Avis n° 148 (2018-2019) de Mme Annie GUILLEMOT , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 22 novembre 2018

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N° 148

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

TOME VII

COHÉSION DES TERRITOIRES (POLITIQUE DE LA VILLE)

Par Mme Annie GUILLEMOT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mmes Michelle Gréaume, Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mme Patricia Morhet-Richaud, M. Robert Navarro, Mme Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Dans son rapport « Vivre ensemble, vivre en grand - Pour une réconciliation nationale » remis au Premier ministre le 26 avril 2018, M. Jean-Louis Borloo a dressé un état des lieux sans concession de la situation des quartiers. « La situation est facile à résumer [écrit-il] : près de 6 millions d'habitants vivent dans une forme de relégation voire parfois, d'amnésie de la Nation réveillée de temps à autres par quelques faits divers ; un effort public en berne ; des maires de banlieues qui se battent en première ligne, qui craquent parfois et jettent l'éponge, des agents publics et des bénévoles épuisés. Les causes sont connues : des grands ensembles impossibles construits sous l'influence de la charte d'Athènes, enfermés sur eux-mêmes et enclavés, ne bénéficiant pas toujours des fonctions d'une ville, parfois même hors ville, mais toujours de véritables cicatrices urbaines. Construits rapidement, tous sur le même modèle, pour résorber la crise du logement, ils ont en outre accueilli une immigration de travail transformée en immigration familiale, sans que les moyens d'accueil et d'intégration n'aient été au rendez-vous. Dans le même temps, les usines en proximité qui avaient justifié leur venue fermaient ; la pauvreté concentrée ; le chômage de masse ; des familles parfois monoparentales ; une jeunesse déracinée qui peine à faire sa place (500 000 jeunes soit plus de 50 % des jeunes des quartiers). »

Considérant que l'heure n'était plus aux rapports d'expert, mais à l'action, M. Borloo a préconisé 19 axes d'actions à mettre en oeuvre. Si les propositions du rapport n'ont pas été exploitées à leur juste valeur, le rapport a néanmoins eu le mérite de remettre en avant l'importance de la politique de la ville.

Le Gouvernement a élaboré sa feuille de route, présentée le 18 juillet 2018, qui comprend 40 actions en matière de mixité sociale, de renouvellement urbain, de formation et d'insertion professionnelle, de sécurité ou encore d'éducation.

Sur le plan budgétaire, les crédits dédiés au programme 147 « Politique de la ville » augmentent pour 2019 de 57 % en autorisations d'engagement et de 19,7 % en crédits de paiement.

Évolution des crédits du programme 147 « Politique de la ville »

Actions

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

333 927 245

419 398 245

25,6 %

333 927 245

419 398 245

25,6 %

Revitalisation économique et emploi

50 330 000

44 250 000

-12,08 %

50 330 000

44 250 000

-12,08 %

Stratégie, ressources et évaluation

29 366 354

24 419 002

-16,85 %

29 366 354

24 419 002

-16,85 %

Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

15 000 000

185 000 000

1133,33 %

15 000 000

25 000 000

66,6 %

Total

428 623 599

673 067 247

57,03 %

428 623 599

513 067 247

19,7 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019.

Lors de la seconde délibération du présent projet de loi de finances, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement modifiant les crédits du programme afin de les porter à 668 935 082 euros en autorisations d'engagement et 508 935 082 euros en crédits de paiement.

Dans la suite du présent rapport, sauf mention spécifique, il sera cependant fait référence aux données figurant dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019.

À l'issue de ses auditions, votre rapporteure est arrivée aux observations suivantes.

S'agissant du programme 147, les crédits progressent fortement en raison de la hausse des crédits dédiés aux actions en direction des quartiers prioritaires mais aussi de l'augmentation des crédits de l'État destinés au financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU). Si votre rapporteure se félicite de ces augmentations, elle s'interroge néanmoins sur la consommation qui pourrait être faite de ces crédits, les dispositifs supposant bien souvent des cofinancements de la part des associations et/ou des collectivités territoriales. Or, dans le contexte actuel, il n'est pas certain que ces derniers puissent apporter leurs concours financiers, ou du moins apporter des financements à la hauteur de l'effort consenti par l'État.

S'agissant du NPNRU, après une année d'arrêt, le programme semble enfin démarrer. Votre rapporteure espère que l'impact de la réduction de loyer de solidarité et l'intégration de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) au sein de la future Agence nationale de la cohésion des territoires ne viendront pas de nouveau freiner le déploiement du programme.

Votre rapporteure a souhaité s'intéresser à l'emploi qui doit être une priorité pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Les nouvelles mesures mises en oeuvre l'an dernier, réforme des contrats aidés et expérimentation des emplois francs notamment, n'ont pas produit les effets escomptés sur l'emploi dans les quartiers. Au contraire, le chômage des jeunes est reparti à la hausse. Pour votre rapporteure, l'augmentation du nombre d'adulte-relais ne pourra compenser la baisse du nombre de contrats aidés. Elle invite le Gouvernement à prendre la mesure du problème et à redresser la situation rapidement.

Lors d'une réunion tenue le mercredi 21 novembre, la Commission des affaires économiques a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits du programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2019. Elle a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 74 du projet de loi de finances rattaché à la mission « Cohésion des territoires ».

