D. LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET LA RADIOPROTECTION

1. Une mission prioritaire, qui reste sous haute tension budgétaire

En 2018, l'action n° 9 représente 58,5 M€ en AE (+1,21 %) et 63,5 M€ en CP (+ 1,11 %), soit 6,85 % des crédits du programme . Entre 2016 et 2017, cette action avait augmenté de 5,4 % en AE et de 4,9 % en CP.

Elle est mise en oeuvre par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) , autorité administrative indépendante créée par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire. L'ASN est chargée d'assurer, au nom de l'État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Ses principales missions sont de contribuer à la réglementation applicable, d'instruire les demandes d'autorisation des installations, de contrôler les installations existantes et d'informer le public.

Le programme 181 regroupe la totalité des emplois de l'ASN. Entre 2017 et 2018, le plafond d'emplois passe de 422 à 432 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit une augmentation de 10 ETPT . Cette évolution fait suite à une hausse de 30 ETPT entre 2016 et 2017.

Pour l'exercice de ses missions, l'ASN s'appuie sur l'expertise et les travaux de l' Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) , établissement public à caractère industriel et commercial dont les crédits sont portés par le programme 190 « Recherche en matière de développement durable ». En 2018, la dotation de l'IRSN ne sera pas revalorisée, tandis que son plafond d'emplois diminuera de 3 ETPT.

2. Un accroissement des enjeux de sûreté et de radioprotection

À deux exceptions notables - l'anomalie sérieuse conduisant à un excès de carbone dans les aciers des générateurs de vapeur, susceptible d'affecter 18 réacteurs d'EDF et les irrégularités détectées dans les fabrications de l'usine Creusot Forge - l'ASN juge l'année 2016 « globalement satisfaisante » en matière de sûreté nucléaire 17 ( * ) .

Elle estime toutefois que le contexte est préoccupant, dès lors que les enjeux de sûreté et de radioprotection vont croître sur la période 2017-2020, notamment :

- l'examen de la poursuite du fonctionnement des réacteurs de 900 MWe, à propos duquel l'ASN rendra un avis générique en 2019 ;

- le réexamen périodique d'autres grandes installations, notamment celles du cycle du combustible et les réacteurs de recherche, pour lesquelles l'ASN aura reçu d'ici fin 2017 une cinquantaine de dossiers de réexamen à analyser ;

- les améliorations post-Fukushima qui doivent continuer à être déployées ;

- la conduite des projets ou chantiers d'installations nouvelles, EPR, Cigéo, le réacteur Jules Horowitz et ITER, qui ont globalement pris du retard, sans que la sûreté ne soit généralement en cause, à l'exception de l'anomalie de la cuve de l'EPR.

Par ailleurs , les principaux industriels (Areva, CEA, EDF) premiers responsables de la sûreté de leurs installations, connaissent des difficultés économiques ou financières. Si l'ASN relève que des réorganisations profondes sont en cours, elle estime qu'il faudra du temps pour qu'elles prennent pleinement effet.

S'ajoute également à ces difficultés structurelles, une problématique nouvelle due à la découverte d'irrégularités dans la production de l'usine Creusot Forge d'Areva NP au cours de l'année 2016. Afin d'examiner les irrégularités découvertes et d'exercer un contrôle renforcé des exploitants et de leurs sous-traitants, l'ASN souhaite mettre en place des équipes d'inspection dédiées. Sur une demande de 15 ETP sur la période 2018-2020, l'ASN a obtenu 2 emplois complémentaires pour 2018.

En tenant compte de son récent report par le Gouvernement, l'objectif d'une baisse à 50 % de l'électricité d'origine nucléaire dans la production française va impliquer des choix complexes, aussi bien en termes de prolongation du parc existant, de démantèlement mais aussi de création de nouvelles installations. Quelles qu'elles soient, ces décisions vont avoir des conséquences importantes en matière de sûreté nucléaire dans les prochaines années.

L es ressources consacrées à la sûreté nucléaire et la radioprotection en France resteront donc sous tension en 2018, par rapport à la multiplication prévisible des enjeux et à l'importance des risques concernés. Les efforts limités qui ont été consentis ces dernières années en matière d'effectifs maintiennent une pression importante sur l'ASN et sur l'IRSN, alors que le caractère hautement prioritaire de leurs missions ne fait aucun doute .

3. Une réforme est nécessaire pour doter la sûreté nucléaire d'une trajectoire de financement pérenne et crédible

Dans ses précédents rapports, votre rapporteur pour avis avait pointé un décalage entre la multiplication des missions de l'ASN et de l'IRSN et la faible revalorisation de leurs moyens budgétaires et humains.

À terme, et comme votre rapporteur l'a souligné ces dernières années, une réforme du financement de la sûreté nucléaire doit être sérieusement envisagée, afin de créer une trajectoire de financement pérenne et crédible . À des concessions budgétaires limitées, accordées au coup par coup, doit succéder une vraie vision de long terme, cohérente avec les enjeux à venir du secteur nucléaire.

Dans son dernier rapport annuel, publié en juillet 2017, l'ASN relevait : « l'ASN et l'IRSN ont obtenu pour 2017 des emplois supplémentaires, qui restent néanmoins insuffisants pour pleinement faire face à ces enjeux. Une telle situation ne peut perdurer, et l'ASN en appelle à nouveau à une réflexion sur le financement du contrôle de la sûreté permettant de disposer de ressources adaptées et adaptables à ses besoins et à ceux de l'IRSN ». Les auditions menées par votre rapporteur pour avis confirment ces préoccupations pour l'avenir de la sûreté nucléaire.

À ce titre, il rappelle qu'une solution efficace consisterait en la création d'une taxe sur les exploitants d'installations nucléaires , dont le produit serait affecté au financement de la sûreté nucléaire. Comme l'avait indiqué notre collègue Michel Berson dans un rapport d'information de la commission des finances publié le 18 juin 2014 18 ( * ) , un tel système de financement de la sûreté nucléaire existe dans plusieurs pays européens . Un mécanisme de cette nature existe par ailleurs pour l'IRSN, qui bénéficie d'une contribution plafonnée des exploitants d'installations nucléaires de base.

En complément d'un financement budgétaire et afin de tenir compte des contraintes pesant sur le budget de l'État, une telle contribution permettrait de diversifier et d'accroître les ressources disponibles , tout en sollicitant les exploitants du secteur, qui bénéficient directement de la qualité des contrôles de l'ASN. En complément, une revalorisation de la contribution bénéficiant à l'IRSN lui permettrait de disposer d'un financement mieux adapté à l'augmentation de ses missions.


* 17 Rapport sur l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2016, 12 juillet 2017.

* 18 « La sûreté nucléaire de demain : un enjeu financier et démocratique », rapport d'information n° 634 (2013-2014) de M. Michel Berson, fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 juin 2014.

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