Avis n° 113 (2017-2018) de Mme Nicole BONNEFOY , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 23 novembre 2017

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N° 113

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

TRANSPORTS AÉRIENS

Par Mme Nicole BONNEFOY,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Claude Bérit-Débat, Patrick Chaize, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Pascale Bories, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean Bizet, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marta de Cidrac, MM. Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mmes Christine Lanfranchi Dorgal, Nadège Lefebvre, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Philippe Madrelle, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM.  Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Charles Revet, Mmes Nadia Sollogoub, Michèle Vullien .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 , 108 à 112 et 114 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est réunie mercredi 22 novembre 2017 pour examiner le rapport pour avis de Mme Nicole Bonnefoy sur les crédits relatifs aux transports aériens du projet de loi de finances pour 2018.

La commission s'est félicitée de la dynamique positive du secteur aérien , portée par une croissance importante du trafic de passagers, qui ouvre des perspectives de développement solides pour les acteurs économiques nationaux. Elle a notamment salué les projets stratégiques de développement mis en oeuvre par les compagnies aériennes françaises.

En revanche, elle s'est inquiétée de la persistance d'écarts de compétitivité importants entre les transporteurs français et les compagnies concurrentes, qui pourraient fortement pénaliser le pavillon national en cas de retournement de la conjoncture économique, et en particulier en cas de remontée rapide des cours du pétrole.

La commission s'est interrogée sur la possible privatisation du groupe Aéroports de Paris et a souligné les difficultés juridiques, financières et stratégiques qu'elle pose , alors même que le groupe est engagé dans d'ambitieux et coûteux projets d'investissement. Elle a également déploré que le temps d'attente aux contrôles aux frontières demeure excessif , et souligné la nécessité que le ministère de l'intérieur procède à un renforcement des effectifs de la police aux frontières.

S'agissant du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens (BACEA), la commission a salué les efforts de désendettement menés par la Direction générale de l'aviation civile, qui conduiront à réduire l'encours de la dette de 10 % en 2018, grâce à la hausse des recettes d'exploitation. Elle a pris acte de la poursuite de l'augmentation des dépenses de personnel, liée à la mise en place de mesures catégorielles décidées dans le cadre du protocole social 2016-2019.

Enfin, la commission a regretté la poursuite du désengagement de l'État des lignes d'aménagement du territoire , qui a conduit à l'abandon de trois nouvelles lignes aériennes en 2017.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le secteur aérien est porté par une croissance robuste au plan mondial et national, dont profitent les compagnies aériennes, les exploitants d'aéroports et l'industrie aéronautique.

Après les turbulences traversées en 2016, du fait d'un contexte sécuritaire marqué par les attentats terroristes, la croissance du trafic aérien national a repris avec vigueur au cours des premiers mois de l'année 2017 .

Portée par la hausse du trafic aérien et un prix du pétrole qui reste faible, la situation économique et financière des compagnies françaises, au premier rang desquelles Air France, s'améliore . Les projets de développement portés par les entreprises françaises, en particulier le lancement de la nouvelle compagnie « Joon » par Air France, témoignent d'un dynamisme retrouvé.

Mais ces fondamentaux positifs ne masquent pas une fragilité persistante des compagnies aériennes , qui pâtissent d'un différentiel de compétitivité vis-à-vis de leurs concurrents, eu égard aux écarts de charges sociales et au poids de la fiscalité spécifique au secteur aérien.

Les prochaines assises du transport aérien , qui auront lieu au cours du premier trimestre de l'année 2018, devront être l'occasion d'examiner les mesures à prendre pour améliorer la compétitivité du transport aérien, en matière de financement des dépenses de sûreté dans les aéroports, d'évolution des redevances aéroportuaires, de réforme de la taxe de solidarité ou de simplification des normes administratives.

La croissance du trafic aérien a pour corollaire l'augmentation des recettes d'exploitation perçues par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) au titre des prestations de contrôle de la navigation aérienne qu'elle effectue, et qui sont retracées par le budget annexe « Contrôle et exploitations aériens » (BACEA). En parallèle, les dépenses financées par le BACEA se réduisent du fait de la diminution de la charge de la dette consécutive à la politique de désendettement à l'oeuvre depuis 2015 .

La DGAC poursuit son désendettement en 2018 , avec une baisse de 10 % de l'encours de la dette, qui atteindra ainsi un niveau inférieur à celui d'avant la crise du transport aérien de 2009.

Enfin, l'État continue à se désengager des lignes d'aménagement du territoire et à concentrer son soutien financier sur les territoires les plus enclavés.

Au regard de l'assainissement de la situation financière de la DGAC, votre rapporteure a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs au transport aérien .

Réunie le 22 novembre 2017, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant sa rapporteure, a émis un avis favorable à l'adoption du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des crédits relatifs aux transports aériens de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2018.

I. LA SITUATION DU PAVILLON FRANÇAIS S'AMÉLIORE MAIS DEMEURE FRAGILE

A. UN SECTEUR AÉRIEN PORTÉ PAR DES VENTS FAVORABLES

1. Une croissance toujours forte du trafic aérien de passagers

Le trafic aérien de passagers national et mondial continue de progresser de manière significative .

En 2016, le trafic aérien mondial a atteint 3,8 milliards de passagers , (7 124 milliards de passagers kilomètres transportés - PKT), soit 6,8 % de plus qu'en 2015 . La croissance est plus importante sur le trafic international que sur le trafic intérieur (+ 8,1 % contre + 5,9 %). L'année 2016 s'inscrit dans la continuité des années précédentes : sur la période 2010-2016, le trafic de passagers a progressé en moyenne de 5,8 % par an (+ 6,4 % en PKT).

Cette croissance se répartit différemment selon les zones géographiques considérées : la région Asie-Pacifique a contribué pour plus de la moitié à la croissance du trafic mondial de passagers en 2016 et l'Europe à plus du quart de cette croissance.

Croissance du trafic aérien de passagers par zone géographique entre 2015 et 2016

Zone géographique

Croissance de la zone géographique

Contribution de la zone géographique à la croissance du trafic passager mondial

Europe

+ 6,7 %

+ 1,8 %

Afrique

+ 7,5 %

+ 0,2 %

Moyen Orient

+ 8,5 %

+ 0,4 %

Asie Pacifique

+ 10,4 %

+ 3,6 %

Amérique du Nord

+ 2,7 %

+ 0,7 %

Amérique Latine Caraïbes

+ 1,8 %

+ 0,1 %

Total

+ 6,8 %

+ 6,8 %

Source : DGAC

La France n'échappe pas à cette dynamique : le trafic aérien s'est élevé à près de 150 millions de passagers en 2016 en métropole , en hausse de 3,1 % par rapport à 2015, essentiellement du fait de la croissance du trafic international.

Croissance du trafic aérien de passagers en France métropolitaine en 2016

(en millions de passagers)

2016

Évolution par rapport à 2015

Intérieur Métropole

24,8

+ 3,1 %

Métropole-DOM/COM

4,0

+ 4,7 %

International

dont UE

121,1

71,2

+ 2,9 %

+ 5,5 %

Total

149,9

+ 3,1 %

Source : DGAC

Le trafic aérien métropolitain a toutefois été marqué par les attentats terroristes survenus en France à Paris le 13 novembre 2015 et à Nice le 14 juillet 2016, qui ont conduit à une moindre croissance par rapport aux prévisions, estimée à 1,3 % sur l'ensemble de l'année 2016 (ce qui représente environ 1,9 million de passagers en moins).

Le rythme de progression du trafic aérien demeure soutenu en 2017 , puisqu'au 1 er trimestre il a augmenté de 7,9 % au niveau mondial et de 8,8 % en Europe. En France, un effet de rattrapage par rapport à l'année 2016 est tangible , puisque la croissance du trafic s'est élevée à 5,9 %.

D'après les dernières estimations de l'Organisation internationale de l'aviation civile, le trafic aérien devrait croître au total de 7,4 % en 2017 au niveau mondial. Pour la France métropolitaine, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) prévoyait au printemps 2017 une croissance du trafic de passagers comprise entre 3,5 % et 4,4 % pour cette année.

2. La reprise de la croissance du trafic aérien de fret

Après une année 2015 en demi-teinte, qui avait enregistré un ralentissement important de la croissance du trafic aérien de fret en raison de la stagnation de l'économie mondiale , l'année 2016 marque le retour à une croissance soutenue, de 3,8 % , principalement tirée par l'Europe et l'Asie. Le trafic aérien mondial a atteint, cette année-là, 52,6 milliards de tonnes .

Croissance du trafic aérien de fret par zone géographique entre 2015 et 2016

Zone géographique

Volume du fret en 2016
(en milliards de tonnes kilomètres)

Croissance de la zone géographique

Contribution de la zone géographique à la croissance du fret mondial

Europe

46,5

+ 8,0 %

+ 1,7 %

Afrique

3,3

+ 0,4 %

0,0 %

Moyen Orient

28,8

+ 3,0 %

+ 0,4 %

Asie Pacifique

80,4

+ 3,1 %

+ 1,2 %

Amérique du Nord

40,2

+ 2,2 %

+ 0,5 %

Amérique Latine Caraïbes

5,7

- 0,5 %

0,0 %

Total

204,8

+ 3,8 %

+ 3,8 %

Source : DGAC

En termes de parts de marché dans le trafic de fret aérien, l'Europe arrive en seconde position après l'Asie

En France, l'activité fret est dominée par deux compagnies : Air France, qui a transporté 503 milliers de tonnes de fret en 2016 (22,1 % du fret total), et FEDEX, qui en a transporté 481 milliers de tonnes (21,1 % du fret total). Si FEDEX domine le marché domestique et vers l'Europe, Air France a quatre zones d'activités principales : l'Amérique du Nord, l'Asie, l'Amérique Latine et l'Afrique sub-saharienne.

L'année 2017 confirme le redressement de l'activité fret pour Air France , qui a augmenté son offre de 1,4 % sur la période de janvier à octobre par rapport à la même période en 2016. Cette hausse de l'offre provient des capacités en soute sur les avions « passagers », tandis que l'activité en avions « tout cargo » est restée stable. Cette augmentation de l'activité, cumulée à l'amélioration de la recette unitaire, a permis de générer un chiffre d'affaires sur la même période en hausse de 1,7 % par rapport à 2016.

Toutefois, en raison de la surcapacité structurelle du secteur du fret, Air France est confrontée à une concurrence importante et doit maîtriser ses coûts tout en améliorant ses performances opérationnelles au bénéfice de ses clients. Votre rapporteure se félicite par conséquent de l'investissement de 25 millions d'euros décidé par Air France en 2017 pour moderniser la gare fret à l'aéroport de Roissy et améliorer le service rendu aux clients .

B. UN PAVILLON FRANÇAIS DONT LA SITUATION S'AMÉLIORE MAIS QUI CONTINUE DE PERDRE DES PARTS DE MARCHÉ

1. Une amélioration de la situation économique du pavillon français...

Portées par la croissance du trafic aérien mondial et national, et par un prix du carburant qui reste faible, malgré sa remontée depuis 2016, les compagnies aériennes françaises voient leur situation économique et financière s'améliorer cette année par rapport à 2016 .

En 2016, le résultat du groupe Air France-KLM s'était apprécié par rapport à l'exercice précédent grâce aux bons résultats de KLM (+ 297 millions d'euros), tandis que le résultat d'exploitation d'Air France diminuait de 54 millions d'euros.

Le chiffre d'affaires du groupe, qui avait atteint 24,8 milliards d'euros, s'était en revanche dégradé par rapport à l'année précédente (- 3,3 %) , en raison principalement de la baisse des recettes unitaires sur les réseaux moyen-courriers et long-courriers s'agissant du transport de passagers. Le chiffre d'affaires de Transavia avait, en revanche, progressé de 11 %, du fait de la forte croissance du nombre de passagers transportés (+22,7%).

Évolution du chiffre d'affaires du groupe Air-France KLM entre 2015 et 2016

(en millions d'euros)

2015

2016

Variation 2016/2015

Passagers réguliers (hors Transavia)

19 707

18 849

- 4,4 %

Autres recettes passagers

834

833

- 0,1 %

Transavia

1 086

1 206

+ 11,0 %

Autres recettes Transavia

13

12

- 7,7 %

Fret

2 263

1 904

- 15,9 %

Autres recettes fret

162

165

+ 1,9 %

Total transport aérien

24 065

22 969

- 4,6 %

Maintenance

1 577

1 834

+ 16,3 %

Autres

47

41

- 12,8 %

Total chiffre d'affaires

25 689

24 844

- 3,3 %

Source : DGAC

La situation s'est nettement améliorée en 2017. La forte croissance du trafic mondial a profité au groupe Air-France KLM qui a transporté, au cours du 1 er semestre 2017, 47,1 millions de passagers (hors Transavia), en nette progression par rapport au 1 er semestre 2016 (+ 6,5 %), avec un taux d'occupation qui s'améliore également pour atteindre 86,3 %.

Sur les neuf premiers mois de cette année, le résultat d'exploitation d'Air France a atteint 545 millions d'euros, contre 326 millions en 2016 .

2. ... qui s'accompagne d'une stratégie offensive de croissance...