I. DES CRÉDITS SUPPLÉMENTAIRES POUR LA POLITIQUE DE LA VILLE QUI SUPPOSENT POUR ÊTRE CONSOMMÉS UNE AUGMENTATION DES COFINANCEMENTS DES ASSOCIATIONS ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS DÉDIÉS AUX ACTIONS TERRITORIALISÉES ET AUX DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES

1. Une augmentation des crédits dédiés aux quartiers prioritaires dans le cadre des contrats de ville

Les crédits de l'action 1 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » augmentent de 25,6% en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Ceux destinés aux quartiers prioritaires dans le cadre des contrats de ville rassemblés dans cette même action 1 sont en augmentation.

Évolution de la répartition des crédits de l'action (en millions d'euros)

2015

2016

2017

PLF 2018 1

PLF 2019 1

Pilier cohésion sociale

121,8

122,97

102,9

125,86

173,4

Éducation (hors PRE)

21,7

21,37

17,3

22,3

47,8

Santé et accès aux soins

10,1

9,8

8,7

10,1

10

Parentalité et droits sociaux

5,8

6,3

6,1

5,8

7,2

Culture et expression artistique

16,9

18,2

16,4

14,9

14,8

Lien social, participation citoyenne (hors adultes-relais)

60,7

63,2

51

66,42

87,4

Dont Ville Vie Vacances

7,7

7,4

7,5

nc

nc

Accès aux droits et prévention des discriminations

6,6

4,1

3,4

6,34

6,2

Pilier emploi et développement économique

40,2

40,62

35,9

55,75

57,3

Développement économique, emploi et soutien entrepreneurial

36,4

37,3

33,1

51,75

54

Écoles de la 2 ème chance

3,8

3,3

2,8

4

3,3

Pilier Cadre de vie et rénovation urbaine

8,5

8,5

8

10,04

10,3

Habitat et cadre de vie

nc

nc

nc

6,64

6,6

Transport et mobilité

nc

nc

nc

3,4

3,4

Tranquillité et sûreté publique 2

nc

nc

nc

nc

0,3

Pilotage, ingénierie et évaluation des contrats de ville

8,39

7

17,9

10,1

14,2

Sous-total

178,8

195,7

225,4

201,75

255,2

1 Pour 2018 et 2019, cette ventilation est indicative puisque tous les crédits mis à disposition des préfectures sont fongibles.

2 Cette ligne est créée à l'occasion du PLF pour 2019.

Source : rapports annuels de performances annexés au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2015, 2016 et 2017, projets annuels de performances annexés aux projets de loi de finances pour 2018 et 2019.

L'augmentation des crédits bénéficie principalement aux actions du pilier « cohésion sociale ». 173,4 millions d'euros lui sont dédiés.

Répartition des crédits pour 2019
entre les différents piliers du contrat de ville

Source : Commission des affaires économiques.

Au sein de ce pilier « cohésion sociale », l'effort budgétaire porte sur les actions en matière d'éducation et en matière de lien social et de participation citoyenne (respectivement +114,3 % et + 31,6 % par rapport aux crédits indiqués dans le PLF pour 2018).

Les crédits dédiés à l'éducation permettront de soutenir des mesures de soutien scolaire ou des cordées de la réussite. 2 millions d'euros seront fléchés vers la mise en place d'une plateforme permettant de proposer 30 000 stages aux élèves de 3 ème . Les crédits permettront également d'apporter une aide aux communes pour la création de postes d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM).

Les crédits dédiés au « lien social, participation citoyenne » sont destinés à financer le renforcement de la vie associative dans les quartiers. Ils permettront de financer le doublement des postes de coordonnateurs associatifs dans les quartiers prioritaires (1 520 postes FONJEP contre 760) et leur revalorisation tarifaire (7 000 euros/an contre 5 000 euros aujourd'hui).

Votre rapporteure craint qu'une partie de ces crédits ne soient pas consommés, faute pour les associations et/ou les collectivités territoriales d'être en capacité d'apporter les crédits complémentaires nécessaires.

15 millions d'euros supplémentaires seront en outre attribués aux associations nationales « les plus structurantes » afin qu'elles mobilisent celles implantées dans les quartiers. Plusieurs personnes entendues se sont interrogées sur ce fléchage et auraient préféré que ces crédits soient alloués directement à des associations de quartier.

Dans la perspective de l'évaluation des contrats de ville à mi-parcours, des crédits supplémentaires sont affectés au pilotage et à l'évaluation de ces contrats. Lors de son audition devant la commission des affaires économiques le 13 novembre dernier, M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, ministre chargé de la ville et du logement, a indiqué que les contrats de ville seraient prolongés jusqu'en 2022 afin d'éviter une révision à mi-parcours suivie rapidement de la conclusion de nouveaux contrats. Votre rapporteure regrette ce choix qui conduira de nouveau à déconnecter les contrats de ville des mandats municipaux, à rebours du choix opéré dans la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite loi Lamy.

2. Une augmentation des crédits relatifs aux dispositifs spécifiques

Les crédits relatifs aux dispositifs spécifiques - adultes-relais et programme de réussite éducative - sont fixés dans l'action 1 « actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville ».

