IV. DES PRÉOCCUPATIONS COMMUNES, DES COMBATS SOLIDAIRES

A. DROITS D'AUTEUR : UNE RÉFORME EUROPÉENNE QUI DIVISE

1. Un « paquet » inégalement polémique

La Commission européenne a présenté, le 14 septembre 2016, un projet de réforme du cadre européen applicable au droit d'auteur et aux droits voisins. Le « paquet » proposé comprend quatre textes à l'ambition inégale , dont la portée doit en outre être mesurée à l'aune des dispositions parallèlement discutées par les autorités européennes, notamment en matière de portabilité des services de contenus en ligne, de géoblocage et de ventes dites « passives », dont les conséquences sur le droit d'auteur pourraient être considérables.

Dans un contexte économique où les industries culturelles, malmenées par une révolution numérique qui bouleverse les modalités de partage de la valeur, sont obligées de se réinventer pour survivre, tandis que les consommateurs apparaissent toujours plus avides de disposer d'un accès aisé et rapide aux oeuvres , sans contrainte géographique et à un moindre coût, la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information nécessite de toute évidence d'être modernisée .

Il fut d'abord question d'un véritable bouleversement législatif avec la présentation, le 15 janvier 2015, du pré-rapport de Julia Reda, eurodéputée allemande du Parti pirate, devant la commission des affaires juridiques du Parlement européen. En guise de révision de la directive de 2001, était proposé de lever les restrictions à la circulation des contenus et de généraliser à l'ensemble du territoire européen les exceptions au droit d'auteur appliquées par les différents États membres. Le texte fut toutefois profondément amendé pour aboutir à un compromis raisonnable adopté par le Parlement européen le 9 juillet de la même année, qui rappelait la nécessité de préserver un juste équilibre entre les droits et les intérêts des créateurs et ceux des consommateurs.

Le 6 mai 2015, la Commission présentait pour sa part une communication sur le marché unique numérique avec pour objectifs de réduire les disparités entre les régimes juridiques nationaux et d'élargir l'accès en ligne aux oeuvres dans l'ensemble de l'Union européenne . Sur ce fondement, le plan d'action sur le droit d'auteur adopté par la Commission européenne le 9 décembre 2015, concomitamment au projet de règlement sur la portabilité de l'accès aux oeuvres, développait quatre pistes de réforme : l'élargissement de l'accès transfrontalier aux contenus, la création de nouvelles exceptions obligatoires en faveur de la recherche, de l'éducation et des personnes handicapées, le développement de licences pour s'assurer de la juste rémunération des créateurs et des producteurs et le renforcement de la lutte contre le piratage sur la base d'une approche dite follow the money .

Suivant l'engagement de plusieurs pays européens, France en tête, pour maintenir un niveau de protection élevé des créateurs , les textes présentés par la Commission européenne le 14 septembre 2016 apparaissent, sauf exception notable, moins révolutionnaires s'agissant de la protection du droit d'auteur et des droits voisins que d'aucuns pouvaient le craindre ou a contrario le souhaiter.

La réforme de législation sur le droit d'auteur
proposée par la Commission européenne

1/ Le texte central du « paquet » droit d'auteur, la directive sur le droit d'auteur dans le marché unique du numérique , comporte des mesures variées, tentant de maintenir un équilibre entre les intérêts des créateurs et les réclamations des consommateurs.

S'agissant du partage de la valeur entre créateurs et diffuseurs, considérablement déséquilibré à l'ère numérique au bénéfice des plateformes, le texte prévoit que ces dernières devront, lorsqu'elles réalisent un acte de communication au public d'oeuvres protégées et qu'elles ne bénéficient pas du statut d'hébergeur prévu par la directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique, conclure des licences avec les ayants droit . En application de l'arrêt « GS Media BV » de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en date du 8 septembre 2016, ce dispositif ne concerne pas le placement d'un lien hypertexte vers une oeuvre. En outre, les plateformes seront dans l'obligation de déployer des moyens techniques nécessaires à la détection automatique des contenus protégés .