Après deux années difficiles et le rejet de différents projets stratégiques portés par la direction d'Air France, le climat social de l'entreprise s'est apaisé en 2017 .

L'année 2015 a été marquée par l'échec de l'adoption d'un nouveau plan stratégique baptisé « Perform 2020 » qui prévoyait, sur la période 2015-2020 une croissance de plus de 2 % par an des capacités offertes, l'arrivée de nouveaux appareils et un développement du réseau long-courrier à partir de 2017, en contrepartie de gains de productivité devant permettre une réduction des coûts unitaires d'environ 8,5 %, notamment par le biais de plans de départs volontaires.

Faute d'accord avec les organisations syndicales sur l'application de ce plan, le nouveau président directeur général d'Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, a présenté, le 2 novembre 2016, un nouveau plan « Trust Together » , dont la mesure emblématique consiste en la création d'une nouvelle compagnie initialement connue sous le nom de projet « Boost », devant investir des marchés concurrentiels en ouvrant de nouvelles lignes ou en reprenant des lignes fermées ou menacées de fermeture car non rentables. Ce plan prévoit également une réduction des coûts unitaires sur la période 2017-2020 de plus de 1,5 % par an afin de réduire son écart de compétitivité avec les autres compagnies aériennes.

Après plusieurs mois de négociation, un accord a été obtenu avec les organisations syndicales le 18 juillet 2017 pour créer la nouvelle compagnie, baptisée « Joon ». Cette compagnie démarrera ses activités le 1 er décembre prochain avec quatre liaisons moyen-courriers vers Barcelone, Berlin, Porto et Lisbonne. Les liaisons long-courriers débuteront à la fin du mois de mars 2018, avec des vols déjà prévus vers Mahé aux Seychelles et Fortaleza au Brésil.

Tout en restant dans les standards d'Air France en termes de qualité d'offre, Joon proposera des services spécifiques destinés à cibler la clientèle des « millenials » , c'est-à-dire les 18-35 ans. Les pilotes seront ceux d'Air France. En revanche, les personnels navigants commerciaux (PNC) seront recrutés par la nouvelle compagnie avec des conditions de travail et de rémunération moins avantageuses que celles des salariés d'Air France.

La compagnie prévoit d 'embaucher plus de 1 000 personnels navigants d'ici 2021 . Cette compagnie sera dotée, à terme, d'une flotte de 18 appareils moyen-courriers de type A320 et A321 et 10 appareils de type A340 et A350.

Plan de recrutement de PNC par la compagnie Joon d'ici 2021

Source : Air France

S'agissant de la filiale Transavia France , après avoir enregistré des pertes régulières depuis sa création, en 2007, en raison d'un développement rapide ayant nécessité de forts investissements, les premiers résultats de l'année 2017 laissent augurer une année bénéficiaire. En 2016, Transavia France a augmenté sa flotte de cinq avions, ce qui lui a permis d'accroitre son offre de 23 %.

Quant à la filiale Hop ! , issue de la fusion des compagnies Régional, Brit Air et Airlinair en 2013, qui exploite des réseaux court-courriers, son résultat d'exploitation s'est redressé de 31 millions d'euros en 2016 , bien qu'il soit resté négatif (- 4 millions d'euros). En 2017, le groupe pourrait parvenir à la rentabilité.

Le groupe Air France-KLM a également annoncé à l'été 2017 plusieurs opérations capitalistiques en vue de renforcer ses partenariats vers l'Atlantique Nord et la Chine , avec l'entrée à son capital des compagnies Delta Airlines et China Eastern, pour 10 % chacune et pour un montant de 750 millions d'euros, dans le cadre d'une augmentation de capital 1 ( * ) . Le groupe Air-France KLM entrera, pour sa part, dans le capital du groupe britannique Virgin Atlantic à hauteur de 31 %. Ces opérations permettront au groupe d'améliorer son bilan en réduisant son endettement de 500 millions d'euros .

Air France axe son offensive sur le long-courrier vers les destinations les plus prometteuses en termes de croissance (Atlantique Nord et Asie), ce qui est de nature à faire retrouver au groupe une croissance qui n'est pas principalement tributaire du prix conjoncturellement bas du pétrole.

D'autres compagnies françaises sont, en outre, lancées dans une stratégie de croissance à l'instar de French Blue, qui poursuit le développement de son offre low-cost sur des long-courriers, et proposera à partir de mai 2018 un nouveau vol Paris-Tahiti.

Ces différents projets montrent que les compagnies aériennes françaises poursuivent une stratégie de conquête de marché et font état d'une dynamique retrouvée , ce qui est un signal encourageant.

3. ... mais qui n'empêche pas la part de marché des compagnies françaises de continuer à se réduire

Si le pavillon français va mieux, sa situation économique demeure fragile . En effet, les compagnies françaises pâtissent toujours d'un différentiel de compétitivité par rapport à leurs concurrents, en particulier les compagnies low-cost et les compagnies du Golfe, dont la croissance demeure extrêmement dynamique.

Cela est particulièrement visible s'agissant du marché domestique, où la filiale HOP ! d'Air France est confrontée à la concurrence des compagnies Volotea et Easyjet, dont les parts de marché continuent d'augmenter. HOP ! a également subi la concurrence de la ligne LGV Sud Europe Atlantique, dont la mise en service le 2 juillet 2017 a conduit à une réduction de 32 % des sièges proposés sur la ligne Orly-Bordeaux.

En conséquence, malgré le dynamisme du trafic aérien, la part de marché du pavillon français a continué de baisser l'année dernière pour atteindre 41,8 % sur l'ensemble du trafic passagers au départ/à destination de la France, contre 43,1 % en 2015. Les entreprises françaises profitent moins que leurs concurrentes de la croissance du trafic aérien.

Cette évolution se confirme au 1 er semestre 2017, puisque la part du pavillon français en passagers transportés vers les destinations européennes a chuté de 0,6 point, pour atteindre 25,1 %.

La part de marché des transporteurs français s'érode régulièrement depuis plusieurs années . La part de marché du groupe Air France-KLM, en termes de passagers transportés sur les principaux faisceaux de trafic passagers au départ/à destination de la France, est passée de 42,5 % à 36,9 % entre 2009 et 2016.

Évolution de la part de marché du groupe Air-France KLM

Source : DGAC

C. DES PROBLÈMES DE COMPÉTIVITÉ QUI DEMEURENT IMPORTANTS

Les problèmes de compétitivité que connaissent les compagnies aériennes françaises sont persistants . Le pavillon français souffre d'un décalage de compétitivité-coût avec ses principaux concurrents, qui s'explique principalement par le différentiel de charges sociales que paient les entreprises, mais également par le poids de la fiscalité et des redevances qui pèsent sur le transport aérien français. De même, la complexité des normes administratives constitue un handicap pour la compétitivité du pavillon français.

1. Le poids des taxes sur le transport aérien
a) Une fiscalité spécifique au transport aérien qui augmente

Les transporteurs aériens sont soumis à quatre taxes spécifiques , dont les montants ont crû ces dernières années en raison de la progression du trafic mais également de revalorisations tarifaires.

La fiscalité du transport aérien

Le code général des impôts (CGI) prévoit l'application de quatre taxes spécifiques sur le transport aérien :

- La taxe de l'aviation civile (article 302 bis K du CGI)

La taxe de l'aviation civile (TAC) est due par les entreprises de transport aérien public, indépendamment de leur nationalité et de leur forme juridique, sur le nombre de passagers et de tonnes de fret ou de courrier embarqué au départ de la France.

Cette taxe permet de financer les missions d'intérêt général assurées par la Direction générale de l'aviation civile (contrôle de la navigation aérienne, surveillance et certification) non susceptibles d'être couvertes par des redevances, seulement de manière partielle.

Le tarif de la taxe s'élève, au 1 er avril 2017, à 4,48 euros par passager embarqué à destination de la France, d'un État de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, ainsi que de la Suisse, à 8,06 euros par passager embarqué vers d'autres destinations, et à 1,33 euro par tonne de courrier ou de fret embarquée. Ces tarifs sont revalorisés chaque année à la hauteur de l'inflation prévisionnelle - les tarifs ont ainsi été revalorisés de 1 % au 1 er avril 2016 et de 0,8 % au 1 er avril 2017.

Alors que son produit était auparavant réparti entre le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et le budget général, l'article 42 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a supprimé la quotité de taxe revenant au budget général. Désormais, le budget annexe est seul affectataire des recettes de la TAC

- La taxe de solidarité sur les billets d'avion (article 302 bis K du CGI)

Contribution additionnelle à la taxe de l'aviation civile, la taxe de solidarité sur les billets d'avion a été mise en place le 1 er juillet 2006. Elle est due par les mêmes entreprises redevables de la TAC.

Le tarif de la taxe est différencié en fonction de la destination et des conditions commerciales de transport des voyageurs. Il s'établit à 1,13 euro pour chaque passager embarqué à destination de la France, d'un État de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, ainsi que de la Suisse, et à 4,51 euros pour chaque passager embarqué vers d'autres destinations. Ces tarifs sont portés respectivement à 11,27 et 45,07 euros lorsque le passager voyage en classes « première » ou « affaires ». La dernière revalorisation de ces tarifs date du 1 er avril 2014.

L'article 136 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 a exonéré de taxe de solidarité sur les billets d'avions les passagers embarquant sur des vols au départ des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Le produit de cette taxe est reversé à l'Agence française de développement (AFD) pour financer le Fonds de solidarité pour le développement.

- La taxe d'aéroport (article 1609 quartervicies du CGI)

La taxe d'aéroport est due par les entreprises de transport aérien et assise sur le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués par ces entreprises. Elle est reversée aux aérodromes pour financer les services de sécurité-incendie-sauvetage, de lutte contre le péril animalier, de sûreté et les mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux.

Pour les passagers, le tarif de la taxe est différencié selon les aérodromes, en fonction de leur fréquentation - trois classes d'aérodromes sont distinguées 2 ( * ) . Il est fixé par arrêté pour chaque aérodrome ou groupement d'aérodromes, en fonction des prestations assurées et de l'évolution prévisionnelle des données relatives au trafic, aux coûts et aux autres produits de l'exploitant. Le barème est fixé suivant une fourchette variant en fonction de la classe considérée. Un abattement de 40 % s'applique aux passagers en correspondance.

L'article 103 de la loi de finances pour 2016 a relevé le montant de la valeur supérieure du tarif applicable aux aérodromes et groupements d'aérodromes de classe 3, de 13 à 14 euros. Le taux de la taxe a par conséquent été porté à 14 euros par arrêté 3 ( * ) pour la quasi-totalité des aérodromes de cette catégorie.

Pour le fret, le tarif de la taxe est égal à 1 euro par tonne de fret et de courrier pour tous les aérodromes.

- La taxe sur les nuisances sonores aériennes (article 1609 quatervicies A du CGI)

La taxe sur les nuisances sonores aérienne est due par les entreprises de transport aérien sur la base de la masse maximale au décollage des aéronefs qu'elles utilisent. Le fait générateur de la taxe est constitué par le décollage d'aéronefs de masse maximale au décollage de 2 tonnes ou plus sur les aérodromes concernés.

Le tarif de la taxe est fixé par arrêté, dans les limites d'un barème qui varie en fonction du groupe auquel est rattaché l'aérodrome.

Son produit est reversé aux exploitants des aéroports. Elle permet de financer les aides versées aux riverains de ces aéroports et, dans la limite de la moitié du produit annuel de la taxe, de rembourser à des personnes publiques des annuités des emprunts qu'elles ont contractés ou des avances qu'elles ont consenties pour financer des travaux de réduction des nuisances sonores prévus par les conventions passées avec les exploitants des aérodromes.

Ces taxes devraient représenter un montant cumulé de 1,7 milliard d'euros en 2018 , dont 1 milliard d'euros de taxe d'aéroport, 416,4 millions d'euros de taxe de l'aviation civile, 217 millions d'euros de taxe de solidarité et 49 millions d'euros de taxe sur les nuisances sonores.

Toutefois, rapporté au nombre de passagers transportés, le montant de ces quatre taxes par passager a baissé de 5,5 % entre 2011 et 2016 dans les principaux aéroports français, d'après le ministère des transports, puisque la fiscalité sur le transport aérien a augmenté moins vite que la croissance du trafic passager sur la période (+ 14,4 %). En outre, plusieurs mesures ont été adoptées pour réduire ou supprimer la fiscalité appliquée sur les passagers en correspondance , afin de renforcer la compétitivité des transporteurs français et l'attractivité des aéroports français :

- un abattement de la taxe d'aéroport pour les passagers en correspondance dans un aéroport français a été mis en place en 2013 ; il est aujourd'hui de 40 % ;

- une exonération partielle, puis totale depuis le 1 er janvier 2016, du paiement de la taxe de l'aviation civile pour les passagers en correspondance dans un aéroport français.

Malgré ces mesures, le montant de ces taxes reste élevé au regard de la fiscalité applicable dans d'autres pays européens, et il se répercute sur le prix des billets d'avion proposé par les compagnies françaises. D'après Air France, les taxes et redevances représentent près de 35 % du prix d'un billet pour un trajet domestique.

b) Mettre en oeuvre les propositions du rapport Le Roux relatives à la taxe de solidarité et à la taxe d'aéroport

Deux préconisations du rapport de Bruno Le Roux sur la compétitivité du transport aérien de 2014 relatives à la taxe de solidarité et à la taxe d'aéroport pourraient être mises en oeuvre pour améliorer la compétitivité du transport aérien français.