Évolution des crédits relatifs aux dispositifs spécifiques (en millions d'euros)

2015

2016

2017

PLF 2018

PLF 2019

Programme de réussite éducative

67,54

66,03

60,7

70

80,2

Adultes-relais

64,26

42,7

60,7

64

84

Source : rapports annuels de performances annexés au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2015, 2016 et 2017, projets annuels de performances annexés aux projets de loi de finances pour 2018 et 2019.

a) Le programme de réussite éducative (PRE)

80,2 millions d'euros sont destinés à financer le programme de réussite éducative (PRE) pour 2019, soit une augmentation des crédits de 17,6 %. Il faut remonter à 2010 pour connaître un montant plus élevé (94,8 millions d'euros exécutés).

Votre rapporteure s'interroge sur le montant ainsi retenu au regard du montant des crédits exécutés en 2017 (60,7 millions d'euros). Elle rappelle que les années précédentes le Gouvernement avait justifié une baisse de ces mêmes crédits pour qu'ils correspondent au montant des crédits exécutés. Elle sera donc particulièrement attentive à leur consommation en 2019.

Évolution des crédits dédiés au programme de réussite éducative (en millions d'euros)

Source : rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2012, pour 2013, pour 2014, pour 2015, pour 2016 et pour 2017, projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2012, pour 2013, pour 2014, pour 2015, pour 2016, pour 2017, pour 2018 et pour 2019.

Selon le Gouvernement, l'augmentation des crédits aura pour objet :

- de créer ou renforcer les actions déployées dans les établissements scolaires inscrits en réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP +) ;

- d'étendre le dispositif aux établissements scolaires inscrits en REP+ non encore couverts ;

- de créer de nouveaux PRE dans les communes comportant un quartier prioritaire ;

- de poursuivre le taux d'individualisation pour atteindre 90 % en 2019 ;

- de financer un programme de réussite éducative renforcé dans « les cités éducatives ».

Proposé par le rapport Borloo, le dispositif des « cités éducatives » est issu d'une expérience menée à Grigny. Les « cités éducatives » ont pour objet de mobiliser l'ensemble des acteurs et des ressources éducatives. Dans ce cadre, chaque site établira son propre projet adapté au quartier et pourra bénéficier d'un accompagnement méthodologique et de moyens adaptés. L'expérimentation sera proposée à une soixante de territoires où la question éducative est primordiale en raison notamment de l'absence de mixité scolaire, de la présence de familles modestes ou de communes pauvres. Ces cités seront ensuite déployées à l'occasion de la révision des contrats de ville.

Si votre rapporteure ne nie pas que la question éducative soit un élément essentiel de la politique de la ville, elle demeure cependant interrogative sur l'apport de ce nouveau dispositif et sur son articulation avec les PRE.

L'an dernier, votre rapporteure n'avait pu prendre connaissance des données relatives au programme de réussite éducative, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ayant décidé de modifier les paramètres de son enquête annuelle pour retenir l'année civile. Elle a pu cette année obtenir les données pour 2017. 540 programmes ont été mis en place concernant 83 496 bénéficiaires. Le taux de parcours individualisés continue d'augmenter et atteint 83 %. 76 % des quartiers prioritaires de la politique de la ville sont couverts.

Dans les quartiers de veille, les PRE ont été maintenus jusqu'en 2017 à charge pour les élus de trouver des financements. Selon le CGET, 38 PRE ont ainsi été poursuivis. Votre rapporteure ne peut apprécier si ce nombre est élevé ou non puisque comme elle l'avait noté avec Valérie Létard dans leur rapport d'évaluation de la loi Lamy 1 ( * ) , il n'y a pas à ce jour de données précises sur le nombre de quartiers de veille active.

b) Le programme des adultes-relais

Les crédits dédiés au programme des adultes-relais atteignent 84 millions d'euros en 2019, soit une augmentation de 31,2 % par rapport à l'an dernier.

Le montant retenu pour 2019 est très élevé au regard du montant des crédits consommés en 2017 qui atteignaient 60,7 millions d'euros et alors même que sur les dix dernières années, le dispositif n'a jamais consommé plus de 83 millions d'euros et qu'il atteignait un montant compris entre 60 et 70 millions d'euros.

Votre rapporteure s'interroge d'autant plus sur cette augmentation que le Gouvernement a depuis 2012 diminué chaque année le montant des crédits dédiés à ce dispositif.

Évolution des crédits dédiés aux adultes-relais (en millions d'euros)

NB : En 2016, en réalité les versements ont été réduits de 20 millions d'euros pour tenir compte du fonds de roulement disponible de l'ASP. Le coût du dispositif s'élève en réalité à 60 millions d'euros.

Source : rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2012, pour 2013, pour 2014, pour 2015, pour 2016 et pour 2017, projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances pour 2012, pour 2013, pour 2014, pour 2015, pour 2016, pour 2017, pour 2018 et pour 2019.

Selon le Gouvernement, cette augmentation servira à financer la création de 1 000 postes d'adultes-relais supplémentaires conformément à la feuille de route du Gouvernement du 18 juillet 2018. Ces postes permettront ainsi de renforcer la médiation sociale dans les quartiers.

Selon le CGET, les gestionnaires locaux du dispositif ont fait part de leurs difficultés de recrutement et de relation avec Pôle Emploi, le dispositif étant peu ou mal connu et les candidats proposés ne correspondant pas au profil attendu. Le taux de vacance structurelle touchant ces postes est d'ailleurs estimé à 17 %. Bien qu'un travail soit mené avec Pôle Emploi pour favoriser le déploiement des postes supplémentaires, votre rapporteure ne peut que s'interroger sur la capacité de l'État à pourvoir effectivement ces postes supplémentaires en 2019 et donc à consommer l'enveloppe prévue.

