B. LE JEU FRANÇAIS : LE DÉFI DE L'INDÉPENDANCE

1. Une pratique culturelle de masse
a) Un loisir intergénérationnel

Avec 12 heures et 17 minutes passées en moyenne chaque semaine à jouer en 2015 , soit 1 heure et 45 minutes de plus qu'en 2011, le jeu vidéo représente le second loisir culturel des Français , juste après la télévision. De fait, alors que l'on ne comptait que 29 % de joueurs réguliers au sein de la population française en 2005, ce niveau s'établit, en 2015, à 53 % et atteint 74 % s'agissant des joueurs occasionnels. 24 % des joueurs déclarés pratiquent quotidiennement.

Temps hebdomadaire alloué à la consommation d'activités culturelles et créatives par les Français de 10 ans et plus

(2012 par rapport à 2011)

Source : GfK - enquête 2012 auprès de 2 305 répondants/EY,
Panorama des industries créatives et culturelles en France, novembre 2013

L'âge moyen demeure stable à 35 ans (37 ans pour les hommes et 33 ans pour les femmes) ; il était de 21 ans en 2000. La proportion de femmes atteint 44 %, contre seulement 20 % en 2000. Le jeu vidéo est ainsi passé en quinze ans d'un loisir jeune et majoritairement masculin à une pratique de masse intergénérationnelle. On estime d'ailleurs à 46 % et 32 % la proportion des foyers français équipés respectivement en consoles de salon et en consoles portables, même si le mobile apparaît comme le premier vecteur de démocratisation du jeu, qui représente 49 % du temps passé sur ces équipements.

Chaque génération pratique désormais un ou plusieurs jeux vidéo. Aux deux extrémités de la population, l'intégralité de la population des 10-14 ans appartient à la catégorie des joueurs ; c'est également le cas de 59 % des plus de 55 ans (ils n'étaient que 6 % en 2000). À compter de 2017, des maisons de retraite s'équiperont avec la Wii de Nintendo, première console à détection de mouvements, en vue de proposer de nouvelles formes d'activité sportive à leurs résidents. La pratique du jeu est également collective et familiale . Ainsi, les parents, qui représentent 35 % des joueurs affirment à 57 % pratiquer cette activité avec leurs enfants.

Les usages et genres de jeux varient considérablement avec l'âge , ce qui explique des ventes très différenciées selon les catégories : 32 % des jeux vendus en 2015 affichent un pictogramme PEGI 3 (jeu adapté aux enfants âgés de trois à sept ans), tandis que 34 % sont des productions destinées aux majeurs (PEGI 18).

Pourcentage de joueurs par tranche d'âge

Source : Étude SELL/GfK « Les Français et le Jeu Vidéo » -
Sur une base de 1002 personnes âgées de 10 à 65 ans/Octobre 2015

S'agissant des supports, 67 % des joueurs jouent sur PC, 54 % sur consoles de salon, 49 % sur mobiles, 29 % sur consoles portables, 33 % sur tablettes et 13 % en ligne.

En 2015, en volume comme en valeur, le podium pour le marché physique, toutes plateformes confondues, est occupé par les superproductions Fifa 16 d'Electronic Arts, Call of Duty : Black ops 3 d'Activision Blizzard et GTA 5 de Take-two Interactive. Les deux premiers jeux ont dépassé le million d'exemplaires vendus.

Les jeux français réalisent également de remarquables résultats , bien que plus modestes. S'ils ne représentent que 3,4 % du marché en valeur, à 90 % issus de la vente de jeux pour consoles de salon, leur design et leur originalité sont prisés par les consommateurs. De fait, y compris pour les plus modestes créations sur mobiles, les joueurs sont à la recherche d'une haute qualité graphique et narrative que proposent souvent les studios hexagonaux.

Jeux les plus vendus par genres en 2015

(en millions d'unités - Marché physique)

Source : GfK / Données panel marché physique à fin 2015

b) « Le paradoxe d'Arte »

En 2001, le Grand Palais organisait la première exposition d'envergure dédiée en France au jeu vidéo. En 2004, Gran Turismo 4 , avec 19 millions d'euros de recettes, s'affichait comme le premier produit culturel vendu en France, dépassant les résultats du film Shrek 2 de DreamWorks comme du roman Da Vinci Code de Dan Brown. Deux ans plus tard, pour la première fois, trois créateurs de jeux sont faits chevaliers de l'ordre des Arts et des Lettres. Puis, en 2012, grâce à un partenariat entre le constructeur et le célèbre musée, la Nintendo 3DS entre au Louvre, pour offrir aux visiteurs des visuels en réalité augmentée en sus des habituels commentaires audio.