D'une part, l'assiette de la taxe de solidarité sur les billets d'avions pourrait être élargie, afin de diminuer son montant pour les compagnies aériennes. Si les objectifs de cette taxe, qui finance l'aide au développement, sont louables, il n'est en effet pas normal que seul le transport aérien français supporte cette taxe alors qu'il se développe dans un environnement fortement concurrentiel, et ce d'autant plus que la France est le seul pays d'Europe à avoir adopté une telle taxe.

Il conviendrait donc que l'assiette de cette taxe soit élargie, afin de pouvoir diminuer le montant imputé au transport aérien, voire d'asseoir cette taxe sur une autre assiette. Le rapport Le Roux propose ainsi de transférer partiellement ou totalement la charge due par le secteur aérien sur d'autres secteurs de l'économie comme la grande distribution, le secteur bancaire, ou les services de télécommunications.

D'autre part, le financement des missions de sécurité et de sûreté dans les aéroports ne doit plus uniquement reposer sur les compagnies aériennes .

Actuellement, les missions de sûreté et de sécurité des aéroports sont financées par la taxe d'aéroport payée par les entreprises de transport. Dans de nombreux pays, les autorités publiques contribuent au financement de ces missions, voire les prennent en charge en leur intégralité.

Or, le renforcement des normes et des contrôles de sûreté et de sécurité par les exploitants d'aéroports depuis les attentats du 11 septembre 2001 ont eu pour conséquence une progression soutenue du coût de la taxe supportée par les transporteurs aériens . D'après le Conseil général de l'environnement et du développement durable, le durcissement des mesures de sûreté s'est traduit par une envolée des coûts de 435 % en France, sans commune mesure avec l'évolution du trafic. Ces investissements se poursuivent aujourd'hui en raison d'une menace terroriste toujours prégnante.

Afin de limiter le coût de cette taxe, le rapport Le Roux a formulé plusieurs préconisations :

- contenir la hausse de la taxe d'aéroport par l'instauration d'une prise en charge, par l'État, du financement de l'installation de nouveaux matériels de détection d'explosifs pour les bagages de soute, imposés par la réglementation européenne ;

- mutualiser la contribution financière au sein de la communauté aéroportuaire . Cette mesure vise à associer les acteurs autres que les compagnies aériennes qui bénéficient des mesures de sûreté, comme les activités commerciales en zones réservées, le transport aérien privé ou les assistants en escale ;

- dégager les bonnes pratiques nécessaires à une plus forte maîtrise des dépenses de sûreté . Un groupe de travail chargé d'élaborer ce guide a été constitué afin de réduire les écarts de coûts significatifs entre aéroports présentant un niveau de trafic comparable. Ce guide a été finalisé et validé par les instances de l'Union des aéroports français (UAF) et devrait être publié prochainement 4 ( * ) ;

- passer sous redevance une partie des dépenses financées par la taxe d'aéroport en considérant que les coûts de sécurité liés aux services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs (SSLIA) et de service de prévention du péril animalier (SPPA) sont engendrés par un service rendu aux transporteurs. Ceci permettrait l'entrée de ces dépenses dans le champ d'application de la TVA et se traduirait par une économie annuelle de 40 millions d'euros pour les transporteurs aériens.

Ces différentes pistes devront impérativement être de nouveau examinées à l'occasion des prochaines assises du transport aérien qui auront lieu au début de l'année 2018.

2. Modérer l'évolution des redevances aéroportuaires
a) L'évolution des redevances aéroportuaires doit être maîtrisée

Les redevances aéroportuaires sont dues par les compagnies aériennes en contrepartie de la mise à disposition des installations aéroportuaires et des services rendus les aéroports dont elles bénéficient.

L'article L. 223-1 du code de l'aviation civile rappelle que le montant de ces redevances doit tenir compte de la rémunération des capitaux investis et peut tenir compte « des dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service ». Cet article stipule également que le produit global de ces redevances ne peut excéder le coût des services rendus sur l'aéroport.

Les tarifs de ces redevances font, s'agissant des exploitants d'aéroports appartenant à l'État, l'objet de contrats pluriannuels de régulation qui définissent leurs conditions d'évolution en fonction des prévisions de coûts, de recettes, des investissements et des objectifs de qualité des services publics rendus par les exploitants qui sont envisagés.

Le troisième contrat de régulation économique (CRE 3) portant sur la période 2016-2020 signé entre Aéroports de Paris et l'État a fixé un plafond d'évolution des redevances de 1 % par an en moyenne au-delà de l'inflation , avec une évolution tarifaire limitée à l'inflation en 2016, en contrepartie d'un programme d'investissements de 3 milliards d'euros, d'une maîtrise des charges courantes d'ADP et d'une amélioration de la qualité de services. Le contrat prévoit l'application de mécanismes d'ajustements tarifaires en cas de non-atteinte de ces objectifs.

Conformément au CRE 3, les tarifs des redevances ont augmenté, au 1 er avril 2017, de 0,97% , une hausse qui paraît modérée au regard du programme d'investissement important porté par ADP.

Pour l'année 2018 en revanche, le groupe ADP a récemment proposé une hausse des redevances de 2,125 %. Cette proposition tarifaire a été rejetée le 24 novembre dernier par la commission consultative économique des aérodromes de Paris- Charles-de-Gaulle et de Paris-Orly qui regroupe, outre des représentants d'ADP, des représentants des transporteurs aériens et de leurs organisations professionnelles. Dans un communiqué de presse faisant état de ce rejet, la Fédération nationale de l'aviation marchande indique que l'aéroport d'Amsterdam Schiphol a diminué ses redevances de 25 % sur les trois dernières années 2015-2017, lorsque le groupe ADP les a augmentées de 3 %.

Votre rapporteure rappelle la nécessité de modérer l'évolution des redevances aéroportuaires afin de ne pas affaiblir davantage le pavillon français . L'équilibre qui a été trouvé lors de l'élaboration du contrat de régulation économique permettant à ADP de financer un programme important de modernisation et d'extension des structures aéroportuaires, qui bénéficiera in fine aux compagnies aériennes, par une hausse limitée du montant des redevances, doit être respecté.

b) La mise en place d'une nouvelle autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires

En vertu de l'article 11 de la directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires, les États membres doivent mettre en place une autorité de supervision indépendante devant contrôler le niveau des redevances aéroportuaires afin de s'assurer qu'il n'excède pas la juste couverture du coût des services rendus par l'aérodrome concerné.

En France, cette fonction de supervision était, jusqu'en 2016, exercée par la Direction du transport aérien de la Direction générale de l'aviation civile.

Saisi par le syndicat des compagnies aériennes autonomes (SCARA) d'un recours, le Conseil d'État, dans une décision du 29 avril 2015, a considéré que les garanties d'indépendance de l'autorité de supervision n'étaient pas suffisantes . Il a enjoint le Gouvernement de prendre, dans un délai de huit mois, les mesures réglementaires nécessaires pour garantir la désignation d'une ASI conforme aux exigences d'indépendance formulées par la directive 2009/12/CE.

Une réforme de la supervision des redevances aéroportuaires a donc été consacrée par un décret du 23 juin 2016 5 ( * ) , qui a créé une nouvelle autorité de supervision indépendante.

L'autorité de supervision indépendante (ASI)

Mise en place par le décret du 23 juin 2016, la nouvelle autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires est compétente pour homologuer les redevances aéroportuaires des aérodromes dont le trafic annuel dépasse cinq millions de passagers ou faisant partie d'un système d'aérodromes comprenant au moins un aérodrome dont le trafic dépasse cinq millions de passagers. Pour les aéroports d'État dont le trafic est inférieur, la fonction de supervision continue d'être assurée par la direction du transport aérien de la DGAC.

L'ASI est placée auprès du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Elle est composée de cinq membres nommés pour un mandat de cinq ans, renouvelables une fois, par le ministre exerçant la tutelle du CGEDD. Son président et deux de ses membres sont choisis parmi les membres du CGEDD ; les deux autres membres sont des personnalités qualifiées.

L'ASI a pour missions :

- d'homologuer annuellement les tarifs des redevances aéroportuaires que les exploitants d'aéroports souhaitent appliquer ;

- de rendre un avis conforme sur les projets de contrat de régulation économique que le ministre chargé de l'aviation civile souhaite signer avec les exploitants d'aéroport.

Elle s'assure par ailleurs de la correcte mise en oeuvre de la procédure de consultation des usagers d'aéroports et des associations d'usagers avant l'adoption des tarifs annuels des redevances aéroportuaires, et avant la conclusion d'un contrat de régulation économique.

Le renforcement des garanties d'indépendance de l'autorité de supervision constitue une mesure positive qui permet de renforcer la transparence et l'équité du processus de détermination du niveau des redevances aéroportuaires .

La nouvelle ASI semble d'ailleurs avoir pris la pleine possession de ses fonctions puisque, dès le 2 août 2016, elle a refusé d'homologuer la première proposition tarifaire soumise par Aéroports de Paris pour la période tarifaire 2016 au motif qu'elle induisait une augmentation du tarif de la redevance d'atterrissage pour les aéronefs de moins de 40 tonnes, qui ne pouvait être considérée comme modérée.

3. Une simplification des normes administratives à amplifier

Outre la maîtrise des taxes et des redevances, un autre frein à la compétitivité des entreprises françaises de transport aérien réside dans la complexité des normes administratives auxquelles sont soumises leurs activités.

La règlementation du secteur aérien se caractérise par la cohabitation de textes européens d'application directe ou résultant de transposition et de textes français, construisant un référentiel complexe qui alourdit les tâches des opérateurs et l'organisation des opérations aériennes . Ces différentes normes se contredisent parfois entre elles.

Procéder à la suppression des dispositions et obligations redondantes ou contradictoires est nécessaire et porteur d'économies importantes dans des domaines tels que la réglementation relative aux licences des pilotes, aux conditions d'emploi des personnels navigants, à la surveillance technique des organismes habilités pour les contrôles et vérifications dans le domaine de la sécurité, à la formation ou encore à la sûreté.

Des travaux de simplification ont déjà été menés par la DGAC au cours des dernières années qui ont permis l'adoption de plusieurs mesures de simplification, comme par exemple la suppression des exceptions « outre-mer » relatives aux règles sur les opérations aériennes et les équipages.

Ces travaux de simplification des normes doivent se poursuivre à l'occasion des prochaines assises du transport aérien .

D. AÉROPORTS DE PARIS FAIT FACE À DE NOMBREUX DÉFIS

1. L'éventuelle privatisation d'ADP soulève de nombreuses interrogations

Conformément à l'engagement pris par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, le Gouvernement a annoncé la création, au 1 er janvier 2018, d'un fonds de soutien à l'innovation de 10 milliards d'euros alimenté par des cessions de participations ainsi que par des dividendes versés par les sociétés dont l'État est actionnaire.

En septembre dernier, le Gouvernement a ainsi procédé à des cessions de participations dans les groupes Engie et Renault , pour un montant respectif de 1,53 milliard et 55 millions d'euros.

L'Agence des participations de l'État examine par ailleurs les conditions d'une cession de participations de l'État dans d'autres groupes, dont le groupe Aéroports de Paris (ADP).

Actuellement, l'État détient 50,6 % du groupe ADP , une participation dont la valorisation s'élève à 7 milliards d'euros .

Répartition du capital d'ADP au 31 décembre 2016

Source : ADP

L'éventuelle privatisation du groupe ADP soulève de nombreuses questions .

D'un point de vue juridique, d'abord, se pose le problème du transfert des actifs fonciers d'ADP à l'État . Lors de la transformation d'ADP en société anonyme par la loi du 20 avril 2005 6 ( * ) , le groupe avait conservé la propriété des actifs fonciers (bâtiments aéroportuaires, pistes de décollage et d'atterrissage, etc.). La privatisation d'ADP nécessiterait de séparer ces actifs de l'exploitation, afin que la propriété du foncier puisse être transférée à l'État et que seule la gestion aéroportuaire fasse l'objet d'une concession.

D'un point de vue financier , ensuite, cette opération, certainement lucrative à court terme, priverait l'État de la « rente » que constituent les dividendes annuels versés par ADP . En 2016, le groupe ADP a versé 258 millions d'euros de dividendes à ses actionnaires, soit 60 % de son résultat net, dont 130 millions d'euros à l'État.

D'un point de vue stratégique, enfin, une telle privatisation fait courir le risque d'un affaiblissement du groupe aéroportuaire . Un opérateur privé qui rachèterait les parts d'ADP pourrait, à l'avenir, privilégier des choix d'investissement au détriment des aéroports parisiens. Il pourrait également avoir intérêt à augmenter les redevances aéroportuaires pour améliorer sa rentabilité financière au détriment des compagnies aériennes et particulièrement du pavillon français.

En tout état de cause, comme le stipule la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, une éventuelle privatisation du groupe ADP devrait nécessairement prendre la forme d'une loi et serait donc soumise à l'examen du Parlement 7 ( * ) .