B. UNE NOUVELLE RÉFORME DE LA DOTATION POLITIQUE DE LA VILLE

L'an dernier, les conditions d'application de la dotation Politique de la ville avaient fait l'objet d'ajustements après l'importante réforme mise en oeuvre en 2017.

Pour bénéficier de cette dotation, la commune doit remplir les conditions suivantes :

- être éligible l'année qui précède à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et être classée parmi les 250 premières bénéficiaires pour les communes de plus de 10 000 habitants ;

- avoir 19 % de sa population située en quartier prioritaire de la politique de la ville ou en zone franche urbaine ;

- comprendre sur son territoire un quartier présentant des dysfonctionnements urbains les plus importants ou relever d'une convention avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Le nombre de communes bénéficiaires est plafonné à 180.

L'article 81 du PLF 2019 modifie de nouveau certains critères d'éligibilité de la dotation Politique de la ville.

La commune devra avoir été éligible à la DSU au moins une fois au cours des trois dernières années et pour les communes de plus de 10 000 habitants avoir au moins une fois été classée parmi les 250 premières bénéficiaires. Il s'agit de mettre fin selon le Gouvernement aux effets de seuil.

Le Gouvernement propose également de mettre en cohérence le calcul de la population communale actualisée chaque année et la population résidant en QPV. Désormais, la population communale est celle du 1 er janvier 2016.

Par ailleurs, seront également éligibles l'ensemble des communes ayant un quartier retenu dans le cadre du NPNRU. Jusqu'à présent, seules étaient retenues les communes ayant un quartier faisant l'objet d'un projet d'intérêt national. Désormais, s'y adjoindront celles ayant un quartier faisant l'objet d'un projet d'intérêt régional. Demeureront temporairement éligibles les communes ayant des quartiers concernés par le programme national de rénovation nationale (PNRU).

Le nombre de communes éligibles sera déplafonné. Selon les informations transmises par le Gouvernement, la suppression du plafonnement du nombre de communes éligibles vise à éviter les effets de seuil. Il en résulte une diminution du montant de la dotation par habitant mais de façon limitée (de 18,8 euros en 2018 à 17,5 euros en 2019) et ponctuelle. Votre rapporteure estime qu'un bilan de cette nouvelle réforme devra être effectué l'an prochain.

C. UN DROIT COMMUN QUI PEINE À SE DÉPLOYER

S'agissant du déploiement des crédits de droit commun, la loi Lamy a posé le principe de la mobilisation des crédits de droit commun, préalablement à la mobilisation des crédits spécifiques de la politique de la ville. Les signataires des contrats de ville doivent en conséquence mettre en oeuvre des actions de droit commun et indiquer dans le contrat de ville les moyens humains et financiers qu'ils mobilisent en distinguant ce qui relève du droit commun et ce qui relève de leur politique spécifique.

L'évaluation de la loi Lamy menée par votre rapporteure avec Valérie Létard avait montré les difficultés d'application de ces principes.

Le pacte de Dijon signé par le Premier ministre, France urbaine et l'Assemblée des communautés de France (ADCF) est un engagement des collectivités et de l'État en direction des quartiers prioritaires de la politique de la ville, en matière de développement économique et d'emploi, de renouvellement urbain, d'habitat, de mobilité, d'éducation, de santé, de justice ou encore de sécurité. M. Emmanuel Heyraud, directeur cohésion sociale et développement urbain à France urbaine a indiqué à votre rapporteure que les élus signataires du Pacte se mobiliseraient rapidement pour rencontrer les ministres concernés afin d'examiner avec eux les modalités de mise en oeuvre des engagements de l'État.

La révision des contrats de ville en 2019 sera l'occasion d'insérer ces nouveaux engagements et de vérifier si les partenaires du contrat de ville, l'État inclus, précisent les crédits de droit commun qu'ils flèchent vers les quartiers prioritaires.

Votre rapporteure prend acte des engagements pris par le Gouvernement dans le Pacte de Dijon. Elle avait recommandé avec Valérie Létard que le Gouvernement identifie les quartiers en extrême difficulté dans lesquels les politiques publiques sont en échec afin d'y mettre en place un dispositif de traitement global des difficultés. Elle regrette que le Gouvernement ne se soit pas engagé en ce sens.

II. UNE POLITIQUE GOUVERNEMENTALE EN MATIÈRE D'HABITAT QUI POURRAIT RALENTIR UN NPNRU TOUT JUSTE RELANCÉ

A. APRÈS UNE ANNÉE D'ARRÊT, UN NPNRU ENFIN RELANCÉ

1. Une multiplication des signatures de protocole

L'ensemble des acteurs concernés reconnaît qu'au moins une année a été « perdue » dans la mise en oeuvre du NPNRU en raison :

- de la décision du Gouvernement d'instaurer la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui a conduit les bailleurs sociaux à suspendre leur engagement dans le financement du NPNRU ;

- des incertitudes résultant en début d'année de l'avant-projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) et des effets pour Action Logement, premier contributeur aux programmes de renouvellement urbain, du relèvement du seuil de 20 à 50 salariés pour l'assujettissement des entreprises à la participation des employeurs à l'effort de construction. Le Gouvernement s'est finalement engagé à compenser le manque à gagner résultant du relèvement des seuils sociaux, estimé par Action Logement à 300 millions d'euros, malheureusement par une augmentation du coût des prêts emprunteurs.