Pour autant, le jeu vidéo comme pratique culturelle demeure encore fort peu considéré au pays des Lumières. Selon une étude commandée par le ministère de la culture et de la communication en 2016, seuls 7 % des Français considèrent que le jeu vidéo constitue, par nature, un objet culturel .

Le résultat est certes meilleur que le score de la téléréalité (5 %), mais il apparaît nettement inférieur à ceux obtenus par les musées (84 %), la presse (58 %), la philatélie (25 %), la danse entre amis (21 %) ou la chasse et la pêche (15 %).

Parmi les trois disciplines considérées comme les moins « culturelles » parmi les 27 soumises au sondage figurent, outre le jeu vidéo, les séries télévisées (13 %) et la téléréalité, activités ayant pour point commun d'avoir une pratique indissociablement liée à un écran, symbole de passivité et d'un potentiel abrutissement de celui qui s'y adonne. La réputation de violence qui s'attache au jeu vidéo représente également, pour les sondés, une caractéristique qui l'éloigne du concept de culture.

Le manque de considération affiché par les Français pour un loisir qu'ils pratiquent par ailleurs assidument fait dire à Oscar Brada, conseiller artistique à la Gaîté Lyrique, espace parisien dédié aux cultures numériques, dans un entretien réalisé par Le Monde le 28 septembre 2016 : « On est en plein dans le paradoxe d'Arte. C'est la chaîne la plus regardée si on en croit les déclarations, alors que c'est loin d'être celle qui fait le plus d'audience. C'est un rapport à la culture très français ».

Votre rapporteur pour avis partage cette réflexion, tout en rappelant que les résultats de cette étude, au demeurant sociologiquement fort intéressants, résultent également de la méconnaissance d'une partie de la population quant à la diversité de la production de jeux , dont certains offrent une qualité culturelle, narrative et pédagogique indéniable. Oscar Barda livre à cet égard une réflexion de bon sens : « les gens ne connaissent que les jeux vidéo qui ont de l'argent pour se faire connaître. Il leur est imposé une image du jeu qui est Call of Duty ou Mario . Ça revient à considérer que la nourriture, c'est McDo et c'est tout. »

2. Une production française de qualité
a) Des formations internationalement reconnues

Loin des acteurs historiques, géniaux autodidactes du jeu à la française, les évolutions technologiques et le développement galopant de la production ont rendu nécessaire le recrutement massif de jeunes diplômés dûment formés aux exigences techniques et artistiques de l'industrie .

La France compte une cinquantaine de formations en matière de jeu vidéo, toutes professions confondues, dont une vingtaine sont jugées d'excellente qualité par la filière , même si la tendance à former de nombreux graphistes et designers de jeux ne correspond pas toujours aux besoins des studios, qui recherchent des codeurs et programmateurs encore trop rares . Dans un souci d'identification pour les étudiants, futurs étudiants et employeurs, le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) en a rassemblé douze dans un réseau unique , dont le portail Internet a été mis en ligne en octobre 2016.

Parmi ces écoles, Rubika représente aujourd'hui l'un des fleurons français en la matière, issu d'une première formation en jeu vidéo créée en 1987 à l'initiative de la chambre de commerce et d'industrie du Grand Hainaut, dans la région industriellement dévastée de Valenciennes. Désormais baptisée Rubika depuis la fusion de l'Institut supérieur de design de Valenciennes, de Supinfocom et de Supinfo Game, elle est l'une des rares écoles à former, grâce à des passerelles originales entre les différents cursus proposés, des techniciens intervenant à la fois dans l'univers du cinéma, des jeux vidéo et du design industriel . Si cette triple spécialisation pouvait surprendre il y a encore quelques années, la convergence des univers en a fait la formule du succès de l'école.