2. La poursuite des projets d'investissement dans le cadre du plan « Connect 2020 »

Le troisième contrat de régulation économique (CRE 3) conclu entre l'État et ADP prévoit la réalisation, sur la période 2016-2020, d'un programme d'investissement de 3 milliards d'euros sur le périmètre régulé , soit une hausse de 50 % par rapport au CRE précédent, afin d'optimiser et de développer les aéroports parisiens.

Les principaux investissements prévus par le CRE 3 ont été engagés, en particulier :

- la construction d'un bâtiment de jonction entre les terminaux Sud et Ouest de Paris-Orly ;

- la jonction des satellites internationaux du terminal 1 de Paris-CDG ;

- la construction d'un trieur bagages dans le terminal 2 E de Paris-CDG.

Ce programme d'investissement est adossé à un plan stratégique « Connect 2020 » , qui prévoit 4,6 milliards d'euros d'investissements au total en incluant le périmètre non régulé. Outre les projets d'infrastructures mentionnés, ce plan prévoit de réaménager certains terminaux pour améliorer l'accueil et la circulation des passagers, de développer les services présents dans les aéroports, ou encore de créer de nouveaux aménagements pour les passagers en correspondance.

Ces investissements s'accompagnent d'un autre projet d'infrastructure essentiel pour le développement du hub parisien : le projet CDG-Express de liaison ferroviaire directe et sans arrêt de 20 minutes entre Paris (Gare de l'Est) et l'aéroport Paris-CDG .

Plan du tracé du projet de liaison ferroviaire CDG-Express

Le coût de la construction de cette ligne est estimé à 2,1 milliards d'euros . Aéroports de Paris et SNCF Réseau participent à parts égales en fonds propres pour un montant d'environ 0,2 milliard d'euros chacun. Le complément, de 1,7 milliard d'euros, devait être obtenu par emprunt auprès d'établissements bancaires, avec des garanties de l'État. Les charges financières et d'exploitation de cette infrastructure seront couvertes par la redevance d'usage de l'infrastructure versée par l'exploitant du service de transport ferroviaire, complétée par le produit d'une taxe à prélever sur les passagers aériens de l'aéroport de Paris-CDG, hors ceux en correspondance 8 ( * ) .

Les travaux de réalisation de l'infrastructure doivent débuter en 2018 , l'objectif étant que la ligne soit mise en service à la fin de l'année 2023, avant la tenue des Jeux Olympiques de 2024.

Afin de sécuriser le financement de ce projet d'infrastructure, le Gouvernement a, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018 à l'Assemblée nationale, présenté un amendement prévoyant l'octroi d'un prêt par l'État de 1,7 milliard d'euros à la société concessionnaire en charge de la réalisation de cette infrastructure, détenue par SNCF Réseau et le groupe ADP.

Maintenant que les conditions de financement de ce projet sont réunies, votre rapporteure espère un engagement rapide des travaux du CDG-Express, afin que le calendrier très contraint puisse être tenu.

3. Un temps d'attente aux contrôles frontières toujours trop long

Après une année 2016 marquée par une croissance du trafic de passagers modérée, le premier semestre 2017 a renoué avec une croissance forte, de l'ordre de 5,9 % . Cette croissance profite à tous les principaux aéroports français, dont les aéroports de Paris-CDG et Paris-Orly qui voient leur trafic augmenter de 5,2 % et 4,6 %.

La forte croissance du trafic de passagers dans les aéroports français est un signal positif, qui démontre l'attractivité de notre pays et de nos infrastructures aéroportuaires .

Cette évolution du trafic s'accompagne cependant d'un temps d'attente aux contrôles aux frontières très important dans les aéroports parisiens ; pendant la période estivale, ce temps d'attente est en moyenne de 1 heures 30 à Orly, avec des pointes pouvant aller jusqu'à 3 heures d'attente, ce qui a des conséquences très pénalisantes.

Après une année 2016 particulièrement difficile, marquée par une dégradation importante des temps d'attente aux frontières, la situation s'est légèrement améliorée en 2017 . En effet, ADP a installé plus de quarante systèmes « Parafe » supplémentaires permettant un contrôle automatisé des passeports. Par ailleurs, pour faire face à l'afflux de touristes estivaux, des policiers supplémentaires ont été déployés au mois de juillet.

Seul un renforcement significatif et durable des effectifs de la police aux frontières pour faire face à la croissance du trafic aérien et au renforcement des contrôles est de nature à faire diminuer le temps d'attente aux frontières. Votre rapporteure appelle le ministère de l'intérieur à prendre ses responsabilités en la matière .

II. UN BUDGET DE LA DGAC QUI CONTINUE DE S'ASSAINIR

Le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) retrace les crédits relatifs aux activités de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) . Ils financent en particulier les prestations de services que cette administration rend en matière de contrôle de la navigation aérienne.

Le BACEA est présenté chaque année à l'équilibre, les dépenses étant financées principalement par les recettes tirées des services rendus par la DGAC et, le cas échant, par la variation de son endettement.

En 2018, le montant total du budget annexe s'élèvera à 2,127 milliards d'euros , en légère baisse par rapport à celui de l'année dernière (2,135 milliards d'euros).

Les recettes d'exploitation sont en légère hausse de 5 millions d'euros, pour atteindre 2,038 milliards d'euros. Les dépenses courantes du budget annexe s'élèvent à 1,681 milliard d'euros et les dépenses d'investissement à 256 millions d'euros, soit un total de 1,937 milliards d'euros. Cet excédent d'environ 100 millions d'euros permet à la DGAC de poursuivre son désendettement en 2018.

A. DES RECETTES D'EXPLOITATION QUI POURSUIVENT LEUR PROGRESSION EN RAISON DE L'AUGMENTATION DU TRAFIC AÉRIEN

Contrairement aux autres administrations, la DGAC ne perçoit pas de subventions du budget général, puisque la totalité de recettes est issue des redevances et des taxes qu'elle perçoit au titre des prestations qu'elle fournit

Le niveau des recettes perçues par le BACEA est étroitement corrélé à l'évolution du trafic aérien . La poursuite de la croissance du trafic aérien en 2018 a pour conséquence une augmentation des recettes d'exploitation de 5 millions d'euros par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2017. Si l'on prend en compte la baisse de la RSTCA-M de 26 millions d'euros intervenue en 2017 (voir infra ), l'augmentation par rapport aux recettes réellement perçues en 2017 est de 32 millions d'euros .

Recettes du budget annexe en 2017 et 2018

(en millions d'euros)

2017

(LFI)

2018

(PLF)

Variation 2017/2018

Redevances de navigation aérienne

Redevance de route

1 309,9

1 318

+ 0,6 %

Redevance pour services terminaux de la navigation aérienne pour la métropole

232,4

211

- 9,2 %

Redevance pour services terminaux de la navigation aérienne pour l'outre-mer

28

28

0 %

Redevance océanique

13

13

0 %

Redevances surveillance et certification

28,24

28,49

+ 0,88 %

Taxe de l'aviation civile

410,4

416,4

+ 1,5 %

Taxe de solidarité

-

6,6

-

Taxe Bâle-Mulhouse

-

6

-

Gestion des taxes

6,54

6,54

0 %

Autres recettes

4,28

4,14

- 3 %

Total

2 032,7

2 038,2

+ 0,27 %

Source : projet annuel de performances du budget annexe « Contrôle et exploitations aériens » du PLF 2018

1. La baisse du montant des redevances en raison d'une révision des taux de RSTCA-M

La DGAC perçoit, au titre des missions de contrôle, de surveillance et de certification qu'elle effectue, différentes redevances payées par les opérateurs du secteur aérien , qui représentent 78 % de ses recettes d'exploitation.

a) Les redevances de navigation aérienne

Les services de navigation rendus par la DGAC donnent lieu à quatre redevances payées par les entreprises de transport aérien :

- la redevance de route (RR) , qui rémunère l'usage des installations et services en-route de navigation aérienne dans l'espace aérien relevant de la responsabilité de l'État au-dessus de son territoire métropolitain et dans son voisinage ;

- la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne métropole (RSTCA-M) , qui rémunère l'usage des installations et services terminaux de navigation aérienne à l'arrivée et au départ des aérodromes métropolitains dont l'activité dépasse un certain seuil ;

- la redevance océanique (ROC) , qui rémunère l'usage des installations et services en-route de navigation aérienne dans l'espace aérien outre-mer ;

- la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne outre-mer (RSTCA-OM) , qui rémunère l'usage des installations et services terminaux de navigation aérienne à l'arrivée et au départ des aérodromes d'outre-mer dont l'activité dépasse un certain seuil.

Le taux unitaires de ces redevances évolue selon un plan de performance établi par la Direction des services de navigation aérienne (DSNA) pour la période de référence 2015-2019. Ces taux sont éventuellement ajustés en fonction des écarts constatés entre les données réelles et les données prévues dans le plan de performance en termes d'inflation, de trafic ou de coût.

En 2018, compte tenu des prévisions de trafic actualisées , les recettes de navigation aérienne pour la métropole sont estimées à 1,539 milliard d'euros , dont 1,318 milliard d'euros pour la redevance de route et 211 millions d'euros pour la RSTCA-M. Quant aux recettes de navigation aérienne outre-mer, elles sont estimées à 41 millions d'euros , dont 13 millions d'euros pour la redevance océanique et 28 millions d'euros pour la RSTCA-OM.

Le service de contrôle de la circulation aérienne peut être mesuré en unités de services (UDS), qui constitue l'unité de facturation du service rendu aux usagers, et qui varie en fonction de la distance parcourue par l'aéronef et de sa masse maximale au décollage.

Comme le montrent les graphiques suivants, après la baisse du trafic aérien enregistrée à la suite de la crise économique et financière de 2008, la reprise de la croissance du tarif a eu pour conséquence une augmentation des UDS des redevances métropolitaines - cette hausse a également été portée par l'augmentation de la masse maximale des aéronefs au décollage.

Évolution des unités de services de la redevance de route

(en milliers)

Source : projet annuel de performances du budget annexe « Contrôle et exploitations aériens » du PLF 2018

Évolution des unités de services de la RSTCA-M

(en milliers)

Source : projet annuel de performances du budget annexe « Contrôle et exploitations aériens » du PLF 2018

La baisse importante de la RSTCA-M en 2018 par rapport à 2017 (- 9,2 %) s `explique par la révision des taux de cette redevance par un arrêté du 27 janvier 2017. Cet arrêté a mis en place des taux de RSTCA-M différenciés selon les aéroports , pour permettre de baisser le tarif de cette redevance sur les aéroports parisiens. En conséquence, les taux unitaires de RSTCA-M se sont élevés, en 2017 :

- à 177,69 euros pour les aérodromes de la zone tarifaire terminale 1 (Paris-CGD et Orly)

- à 222,28 euros pour les aérodromes de la zone tarifaire terminale 2 (les autres aérodromes d'État)

Le tarif unique de RSTCA en métropole qui prévalait jusqu'alors (226,19 euros en 2016) pour tous les aéroports d'État avait un effet péréquateur, puisqu'il était supérieur au coût effectif des services rendus dans les plus gros aéroports (Paris-CDG et Orly) et inférieur dans les autres aéroports.

La mise en place de taux différenciés, en atténuant l'effet péréquateur de la RSTCA, a permis de baisser de 26 millions d'euros le montant de cette taxe due par les compagnies aériennes en 2017 . Cette mesure a principalement bénéficié au pavillon français, et en particulier à Air France, pour qui la baisse a été de 11 millions d'euros.

Votre rapporteure se félicite de la baisse de cette redevance, qui constitue un soutien financier important pour les compagnies aériennes , et qui permet de compenser l'affectation au budget annexe de la quotité de taxe de l'aviation civile qui était auparavant affectée au budget de l'État.

Cette mesure répond à une demande de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat , qui avait adopté un amendement en ce sens lors de l'examen du dernier projet de loi de finances qui n'avait malheureusement pas pu aboutir en raison du rejet de ce texte par le Sénat.

b) Les redevances de surveillance et de certification

Les prestations de surveillance et de certification donnent lieu à la perception de redevances . Ces prestations, définies à l'article L. 611-5 du code de l'aviation civile, correspondent à la surveillance des acteurs de l'aviation civile, à la délivrance d'agréments et d'autorisations, de licences ou de certificats nécessaires aux opérateurs.

Elles concernent un nombre varié d'opérateurs, comme les constructeurs, les ateliers d'entretien, les compagnies aériennes, les aéroports ou encore les organismes de sûreté et les opérateurs de navigation aérienne.

En 2018, les prévisions de recettes au titre de ces redevances sont estimées à 28,29 millions d'euros , en légère hausse par rapport à l'année précédente (+ 0,88 %).

2. Une hausse du produit des taxes affectées au BACEA portée par la mise en place de la taxe « Bâle-Mulhouse »
a) Une taxe de l'aviation civile intégralement affectée au BACEA

La taxe d'aviation civile (TAC) , due par les entreprises de transport aérien, est assise sur le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués en France.

Jusqu'en 2015, la TAC était répartie entre le BACEA et le budget général de l'État, selon une proportion définie chaque année en loi de finances. La loi de finances rectificative pour 2015 a supprimé la quotité de TAC revenant au budget général de l'État et a, par conséquent, procédé à l'affectation à 100 % de cette taxe au BACEA à compter du 1 er janvier 2016.