La proposition de directive traite par ailleurs de trois exceptions au droit d'auteur : l'exception pédagogique, celle relative à la fouille de contenus au bénéfice de la recherche, dite text and data mining (TDM), et celle portant sur le patrimoine culturel . En revanche, il n'est aucunement fait mention de l'exception dite de panorama, intégrée au droit français, en application d'une jurisprudence constante, par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

Le texte prévoit également l'obligation, pour les États membres, de faciliter la conclusion de licences destinées à l'exploitation des oeuvres indisponibles . Plusieurs articles visent, en outre, à améliorer les conditions de rémunération des auteurs et des artistes-interprètes en renforçant la transparence des informations relatives à l'exploitation des oeuvres et en leur garantissant, contractuellement, un revenu additionnel en cas de succès inattendu (clause de bestseller ). Enfin, le texte consacre la création d'un droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse.

2/Une seconde proposition de directive concerne la mise en conformité du droit de l'Union européenne avec les dispositions du traité de Marrakech du 27 juin 2013 visant à faciliter l'accès des déficients visuels aux oeuvres de l'écrit. À cet effet, est créée une exception obligatoire aux droits de reproduction, de distribution et de mise à la disposition du public pour l'adaptation des oeuvres aux besoins spécifiques des personnes malvoyantes . Sans que le fond des dispositions proposées soit en cause, la controverse porte sur le caractère obligatoire de l'obligation, qu'il existe ou non des oeuvres disponibles au format adapté sur le marché, et sur l'impossibilité de prévoir une rémunération compensatoire pour les éditeurs. Ces critères avaient été pris en considération par la loi précitée du 7 juillet 2016 dont l'article 33 transpose en droit français le traité de Marrakech.

3/En complément, un règlement traite des relations entre l'Union européenne et les États tiers dans le cadre de la mise en oeuvre du traité de Marrakech.

4/Le quatrième volet du « paquet » droit d'auteur comprend enfin un règlement relatif à l'exercice du droit d'auteur dans le cadre de certaines transmissions en ligne des organisations de radiodiffusion et de la retransmission des programmes de radio et de télévision.

Ce court texte transpose les principes de la directive « câble et satellite » du 27 septembre 1993 aux services en ligne des radiodiffuseurs, soit aux transmissions simultanées en ligne (le simulcasting ), à la télévision de rattrapage (la catch up ) et à la diffusion en ligne d'éléments complémentaires à un programme. Il s'agit d'étendre aux susdits services le principe du pays d'origine déjà prévu pour la transmission par satellite par la directive du 27 septembre 1993. En application de ce principe, la télévision de rattrapage et la retransmission simultanée en ligne seraient censées, pour l'application du droit d'auteur, n'avoir lieu que dans le pays d'établissement du radiodiffuseur. L'accord des titulaires de droits ne serait donc plus nécessaire à une exploitation sur le territoire d'un autre État membre. Les parties conserveraient toutefois leur liberté contractuelle de limiter l'exploitation des droits sur une oeuvre.

Par ailleurs, il est proposé d'appliquer une gestion collective obligatoire des droits d'auteur et droits voisins aux modes de diffusion qui, comme l'IPTV (diffusion de programmes télévisés effectuée par le protocole Internet), partagent avec le câble et le satellite des caractéristiques communes, afin d'éviter aux opérateurs d'avoir à négocier avec chaque titulaire de droits.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Les dispositions poursuivant un objectif d'amélioration de la rémunération des artistes et de transparence des relations entre créateurs et producteurs semblent bienvenues, comme l'estimait en janvier dernier le sénateur Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour votre commission de la proposition sénatoriale de résolution européenne en date du 20 janvier 2017 (n° 319, 2016-2017) présentée par Colette Mélot et Richard Yung. Il en va de même de l'obligation faite aux plateformes de disposer d'une technologie de filtrage automatique des contenus protégés, afin d'éviter a priori leur diffusion en ligne et de renforcer leurs liens contractuels avec les ayants droit. Une proposition identique figurait d'ailleurs dans le rapport d'information commis au nom de votre commission par les sénateurs Loïc Hervé et Corinne Bouchoux sur le bilan et l'avenir de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) en juillet 2015 6 ( * ) .