La participation des étudiants à de nombreux projets et concours, intégrés à la scolarité, a, avec une quarantaine de prix et récompenses gagnés depuis 1987, contribué à la notoriété de l'école dans l'univers très fermé du jeu vidéo. Cette reconnaissance profite avant tout aux élèves qui, à 80 %, décrochent, dans un délai inférieur à trois mois, un emploi à l'issue de leur formation.

Rubika ne cesse désormais de se développer et forme aujourd'hui, au terme d'un cursus de cinq ans, 1 500 jeunes chaque année dans le cadre de son nouveau campus valenciennois installé dans l'ancienne usine Vallourec. Elle exporte également son savoir-faire à l'étranger : après la création d'un établissement en Inde, à Pune, en 2008 - 650 étudiants y sont inscrits pour l'année 2016-2017, contre seulement 15 à ses débuts -, la rentrée 2007 verra l'ouverture d'une structure à Montréal.

Comme sa concurrente parisienne et première à ouvrir une formation spécialisée, l'école d'arts graphiques des Gobelins, l'établissement est mondialement connu pour l'exigence de sa formation : 40 % de ses 3 200 diplômés des trente dernières années exercent dans une cinquantaine de pays étrangers, en particulier au sein des plus prestigieux studios de jeu nord-américains, japonais ou coréens.

À cet égard, le président du SNJV indiquait à votre rapporteur pour avis, lors de son audition, que les jeunes diplômés français continuent à partir en Asie, aux États-Unis et au Canada, mais dans des proportions bien moindres que dans les années 1990-2000, lorsque l'industrie française du jeu vidéo vivait une crise importante. Les Français continuent, et votre rapporteur pour avis s'en réjouit, à être sélectionnés pour la qualité de leur formation, équilibre efficace entre créativité artistique et maîtrise technologique , tout en faisant état d'un niveau de culture générale rare dans ce milieu et fort apprécié en matière de narration.

b) Des créateurs à succès qui tiennent à leur indépendance

Pour la deuxième année consécutive, l'année 2015 affiche une croissance insolente du marché du jeu vidéo en France (+ 6 %) et un confortable chiffre d'affaires de 2,87 milliards d'euros . En dix ans, malgré des périodes de creux, le marché a crû de près de 300 %. La demande fut notamment exceptionnelle en fin d'année et les ventes enregistrées au mois de décembre se sont établies à un niveau record.

La croissance du marché est majoritairement tirée par la vente de jeux (+ 7 % à 1,6 milliard d'euros) et d'accessoires (+ 13 % à 305 millions d'euros) .

Répartition du chiffre d'affaires

( en millions d'euros )

Source : Estimation SELL, à partir des données GfK à fin 2015

Par ailleurs, la transition vers les consoles de génération 8 (Nintendo 3DS, PS Vita, Nintendo Wii U, Xbox One, Playstation 4) est arrivée à son terme. Le marché de la vente de consoles a logiquement chuté de 6 % en 2015, en raison de la diminution de 69 % du chiffre d'affaires généré par les consoles de génération 7.

Le dynamisme du marché se manifeste également par la poursuite de l'évolution des usages vers le digital , qui multiplie les modes de consommation du jeu. Dans les années à venir, la vente à grande échelle de casques de réalité virtuelle et la généralisation du jeu en streaming devraient accélérer ce phénomène et générer de nouveaux revenus pour l'industrie du jeu.

Les perspectives pour 2016 et 2017 font état d'une poursuite de la croissance du marché à un niveau élevé avec, notamment, l'arrivée de nouveaux jeux destinés aux consoles de génération 8. La commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dans un récent rapport sur les industries culturelles à l'ère numérique 12 ( * ) ne prévoit pas autre chose pour l'avenir : « les enjeux émergents semblent concerner principalement le cloud gaming , tandis que les possibilités encore mal définies de la réalité augmentée et des terminaux immersifs (comme le casque de réalité virtuelle Oculus Rift, acquis par Facebook pour près de deux milliards de dollars en 2014) font leur apparition ». Elle estime d'ailleurs que, parmi les industries culturelles, « le secteur du jeu vidéo est celui qui paraît le mieux armé culturellement et technologiquement pour accompagner la transformation numérique de la production, de la distribution et de la consommation de ses contenus ».

La croissance du marché après une période de disette entraîne de nombreuses créations d'emplois (1 000 par an depuis 2014 sur un total de 5 000 salariés en production). Demeure toutefois une véritable fragilité économique de certains studios, dont 60 % ont moins de cinq ans d'existence.