Pour 2018, le produit de la TAC est estimé à 416,4 millions d'euros, en hausse de 1,5 % par rapport à 2017 .

b) Le reversement de l'excédent de taxe de solidarité au BACEA

La taxe de solidarité sur les billets d'avion , qui prend la forme d'une contribution additionnelle à la taxe de l'aviation civile, est perçue au profit du Fonds de solidarité pour le développement.

Depuis la loi de finances rectificative pour 2016, la partie des recettes excédant le plafond de 210 millions d'euros est reversée au BACEA et non plus au budget général.

En 2018, ce reversement au budget annexe de la partie des recettes excédant ce plafond s'élève à 6,6 millions d'euros .

c) La mise en place de la taxe « Bâle-Mulhouse »

En raison de son statut particulier, l'aéroport franco-suisse « Bâle-Mulhouse » était jusqu'à présent exempté de la taxe de l'aviation civile . Les missions d'intérêt général effectuées par l'administration française de l'aviation civile au titre du trafic opéré vers cet aéroport n'étaient donc pas compensées financièrement.

Afin de financer les missions de la DGAC au profit des compagnies qui atterrissent dans cet aéroport, une contribution a été créée par la loi de finances pour 2016 9 ( * ) , et mise en oeuvre par un décret du 26 avril 2017 10 ( * ) .Le mode de calcul de cette contribution est similaire à celui de la TAC. Le tarif de cette taxe a été fixé par arrêté à 1,73 euro par passager embarqué en France.

Pour 2018, le produit de cette taxe est estimé à 6 millions d'euros .

B. DES DÉPENSES QUI DIMINUENT EN RAISON D'UNE RÉDUCTION DES REMBOURSEMENTS DE LA DETTE

Toutes dépenses confondues, le montant des crédits retracés dans le budget annexe « Contrôle et exploitation aérien » diminue, en 2018, de 8 millions d'euros par rapport à 2017 pour atteindre 2,127 milliard d'euros .

Cette diminution des dépenses du BACEA est la conséquence de la réduction du remboursement des emprunts de la DGA de 27 millions d'euros , elle-même consécutive au désendettement à l'oeuvre depuis 2015.

À l'inverse, les dépenses relatives aux opérations courantes de la DGAC, c'est-à-dire à l'exercice de ses missions, augmentent de 13 millions d'euros en 2018 pour atteindre 1,681 milliard d'euros, du fait essentiellement de la progression des dépenses de personnel.

Quant aux dépenses d'investissement, elles progressent également de 6 millions d'euros pour atteindre 256 millions d'euros.

Dépenses du budget annexe en 2017 et 2018

(crédits de paiement, en millions d'euros)

2017

2018

Variation 2017/2018

Opérations courantes

613 - Soutien aux prestations de l'aviation civile

Dont dépenses de personnel

1 329,8

1 183,2

1341,1

1 199,1

+ 0,8 %

+ 1,3 %

612 - Navigation aérienne

307,3

308,9

+ 0,5 %

614 - Transports aériens, surveillance et certification

31,1

31

- 0,3 %

Sous-total

1 668,3

1 681,1

+ 0,7 %

Opérations en capital

Amortissement des prêts et avances et amortissement financier

217

190

- 12,4 %

Acquisition d'immobilisations

250

256

+ 2,4 %

Total BACEA

467

446

- 4,5 %

Source : projet annuel de performances du budget annexe « Contrôle et exploitations aériens » du PLF 2018

1. Le programme 613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile »

Le programme 613 constitue le programme « support » du budget annexe . Il retrace à titre principal les dépenses relatives aux ressources humaines, à la gestion financière, à la politique immobilière et aux systèmes d'informations engagées par la Direction générale de l'aviation civile. Il comprend également la subvention pour charges de service public versée par la DGAC à l'école nationale de l'aviation civile (ENAC)

Ce programme, qui représente le principal poste de dépenses du BACEA, est marqué en 2018 par une augmentation des dépenses de personnel de 16 millions d'euros pour atteindre près de 1,2 milliard d'euros . Il permet de financer les 10 611 agents que compte la DGAC - hors effectifs de l'ENAC.

Si le schéma d'emploi est nul, c'est-à-dire que les effectifs n'augmentent pas, la hausse de la masse salariale en 2018 s'explique principalement par les mesures catégorielles attribuées aux agents de la DGAC, qui représentent un montant de 17,7 millions d'euros. Ces mesures découlent de l'application du protocole social 2016-2019 signé le 19 juillet 2016 entre la DGAC et les syndicats représentatifs des personnels de la DGAC.

Ce protocole prévoit des mesures sociales au profit des personnels, pour un montant de 55 millions d'euros sur la période (incluant les mesures du protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations - PPCR - pour les personnels de catégorie B) et une stabilité des effectifs sur la durée, en contrepartie d'une réorganisation du travail et d'efforts de productivité.

S'agissant des contrôleurs aériens, ce protocole prévoit par exemple l'octroi d'une prime de 500 euros par mois pour les contrôleurs choisissant un tour de service de 7 jours calendaires sur 12, et de 250 euros pour ceux qui choisissent un tour de service de 6,5 jours sur 12 en période de charge (contre 6 jours sur 12 actuellement). Cela doit permettre d'accroître le taux de présence des contrôleurs pendant les périodes de pointe du trafic.

En ce qui concerne les autres dépenses portées par le programme 613, on constate une maîtrise des dépenses de logistique et une baisse des charges financières de 3 millions d'euros en 2018 , grâce à la réduction de l'encours de la dette.

Enfin, la subvention du programme 613 à l'ENAC s'élève à 93,2 millions d'euros , en hausse de 2 millions d'euros (dont 89,2 millions d'euros de dépenses de personnel et de fonctionnement et 4 millions d'euros de dépenses d'investissement). Elle permet de financer les activités de l'ENAC de formation aux métiers de la DGAC et du secteur aérien, ainsi que les activités de recherche, d'expertise et de soutien. Le nombre d'emplois sous plafonds de l'ENAC, de 812 équivalents temps plein travaillé (ETPT) est identique à celui de 2017.

2. Le programme 612 « Navigation aérienne »

Le programme 612 finance les activités de la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA) , service à compétence national chargé de fournir les services de circulation aérienne, de communication, de navigation et de surveillance, ainsi que les services d'information aéronautique aux aéronefs évoluant dans l'espace aérien géré par la France.

En 2018, les crédits du programme sont stabilisés par rapport à 2017 ; ils s'élèvent à 531,8 millions d'euros . Si les dépenses de fonctionnement (télécommunications entretien des bâtiments, informatique, etc.) restent stables, les dépenses d'investissement augmentent légèrement, de l'ordre de 2 millions d'euros pour atteindre près de 223 millions d'euros, ce qui permet à la DSNA de poursuivre ses différents programmes d'investissement de modernisation des systèmes de gestion du trafic aérien lancés au cours des années précédentes :

- le programme « 4-FLIGHT » , lancé en 2011 par la signature d'un contrat-cadre avec l'entreprise Thalès, qui constitue le coeur de la modernisation du système de gestion du trafic aérien français. Il sera basé sur un nouveau système de traitement automatique des plans de vol (« COFLIGHT »), dont la première version opérationnelle a été réceptionnée en 2014. Ce programme entre progressivement en phase de mise en service, et a fait l'objet de premiers tests en 2017 dans les centres pilotes de Reims et d'Aix-en-Provence ;

- le programme « ERATO » , qui constitue un nouveau système d'assistance aux contrôleurs leur permettant de gérer les vols dans un environnement tout électronique. Il sera progressivement intégré dans le système 4-FLIGHT à partir de 2019 ;

- le programme « SYSAT » (Système approches tours) , qui oeuvre à la modernisation des systèmes des tours de contrôle et des centres d'approche. Ce programme sera déployé prioritairement sur les aéroports d'Orly, de Roissy-Charles-de-Gaulle et de Nice à l'horizon 2021. Les déploiements dans les autres tours et approches devraient s'étaler jusqu'en 2025 ;

- le programme « CssIP » (Communications sol-sol sous IP) , dont l'objectif est de renouveler et de migrer les réseaux de communication sol-sol sous Internet Protocole (IP). La migration des données relatives aux plans de vol et aux radars est en cours et sera réalisée d'ici 2019 ;

- le programme DATA-LINK , qui vise à développer un système de communication sol-bord, entre les contrôleurs et les pilotes. La DSNA poursuivra la mise en service des fonctionnalités complètes de ce programme d'ici 2020.

Ces différents programmes représentent une enveloppe financière de 134 millions d'euros en 2018 , soit plus de la moitié des dépenses d'investissement du programme 612. Au total, ils représentent un investissement de 1,7 milliard d'euros pour la DGAC.

Coût des programmes d'investissement de la DSNA

(en millions d'euros)

Programme

Durée du programme

Coût sur la période antérieure à 2017

2017

2018

Coût restant après 2018

Coût total

COFLIGHT

2003 - 2022

211,7

23,7

20,5

54

309,9

4-FLIGHT

2011 - 2022

309,5

78,1

78,8

202,7

669,1

ERATO

2002 - 2015

127,2

-

-

-

127,2

SYSAT

2012- 2025

9,1

6,6

29

264,1

308,8

CCSIP

2006 - 2019

124,8

10,8

5

75

215,6

DATA-LINK

2006 - 2019

24,4

1,6

1

1

29

Source : DGAC

Outre ces programmes de recherche et de développement technologique, les dépenses d'investissement supportées par le programme 612 permettent de financer des opérations de génie civile pour un montant de 56,4 millions d'euros , permettant de maintenir les systèmes existants en conditions opérationnelles, de rénover les stations radar et les stations air-sol, de même que les bâtiments existants (tours de contrôles et blocs techniques).

3. Le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification »

Le programme 614 retrace les crédits relatifs aux missions de régulation et de surveillance du transport aérien menées par la Direction du transport aérien (DTA), la politique de sécurité et de sûreté conduite par la Direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) ainsi que le fonctionnement du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) .

En 2018, ce programme sera doté de 43,4 millions , un montant quasiment identique à celui de 2017.

S'agissant de la Direction du transport aérien , ses dépenses d'investissement permettront la poursuite de projets engagés visant à renforcer la sûreté aérienne, en particulier :

- les travaux du laboratoire de détection des explosifs artisanaux de Biscarosse , qui a pour mission de tester et certifier les technologies des équipements de détection des explosifs. Après avoir lancé une première phase sur les explosifs solides, les prochaines années seront consacrées à la mise en oeuvre de moyens de détection des explosifs liquides, pour un montant de 0,7 million d'euros en 2018 ;

- le déploiement de l'application de gestion des habilitations nationales et des titres de circulation pour l'accès aux zones réservées des aéroports (STITCH ) dans d'autres plateformes aéroportuaires, pour un montant de 1,9 million d'euros en 2018 ;

- le projet Passenger Name Record (PNR) , qui vise à recueillir et traiter les données de réservation des passagers détenues par les compagnies aériennes. La DGAC participe à son financement à hauteur de 20 %, pour un montant de 3,7 millions d'euros en 2018.

En ce qui concerne la politique de sûreté et de sécurité , le maintien des crédits en 2018 permettra de financer les actions de la Direction de la sécurité de l'aviation civile de certification en matière de sûreté et d'inspections sur site ainsi que le service technique de l'aviation civile (STAC). Ces crédits financent également le service des systèmes d'information et de modernisation, qui assure la maîtrise d'oeuvre pour la maintenance et le développement des applications informatiques métier.

Enfin, le budget du Bureau d'enquêtes et d'analyses est en légère hausse en 2018, et s'élèvera à 2,9 millions d'euros . Il permettra de financer les interventions et expertises de cet organisme sur les accidents ou interventions graves, et de financer les investissements techniques nécessaires ainsi que la formation des enquêteurs.

C. LE DÉSENDETTEMENT DE LA DGAC SE POURSUIT EN 2018

L'endettement de la DGAC a fortement progressé entre 2006 et 2014 en raison de deux principaux phénomènes .

D'une part, deux emprunts ont été réalisés en 2006 pour un montant de 253 millions d'euros afin de financer le transfert à la DGAC des immobilisations d'Aéroports de Paris en matière de navigation aérienne et de réaliser des investissements productifs.

D'autre part, des emprunts importants ont été contractés suite à la crise économique et financière de 2008-2009, pour pouvoir absorber la baisse importante du trafic aérien sans augmenter les taxes et redevances , ce qui aurait davantage fragilisé les compagnies aériennes.

L'encours de dette a fortement progressé pour atteindre 1 281 millions d'euros en 2014 . Depuis 2015, la DGAC poursuit une stratégie de désendettement qui s'est amplifiée en 2016 et 2017. L'encours de la dette est ainsi passé à 1 215 millions d'euros en 2015, 1 100 millions d'euros en 2016 et 986 millions en 2017 .

Évolution de l'encours de la dette de la DGAC

(en millions d'euros)

Source : DGAC

Le projet de loi de finances pour 2018 confirme cette évolution . Le dynamisme des recettes d'exploitation, supérieur à l'augmentation des dépenses courantes, couplé à la réduction de l'amortissement financier (c'est-à-dire des remboursements d'emprunts) et des charges financières permet à la DGAC de rembourser un montant d'emprunt de 190 millions d'euros en 2018 11 ( * ) .