S'agissant du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), on constate un avancement dans la contractualisation. Au 31 août 2018, 93 % des protocoles de préfiguration concernant des quartiers d'intérêt national et 97 % de ceux concernant des quartiers d'intérêt régional sont signés. Ces protocoles ont pour objet de définir le projet de renouvellement urbain du quartier et son articulation avec les politiques de l'agglomération en matière d'urbanisme et de peuplement.

Statut du protocole

(au 31 août 2018)

Protocoles nationaux

portant sur

Protocoles régionaux

portant sur

Nombre de quartiers nationaux

Nombre de quartiers régionaux

Nombre de quartiers régionaux

Signé

108

199

117

115

139

En instruction ou signature

7

16

3

En élaboration par le porteur de projet

1

1

1

4

4

Total général

116

216

121

119

143

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

948,2 millions d'euros, dont 498,2 millions d'euros de fonds de concours de l'ANRU, ont été investis à l'occasion de ces protocoles.

Néanmoins, les signatures des conventions d'engagement au 31 août 2018 sont moins nombreuses que celles des protocoles : quatre signatures de projets relatifs à des quartiers nationaux et sept relatives à des quartiers d'intérêt régional.

Statut de la convention pluriannuelle

(au 31 août 2018)

Projets relatifs à des quartiers d'intérêt national

Projets relatifs à des quartiers d'intérêt régional

Signé

4

7

Validé

17

45

En instruction

37

1

Total général

58

53

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Votre rapporteure regrette cette année perdue qui vient s'ajouter aux trois précédentes que d'aucuns considèrent comme peu productives. Le rapport Borloo note d'ailleurs « depuis 4 ans, la rénovation urbaine est à l'arrêt, l'ambition originelle s'est perdue. La bureaucratie a progressivement pris le pas sur la dynamique de projets ». Si votre rapporteure se félicite de la multiplication des signatures de conventions, elle craint néanmoins que les « grues » ne soient pas présentes dans les quartiers avant 2020.

2. Une réforme bienvenue du fonctionnement de l'ANRU

Dans le pacte de Dijon signé le 16 juillet 2018, le Gouvernement s'est engagé à :

- simplifier la « tuyauterie » administrative et financière de l'ANRU ;

- revoir le règlement du NPNRU afin de limiter le nombre d'études préliminaires et lancer les chantiers sans plus attendre ;

- rapprocher les interventions de l'ANRU et de l'Agence nationale de l'habitat en matière de lutte contre les copropriétés dégradées.

Votre rapporteure ne peut qu'être favorable à ces engagements qu'elle avait elle-même préconisés avec Valérie Létard lors de l'évaluation de la loi Lamy.

a) Un rééquilibrage du conseil d'administration de l'ANRU

Actuellement, le conseil d'administration de l'ANRU est composé en nombre égal :

- d'une part, de représentants de l'État ;

- et d'autre part, de représentants des communes et de leurs établissements publics de coopération intercommunale, des conseils départementaux, des conseils régionaux, de représentants d'Action Logement, de représentants de bailleurs sociaux, de représentants de locataires, de représentants de la Caisse des dépôts et consignations et de l'Agence nationale de l'habitat, ainsi que de personnalités qualifiées.

Sur proposition du Sénat, l'article 89 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) modifie la composition du conseil d'administration de l'ANRU qui comprendra désormais trois collèges ayant chacun le même nombre de voix :

- un collège composé des représentants de l'État, de ses établissements publics et de la Caisse des dépôts et consignations ;

- un collège comprenant des représentants du groupe Action Logement, des représentants des bailleurs sociaux et des représentants des locataires ;

- un collège comprenant des représentants des collectivités territoriales, deux parlementaires et une personnalité qualifiée.

L'État disposera d'un droit de veto par la voix d'un commissaire du Gouvernement désigné par le ministre chargé de la ville.

Dans leur rapport d'évaluation de la loi Lamy, votre rapporteure avait préconisé avec Valérie Létard de « veiller à ce que la composition du conseil d'administration de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) soit le reflet des contributions financières des différents partenaires du NPNRU, et notamment des collectivités territoriales ». Elle se félicite de cette nouvelle organisation dont elle souhaite la mise en oeuvre rapidement. La présence de deux parlementaires permettra un meilleur contrôle du fonctionnement de l'agence et une meilleure appréhension des conditions de déploiement du NPNRU.

b) Les modifications du règlement financier du NPNRU

Le Président de la République partageait le constat de Jean-Louis Borloo sur la bureaucratisation de l'ANRU, en reconnaissant dans son discours du 22 mai 2018 que « ce qui se faisait au début en 6 mois, on le fait maintenant en 3 ans en moyenne, sur un projet. Et donc, en 3 ans, c'est désespérant, il y a beaucoup de bureaucratie, on perd beaucoup d'argent en demandant des études multiples à des intermédiaires ».