Selon la CNIL, « désormais, deux grands modèles d'affaires coexistent : d'un côté, les grands studios développent des projets coûteux, nécessitant un investissement considérable en termes de marketing et les jeux sont de ce fait proposés à un prix élevés ; d'un autre côté, une multitude de studios (Gameloft, Zynga, King, etc.) proposent des jeux freemium ou entièrement gratuits, avec des prétentions plus modestes, un potentiel viral plus élevé et une logique de monétisation très différente ».

Les studios français appartiennent majoritairement à la seconde catégorie, bien qu'il existe plusieurs sociétés de grande taille. L'enjeu, dans un secteur hautement concurrentiel et sous-capitalisé (cf supra ) est, au-delà des stricts résultats commerciaux des jeux produits, de conserver un niveau d'indépendance suffisant pour assurer sa liberté de création.

Le récent conflit, largement médiatisé, qui a opposé le géant français (10 000 salariés) du jeu vidéo à succès Ubisoft ( Assassin's Creed , Watch Dog , The Division , Rayman , etc.) à Vivendi, avait justement l'indépendance comme enjeu. Les joueurs ne s'y sont pas trompés et ont massivement soutenu l'entreprise sur le site « we love Ubisoft », lancé à l'occasion des trente ans de la société, et sur les réseaux sociaux. Vivendi, qui a déjà racheté le studio Gameloft, détient déjà 22,8 % de l'éditeur de jeu et 20,2 % des droits de vote au conseil d'administration. Pour maintenir sa position, Ubisoft a rajouté plus de 3,6 millions de titres détenus par la Banque publique d'investissement (Bpifrance). À ce jour, les positions semblent gelées, jusqu'au prochain épisode.

Sans nier l'intérêt qu'il peut y avoir à créer des synergies entre acteurs des industries culturelles , votre rapporteur pour avis juge essentiel que les studios français, quel que soit leur chiffre d'affaires, puissent maintenir leur indépendance au bénéfice d'une création libre et de qualité, tout en disposant des moyens d'innover et de s'adapter aux évolutions technologiques.

3. Un soutien public à faire évoluer
a) Un crédit d'impôt dynamique à mieux calibrer pour une efficacité renforcée

Le crédit d'impôt pour les dépenses de jeu vidéo (CIJV), en application depuis 2008, a pour finalité de préserver et accroître la productivité des entreprises de création de jeux vidéo . Il permet aux studios installés en France de déduire 20 % des dépenses éligibles de leur impôt dû pour la production de jeux vidéo contribuant à la diversité de la création française et européenne .

Le CIJV a été renforcé par la loi n° 2013-1279 du 30 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013. Depuis la décision de la Commission européenne du 11 décembre 2014, puis à la parution du décret n° 2015-722 du 23 juin 2015, trois modifications principales sont entrées en application, entraînant, depuis, la relocalisation de plusieurs productions sur le territoire national :

- l'abaissement du seuil d'éligibilité du coût de développement des productions de 150 000 euros à 100 000 euros afin de faire accéder au dispositif des jeux au budget plus modeste, correspondant à l'émergence des nouveaux marchés du jeu mobile et du jeu indépendant ;

- la prise en compte, dans l'assiette des dépenses éligibles, des dépenses salariales des personnels techniques et administratifs pour autant qu'elles concourent à la création du jeu vidéo auquel le crédit d'impôt est attribué ;

- l'éligibilité de certains jeux destinés à un public adulte classés « 18 + » par le système de classification paneuropéen PEGI, dès lors qu'ils contribuent de façon significative au développement et à la diversité de la création et répondent à un critère supplémentaire lié à la contextualisation de la violence qu'ils diffusent, à l'exception des jeux à caractère pornographique. Cette mesure permet d'ouvrir le régime à des projets innovants et ambitieux sur le plan créatif et narratif, qui présentent de ce fait des coûts de production élevés .