Au total, l'encours de la dette baisse de plus de 10 %, pour atteindre 883,6 millions d'euros , soit un niveau inférieur à celui d'avant la crise du transport aérien de 2009.

Votre rapporteure salue les efforts de désendettement menés par la DGAC , qui permettent de réduire les charges liées aux intérêts d'emprunt, et de retrouver des niveaux d'endettement davantage soutenables.

Évolution de la politique d'emprunt de la DGAC en 2017 et 2018

(en millions d'euros)

LFI 2017

PLF 2018

Variation 2017/2018

(en euros)

Variation 2017/2018

(en pourcentage)

Emprunt

102,6

87,2

-15,4

-15,0%

Charges financières

19,7

16,7

-3,0

-15,2%

Remboursement d'emprunt

217,1

190,0

-27,1

-12,4 %

Encours de dette

986,4

883,6

-102,8

-10,4 %

Source : DGAC

D. LE DÉSENGAGEMENT DE L'ETAT DES LIGNES D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SE POURSUIT

En 2018, les crédits consacrés aux lignes d'aménagement du territoire par le programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » s'élèvent à 12,9 millions d'euros , soit un niveau égal au montant qui devrait effectivement être consacré à cette politique en 2017 12 ( * ) .

Les subventions accordées aux lignes métropolitaines décroissent en raison de l'arrêt, en 2017, des subventions versées aux lignes Agen-Paris, Castres-Paris et Lannion-Paris, qui viennent s'ajouter à l'arrêt des lignes Brest-Ouessant, Tarbes-Paris, et Lorient-Lyon en 2016.

En 2018, l'État ne contribuera plus qu'au financement de cinq lignes métropolitaines : les lignes Aurillac-Paris, Brive-Paris, La Rochelle-Poitiers-Lyon, Le Puy-Paris et Rodez-Paris 13 ( * ) . La participation de l'État à la ligne La Rochelle-Poitiers-Lyon a été prolongée jusqu'en 2019, date à laquelle elle devrait prendre fin.

En revanche, le soutien financier à la desserte internationale de Saint-Pierre-et-Miquelon 14 ( * ) et aux liaisons intérieures à la Guyane 15 ( * ) est en hausse . S'agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, cette hausse s'explique par le renouvellement de la convention de délégation de service public (DSP) prévu pour le 1 er janvier 2018, qui repose sur un cahier des charges plus important, intégrant une desserte directe expérimentale entre Saint-Pierre et Paris.

Quant aux crédits nécessaires au financement de la desserte aérienne du Parlement européen de Strasbourg à partir d'Amsterdam, de Madrid et de Prague, ils sont maintenus à leur niveau de 2017, conformément aux conventions de délégation de service public signées en 2016 dans le cadre du contrat triennal « Strasbourg capitale européenne 2015-2017 ».

Subventions de l'État aux lignes d'aménagement du territoire en 2017 et 2018

(en millions d'euros)

Liaison

Subvention prévisionnelle de l'État en 2017

Subvention prévisionnelle de l'État en 2018

Agen - Paris

0,05

-

Aurillac - Paris

1,62

1,5

Brive - Paris

1,25

1,4

Castres - Paris

0,10

-

La Rochelle - Poitiers - Lyon

0,50

0,2

Lannion - Paris

0,21

0,1

Le Puy - Paris

0,71

0,6

Rodez - Paris

0,69

0,7

Tarbes - Paris

0,02

-

Aides sociales Guyane

1,45

1,9

Saint-Pierre-et-Miquelon

2,24

2,8

Strasbourg - Amsterdam

1,92

1,9

Strasbourg - Madrid

1,18

1,2

Strasbourg - Prague

0,89

0,6

Total

12,83

12,9

Source : DGAC

Après avoir été en augmentation jusqu'en 2010, les crédits consacrés aux lignes d'aménagement du territoire se sont progressivement réduits à partir de cette date. Sur la période 2010-2017, les crédits ont baissé de 5,4 millions d'euros . Votre rapporteure a déjà eu l'occasion de déplorer ce désengagement de l'État qui s'opère au détriment des territoires.

L'État est quasiment parvenu au terme de sa logique visant à ne soutenir, en métropole, que les liaisons desservant les territoires les plus enclavés (Aurillac, Brive, Le Puy et Rodez). Il conviendra de s'assurer, dans les années à venir, de la pérennité de ces participations financières s'agissant de lignes indispensables pour le maintien de l'activité économique de ces territoires.

Évolution des crédits consacrés aux lignes d'aménagement du territoire

(en milliers d'euros)

Source : DGAC

E. EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2017, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits relatifs aux transports aériens.

M. Hervé Maurey , président . - Nicole Bonnefoy nous présente pour la troisième année les crédits du transport aérien. L'actualité de ce secteur est toujours riche.

Mme Nicole Bonnefoy , rapporteure . - Il me revient de vous présenter les crédits relatifs au transport aérien pour l'année 2018.

Ces crédits figurent, pour l'essentiel, dans le budget annexe « contrôle et exploitation aériens », qui retrace les moyens alloués à la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour lui permettre d'effectuer ses missions de régulation et de contrôle du transport aérien, ainsi que dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

L'examen de ce budget est toutefois l'occasion de faire, chaque année, un panorama de l'actualité du secteur aérien, de sa santé économique, et de ses perspectives d'évolution.

Cette année, outre l'examen du budget du contrôle aérien, j'ai choisi de centrer mon rapport sur deux thématiques.

La compétitivité du transport aérien français, d'une part, un sujet que j'ai déjà abordé dans mon précédent rapport mais qui est essentiel si l'on veut que le pavillon français tire le meilleur profit de la croissance du trafic aérien.

La contribution du secteur aérien à la lutte contre le réchauffement climatique, d'autre part, qui est un sujet assez méconnu sur lequel des initiatives récentes ont été adoptées au plan national et international.

Avant d'approfondir ces questions, permettez-moi de vous présenter quelques éléments de contexte.

Le secteur aérien est porté, si j'ose dire, par des vents favorables. Tout d'abord, le trafic aérien continue à progresser de manière significative. En 2017, cette croissance devrait atteindre 7,4 % au niveau mondial et 4 % au niveau national.

Après une année 2016 post attentats difficile, la France voit donc repartir à la hausse le trafic aérien, essentiellement du fait de la croissance du transport international. Cette hausse profite tant aux aéroports parisiens qu'aux aéroports de province.

Les entreprises de transport aérien bénéficient en outre d'un prix du carburant qui reste faible, malgré sa remontée depuis 2016.

Profitant de ces fondamentaux positifs, les compagnies aériennes françaises voient leur situation économique et financière s'améliorer. Sur les neuf premiers mois de l'année 2017, Air France a ainsi réalisé un résultat d'exploitation de 545 millions d'euros, contre 326 millions d'euros l'année dernière.

Après une année 2016 mouvementée sur le plan social, et l'échec de l'adoption du plan de croissance « Perform 2020 » qui prévoyait la réalisation d'importants gains de productivité pour faire baisser les coûts unitaires, la direction d'Air France a présenté un nouveau plan « Trust Together » en novembre 2016, dont la mesure emblématique est la création d'une nouvelle compagnie assurant des vols moyens et long-courriers.

Après plusieurs mois de négociations, un accord a été signé avec les organisations syndicales en juillet, en vue de lancer cette nouvelle compagnie, baptisée « Joon », qui démarrera ses activités le 1er décembre prochain avec des vols pour Barcelone, Berlin, Porto et Lisbonne. Tout en restant dans les standards d'Air France en termes de qualité d'offre, cette compagnie proposera des services spécifiques destinés à cibler la clientèle des « millenials » (c'est à dire les 18-35 ans). Les pilotes seront ceux d'Air France. En revanche, les personnels navigants commerciaux (PNC) seront recrutés par la nouvelle compagnie avec des conditions de travail et de rémunération moins avantageuses que celles des salariés d'Air France - 1 000 embauches sont prévues d'ici 2021.

Par ailleurs, la compagnie aérienne French Blue, poursuivra le développement de son offre low cost sur des long-courriers, et proposera à partir de mai 2018 un nouveau vol Paris Tahiti.

Ces différents projets montrent que les compagnies aériennes françaises poursuivent une stratégie de conquête de marché, ce qui est un signal encourageant.

Si le pavillon français va mieux, sa situation économique demeure fragile. En effet, les compagnies françaises pâtissent toujours d'un différentiel de compétitivité par rapport à leurs concurrents, en particulier vis à vis des compagnies low cost et des compagnies du Golfe.

Cela est particulièrement visible s'agissant du marché domestique, où la filiale HOP ! d'Air France est confrontée à la concurrence des compagnies Volotea et Easyjet, dont les parts de marché continuent d'augmenter. HOP ! subit également la concurrence de la ligne LGV Atlantique, dont la mise en service a conduit à une réduction de 32 % des sièges proposés sur la ligne Orly-Bordeaux.

En conséquence, malgré le dynamisme du trafic aérien, la part de marché du pavillon français a continué à baisser l'année dernière pour atteindre 41,8 % sur l'ensemble des flux départ/arrivée en France, contre 43,1 % en 2015. Cela montre que les entreprises françaises profitent moins que leurs concurrentes de la croissance du trafic aérien.

Les problèmes de compétitivité que rencontrent les entreprises françaises sont de plusieurs ordres.

La première difficulté concerne le différentiel de charges sociales que paient les entreprises françaises par rapport aux autres compagnies, un problème qui n'est d'ailleurs pas propre au secteur aérien.

Un autre frein à la compétitivité réside dans le poids des taxes et redevances. Parmi ces taxes, la taxe de solidarité sur les billets d'avion, supportée par les compagnies aériennes qui embarquent des passagers en France, représentera en 2017 un coût de 218 millions d'euros. Elle porte principalement préjudice au pavillon français. Seule consolation : la part qui excède le plafond de la taxe, de 6,6 millions d'euros, est désormais allouée au budget annexe, et non plus au budget général depuis 2016.

Afin de réduire le poids de cette taxe pour les compagnies aériennes, son assiette pourrait être élargie, comme le suggère le rapport de Bruno Le Roux sur la compétitivité du transport aérien de 2014. Le président directeur général d'Aéroports de Paris, Augustin de Romanet, que j'ai entendu, m'a indiqué qu'il n'était pas opposé à un tel élargissement, qui pourrait par exemple mettre à contribution les magasins situés dans les aéroports, d'autres modes de transport, ou encore la grande distribution.

Les redevances aéroportuaires représentent également une charge importante, qui est en augmentation. Le troisième contrat de régulation économique (CRE 3) signé entre l'État et Aéroports de Paris pour la période 2016 2020 prévoit en effet un taux d'évolution de ces redevances de 1 % par an en plus de l'inflation.

Une autre problématique concerne le financement des missions de sûreté réalisées dans les aéroports. Ces dépenses sont actuellement intégralement supportées par les transporteurs aériens, à travers le paiement de la taxe d'aéroport. Dans d'autres pays, ces dépenses sont en partie, voire intégralement prises en charge par la puissance publique. Il conviendrait à tout le moins d'améliorer la gouvernance des activités de sûreté, qui est actuellement éclatée entre plusieurs administrations et entre acteurs privés et publics.

En dehors du poids des taxes et des redevances, un autre frein à la compétitivité des compagnies aériennes réside dans la complexité des normes administratives qui pèsent sur elles. Elles résultent notamment des multiples dérogations au code de l'aviation civile mises en place pour rendre compatible notre droit national avec les règlements européens.

Vous le voyez, mes chers collègues, beaucoup reste encore à faire pour améliorer la compétitivité du pavillon français. Tous ces sujets devront impérativement être abordés à l'occasion des prochaines assises du transport aérien - j'y reviendrai à la fin de mon propos.

À cet égard, je suis fortement opposée à l'amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale, qui procède à une nouvelle rédaction d'une disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile visant à mettre à la charge des entreprises de transport les frais d'hébergement et de réacheminement des étrangers dont l'entrée sur le territoire a été refusée. Ceci représente un coût annuel de 7 millions d'euros. Je considère que ce n'est pas aux compagnies aériennes de supporter le coût de la politique migratoire de la France.

Ce constat m'amène d'ailleurs à regretter une autre carence du ministère de l'intérieur, s'agissant cette fois ci du contrôle aux frontières. En raison d'effectifs de police aux frontières insuffisants (PAF), le temps d'attente aux contrôles est très élevé dans les deux aéroports parisiens. À Orly, il est d'en moyenne 1 heure 30, avec des pointes pouvant aller jusqu'à 3 heures en période estivale. Le nombre d'agents de police ne suffit pas à faire face à la croissance du trafic aérien, et doit donc impérativement être renforcé.

Pour rester dans les aéroports, je souhaiterais vous dire quelques mots d'un autre sujet qui est au coeur de l'actualité : la privatisation d'Aéroports de Paris. Comme vous le savez, l'État détient actuellement 50,6 % du capital d'ADP, une participation dont la valorisation s'élève à 7 milliards d'euros environ. Afin de dégager des marges de manoeuvre budgétaires, l'Agence des participations de l'État (APE) examine actuellement les conditions d'une privatisation de ce groupe.