S'agissant des exceptions au droit d'auteur traitées par la proposition de directive en vue de leur adaptation à l'environnement numérique (éducation en ligne, TDM et exception patrimoniale), elles ne posent nulle difficulté de principe, d'autant que l'exception pédagogique prévoit le maintien, sur le territoire de l'Union, de la coexistence entre licences et exception en fonction du choix des États membres. En outre, l'exception relative au patrimoine culturel permettra utilement aux institutions culturelles de numériser leurs collections pour les conserver. Toutefois, certaines modalités d'application apparaissent devoir être précisées. Il n'est, en particulier, pas suffisamment porté attention à la préservation des marchés existants par la prise en compte de la disponibilité préalable d'offres commerciales (livres scolaires, partitions de musique, ouvrages adaptés aux handicaps visuels, publications scientifiques, etc.), en application d'un principe de subsidiarité selon lequel l'exception n'intervient qu'en l'absence d'une offre permettant de répondre aux besoins des usagers concernés. En outre, le fait de rendre obligatoire l'exception de TDM dans une définition plus large tant en termes de contenus que d'usages que celle adoptée par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique n'apparaît pas souhaitable. Enfin, pour l'ensemble des exceptions susmentionnées, jamais la Commission européenne ne prévoit de rémunération compensatoire au bénéfice des titulaires de droits concernés, ce qui peut être déploré.

Par ailleurs, de nombreuses questions autour de la création d'un droit voisin au profit des éditeurs de presse demeurent en suspens. Il n'est certes pas absurde de permettre aux éditeurs de disposer d'un levier de négociation avec les plateformes en matière d'exploitation numérique de leurs contenus. Pour autant, la faisabilité d'une telle disposition demeure incertaine : en Allemagne et en Espagne, les tentatives de mise en oeuvre d'un droit voisin au profit des éditeurs de presse se sont d'ailleurs soldées par des échecs, raison pour laquelle les éditeurs français ont préféré négocier contractuellement avec Google la création d'un fonds de soutien aux projets numériques innovants dont la mise en oeuvre est en cours d'achèvement. Le dispositif mérite en tout état de cause d'être précisé et son impact juridique et économique plus finement analysé, dans un contexte où il apparaît urgent de mieux valoriser les contenus de presse alors que la révolution numérique met en danger un grand nombre de titres.

Des précisions sont également nécessaires pour ce qui concerne la proposition relative aux oeuvres indisponibles . Le mécanisme envisagé de licences collectives est certes compatible avec le système français ReLire, jugé contraire au droit européen par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en date du 16 novembre 2016 considérant que le consentement express de l'auteur n'était pas assuré. Toutefois, la limitation des licences à une utilisation non commerciale des oeuvres ainsi numérisées rend le dispositif inopérant pour garantir le maintien de ReLire , sauf à évincer les éditeurs partenaires du système et d'en assurer le financement par des crédits exclusivement publics. Compte tenu des sommes engagées et de l'intérêt à mettre les oeuvres indisponibles à la disposition du public, la poursuite de ReLire doit constituer un objectif majeur dans le cadre des négociations du « paquet » droit d'auteur.

S'agissant enfin des obligations nouvelles faites aux plateformes et à leur responsabilisation en matière de diffusion des contenus protégés, il convient de mieux définir l'acte de communication au public afin de s'assurer de l'applicabilité des mesures proposées et d'harmoniser cette définition entre les États membres. À défaut, la frontière de ce nouveau régime avec celui d'exemption de responsabilité prévu par la directive de 2000 sur le commerce électronique ne serait pas clairement établie et le dispositif prévu, pourtant essentiel à la mise en oeuvre d'un partage plus juste de la valeur et à la lutte contre le piratage, deviendrait alors inopérant.

Pour autant, la difficulté majeure posée par le « paquet » droit d'auteur réside dans les termes de la proposition de règlement portant sur l'exercice du droit d'auteur dans le domaine de la transmission en ligne des radiodiffuseurs et de la retransmission en ligne des programmes audiovisuels, en particulier son article relatif à l'application du principe du pays d'origine.

