu en 1992 aux ZPPAUP, puis aux AVAP, mais avec un taux de réduction d'impôt inférieur à celui octroyé dans le périmètre d'un secteur sauvegardé (22 % contre 30 %).

Pour tenir compte de la logique de simplification qui a présidé à la création des sites patrimoniaux remarquables et éviter les effets d'éviction , il serait cohérent d'abandonner les taux différenciés au profit d'un taux unique . Il est vrai que la loi du 7 juillet 2016 a donné la possibilité d'inscrire les règles de protection qui s'appliquent dans le périmètre du site patrimonial remarquable, soit dans un plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine (PVAP), soit dans un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), plus protecteur parce qu'il peut également comporter des mesures concernant la protection des intérieurs. Mais, le dispositif fiscal profitant aux propriétaires et non aux collectivités territoriales, le maintien de taux différenciés selon la nature du document de protection retenu ne rendra pas l'élaboration d'un PSMV plus attractive pour les collectivités territoriales. En revanche, plus le taux de ce dispositif sera élevé, plus les propriétaires seront encouragés à réaliser des travaux favorisant la protection du patrimoine dans ces espaces , ce qui plaide davantage pour retenir comme taux unique celui actuellement applicable aux secteurs sauvegardés, de 30 %.

Cette logique ne semble pas être celle retenue par le Gouvernement, qui propose, à l'article 22 du projet de loi de finances rectificative pour 2016, d'appliquer un taux de réduction différent selon que les travaux portent sur un immeuble situé dans un site patrimonial remarquable couvert par un PSMV (30 %) ou par un PVAP (22 %).

2. Une hausse des crédits qui profite davantage aux grand projets

Les crédits de l'action 1 « Patrimoine monumental » progressent de plus de 26 millions d'euros en AE , à 375,76 millions d'euros ( + 7,5 % ), et de 11,71 millions d'euros en CP , à 335,82 millions d'euros ( + 3,6 % ).

95 % de ces crédits sont consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques , un poste de dépenses auquel une hausse sensible est accordée de 16,8 % en AE , à 358,67 millions d'euros, et de 8,5 % en CP , à 318,75 millions d'euros.

10 % des crédits d'entretien et de restauration des monuments historiques sont destinés au financement des grands projets de restauration. C'est particulièrement sur ces grands projets , qui portent exclusivement sur des monuments historiques situés à Paris et en Ile-de-France , que se concentre l'effort du ministère , avec une hausse des crédits de près de 15 millions d'euros en AE, à 45,58 millions d'euros ( + 46,5 % ), et de 6,5 millions d'euros en CP, à 25,55 millions d'euros ( + 34,2 % ). Quatre projets sont concernés :

- la poursuite de la deuxième phase de travaux du schéma directeur d'investissement du château de Versailles ;

- la poursuite des études et l'engagement des premiers travaux de restauration du Grand Palais ;

- l'inscription de nouveaux crédits pour deux projets de travaux : la poursuite de la restauration du quadrilatère Richelieu et le lancement de travaux de restauration urgents sur le quadrilatère des hôtels de Rohan et de Soubise , qui abritent à Paris les Archives nationales.

Les crédits dédiés aux monuments historiques hors grands projets sont en très légère hausse en 2017 : ils progressent de près de 6 millions d'euros en AE, à 313,09 millions d'euros (+ 1,9 %), et sont stables en CP, à 293,2 millions d'euros (- 0,2 %). Ces crédits se décomposent en crédits d'entretien et crédits de restauration.