Votre rapporteure avait déjà alerté avec Valérie Létard sur la complexité et la lenteur de la procédure. Elle est donc satisfaite d'une part, des dispositions de l'article 90 de la loi ELAN qui modifient le fonctionnement de l'ANRU en matière de gestion financière et comptable, ce qui devrait améliorer la gestion financière des dossiers, et, d'autre part, des modifications du règlement financier du NPNRU intervenues le 25 mai dernier.

Le nouveau règlement financier fixe désormais le taux de subvention des démolitions de logements sociaux à 80 %, voire 100 % pour les organismes très fragiles, contre 70 % auparavant. Les aides à la reconstitution de l'offre de logements sociaux sont également majorées, ce qui permettra de mieux prendre en compte les coûts de construction en zones tendues. L'aide au relogement des ménages dans des logements neufs ou récents est également augmentée.

En outre, pour accélérer le lancement de certaines opérations consensuelles sans attendre la signature des conventions (en particulier les démolitions, reconstitutions et équipements publics), l'agence a créé un dispositif d'opérations pré-conventionnées (OPPC).

Votre rapporteure ne peut qu'approuver ces nouvelles dispositions financières mais regrette qu'il ait fallu attendre quatre ans pour les mettre en oeuvre.

3. Une participation des bailleurs sociaux au NPNRU enfin actée

L'action 4 « rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » comprend les crédits de l'État dédiés au financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU). L'État augmente sa participation qui atteint 185 millions d'euros en autorisation d'engagement et 25 millions d'euros en crédits de paiement contre 15 millions d'euros en AE et CP l'an dernier.

Si l'État s'est engagé à financer un milliard sur les dix milliards destinés au financement du NPNRU, le reste est financé par Action Logement à hauteur de 6,6 milliards et par les bailleurs sociaux à hauteur de 2,4 milliards.

Participation des différents acteurs au financement du NPNRU pendant le quinquennat

Source : ANRU.

Détail de la participation d'Action Logement pendant le quinquennat

Source : ANRU.

L'augmentation des crédits de l'État ne doit pas faire illusion, étant limitée aux besoins de décaissement de l'ANRU. L'État contribue ainsi plus modestement en proportion de son engagement global que les bailleurs sociaux et Action Logement. Votre rapporteure aurait souhaité que l'État inscrive dans les autorisations d'engagement le montant de sa contribution totale, soit un milliard, afin de ne laisser aucun doute quant à son engagement et afin de permettre de lancer rapidement la réalisation d'équipements comme les écoles.

L'article 74 du projet de loi de finances pour 2019 acte la participation des bailleurs sociaux au financement du NPNRU à hauteur de 154 millions d'euros par an qui s'ajoutent aux 30 millions d'euros que versait la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) à partir des cotisations des bailleurs sociaux. Cet engagement durera pendant toute la période du NPNRU soit jusqu'en 2031. Pour mémoire, cet engagement n'avait pu être inscrit dans la loi l'an dernier, les bailleurs ayant suspendu leur engagement en raison de la décision du Gouvernement d'instaurer la réduction de loyer de solidarité (RLS).

L'ANRU et le Gouvernement ont souligné dans leur réponse au questionnaire budgétaire que le doublement de l'enveloppe dédié au NPNRU avait permis d'accroître le montant des subventions plutôt que les prêts bonifiés mais sans toutefois rendre résiduel le recours aux prêts bonifiés.

Source de financement du NPNRU

Financement du NPNRU

(en Mds)

Reliquat PNRU

État

Bailleurs sociaux via la CGLLS

Action Logement

Total

Subventions

Subventions

Subventions

Subventions

Prêts bonifiés

Financement initial

0,6

0

0,4

3,2

2,2

6,4

9,3%

6,25%

50%

34,3%

Financement amendé en 2018

0,6

1

2,4

4,8

3,3

12,1

4,9%

8,26%

19,83%

39,66%

27,27%

Source : Réponse au questionnaire budgétaire.

Pour le moment, les retards pris dans la mise en oeuvre du NPNRU ont permis à l'ANRU de ne pas rencontrer de problèmes de trésorerie. Néanmoins, la mise en place du dispositif d'opérations pré-conventionnées (OPPC) pourrait conduire à une accélération des rythmes de paiement ce qui aura un impact plus ou moins important sur la trésorerie de l'agence, auquel il conviendra d'être attentif.

Source : ANRU.

B. LES ÉVENTUELS FREINS À LA MISE EN oeUVRE DU NPNRU : LA RÉDUCTION DE LOYER DE SOLIDARITÉ ET LA CRÉATION DE L'AGENCE NATIONALE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES

1. L'impact de la réduction de loyer de solidarité sur le NPNRU

Votre rapporteure continue de s'interroger sur la capacité des bailleurs sociaux à pouvoir respecter leur engagement de construire et de réhabiliter des logements sociaux dans le cadre du NPNRU, compte tenu de la ponction d'1,5 milliard d'euros résultant des mesures d'économie mises en place par l'État en matière d'APL.

La RLS pourrait conduire les bailleurs sociaux à lisser dans le temps leurs opérations de construction dans le cadre du NPNRU voire à diminuer leur engagement dans les opérations de réhabilitation des logements.

