B. LES OBJECTIFS DE DÉPENSES DE LA BRANCHE MALADIE POUR 2018

1. Les objectifs de dépenses de la branche maladie, invalidité et maternité (article 53)

Conformément à l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale définit :

- un objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ;

- et un autre objectif pour le régime général seul .

Ces deux objectifs sont distincts de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ( ONDAM ). En effet, comme le rappelle l'annexe 7 au présent projet de loi de financement, le champ des objectifs de dépenses de la branche maladie intègre des postes de charge plus nombreux que ceux compris dans l'ONDAM. Par ailleurs, l'ONDAM est un objectif inter-branches , puisqu'il porte à la fois sur les dépenses de la branche maladie et sur celles de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), comme le montre le tableau ci-après.

Composition de l'objectif de la branche maladie
et de l'ONDAM pour l'exercice 2018

Objectif de la branche maladie, maternité, invalidité décès

Objectif de la branche AT-MP

Hors ONDAM

ONDAM

Hors ONDAM

A. Gestion technique

I- Prestations sociales

- part des prestations médico-sociales financées par la CNSA ;

-prestations en espèces : IJ maternité ;

- prestations invalidité décès ;

- prestations extra-légales (action sanitaire et sociale) ;

- action de prévention (hors FIR) ;

- autres prestations.

I- Prestations légales maladie maternité

- prestations en nature maladie maternité (hors part des prestations médico-sociales financée par la CNSA, hors conventions internationales) minorées des remises conventionnelles pharmaceutiques et de la participation des assurances complémentaires aux rémunérations conventionnelles forfaitaires du médecin traitant ;

- prestations en espèces (hors IJ maternité) ;

I- Prestation pour incapacité temporaire

- prestations en nature ;

- prestations en espèces suite à un accident du travail.

- prestations pour incapacité permanente.

II- Charges techniques

II- Charges techniques, dont :

- dotation ONDAM médico-social à la CNSA ;

- FIR

- prise en charge de cotisations des professionnels libéraux et en centres de santé ;

- autres transferts (ABM, ATIH, FAC dont OGDPC...)

II- Charges techniques

- Prise en charge de cotisations ACAATA (allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante)

- dotations aux fonds amiante.

III- Diverses charges

III- Diverses charges

IV- Dotations aux provisions sur les dépenses hors ONDAM

IV- Dotations aux provisions sur les dépenses hors ONDAM

V- Charges financières

V- Charges financières

B. Gestion courante

- Aide à la télétransmission.

Source : annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018

En l'absence de mesures nouvelles, le déficit de la branche maladie se creuserait de 3,8 milliards d'euros en 2018 , passant de 4,1 milliards d'euros en 2017 à 7,9 milliards d'euros en 2018 80 ( * ) . Cette dégradation résulterait de la croissance tendancielle des dépenses, et de la montée en charge de la revalorisation de la consultation médicale prévue dans la nouvelle convention médicale ainsi que du relèvement progressif du point d'indice dans la fonction publique.

Un effort de 7,1 milliards d'euros des régimes d'assurance maladie est prévu pour 2018. Le déficit s'établirait ainsi à 0,8 milliard d'euros en 2018, en baisse de 3,3 milliards d'euros par rapport à 2017 .

Pour l'année 2018, l' article 53 du présent projet de loi de financement fixe les objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès :

- pour l' ensemble des régimes obligatoires de base à 211,7 milliards d'euros , soit une progression de 2,2 % par rapport à l'objectif pour 2017 (contre 3 % entre 2016 et 2017) ;

- pour le régime général de sécurité sociale, à 210,6 milliards d'euros, soit une progression de 2,3 % par rapport à l'objectif pour 2017.

2. L'ONDAM pour 2018 est rehaussé à 2,3 % (article 54)
a) Un ONDAM s'élevant à 195,2 milliards d'euros

L'article 54 du présent projet de loi de financement prévoit un taux d'évolution de l'ONDAM de 2,3 % en 2018 . Les dépenses s'établiraient ainsi à 195,2 milliards d'euros .

