C. LA POURSUITE DE L'ACCROISSEMENT DES CAPACITÉS DU RENSEIGNEMENT PÉNITENTIAIRE

La décision d'étoffer les effectifs de l'administration pénitentiaire affectés au renseignement pénitentiaire, tant au niveau des établissements que des directions interrégionales ou au niveau central, avait été prise dans le prolongement des attentats de 2015 afin notamment de renforcer les capacités de détection des phénomènes de radicalisation en détention.

Au-delà des fonctionnaires affectés au bureau central du renseignement pénitentiaire, la « fonction renseignement » s'appuie sur un réseau d'officiers de renseignement structuré au niveau des DISP et de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer, ainsi que des établissements pénitentiaires eux-mêmes. Si, au niveau des DISP, ces fonctionnaires exercent leurs missions de renseignement à plein temps, tel n'est pas toujours le cas au sein des établissements pénitentiaires où le fonctionnaire qui en est chargé peut parfois exercer d'autres fonctions. Toutefois, au cours de l'année 2016, des officiers du renseignement pénitentiaire ont été affectés à temps plein à cette mission, notamment dans les établissements accueillant des détenus terroristes ou signalés pour radicalisation.

Outre la poursuite de cette croissance des effectifs en 2016 et 2017, la loi du 3 juin 2016 23 ( * ) a donné à l'administration pénitentiaire des capacités juridiques supplémentaires en permettant à ce « service » 24 ( * ) d'intégrer le second cercle de la communauté du renseignement et a renforcé les capacités d'interception des communications illégales au sein des établissements pénitentiaires.

En effet, le I de l'article 14 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 précitée donne au ministre de la justice la possibilité de demander au Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), la mise en oeuvre des techniques de recueil de renseignements prévues au livre VIII du code de la sécurité intérieure (interception de sécurité, réquisitions de données de connexion, sonorisation de lieux fermés, etc.). Dans ce cadre, l'administration pénitentiaire, à l'instar des autres services du second cercle, pourra être autorisée, par décret pris après avis de la CNCTR, à mettre en oeuvre certaines techniques de recueil de renseignements pour certaines des finalités définies à l'article L. 811-3 (seront certainement retenues à ce titre les finalités « prévention de la criminalité et de la délinquance organisées » et « prévention du terrorisme » notamment).

Le II du même article 14 permet quant à lui, sous le contrôle du procureur de la République et pour des finalités spécifiques tenant aux missions de l'administration pénitentiaire (prévention des évasions, sécurité et maintien du bon ordre des établissements pénitentiaires), à certains agents de l'administration pénitentiaire (individuellement désignés et habilités) :

- de demander aux opérateurs de communications électroniques les données de connexion ;

- d'intercepter les communications des personnes détenues ;

- d'utiliser un dispositif de proximité dit IMSI catcher 25 ( * ) ;

- d'accéder aux données informatiques contenues dans les ordinateurs des personnes détenues.

Dans le cadre du plan pour la sécurité pénitentiaire et l'action contre la radicalisation violente présenté le 25 octobre dernier, il a été annoncé que les décrets d'application de ces nouvelles dispositions seraient publiés en février 2017 après consultation de la CNIL, de la CNCTR, du Conseil d'État et des instances de dialogue social. Parallèlement à ce travail, le ministère de la justice établira un cadre de doctrine pour la mise en oeuvre de ces techniques, définissant les missions du renseignement, les règles déontologiques et pratiques de l'analyse produite, la circulation des informations, les échanges avec les services partenaires, etc. En outre, les personnels pénitentiaires habilités à mettre en oeuvre les techniques seront spécifiquement formés, les outils technologiques nécessaires seront acquis et des protocoles d'échanges d'informations réciproques seront signés avec les principaux services partenaires 26 ( * ) .

Ces orientations doivent être mises en oeuvre de manière urgente et les effectifs du renseignement doivent continuer à progresser car, à l'heure actuelle, ils sont symboliques (si on les compare avec ceux des États voisins) et ces personnels sont surtout dépourvus, pour la plupart, de formation sérieuse. À titre d'exemple, votre rapporteur pour avis a constaté que le centre pénitentiaire de Fresnes, qui accueille pourtant une unité de prévention de la radicalisation dédiée à l'évaluation des détenus et au sein duquel le nombre de détenus pour des faits de terrorisme s'élève à plus de 50 27 ( * ) , ne compte qu'un seul officier local du renseignement à temps plein, alors que la situation de cet établissement pourrait largement justifier la présence de deux, voire de trois, fonctionnaires du renseignement pénitentiaire à temps plein.

Tout en saluant les inflexions de la politique pénitentiaire conduite par le nouveau garde des sceaux depuis sa prise de fonction, notamment en matière de relance du programme immobilier et de lutte contre la radicalisation en prison, votre rapporteur pour avis déplore le caractère tardif de cette réorientation qui n'intervient qu'à la fin du quinquennat.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a par conséquent donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme n° 107 « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » du projet de loi de finances pour 2017.


* 23 Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

* 24 Le renseignement pénitentiaire n'est pas, sur le plan administratif, constitué comme un service unique puisque les agents chargés de cette mission dans les DISP ou dans les établissements ne relèvent pas du bureau central du renseignement.

* 25 Appareil qui se présente comme une antenne relais mobile factice se substituant, dans un périmètre donné, aux antennes relais des opérateurs permettant d'accéder, à l'insu de l'utilisateur, aux informations contenues dans les terminaux mobiles qui s'y sont connectés.

* 26 Direction générale de la sécurité intérieure, service central du renseignement territorial, direction du renseignement de la préfecture de police de Paris.

* 27 Auxquels il convient d'ajouter une cinquantaine d'autres détenus, pour des motifs non terroristes, radicalisés ou susceptibles de s'inscrire dans un tel processus.

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