Votre rapporteur pour avis salue l'effort pour revaloriser l'enveloppe dédiée aux crédits d'entretien , qui progresse de 1,6 %, à 48,85 millions d'euros en AE et 48,86 millions d'euros en CP, permettant de faire passer l'effort d'entretien au-dessus de la cible des 15 % (15,6 % en AE et 16,6 % en CP). Ces crédits financent :

- pour 26,39 millions d'euros, l'entretien des monuments historiques appartenant à l'État , dont 7,58 millions d'euros de crédits centraux pour l'entretien des monuments nationaux et 18,8 millions d'euros de crédits déconcentrés pour l'entretien des monuments historiques dont l'État est propriétaire sur tout le territoire, parmi lesquels les quatre-vingt-six cathédrales ;

- pour 22,47 millions d'euros, des subventions de fonctionnement versées aux collectivités territoriales ou à des particuliers pour les travaux d'entretien qu'ils réalisent sur les monuments historiques, orgues et objets mobiliers dont ils sont propriétaires. Le projet annuel de performances précise que les crédits sont destinés en priorité au patrimoine classé et que l'aide de l'État à ce titre varie entre 20 % et 50 %. Votre rapporteur pour avis observe que ce sont ces crédits qui connaissent la plus forte progression (+ 3,5 %).

En revanche, les crédits de restauration des monuments historiques hors grands projets connaissent une évolution plus contrastée . Avec 232,39 millions d'euros en CP, ils se contractent de 0,8 %, mais progressent de 1,9 % en AE, à 252,28 millions d'euros. Ces crédits financent :

- pour 111,60 millions d'euros en AE et pour 91,79 millions d'euros en CP, la restauration des monuments historiques appartenant à l'État , dont :

- 18,93 millions d'euros de subvention d'investissement au CMN ;

- 33,24 millions d'euros en AE et 26,09 millions d'euros en CP de crédits centraux pour les bâtiments situés en région parisienne dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), à l'exemple du Palais de Chaillot, de l'Opéra Garnier, du château de Saint-Germain-en-Laye ou du château d'Ecouen, pour le patrimoine historique appartenant au ministère de la défense, pour les résidences présidentielles, pour la restauration des Pieux Établissements à Rome ou au titre des réserves pour les opérations d'urgence ;

- 59,43 millions d'euros en AE et 46,77 millions d'euros en CP de crédits déconcentrés pour financer les opérations de restauration conduites en région sous la maîtrise d'ouvrage des DRAC. Sont notamment concernés par cette enveloppe les travaux sur les cathédrales (cathédrale de Soissons, cathédrale de La Major) ;

- pour 135,68 millions d'euros en AE et 139,60 millions d'euros en CP, des subventions d'investissement aux collectivités territoriales ou aux propriétaires privés pour les opérations de restauration qu'ils engagent au titre desquelles ils assurent eux-mêmes la maîtrise d'ouvrage . Le projet annuel de performances précise que « le montant de la participation de l'État est généralement compris entre 30 % et 50 % du coût des travaux pour les monuments historiques classés et entre 15 % et 25 % pour les monuments historiques inscrits ».

- pour 5 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP, une provision pour les imprévus en cours d'année, tel un incendie ou une tempête, ou des opérations particulièrement complexes en région.

Les autres crédits du patrimoine monumental, qui représentent une part mineure du programme (5 %), financent essentiellement le fonctionnement des institutions oeuvrant dans le domaine patrimonial. Ils progressent de 2,6 millions d'euros en AE et en CP pour s'établir au-dessus de 17 millions d'euros (+ 18 % ). Ces augmentations permettent notamment d' abonder la subvention de fonctionnement du Centre des monuments nationaux , qui progresse d'1,5 million d'euros à 8,2 millions d'euros, et celle du domaine de Chambord (1 million d'euros contre 880 000 en 2016). Une enveloppe de 580 000 euros est prévue au titre du renforcement des dispositifs de sécurité .

Au-delà des crédits de l'action 1 dédié au patrimoine monumental, l'action 2 « Architecture » comporte également des crédits destinés à la mise en oeuvre du régime des sites patrimoniaux remarquables instauré par la loi du 7 juillet 2016 . Le projet annuel de performances pour 2017 indique que 7,90 millions d'euros de crédits d'investissement sont prévus pour accompagner la création des nouveaux sites patrimoniaux remarquables, l'élaboration des PVAP et PSMV et la révision des documents de protection qui couvraient les anciens secteurs sauvegardés, ZPPAUP et AVAP.

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