La construction de l'ONDAM pour l'année à venir repose sur une hypothèse de croissance tendancielle des dépenses de 4,5 % contre 4,3 % en 2017 et 3,6 % en 2016.

Le comité d'alerte sur le respect de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie, dans son avis du 10 octobre 2017, note que cette accélération « concerne principalement les soins de ville, portés notamment par l'effet des mesures tarifaires de la nouvelle convention médicale et d'autres revalorisations. Les dépenses des établissements de santé resteraient dynamiques, portées par la montée en charge de nouvelles classes thérapeutiques innovantes et la disparition des financements hors ONDAM du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) 81 ( * ) ».

Montants et taux d'évolution de l'ONDAM 2018

(en milliards d'euros)

Base 2018

PLFSS 2018

Taux d'évolution

Soins de ville

86,8

88,9

2,4 %

Établissement de santé

79,1

80,7

2,0 %

(2,2% avec FJH)

Établissements et services médico-sociaux

20,0

20,5

2,6 %

Fonds d'intervention régional (FIR)

3,3

3,4

3,1 %

Autres prises en charge

1,7

1,8

4,3 %

ONDAM total

190,8

195,2

2,3%

Source : annexe 7 au projet de loi de financement pour 2018

En apparence, l'effort à réaliser en 2018 peut ainsi paraître similaire à celui consenti en 2017 .

Comparaison de l'évolution tendancielle de l'ONDAM et du taux d'évolution présentés en projet de loi de financement pour 2017 et pour 2018

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 et pour 2018

Or, comme le souligne le Haut Conseil des finances publiques dans son avis du 27 septembre dernier, « l'effort d'économies devrait être accru par le fait que certaines mesures facilitant artificiellement le respect de l'ONDAM en 2017 ne seraient pas reconduites en 2018 » 82 ( * ) .

En effet, la mise en oeuvre du fonds de financement de l'innovation pharmaceutique a permis de sortir de l'ONDAM le coût des traitements innovants, contribuant non seulement à réduire la portée de l'outil de pilotage de la dépense d'assurance maladie que doit constituer l'ONDAM mais aussi à afficher le respect d'un ONDAM pourtant déjà rehaussé à 2,1 %.

Aussi le relèvement de l'ONDAM en 2018 a-t-il été rendu inévitable par le pilotage défaillant et la comptabilisation de fausses économies en 2017 .

Le comité d'alerte relève notamment que « malgré le desserrement du taux de progression de l'ONDAM, les dépenses d'assurance maladie sont dynamiques, sous l'effet notamment de la forte croissance des dépenses de médicaments liées au bouleversement des prises en charge liées aux thérapies ciblées et à l'immunothérapie ».

En conséquence, il recommande de mettre en réserve « un volume de crédits suffisant, le cas échéant au-delà du plancher fixé à 0,3 % par la loi de programmation des finances publiques , afin de faire face à tout dérapage des dépenses en cours d'année ».

Modification techniques au mécanisme de clause de sauvegarde (taux L)

Depuis la réforme introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, la clause de sauvegarde constitue un mécanisme de régulation des dépenses de médicaments.

Visant à inciter les entreprises pharmaceutiques à signer une convention avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) et à accepter certaines baisses de prix ou des remises sur les quantités de produits de santé, auquel cas celles-ci peuvent être exonérées du paiement des contributions, elle est déclenchée par un « taux L » correspondant à un taux de croissance cible du chiffre d'affaires.

Alors que le taux L , de - 1 % en 2015 et 2016, s'appliquait sur une assiette incluant à la fois les médicaments vendus dans les officines et ceux délivrés dans les établissements hospitaliers, l'article 30 de la loi de financement pour 2017 a « scindé » ce taux en deux mécanismes de régulation distincts , afin de tenir compte de la dynamique contrastée des dépenses des deux secteurs (- 0,5 % pour la dépense issue des officines contre une croissance de 4,5 % pour les médicaments dispensés par les établissements hospitaliers).