En 2016, la dépense fiscale liée au CIJV générée par les dépenses de production réalisées en 2015 atteindra 9,3 millions d'euros , contre 5,3 millions d'euros l'année précédente. Les prévisions pour 2017 sont estimées entre 16 et 17 millions d'euros . Cette forte progression est due en partie à l'augmentation du nombre d'oeuvres produites (31 oeuvres bénéficiaires du CIJV au titre de 2015, contre 27 en 2014), mais surtout à l'accroissement des budgets de production (41 millions d'euros de dépenses de production en 2015 pour seulement 26 millions d'euros en 2014), tenant à l'intégration dans le dispositif de jeux dits « AAA » classés « 18 + » , à l'instar de Tom Clancys Ghost Recon : Wildlands , édité par Ubisoft pour 38 millions d'euros de dépenses de production réalisés en France sur deux ans.

Lévan Sardjevéladzé, nouveau président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), auditionné par votre rapporteur pour avis, a salué le dispositif du CIJV. Tout en en rappelant les limites, il a néanmoins appelé à son élargissemen t à l'occasion de la prochaine notification du prolongement de l'aide auprès de l'Union européenne, pour en accroître l'efficacité au profit des studios français confrontés à une redoutable concurrence internationale , dont les sénateurs André Gattolin et Bruno Retailleau se faisaient l'écho en 2013 dans le cadre de leurs travaux sur l'industrie du jeu vidéo 13 ( * ) .

Plusieurs modifications pourraient ainsi utilement être apportées :

- l'augmentation du taux de 20 à 30 % des dépenses éligibles , sur le modèle de la réforme récente du crédit d'impôt cinéma, pour rendre la mesure plus attractive au regard des dispositifs étrangers . Pour mémoire, ce taux atteint 25 % au Royaume-Uni ; le modèle mérite d'être considéré alors que la perspective de la concrétisation du « Brexit » pourrait convaincre de nombreux studios d'installer leur siège social sur le territoire français. Quantic Dream a annoncé envisager d'installer en France, si une telle réforme était mise en oeuvre, ses 250 salariés implantés en Chine. En termes d'emploi comme de rayonnement international, l'enjeu est donc de taille ;

Le dispositif britannique : un modèle à considérer

Dans la perspective de « transformer le Royaume-Uni en centre technologique de l'Europe » , le pays a mis en place, un abaissement fiscal ( tax relief ) pour les industries du jeu vidéo, de l'animation et de la création télévisuelle . Au 1 er avril 2014, a, à cet effet, été étendu le dispositif de crédit d'impôt audiovisuel et cinéma au jeu vidéo , avec notamment :

- une part minimum de 25 % du budget total localisé au Royaume-Uni pour que le projet soit éligible au crédit d'impôt ;

- un test culturel transposé de celui en vigueur pour les programmes audiovisuels et adapté très marginalement au secteur du jeu vidéo (notamment pour les postes clés) ;

- un taux de crédit d'impôt de 20 % si le projet présente des dépenses au Royaume-Uni inférieures à 20 millions de livres et 25 % lorsqu'elles sont supérieures à ce seuil ;

- un plafonnement des dépenses éligibles à 80 % des dépenses totales réalisées sur le territoire national.

Le 27 mars 2014, la Commission européenne a conclu, après une enquête approfondie, que le projet britannique d'accorder certains allègements fiscaux à des fabricants de jeux vidéo était conforme aux règles européennes en matière d'aides d'État. Elle a estimé, en particulier, que la mesure incite les créateurs à concevoir des jeux respectant certains critères culturels, conformément aux objectifs fixés par l'Union.

Source : ministère de la culture et de la communication

- l'augmentation du plafond d'aide , afin de renforcer l'intérêt du dispositif pour les productions les plus coûteuses . La France produit en effet trop peu de jeux « AAA », chers à produire mais en mesure de représenter de remarquables succès commerciaux, alors que le crédit d'impôt est plutôt calibré pour soutenir des productions de moyenne envergure à un ou deux millions d'euros ;

- la simplification de l'accès au CIVJ , notamment via un assouplissement du critère de narration , afin d'y rendre éligibles de plus nombreux jeux et, partant, un nombre plus élevé de studios. De fait, la construction actuelle du dispositif le destine majoritairement aux jeux narratifs (95 % du montant d'aide distribué), notamment d'aventure, au détriment des jeux de simulation, pourtant extrêmement en vogue auprès du public.

b) Des aides limitées en faveur de l'innovation

Cofinancé par le ministère de l'économie et des finances et le CNC, géré par le CNC et doté en moyenne de 3 millions d'euros par an , le fonds d'aide au jeu vidéo (FAJV) a pour objectif de soutenir la recherche et développement, l'innovation et la création dans le secteur du jeu vidéo, à travers deux dispositifs - l'aide à la pré-production et l'aide à la création de propriétés intellectuelles - complétés par un soutien, modeste, aux opérations à caractère collectif destiné à l'accompagnement de colloques, journées professionnelles, festivals de portée nationale ou internationale, qui relèvent de la promotion du jeu vidéo.