Le risque de remise en cause du principe de territorialité des droits sur les oeuvres ne peut être méconnu. La promotion, à marche forcée, d'un marché unique européen pour le simulcasting et la catch up TV pose deux problèmes d'envergure : d'abord, les droits étant acquis pour l'ensemble du territoire de l'Union, leur coût en sera accru et s'établira à un niveau que peu d'acteurs européens auront les moyens d'assumer. Ces technologies, en pleine expansion, pourraient alors économiquement échapper aux acteurs européens sur leur propre territoire au profit de multinationales, notamment américaines, disposant de l'assise financière nécessaire à l'achat de droits à grande échelle. Ensuite, d'un point de vue culturel, le dispositif comporte, à terme, un risque d'appauvrissement de la création européenne , subtil équilibre des goûts et des cultures nationales. De fait, il n'est pas rare qu'une oeuvre ne soit pas commercialisée dans la totalité des États membres, lorsque son ton, son format ou son contenu ne correspond pas aux appétences des citoyens de tel ou tel pays. Il revient alors aux titulaires de droits de juger de l'opportunité de les céder pour un territoire donné et d'en fixer le prix. Ce modèle vertueux d'adéquation entre l'offre et la demande et entre le prix des droits et le risque commercial permet d'optimiser le financement de la création en Europe. S'il est remis en cause au profit d'un marché unique, il est fort probable que seules les oeuvres « grand public », qui trouveront un écho dans l'ensemble des États membres, bénéficient à l'avenir de financements conséquents, au détriment de la diversité culturelle sur le territoire européen.

2. Un calendrier incertain

Dès les premières annonces européennes, la France, sous l'égide du ministère de la culture, s'est engagée en faveur d'une législation protectrice des auteurs et des industries culturelles, malmenés par une révolution numérique où la libéralisation des usages a trop souvent été favorisée au détriment d'une juste rémunération de la création . Cette mobilisation a consisté à la fois en des échanges bilatéraux avec des États membres, comme l'Italie, l'Allemagne ou la Pologne, susceptibles de défendre une position commune auprès des instances européennes, et en un travail d'expertise, de réflexion et de proposition sur le droit de la propriété intellectuelle à l'ère numérique (comité de liaison pour le droit d'auteur dans le marché unique numérique créé en 2015, rapports de Laurence Franceschini sur la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse et Jean-Philippe Mochon sur le « paquet » commerce électronique, etc.).

Votre rapporteure pour avis salue cet engagement, que poursuit Françoise Nyssen depuis sa nomination. Lors de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, le 25 octobre dernier, elle a rappelé les trois principes fondamentaux de la position française que sont le droit à une juste rémunération des créateurs, le maintien de la territorialité des droits et un partage équilibré de la valeur . Le rôle de la France dans la défense des créateurs ne doit aucunement s'émousser, considérant combien le calendrier de la réforme de la directive du 22 mai 2001, en raison des inquiétudes que soulèvent certaines dispositions, demeure encore incertain.

Au Parlement européen, la multiplication des commissions pour avis aux côtés de la commission des affaires juridiques saisie au fond, ainsi que l'affirmation de clivages transpartisans sur de nombreuses dispositions conduisent à des reports de vote réguliers . Il demeure toutefois heureux, de l'opinion de votre rapporteure pour avis, qu'afin de renforcer le poids de la commission culture dans l'élaboration de la position finale du Parlement, ait été décidé, le 10 mars dernier, d'appliquer la règle 54 s'agissant des travaux sur le règlement câble et satellite, qui oblige les rapporteurs des commissions de la culture et des affaires juridiques à accorder leur calendrier et leur projet de rapport. Pour ce qui concerne le projet de directive sur le droit d'auteur, s'applique la règle 53 consistant en une association informelle entre les deux commissions.

Les points de friction se concentrent sur les articles 11 et 13 du projet de directive sur le droit d'auteur, qui traite respectivement de la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse et de la responsabilité des plateformes (précisée par le considérant 38) en termes de filtrage des contenus diffusés. On imagine aisément combien les oppositions politiques sont ici exacerbées par l'implication dans le débat de lobbys forts puissants et organisés . Il n'est que de citer l'appel, le 14 mars dernier, de vingt-neuf organisations en faveur de la suppression du filtrage automatique des contenus au nom de la liberté d'expression, la défense enragée du règlement câble et satellite par le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) ou, a contrario , la plaidoirie de 411 acteurs de l'audiovisuel européen, dans une lettre envoyée le 3 mai dernier au Président du Parlement européen, à la présidence maltaise et à la future présidence estonienne, en faveur de l'abandon du projet.