Selon une enquête menée par France urbaine et l'Assemblée des Communautés de France (ADCF) publiée en octobre 2018, « les communautés et métropoles expriment des inquiétudes quant à la possibilité de respecter les objectifs du NPNRU 2018/2024, en particulier les opérations de démolition jugées plus complexes et coûteuses que la production de logements neufs ou la réhabilitation. D'une façon générale, selon les communautés et métropoles interrogées, c'est à partir de 2019 voire 2020 (métropoles de Dijon et de Lille) que la programmation devait être affectée par les contraintes financières affectant les organismes de logement social. »

Selon l'Union sociale pour l'habitat, l'examen des derniers dossiers par l'ANRU montre un engagement important des collectivités auprès des organismes de logement social pour que ces derniers puissent mettre en oeuvre les projets de renouvellement urbain. Or, dans un contexte budgétaire contraint, il n'est pas certain que toutes les collectivités puissent s'engager de la même manière.

Les représentants de l'USH ont également indiqué à votre rapporteure que sur les 400 organismes concernés par le NPNRU, au moins 97 bailleurs étaient dans une situation préoccupante. Consciente du problème, l'ANRU a prévu un dispositif d'aides spécifiques en direction de ces organismes. Votre rapporteure s'interroge de savoir si ce dispositif sera suffisant pour ne pas retarder la mise en oeuvre du NPNRU dans certains quartiers.

Plus généralement, le désengagement de l'État en matière de logement, notamment par le biais de la RLS, qui est en contradiction avec la position de la Commission européenne qui vient d'inviter les États membres à prendre en compte la crise du logement et à relancer massivement l'investissement public, aura des effets sur l'habitat des quartiers prioritaires. Selon M. Cédric Van Styvendael, président de Housing Europe, une des premières conséquences de la RLS pourrait être une réduction de l'investissement des bailleurs dans le maintien des services dans les quartiers prioritaires , qu'ils avaient développés pour pallier le désengagement des acteurs publics, et une diminution de leur budget en matière d'entretien.

Votre rapporteure estime qu'on risque ainsi de créer les conditions de futurs quartiers dégradés pour lesquels l'État devra intervenir dans le prochain programme de renouvellement urbain.

Néanmoins, les représentants de l'USH ont rappelé que les bailleurs avaient des obligations en contrepartie de l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Votre rapporteure invite le Gouvernement à mesurer les conséquences de la RLS dans le cadre de la clause de revoyure avec les bailleurs sociaux et à mener une étude nationale sur les contreparties de l'abattement de TFPB ainsi que sur l'opportunité d'instaurer un mécanisme de suspension de l'abattement en cas de contreparties déficientes, conformément à la recommandation qu'elle avait établie avec Valérie Létard dans leur rapport d'évaluation de la loi Lamy.

2. L'impact de la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires sur les projets commerciaux du NPNRU

Le Sénat a voté le 8 novembre dernier la proposition de loi présentée par M. Jean-Claude Requier créant l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). La proposition de loi prévoit que cette agence absorbe plusieurs organismes ou établissements et notamment l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

Or, cet établissement joue un rôle essentiel dans le cadre des opérations de renouvellement urbain pour traiter la question des commerces.

Votre rapporteure regrette cette intégration de l'établissement dans l'ANCT. Elle craint que faute d'une augmentation des moyens humains et financiers, la future agence ne soit amenée à prioriser les demandes d'intervention en matière de commerces et à diminuer son intervention en direction des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Votre rapporteure y sera attentive ainsi qu'à la fluidité du processus de validation des dossiers dans l'organisation de la future agence. Il lui paraît extrêmement important que la création de cette agence ne conduise pas à un ralentissement du NPNRU au moment même où celui-ci est censé repartir.

III. DES MESURES INSUFFISANTES POUR FAVORISER L'EMPLOI DES HABITANTS DES QUARTIERS PRIORITAIRES

Bien que le taux de chômage ait diminué pour la troisième année consécutive dans les quartiers prioritaires pour atteindre 24,7 %, il n'en demeure pas moins que ce taux demeure 2,7 fois supérieur au taux des unités urbaines englobantes. Le taux d'activité atteint 58,8 % contre 72,4 % dans les autres quartiers.

Néanmoins, selon les réponses au questionnaire budgétaire, la situation des jeunes se détériore. Après plusieurs années de baisse, le taux de jeunes chômeurs a augmenté en 2017 dans les QPV pour atteindre 16,4 % alors même que le taux de chômage global a continué à diminuer. Le taux de jeunes sans emploi, sans formation, sans études augmente également pour atteindre 29,5 %.

Dans son plan d'action présenté en juillet dernier, le Gouvernement a annoncé :

• l'investissement de plus de 2 milliards d'euros pour la formation vers l'emploi des jeunes sans qualification et des chômeurs de longue durée ;

• le déploiement des emplois francs en direction des demandeurs d'emploi résidant dans les quartiers, quels que soient leur âge et leur niveau de qualification ;

• l'accompagnement de 100 000 jeunes des quartiers dans leur insertion professionnelle, en mobilisant les Cordées de la réussite, le parrainage et le tutorat dès 2018 ;

• l'accompagnement aux entrepreneurs des quartiers avec BPI-France ;

• la création de clauses sociales spécifiques dans les chantiers des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ;

• le doublement du nombre d'apprentis issus des quartiers pour le porter à 35 000 jeunes ;

• au sein du Plan d'investissement compétences (PIC), l'investissement de près d'1,5 milliard d'euros dans la lutte contre l'illettrisme et l'illectronisme.