Pour 2017, le taux Lv pour les médicaments d'officine a ainsi été fixé à 0 %, et le taux Lh pour l'hôpital à 2 %.

En outre, les modalités de calcul du déclenchement des taux Lv et Lh ont été modifiées, en prévoyant que les clauses de sauvegarde reposent désormais sur l'évolution des chiffres d'affaires des entreprises avant déduction faite des remises consenties par les laboratoires au titre des négociations conclues avec le CEPS.

L' article 14 du présent projet de loi de financement prévoit deux modifications :

- les taux Lv et Lh sont fixés respectivement à 0 % et à 3 % pour l'année 2018 ; l'augmentation du taux relatif s'appliquant aux médicaments délivrés dans les établissements hospitaliers tient compte de l'arrivée de nouvelles innovations, en particulier en cancérologie, qui seront principalement dispensées par ces derniers ;

- la législation existante ne prévoit pas de mécanisme permettant de prendre en compte le circuit de distribution d'un médicament - par exemple, lorsqu'un médicament est rétrocédé par les pharmacies d'usage intérieur (PUI) vers une dispensation par les officines de ville. Or, selon l'évaluation préalable, « le changement de circuit d'un médicament ayant un fort impact budgétaire pourrait entraîner le déclenchement de l'une des clauses, alors même que l'augmentation constatée des dépenses pour l'un des deux secteurs ne correspondrait pas à une réelle augmentation de la consommation globale du médicament ». Il est donc proposé, lorsqu'un médicament change de circuit de distribution au cours d'une année, de modifier les assiettes des taux Lv et Lv de l'année précédente afin de réallouer les dépenses totales pour le médicament entre les deux champs proportionnellement aux dépenses constatées sur l'année en cours.

Source : commission des finances du Sénat

b) Les principales mesures d'économies relatives à l'ONDAM pour 2018

Afin de respecter le rythme de progression de 2,3 % de l'ONDAM tout en tenant compte de l'évolution tendancielle des dépenses de santé de 4,5 %, un montant de 4,2 milliards d'euros d'économies est nécessaire , contre 4,1 milliards d'euros en 2017 et 3,4 milliards d'euros en 2016.

Structuration de l'offre de soins

1 485

Structurer des parcours de soins efficients

250

Améliorer la performance interne des établissements de santé et médico-sociaux

1 215

Optimisation des achats et autres dépenses

575

Liste en sus et autorisation temporaire d'utilisation

390

Rééquilibrage de la contribution de l'ONDAM à l'OGD (1)

200

Améliorer la performance interne des établissements médico-sociaux

50

Pertinence et efficience des produits de santé

1 490

Baisse de prix des médicaments

480

Promotion et développement des génériques

340

Biosimilaires

40

Baisse des tarifs des dispositifs médicaux

Maîtrise des volumes et de la structure de prescription des médicaments et dispositifs médicaux

Remises

100

320

210

Pertinence et qualité des actes

335

Maîtrise médicalisée

110

Action de pertinence et adaptations tarifaires des actes de biologie, imagerie et autres actes médicaux en ville et à l'hôpital

2225

Pertinence et efficience des prescriptions d'arrêts de travail et de transports

240

Transports

75

Indemnités journalières

165

Contrôle et lutte contre la fraude

90

Autres mesures

545

Actualisation du forfait journalier hospitalier

200

Participation des organismes complémentaires au financement de la convention médicale

100

Pertinence et gestion dynamique du panier de soins

180

Évolution des cotisations des professionnels de santé

85

TOTAL

4 165

Mesures d'économies relatives à l'ONDAM 2018

(en millions d'euros)

(1) L'objectif global de dépenses (OGD) est composé d'une partie de l'ONDAM médico-social, augmenté d'une part des recettes propres de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Source : annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018

Les mesures d'économies du premier projet de loi de financement du quinquennat reposent sur six axes , récapitulés dans le tableau ci-avant et préfigurant la nouvelle stratégie nationale santé en cours d'élaboration .