Une telle privatisation soulève de nombreuses questions.

D'un point de vue juridique, d'abord, se pose le problème du transfert des actifs fonciers d'ADP à l'État. Lors de la transformation d'ADP en société anonyme par la loi du 20 avril 2005, le groupe avait conservé la propriété des actifs fonciers (bâtiments aéroportuaires, pistes de décollage et d'atterrissage, etc.). La privatisation d'ADP nécessiterait de séparer ces actifs de l'exploitation, afin que la propriété du foncier puisse être transmise à l'État et que seule la gestion aéroportuaire fasse l'objet d'une concession.

D'un point de vue financier, ensuite, cette opération, certainement lucrative à court terme, priverait l'État de la « rente » que constituent les dividendes annuels versés par ADP.

D'un point de vue stratégique, enfin, une telle privatisation fait courir le risque d'un affaiblissement du groupe aéroportuaire : un opérateur privé aurait il la même incitation à investir dans le développement des aéroports parisiens que le groupe actuel, ou ne pourrait-il pas au contraire être amené à privilégier d'autres choix d'investissement au détriment de ces aéroports ? De même, cet opérateur ne pourrait-il pas avoir intérêt à augmenter les redevances aéroportuaires pour améliorer sa rentabilité, au détriment des compagnies aériennes françaises ?

Ces questions sont cruciales, alors même qu'ADP est engagé dans plusieurs projets d'investissements d'ampleur, en particulier la construction d'un bâtiment de jonction entre les terminaux Sud et Ouest de Paris Orly et surtout, la création, à terme, d'un nouveau terminal au sein de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle.

J'en viens maintenant à la présentation du budget annexe « contrôle et exploitation aériens ».

Le montant total du budget annexe s'élèvera à 2,13 milliards d'euros, un montant comparable à celui de l'année dernière.

Les recettes d'exploitation sont en légère hausse de 5 millions d'euros, en raison d'un double mouvement.

D'une part, une hausse des recettes qui dépendent du trafic aérien, au premier rang desquelles les recettes qui financent le service rendu par la DGAC en matière de contrôle aérien comme la redevance de route et la taxe de l'aviation civile (TAC).

D'autre part, une baisse des recettes de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA).

Cette baisse est la conséquence d'un arrêté de janvier 2017, qui a mis en place des taux de RSTCA différenciés selon les aéroports, pour permettre de baisser les tarifs de cette redevance sur les aéroports parisiens. Cela répond à une demande qui avait été formulée par notre commission à l'occasion du dernier projet de loi de finances, et qui devait permettre de compenser l'affectation au budget annexe de la quotité de taxe de l'aviation civile qui était auparavant affectée au budget de l'État.

Notre commission avait adopté un amendement en ce sens, qui n'avait malheureusement pas pu aboutir en raison du rejet du projet de loi de finances pour 2017 par le Sénat.

La baisse de la RSTCA a représenté un montant de 26 millions d'euros. Le pavillon français a été le plus gros bénéficiaire de cette mesure, qui a représenté un montant de 11 millions d'euros pour Air France.

Je tiens également à saluer la mise en place, après de longues négociations bilatérales avec la Suisse, de la taxe dite « Bâle Mulhouse », qui permet de financer les missions réalisées par la DGAC au profit des compagnies qui atterrissent dans cet aéroport franco-suisse au statut particulier, et qui étaient jusqu'à présent exemptées du paiement de la taxe de l'aviation civile. Désormais, ces compagnies supporteront une contribution dont le mode de calcul est similaire à la TAC, et qui devrait représenter un montant de 6 millions d'euros en 2018, au profit du budget annexe.

S'agissant des dépenses du budget annexe, on peut noter une progression importante des dépenses de personnel en 2018, de 3,6 %, liée à la mise en oeuvre du dixième protocole social signé le 19 juillet 2016 pour la période 2016-2019. Ce protocole prévoit notamment l'octroi de revalorisations salariales en contrepartie d'efforts de productivité, avec par exemple le versement d'une prime de 500 euros par mois pour les contrôleurs aériens qui acceptent de passer à un rythme de travail de 7 jours calendaires sur 12, contre 6 jours sur 12 actuellement. Plusieurs centres de contrôle sont déjà passés à ce nouveau cadencement, qui permet d'accroître le taux de présence des contrôleurs pendant les périodes de pointe du trafic.

Par ailleurs, les dépenses d'investissement se maintiennent à un niveau important, de 252 millions d'euros, ce qui permettra de financer la poursuite du programme « Sesar » qui vise à développer un nouveau système de contrôle aérien.

Je me réjouis que 135 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 102 millions d'euros de crédit de paiement aient été inscrits sur le programme 190 afin de soutenir des projets de recherche industriels en matière aéronautique.

Au total, les recettes du budget annexe dépassant de 100 millions d'euros les prévisions de dépenses, la DGAC pourra poursuivre sa trajectoire de désendettement amorcée en 2015. L'encours de dette devrait s'élever à 883 millions d'euros en 2018, contre 986 millions d'euros en 2017, soit une baisse de plus de 10 % qui permet de réduire les charges financières de la DGAC.

Enfin, le mouvement d'extinction progressive des lignes d'aménagement du territoire se poursuit, puisqu'après l'arrêt des subventions versées aux lignes Brest Ouessant, Tarbes Paris et Lorient Lyon en 2016, l'État s'est désengagé en 2017 des lignes Agen Paris, Castres Paris et Lannion Paris. Seules les destinations les plus enclavées continuent de bénéficier d'une participation financière de l'État.

Pour terminer, je souhaiterais évoquer la question de la contribution du secteur aérien à la lutte contre le réchauffement climatique.

Le transport aérien représente environ 2 % des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. Mais cette contribution augmente à mesure que croît le trafic aérien international, à un rythme de 5 % par an. Le secteur aérien ne peut donc pas être exonéré des efforts de lutte contre les émissions de CO 2 .

Il existe une distinction entre le trafic aérien domestique, dont les émissions de CO 2 relèvent de la compétence nationale, et le trafic aérien international dont les enjeux de lutte contre le changement climatique ont été confiés à l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), une organisation internationale qui dépend des Nations Unies.

Au niveau européen, les vols à l'intérieur de l'espace économique européen ont été inclus dans le système d'échange de quotas d'émissions de CO 2 depuis le 1er janvier 2012. Cependant, en raison du prix de la tonne de carbone très bas, le marché carbone n'a en pratique aucun effet sur les émissions des vols intra européens.

Au niveau international, l'OACI a adopté, le 6 octobre 2016, un accord sur la mise en oeuvre, à partir de 2020, d'un mécanisme mondial de compensation des émissions de gaz à effet de serre de l'aviation civile, nommé CORSIA. Ce mécanisme doit permettre une croissance neutre en carbone du transport aérien à partir de 2020, par le bais d'un financement, par les compagnies aériennes, de projets conduisant à une réduction des émissions de CO2.

Deux phases de mise en oeuvre sont prévues. Une première phase, entre 2021 et 2026, basée sur le volontariat, à laquelle 72 États représentant près de 88 % de l'activité aérienne internationale ont d'ores déjà accepté de participer. Une phase obligatoire, à compter de 2027 pour tous les États, sauf ceux exemptés en raison de leur faible niveau de développement, de leur insularité ou de leur faible poids dans le trafic mondial.

Au total, 80 % des émissions de gaz à effet de serre du trafic aérien international à compter de 2020 devraient être couvertes par le programme CORSIA.

Par ailleurs, d'autres actions sont menées au niveau national et international pour réduire l'impact environnemental du transport aérien, à travers l'optimisation de la gestion du trafic aérien, l'amélioration des performances environnementales des aéronefs, grâce au progrès technologique ou encore, le développement de carburants alternatifs.

Les biocarburants sont une alternative intéressante, qui a déjà fait ses preuves puisque, d'après l'Association internationale du transport aérien, 100 000 vols utilisant des biocarburants ont déjà eu lieu dans le monde. Ces produits peuvent être intégrés sans difficulté dans le kérosène, jusqu'à 10 % voire 30 % selon les types de carburants. L'enjeu principal est de s'assurer qu'ils respectent bien certains critères de durabilité.

En France, deux ans après les annonces de Ségolène Royal au Salon du Bourget sur la mise en place d'une filière française de « biokérosène », la situation a pour l'instant peu évolué. Je note toutefois que Total a pour projet de convertir sa raffinerie de La Mède en bio raffinerie pour la production de biocarburants, qui pourraient être utilisés dans le transport aérien.

Voilà mes chers collègues, les sujets que je souhaitais aborder devant vous ce matin.

Le secteur aérien est désormais en attente des prochaines assises du transport aérien, qui auront lieu au cours du premier trimestre de l'année 2018.

Ces assises nourrissent, à juste titre, de nombreuses attentes de la part des acteurs concernés. Elles doivent être l'occasion de mettre sur la table les sujets que j'ai évoqués au cours de mon intervention : la compétitivité du transport aérien, le financement des dépenses de sûreté dans les aéroports, l'évolution des redevances aéroportuaires, l'élargissement de la taxe de solidarité, la simplification administrative, le développement des biocarburants, etc...

Notre commission ne manquera pas de suivre de près ces assises et les propositions sur lesquelles elles déboucheront.

Pour l'heure, compte tenu de l'amélioration du budget de la DGAC, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports aériens.

M. Gérard Cornu . - Je félicite la rapporteure qui connaît parfaitement le sujet du transport aérien. Je la remercie d'avoir évoqué les problématiques actuelles relatives à ADP et Air France.

ADP est la vitrine de la France pour de nombreux étrangers qui viennent visiter notre pays. Or, les aéroports parisiens n'arrivent pas à résoudre le problème récurrent du temps d'attente pour passer les contrôles aux frontières ou pour récupérer les bagages.

Lorsque nous avions été reçus par le Président-directeur général d'Air France, je l'avais interrogé sur la concurrence des compagnies asiatiques. Je n'avais pas eu le sentiment qu'elle constituait une préoccupation majeure pour lui, contrairement à celle des compagnies du Golfe, qui disposent de moyens colossaux et s'affranchissent des règles financières internationales en bénéficiant d'un soutien fort de leurs États. Or, cette concurrence effrénée est de plus en plus difficile à supporter pour les compagnies nationales.

M. Claude Bérit-Débat . - Je salue les bons résultats de la compagnie Air France, ainsi que le travail de son Président-directeur général, qui a réussi à négocier la création d'une nouvelle compagnie pour faire face à la concurrence importante des compagnies du Golfe et des compagnies à bas coût.

Ces compagnies low cost m'inquiètent. D'un côté, elles sont soutenues par un certain nombre de collectivités territoriales, au motif qu'elles constituent une aubaine pour les territoires qui bénéficient du développement économique lié au tourisme. Mais, d'un autre côté, ces compagnies en profitent pour exercer un certain chantage à l'égard des collectivités : faute de subventions à la hauteur de leurs attentes, elles menacent de desservir d'autres aéroports. Cet engouement des collectivités pour les compagnies à bas coût a donc un côté paradoxal.

L'an dernier, nous avions déjà évoqué les problèmes du coût de la sureté et de la taxe de solidarité. L'élargissement de l'assiette de la taxe de solidarité me semble être une bonne chose. Elle est demandée par un certain nombre de compagnies, dont Air France. Il est logique de pouvoir prélever cette taxe sur le chiffre d'affaire des magasins qui viennent s'implanter dans les aéroports parisiens. Le groupe socialiste soutient la proposition de la rapporteure en ce sens.

Mme Françoise Cartron . - Vous avez dit que l'objectif de la nouvelle compagnie d'Air France était de s'adresser aux jeunes. Est-ce en tant que clients ?

Il semble par ailleurs que le personnel de la nouvelle compagnie sera embauché avec des conditions plus précaires, sinon moins avantageuses que celles dont bénéficie le personnel d'Air France. C'est un traitement bien différent de celui qui est réservé aux contrôleurs aériens, qui bénéficient, cette année, d'une amélioration de leur situation.

M. Jean Bizet . - Je voudrais rappeler la fragilité du pavillon national malgré les améliorations récentes que l'on constate. Je déplore que le Gouvernement n'ait toujours pas de véritable stratégie en matière de transport aérien. Je me réjouis, cependant, de l'annonce des Assises de l'aérien en janvier-février 2018. Nous serons attentifs aux annonces de la ministre, qui a pour habitude de parler « clair et vrai ».

Pour autant, l'amendement du Gouvernement en matière de prise en charge de l'hébergement des personnes dont l'entrée sur le territoire est refusée est incohérent, pour ne pas dire provocateur. Il n'appartient pas aux compagnies nationales de prendre en charge ces dépenses.

Concernant l'annonce faite en matière de production de bio-carburant à La Mède par Total, j'imagine que cette fabrication ne sera pas issue d'huile de palme. Cette solution serait, en effet, peu vertueuse du point de vue environnemental.

Je regrette également que l'ancien ministre des Transports, M. Alain Vidalies, n'ait pas saisi la proposition de notre collègue Nicole Bonnefoy et de moi-même d'appliquer au transport aérien ce qui se pratique dans le transport maritime en matière de charges sociales. Cela permettrait de diminuer le poids de ces charges, qui engendrent une distorsion de concurrence avec les autres compagnies européennes. Je regrette également que le Gouvernement ne comprenne pas que la politique de sécurité est une mission régalienne qui ne doit pas être à la charge des passagers du transport aérien.