Dans ce contexte, et compte tenu de la technicité juridique des sujets traités, la commission des affaires juridiques n'a cessé de reporter le vote de son rapport. Initialement prévu en juin, il pourrait finalement intervenir à l'automne sous l'égide de l'allemand Axel Voss, qui a remplacé le 16 juin dernier la rapporteure Therese Comodini Cachia à son départ pour le parlement maltais et dont le projet de rapport avait fait l'objet de vives critiques au sein même de son propre groupe. Pour mémoire, il y était proposé de supprimer le droit voisin au bénéfice des éditeurs de presse, de limiter les obligations de filtrage des contenus pesant sur les plateformes et d'élargir le champ de l'obligation pour TDM.

Si la présidence estonienne a rappelé que la législation sur le droit d'auteur constituait la priorité de son mandat et qu'elle espérait un aboutissement au mois de décembre 2017 tant sur la directive que sur le règlement câble et satellite, les négociations entre États membres ne sont guère plus fluides au sein du Conseil européen. De nombreux pays peinent à se positionner sur les dispositions les plus controversées.

L'Allemagne, interrogative quant aux dispositions de l'article 13 de la directive s'agissant du « value gap », a demandé une expertise au service juridique du Conseil, notamment pour ce qui concerne les conséquences de la jurisprudence de la CJUE sur la définition de la communication au public et sur les éventuelles interférences avec l'interdiction de l'obligation générale de surveillance prévue pour les plateformes par le directive e-commerce. Plus frontalement, six États-membres ont adressé en septembre un courrier au service juridique du Conseil pour mettre en doute la légalité de l'article 13 . Pour la Belgique, la République Tchèque, la Finlande, la Hongrie, l'Irlande et les Pays-Bas, la disposition soulève des problèmes de compatibilité avec le respect des droits et libertés fondamentaux reconnus au sein de l'Union : la liberté d'expression et d'information, la protection des données personnelles et la liberté d'entreprendre. Elle tendrait également à fragiliser le statut des hébergeurs protégés par la directive e-commerce et leur imposerait une obligation de surveillance généralisée des contenus incompatible avec la jurisprudence européenne. Cette position est partagée par les défendeurs de la liberté de l'Internet, comme l'ont exprimé au printemps la Wikimedia Foundation et la Free Software Foundation Europe . En France, la Quadrature du Net a ainsi résumé son sentiment : « ce filtrage automatisé a priori des contenus entraînerait des conséquences plus graves encore que celles qui auraient découlé de la mise en oeuvre de l'accord ACTA, pourtant rejeté comme liberticide en 2012 par le Parlement européen. (...) Une généralisation de ces « machines à censurer » conduira à mettre le Web européen sous cloche.»

Les positions ne sont guère moins éloignées s'agissant de la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse. Une douzaine d'États membres, dont le Benelux, la Pologne, le Royaume-Uni et l'Irlande, réfléchissent depuis l'été à une alternative, qui consisterait en un « droit à défendre en leur nom propre les droits des auteurs et à chercher des recours » , comme le proposait Therese Comodini Cachia, démarche critiquée par Andrus Ansip, vice-président de la commission européenne, devant la commission culture du Parlement.

La France a, pour sa part, signé une déclaration conjointe avec l'Italie, rendue publique le 9 mai dernier, soulignant son attachement au principe de la territorialité des droits et à la responsabilisation des plateformes en matière de respect du droit d'auteur , position que partage également votre rapporteure pour avis. Elle défend à ce titre le dispositif de filtrage automatisé des contenus prévu à l'article 13. Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a confié dans ce cadre, en juillet dernier, une mission à Olivier Japiot, directeur général du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), sur les outils de reconnaissance des oeuvres sur les plateformes en ligne, dont les premières conclusions sont attendues à l'automne en vue de convaincre les eurodéputés de la pertinence de l'article 13 et d'influencer les propositions de la Commission sur le « notice and take down » .


* 6 Hadopi : totem et tabou - Rapport d'information n° 600 (2014-2015).

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