Créée en 2003, l'aide à la pré-production apporte aux studios un accompagnement financier à l'innovation dans la phase de réalisation d'un prototype non commercialisable. Elle vise à soutenir le travail d'études sur les composantes nécessaires à la création d'un jeu vidéo et à identifier les contraintes techniques à lever. Son montant, attribué à parts égales sous forme d'avance remboursable et de subvention, est plafonné à 35 % des dépenses de pré-production du jeu jusqu'à la réalisation d'un prototype.

En 2015, neuf projets ont été soutenus au titre de cette aide pour un montant global accordé d' un million d'euros . Les projets de prototypes, destinés à convaincre des éditeurs et correspondant à une démarche commerciale ambitieuse, sont significativement plus nombreux que l'année précédente où seulement trois projets avaient été accompagnés. Ce dynamisme est corrélé à la diffusion sur le marché des consoles de nouvelle génération (PS4, XBoxOne et Wii U), qui ouvrent de nouvelles perspectives de distribution et de création.

L'aide à la création de propriétés intellectuelles de jeux vidéo constitue, depuis sa mise en oeuvre à la fin de l'année 2010, un soutien sélectif à la production. Dans le contexte d'une évolution des modes de distribution dématérialisés qui bouleversent la chaîne de valeur, le dispositif favorise de nouvelles créations et incite les entreprises à créer une valeur patrimoniale autour des jeux vidéo qu'elles produisent en les engageant à conserver les droits de propriété intellectuelle.

L'aide, attribuée sous forme de subvention , est plafonnée à 50 % du coût du projet et ne peut dépasser 200 000 euros sur trois ans par entreprise bénéficiaire, conformément au règlement européen dit de minimis 14 ( * ) . 33 projets en ont bénéficié en 2015 pour une enveloppe globale de 2,07 millions d'euros , soit un montant moyen de 82 000 euros par projet en augmentation de 15 % par rapport à l'année précédente corrélativement à la progression de 30 % des devis de production.

Ces aides, d'un montant limité qui devrait demeurer stable en 2017, sont fort utiles à la filière, notamment pour les studios les plus fragiles. Pour autant, votre rapporteur pour avis estime que les objectifs du soutien public à l'industrie du jeu vidéo doivent s'attacher à correspondre à l'évolution des besoins . Ainsi, si les supports de jeu demeurent équitablement partagés entre ordinateurs, consoles et mobiles, la croissance en volume des ventes (+ 25 %) comme en valeur du chiffre d'affaires (+ 40 %) du jeu immatériel par rapport au jeu physique, dans un contexte où l'accès au marché dépend trop largement du bon vouloir de plateformes internationales , plaide en faveur de la création d'une aide à la distribution digitale des jeux français , sous la forme d'une avance remboursable.

Reste que les évolutions technologiques et l'univers particulièrement concurrentiel du jeu vidéo obligent les studios français à investir fréquemment et massivement dans la production . Or, malgré des résultats commerciaux plus que satisfaisants et un soutien public efficace bien que limité, les liquidités disponibles demeurent très insuffisantes pour la filière, qui gagnerait, sous réserve de maintenir une indépendance créative , à intéresser des investisseurs et des financiers.


* 12 « Les données, muses et frontières de la création - Lire, écouter, regarder et jouer à l'heure de la personnalisation ». Cahiers innovation & prospectives n° 3. Octobre 2015.

* 13 « Jeu vidéo : une industrie culturelle innovante pour nos territoires » - Rapport d'information n° 852 (2012-2013).

* 14 En vertu du règlement UE n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du Traité aux aides de minimis , les aides dont le montant total versé sur trois années ne dépasse pas 200 000 euros peuvent être mises en oeuvre sans avoir été notifiées à la Commission européenne.

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