En revanche, je me réjouis que la Commission européenne ait pris à bras le corps la question du contentieux naissant avec les compagnies du Golfe. Si le Qatar a répondu favorablement aux questions de la Commission, d'autres pays du Golfe, notamment les Émirats Arabes Unis, restent muets. Je souhaiterais donc relancer la Commission sur le sujet, d'autant plus que plus nous attendons, plus notre pavillon national est fragilisé.

M. Christophe Priou . - La forte croissance du secteur aérien a un impact important dans de nombreuses régions, si l'on pense notamment aux récentes commandes « record » enregistrées par Airbus.

Étant un élu de l'Ouest de la France, je me sens obligé d'évoquer le sujet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Nous attendons, pour début décembre, le rapport des experts dits indépendants. Au-delà de cet aéroport, c'est l'avenir et la réalisation de nouveaux équipements structurants sur notre territoire qui se joue. Si le projet de Notre-Dame-des-Landes est abandonné, je pense que nous n'aurons plus de projets de grandes infrastructures dans les prochaines années.

D'autre part, je constate que beaucoup d'évolutions commerciales et techniques sont en cours. Je pense par exemple à ces nouveaux « drones-cargo » dont on parle beaucoup, qui pourraient notamment être utilisés pour le transport de colis, et qui sont quasiment au stade de l'expérimentation. Cela va amener la DGAC à devoir adopter des dispositions particulières pour encadrer ces activités. Il serait utile d'entendre la DGAC sur cette question.

M. Didier Mandelli . - J'évoquerai deux sujets : le temps d'attente dans les aéroports parisiens et la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

S'agissant de l'attente dans les aéroports parisiens, je rappelle qu'un aéroport est un élément structurant d'accueil. C'est le premier point d'entrée pour les voyageurs, qu'il s'agisse de tourisme ou de déplacement professionnel. Il est inadmissible pour un voyageur d'attendre trois heures dans un aéroport, après avoir effectué quelques heures de vol. C'est pourtant le cas à Paris.

À titre de comparaison, à l'occasion du voyage de notre commission en Australie, cette année, la délégation a franchi les étapes de sécurité en quelques minutes seulement. Je demande donc au ministère, soit de renforcer les effectifs de la police aux frontières, soit de déployer des systèmes sécurisés. Les enjeux sont évidents : Paris est une plateforme d'accueil, de transit et de correspondance . Dans le cas d'une attente trop importante, les voyageurs risquent de se reporter vers d'autres grandes villes européennes concurrentes, comme Amsterdam.

S'agissant de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, je rejoins notre collègue Christophe Priou : la réflexion sur la construction de cet aéroport, il y a quelques décennies, était portée par un souci d'aménagement du territoire. Je pense que l'on ne peut pas raisonner sur ce type d'équipements structurants sans avoir cette vision stratégique du développement de notre territoire. Cela est d'autant plus important que beaucoup de personnes se sont prononcées en faveur de cet aéroport, et que ce projet a fait quasiment l'unanimité chez tous les élus.

M. Jérôme Bignon . - Je m'interroge sur l'évolution du trafic. Pose-t-elle toujours autant de problèmes de nuisance pour les riverains ? Il y a quelques années, nous avions reçu le Président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) qui avait attiré notre attention sur ce point. J'avais préparé une proposition de loi à ce sujet, qui n'avait guère remporté de succès auprès de mes collègues du groupe auquel j'appartenais. Je voulais donc savoir si ce sujet était toujours d'actualité.

Je m'interroge également sur le projet de liaison CDG-Express. J'ai appris que l'État avait accordé au projet un prêt de 1,7 milliard d'euros, ce dont je me réjouis. Toutefois, je note qu'il y a deux poids deux mesures, si on le compare avec le projet Canal Seine-Nord Europe, qui est à l'étude depuis dix ans, et qui doit trouver ses propres financements.

Mme Michèle Vullien . - Je rebondis sur le sujet évoqué par notre collègue Didier Mandelli : le problème de l'attente dans les aéroports. La police aux frontières a demandé au ministre de pouvoir utiliser la reconnaissance faciale. Pour quelles raisons ce système est-il refusé par la France alors qu'il est opérationnel dans d'autres pays ?

Je voulais également évoquer la situation du marché domestique. Air France se retrouve très fréquemment en concurrence avec la compagnie Ryanair sur l'ensemble du territoire. Cette compagnie dessert de nombreuses régions et participé à leur désenclavement. La compagnie Air France ne devrait-elle donc pas s'interroger sur le maillage du territoire ? Quelle est la vision globale de la puissance publique pour désenclaver les territoires en associant tous les modes de transport ? Je pense que les Assises de la mobilité doivent avoir un lien avec les Assises du transport aérien sur cette question.

M. Jordi Ginesta . - J'ai entendu que les contrôleurs aériens allaient travailler sept jours sur douze au lieu de six. C'est un grand progrès ! Mais je porte à votre connaissance un dispositif non officiel toléré et encore pratiqué actuellement : le phénomène de la clairance. La clairance est une RTT officieuse, une autorisation de quitter son poste que le contrôleur aérien s'attribue en dehors des heures de pointe du trafic aérien. Ce dispositif entraîne des retards pour les avions qui attendent dans le ciel avant de se poser. Il faut clairement poser la question à la DGAC, qui doit clarifier ce dispositif non codifié relevant exclusivement de la coutume.

Mme Pascale Bories . - J'ai bien noté l'augmentation de crédits prévue pour la DGAC. Pour quelles raisons ces crédits augmentent alors que l'ensemble des actions en matière de développement durable ont des crédits en stagnation, voire en baisse ?

Mme Nicole Bonnefoy , rapporteure . - Je suis d'accord avec Gérard Cornu pour dire que la société ADP est la vitrine de la France. Je partage également son constat s'agissant des problèmes récurrents que nous évoquons chaque année : la sûreté, l'attente aux frontières... Il faut que des réponses soient apportées à ces problèmes. Enfin, nous devrons rester vigilants sur la question de la privatisation d'ADP, qui devra, le cas échéant, faire l'objet d'une loi examinée par le Parlement.

Concernant Air France, je rappelle que nous entendrons son Président-directeur général, M. Jean-Marc Janaillac, en janvier prochain. Effectivement, on peut se féliciter des bons résultats d'Air France, bien que la situation de cette compagnie demeure fragile en raison de la concurrence des compagnies du Golfe.

Claude Bérit-Débat et d'autres collègues ont évoqué la problématique des compagnies à bas coût. Rappelons que ces compagnies ont démocratisé le transport aérien et participé à la croissance du secteur. On voit toutefois les limites de ce modèle, avec la décision récente de la compagnie Ryanair d'annuler de nombreux vols en raison d'une politique salariale menée en vue de minimiser les coûts qui décourage les personnels.

Sur la taxe de solidarité que vous avez été nombreux à évoquer, j'ai été surprise que le président d'ADP, M. Augustin de Romanet, ait exprimé son accord pour élargir son assiette. Nous devrons y veiller.

Concernant la question de notre collègue Françoise Cartron au sujet de la compagnie Joon, je précise qu'il s'agit d'une compagnie s'adressant à une clientèle de 18 à 35 ans. C'est une clientèle de loisirs, qui représente un marché potentiel important pour Air France. Quant aux salariés employés par cette nouvelle compagnie, je rappelle que les pilotes seront des pilotes d'Air France. En revanche, afin de baisser les coûts, le reste du personnel sera embauché en contrat à durée indéterminée à des conditions moins avantageuses que celles appliquées dans la compagnie Air France. Pour autant, ce ne sont pas des emplois précaires.

Je n'ai rien à ajouter aux propos de notre collègue Jean Bizet car nous travaillons de concert sur toutes les problématiques en matière de transport aérien. Il en va de même pour Didier Mandelli s'agissant du temps d'attente dans les aéroports parisiens, que j'ai évoqué dans mon rapport.

En réponse à notre collègue Pascale Bories, nous constatons effectivement une augmentation du budget de la DGAC. Cette augmentation est due à la hausse des recettes qui dépendent du trafic aérien, comme la redevance de route ou la taxe d'aviation civile. Je rappelle toutefois que cette hausse permet à la DGAC de se désendetter.

En conclusion, je voudrais souligner l'importance des Assises du transport aérien qui se tiendront en début d'année prochaine. Toutes les personnes que j'ai entendues lors de la préparation de ce rapport m'ont indiqué qu'elles attendent beaucoup de cet événement et qu'elles travaillent à le préparer en amont.

Différents thèmes seront abordés lors de ces assises : la compétitivité du transport aérien, la performance au service des territoires, en tenant compte des petits aéroports qui participent au désenclavement, l'impact environnemental du transport aérien avec notamment la problématique des nuisances sonores, l'innovation au service des passagers, la performance sociale ou encore la simplification des procédures administratives.

Enfin, et en réponse à notre collègue Jérôme Bignon, concernant la liaison CDG-Express, le prêt de l'État de 1,7 milliard d'euros confirme la priorité du Gouvernement accordée à cette infrastructure, nécessaire au développement de notre aéroport.

La commission émet un avis favorable à l'adoption du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des crédits relatifs aux transports aériens de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2018.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 14 novembre 2017 :

- Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM) : MM. Alain Battisti , président, Guy Tardieu , délégué général, et Mme Brigitte Barrand , directrice des affaires publiques et de la communication ;

- Direction générale de l'aviation civile (DGAC) : M. Patrick Gandil , directeur général, Mme Marie-Claire Dissler , secrétaire générale, MM. Marc Borel , directeur général adjoint et directeur du transport aérien, Maurice Georges , directeur des services de la navigation aérienne, et Philippe Bassot , adjoint à la secrétaire générale ;

- Cabinet de Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire, chargée des Transports : M. Yoann La Corte , conseiller aérien et Mme Charlotte Leroy , conseillère parlementaire.

Mercredi 15 novembre 2017 :

- Réseau Action Climat (RAC) : Mme Lorelei Limousin , chargée d'études Transports et Climat ;

- Organisation internationale de l'aviation civile - Bureau Europe et Atlantique Nord : Mme Blandine Ferrier , expert régional associé environnement ;

- Air France-KLM : M. Marc Verspyck , directeur général adjoint Finances et Mme Patricia Manent , directrice des affaires publiques ;

- Aéroports de Paris : M. Augustin de Romanet , président-directeur général et Mmes Gisèle Rossat-Mignod , directrice de cabinet et des affaires publiques, et Mélinda Souef , responsable de relations avec les institutions nationales.


* 1 La participation de l'État devrait par conséquent passer de 17,6 % à 14 %.

* 2 Classe 1 : à partir de 20 millions de passagers ; Classe 2 : de 5 à 20 millions de passagers ; Classe 3 : de 5 000 à 5 millions de passagers.

* 3 Arrêté du 23 mars 2017 fixant la liste des aérodromes et groupements d'aérodromes et le tarif de la taxe d'aéroport applicable sur chacun d'entre eux ainsi que le tarif de la majoration de la taxe d'aéroport.

* 4 Par ailleurs, l'article 103 de la loi de finances pour 2016 permet aux services de la direction générale de l'aviation civile de contrôler les déclarations de coûts présentées par les exploitants aéroportuaires, non pas seulement sur leur seule éligibilité, mais également au regard de leur adéquation aux bonnes pratiques de la profession. Ces audits de performance peuvent conduire ces services à exiger des opérateurs aéroportuaires des actions correctrices pour maîtriser le coût des dépenses de sûreté et de sécurité.

* 5 Décret n° 2016-825 du 23 juin 2016 relatif aux redevances aéroportuaires et modifiant le code de l'aviation civile.

* 6 Loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports.

* 7 L'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques dispose que « les opérations par lesquelles l'État transfère au secteur privé la majorité du capital d'une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire ou autoroutière dans le cadre d'une concession accordée par l'État sont autorisées par la loi ».

* 8 Cette taxe a été créée par l'article 117 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

* 9 Article 49 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 10 Décret n° 2017-640 du 26 avril 2017 fixant la date d'entrée en vigueur de la contribution prévue au I de l'article 49 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 11 87,2 millions de nouveaux emprunts seront par ailleurs contractés dans le cadre d'une gestion active de la dette.

* 12 La loi de finances initiale prévoyait un montant de crédits de 13,32 millions d'euros. Après gel, ce montant devrait finalement s'élever à 12,83 millions d'euros en 2017.

* 13 Le financement de la ligne Lannion-Paris ayant pris fin au 22 septembre 2017, un solde de 0,1 million d'euros restera à verser en 2018 au titre des services réalisés.

* 14 Cette desserte comporte quatre liaisons régulières, entre Saint-Pierre et quatre villes du Canada (Halifax, Saint-Jean-de-Terre-Neuve, Montréal et Sydney) réalisés par la compagnie Air Saint-Pierre en vertu d'un contrat de délégation de service public conclu avec l'État.

* 15 Ces liaisons sont financées dans le cadre d'une convention conclue avec la région Guyane, qui décide des modalités de mise en oeuvre des aides.

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