Comparaison des axes des stratégies d'économies relatives à l'ONDAM
(PLFSS 2015-2017 et PLFSS 2018)

Axes d'économies des PLFSS 2015-2017

Axes d'économies du PLFSS 2018

Efficacité de la dépense hospitalière

Structuration de l'offre de soins

Virage ambulatoire et adéquation de la prise en charge en établissement

Produits de santé et promotion des génériques

Pertinence et efficience des produits de santé

Pertinence et bon usage des soins

Pertinence et qualité des actes

Pertinence et efficience des prescriptions d'arrêts de travail et de transports

Contrôle et lutte contre la fraude

Autres mesures

Source : commission des finances du Sénat

Ce « plan » d'économies s'inscrit dans la continuité du « plan ONDAM », mis en oeuvre entre 2015 et 2017, et apparaît largement similaire , tant le quantum d'économies proposé que dans la répartition des efforts demandés aux acteurs .

Aussi trois de ces axes présentent-ils de fortes similitudes avec ceux du précédent Gouvernement , au premier rang desquels figure l'axe relatif aux produits de santé , portant un montant d'économies égal à celui prévu en loi de financement pour 2017 (1,4 milliard d'euros) . En outre, la plupart des mesures sont identiques (baisse des prix des médicaments, promotion et développement des génériques, biosimilaires, tarifs des dispositifs médicaux).

Les économies réalisées sur l'ONDAM ces dernières années ont très largement porté sur le médicament, par le développement des génériques et des politiques actives de baisses de prix. Or, votre rapporteur partage le constat du Conseil d'analyse économique 83 ( * ) , selon lequel « utiliser le médicament comme source d'économie n'aura qu'un temps. Ce n'est d'ailleurs pas souhaitable à terme », à l'heure où de nombreuses innovations médicales devraient voir le jour dans le domaine du médicament.

En outre, avant même qu'une nouvelle stratégie de santé ne soit élaborée, le programme d'économies présenté pour 2018 repose en partie, comme l'année précédente, sur la comptabilisation de fausses économies .

Le comité d'alerte note ainsi dans l'avis précité, qu'« une partie des économies pour les crédits de l'ONDAM résulte de la mobilisation d'autres sources de financement ». Ainsi :

- l'augmentation du forfait journalier hospitalier (FJH) est intégrée comme une mesure d'économie, contribuant à réduire de 200 millions d'euros les crédits de l'ONDAM destinés aux établissements de santé ; or, il s'agit d'une recette supplémentaire pour les établissements de santé ;

- la participation des organismes complémentaires au financement de la convention médicale diminue de 100 millions d'euros les crédits de l'ONDAM de soins de ville ; en réalité, l'augmentation de la participation des organismes complémentaires au financement des nouveaux modes de rémunération proposée à l'article 15 du présent projet de loi de financement apporte une recette supplémentaire de 250 millions d'euros en 2018 à la CNAMTS ;

- comme en 2017, pour un montant en baisse de 13 % à 200 millions d'euros, la réduction de la contribution de l'ONDAM aux dépenses des établissements médico-sociaux n'est que le fruit d'une débudgétisation liée à un prélèvement sur les réserves de la CNSA.

Après déduction de ces ressources supplémentaires apportées au financement de dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM, le plan d'économies relatives à l'ONDAM pour 2018 s'élève à 3,6 milliards d'euros .


* 80 Ce solde tendanciel pour la branche maladie, qui figure au tableau d'équilibre financier à l'annexe 9 du présent projet de loi de financement comprend toutefois la compensation pour 2018 des mesures ayant permis la compensation du pacte de responsabilité et de solidarité en lois de finances et de financement pour 2017, en relais de l'extinction des mesures non pérennes prises uniquement pour 2017.

* 81 En 2016 et 2017, le financement du FMESPP mobilisait en effet le financement du Fonds pour l'emploi hospitalier (FEH) et de l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier.

* 82 Avis n° 2017-4 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2018.

* 83 Gouverner la protection sociale, transparence et efficacité, note du Conseil d'analyse économique n° 28, Antoine Bozio et Brigitte Dormont, janvier 2016.

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