II. DES INTERROGATIONS SUR MOYENS DE BPIFRANCE EN MATIERE DE GARANTIE

L'activité de garantie de Bpifrance fait l'objet d'un financement par le biais d'une dotation de l'action n° 20 « Financement des entreprises » du programme 134. Votre rapporteur a souhaité examiner les conditions dans lesquelles cette dotation permettait à Bpifrance de remplir sa mission.

A. LA GARANTIE DES PRETS AUX ENTREPRISES, ACTIVITÉ STRATÉGIQUE DE BPIFRANCE

L'activité de garantie des crédits bancaires accordés aux entreprises est l'une des activités majeures du groupe Bpifrance, exercée par sa filiale Bpifrance financement , qui constitue depuis sa création en 2013 un acteur de place qui a pour mission d'entraîner l'ensemble des partenaires du financement afin d'assurer une distribution du crédit aux activités présentant pour les acteurs bancaires un certain niveau de risque, essentiellement les PME et les TPE.

L'intervention de Bpifrance en garantie permet en effet de faire jouer un effet de levier important , les dotations en fonds de garantie de l'établissement lui permettant d'octroyer des garanties pour des crédits bancaires dépassant deux fois le montant de ces garanties.

Source : Bpifrance.

Ce rôle est d'autant plus essentiel que, si la distribution du crédit bancaire aux PME est satisfaisante, avec un encours de crédits atteignant 385,6 milliards d'euros en juin 2017, le taux d'accès au crédit des TPE reste toujours plus difficile, faute de garanties suffisantes à présenter par ces dernières.

Taux d'obtention des crédits par catégorie d'entreprises (par trimestre)

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

En garantissant un montant de prêts aux entreprises de 4,2 milliards d'euros au premier semestre 2017 au profit de 31 958 entreprises, Bpifrance financement assure ainsi un rôle stratégique pour faciliter l'octroi des crédits bancaires aux entrepreneurs les plus fragiles, notamment dans le cadre de reprises d'activités ou de créations ex nihilo .

B. LE DILEMME : TROUVER DE NOUVEAUX MOYENS DE FINANCEMENT OU ENVISAGER UNE RÉDUCTION DE L'ACTIVITÉ DE GARANTIE

Si l'activité de garantie exercée par Bpifrance est soutenue par les finances publiques, elle ne l'est que dans des proportions très réduites par des ressources budgétaires .

En effet, le financement budgétaire de cette activité est assuré par les seuls crédits d'intervention inscrits à l'action n° 20 « Financement des entreprises » du programme 134 . Or, les dotations inscrites à ce titre sont faibles, s'élevant à 40 millions en 2014, 22 millions en 2015, 26 millions en 2016 et 25 millions d'euros en 2017, ce qui représente une part minime (entre 7 et 10 %) de la couverture des besoins de financement de Bpifrance, qui s'élèvent, selon les années, entre 350 et 400 millions d'euros.

Certes, il faut souligner que, par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2017, le montant qui devrait être octroyé à Bpifrance pour cette activité devrait fortement augmenter, pour atteindre 41 millions d'euros en 2018 10 ( * ) . Il y a lieu de s'en féliciter. Néanmoins, cet effort ne doit pas masquer la grande incertitude qui pèse sur le financement futur de cette activité qui, pour l'essentiel, résulte de mécanismes de débudgétisation décrits par la Cour des comptes dans son rapport particulier sur Bpifrance en novembre 2016.

Parmi ces mécanismes, c'est aujourd'hui le recyclage des dividendes de l'État qui permet le financement de près des trois quarts de l'activité de garantie de la banque . Les dividendes versés par Bpifrance participations à l'EPIC Bpifrance ne sont en effet par reversés intégralement par ce dernier à l'État - ainsi qu'ils devraient l'être - mais mis en réserve pour leur plus grande part afin d'être ensuite directement réaffectés par recyclage interne dans le financement de l'activité de garantie.

Or, comme l'a relevé la Cour des comptes, ce mécanisme encourt deux critiques fondamentales :

- d'une part, comme tout mécanisme de débudgétisation, il est fortement critiquable au regard des principes , puisqu'il ne met pas le Parlement en mesure d'exercer son contrôle sur un mécanisme de financement public ;

- d'autre part, le recyclage des dividendes n'apparaît pas compatible avec les projections en baisse du résultat net de Bpifrance participations. En d'autres termes, à l'avenir, ce circuit ne devrait plus pouvoir, en lui-même, assurer un niveau suffisant de financement de l'activité de garantie.

Dans son « plan stratégique 2016-2019 », Bpifrance estimait le besoin de financement dans le cadre du programme 134 à 381 millions d'euros en 2017, 405 millions en 2018 et 423 millions en 2019. On mesure donc l'écart entre l'effort de 41 millions désormais prévu au présent projet de loi de finances, et ces projections...

Dans ces conditions, l'impasse budgétaire est réelle. Face à cette situation qui se présentera dès 2018, certaines mesures sont déjà envisagées par Bpifrance.

Ainsi, selon les indications fournies au cours des auditions, pour contribuer à réduire davantage le coût pour l'État des interventions en garantie, Bpifrance prévoit dès maintenant :

- de redéployer les ressources qui seraient disponibles ;

- de mettre un terme aux offres de garantie jugées non cruciales ou systémiques ;

- d'augmenter de près de 50 % le coût de la garantie pour les créations d'entreprises. Les représentants de Bpifrance ont souligné que cette orientation pourrait toutefois engendrer un risque d'anti-sélection accrue - avec, pour conséquence, une dégradation du risque porté par les fonds de garantie - ainsi qu'un ralentissement de l'activité.

Cependant, nonobstant ces changements, Bpifrance estime le besoin de dotation résiduel pour financer son budget 2018 à 30 millions d'euros , ce qui représenterait trois à quatre mois de production du fonds « Création » ou des prêts sans garantie qu'elle a mis en place.

Dans ces conditions, elle juge, en l'état des dotations budgétaires, que des mesures complémentaires devront être prises en cours d'année 2018, qui devront toucher :

- soit au fonctionnement même des fonds de garantie, ce qui aurait pour conséquence de renforcer le risque pour les actionnaires de Bpifrance - dans un contexte de régulation décidé par la Banque centrale européenne qui pourrait rendre la mise en oeuvre d'une telle solution juridiquement complexe ;

- soit au coeur même de l'activité de la banque, c'est-à-dire le financement bancaire de masse des entreprises en création ou en transmission et celui des investissements immatériels.

Interrogé sur ce point par votre rapporteur lors de son audition par votre commission le 14 novembre 2017, M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, a indiqué qu'il convenait « maintenant de réfléchir à d'autres moyens pour accompagner nos PME, notamment pour l'accès au crédit . » Puis, en séance publique à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a réduit de 7 millions le montant des crédits budgétaires destinés à financer l'activité de garantie de Bpifrance, ce qui renforcera la nécessité des mesures restrictives envisagées par Bpifrance.

Même si le contexte économique à nouveau porteur permet d'envisager que les banques acceptent à l'avenir de prêter en réduisant quelque peu le niveau de leurs garanties, l'existence d'un mécanisme de garantie « de masse » sur fonds publics relativement robuste reste essentielle pour porter une économie en croissance. Il importe donc que Bpifrance conserve de réelles capacités d'actions, en particulier à l'égard des TPE et PME ; et il conviendra donc d'être vigilant sur les choix faits par le Gouvernement dans un proche avenir.


* 10 À la suite d'un amendement du Gouvernement réduisant ces crédits de 7 millions d'euros.

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