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS DE DROIT COMMUN ET DES CRÉDITS SPÉCIFIQUES EN MATIÈRE D'EMPLOI

1. Une augmentation des crédits de droit commun en matière d'emploi

Le document de politique transversale Ville liste la contribution des différents programmes à la politique de la ville. En matière d'emploi, il mentionne les programmes 102 et 103 de la mission « Travail et emploi ». Contrairement à l'an dernier, ces crédits budgétaires augmentent, ce dont votre rapporteure se félicite.

Source : Document de politique transversale Ville.

Plusieurs dispositifs contribuant à la politique de l'emploi sont retenus au titre du programme 102 de la mission « Travail et emploi ». Parmi les principaux, on citera :

- les contrats aidés du secteur non marchand : 54,4 millions d'euros en AE et 54,3 millions d'euros en CP ;

- l'Epide : 54,4 millions d'euros en AE et CP ;

- la garantie jeunes : 114,7 millions d'euros en AE et 113,1 millions d'euros en CP ;

- les dispositifs d'insertion par l'activité économique : 180,7 millions d'euros en AE et CP ;

- les missions locales : 31,7 millions d'euros en AE et CP.

Au titre du programme 103 de la mission « Travail et emploi », ont été recensés les crédits dédiés au financement des emplois francs.

Le Gouvernement a avancé l'idée d'un rapprochement à titre expérimental entre Pôle Emploi et les missions locales. Votre rapporteure estime qu'il s'agit d'une erreur majeure d'appréciation . En effet, Pôle Emploi n'a ni le temps pour aller chercher les jeunes dans les quartiers, ni le temps de les accompagner dans la durée.

Pour votre rapporteure, réduire le taux de chômage des quartiers suppose la mise en place d'actions de proximité en direction des habitants de ces quartiers, ce que ne permet pas l'organisation de Pôle Emploi. Les missions locales accompagnent plus d'1,36 million de jeunes dans leur accès à l'emploi, dont plus de 200 000 habitent un quartier prioritaire de la politique de la ville. La moitié des jeunes entrent en situation professionnelle et 98 180 bénéficient d'un contrat de travail, 51 180 d'actions de formation et 5 940 de contrats en alternance. Votre rapporteure souhaite le maintien de ces missions locales qui ont démontré leur compétence.

2. Une augmentation des crédits spécifiques en matière d'emploi du programme 147

Les crédits dédiés à l'emploi et au développement économique par le programme 147 sont répartis au sein de l'action 1 et de l'action 2. Ils représentent 101,5 millions d'euros pour 2019.

L'action 1 du programme a ainsi prévu 57,3 millions d'euros, 49,4 millions étant dédiés à l'emploi et 7,9 millions d'euros au développement économique.

Répartition des crédits de l'action 1 consacrés à l'emploi et au développement économique (en euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Ces crédits ont augmenté dans une proportion moindre (+2,8 %) que les crédits prévus pour les autres piliers de l'action 1 . Leur part dans les crédits de l'action 1 baisse passant de 27,6 % à 22,5 %, ce qui est particulièrement regrettable à l'heure où le chômage des jeunes augmente dans les quartiers prioritaires. Le CGET a expliqué cette moindre augmentation par le fait que ces crédits avaient déjà bénéficié d'une importante augmentation l'an dernier.

Les crédits de l'action 2 « Revitalisation économique et emploi » diminuent de 12 % pour atteindre 44,2 millions d'euros. Si les crédits dédiés au fonctionnement de l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) demeurent stables (28,8 millions d'euros), ceux dédiés à la compensation des exonérations de charges sociales pour les entreprises installées en zone franche urbaine (ZFU) diminuent en raison de l'extinction progressive de cette exonération (15,4 millions d'euros).

? EPIDe

Le maintien du niveau des crédits en 2019 pour l'EPIDe permettra de financer l'ouverture d'un nouveau centre près d'Alès fin 2020. Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017, la Cour des comptes a souligné que les sites dans lesquels l'EPIDe était implanté n'étaient pas « cohérents » avec la géographie prioritaire et a proposé de transférer la subvention à l'EPIDe prévu par le programme 147 au programme 102 de la mission « Travail et emploi ».

Évolution de la subvention versée à l'EPIDe en fonction des programmes budgétaires

Source : rapports annuels de performances annexés au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes pour 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017, projets annuels de performances annexés aux projets de loi de finances pour 2018 et 2019.

? Zones franches urbaines (ZFU)

Depuis 2015, le montant des compensations pour les ZFU a été sous-estimé. Le CGET a indiqué que ces difficultés résultaient :

- de l'absence d'évaluation du stock d'entreprises bénéficiaires du dispositif, certaines ayant pu basculer dans le droit commun ;

- de l'absence de mesure de l'évolution de la masse salariale des entreprises concernées.

La Cour des comptes a invité le Gouvernement à mettre en place une mission d'inspection IGF-IGAS auprès des caisses de sécurité sociale pour identifier les raisons pour lesquelles les entreprises ne demandent pas l'application des dispositifs du CICE.

? Agence France Entrepreneur

En matière d'accompagnement à l'entrepreneuriat, votre rapporteure constate l'extinction des crédits budgétaires de la mission « Économie » dédié au financement de l'Agence France Entrepreneur . Pour mémoire, les crédits du programme 147 dédié à l'appui à la création et à l'accompagnement des entreprises ont été transférés en 2016, au sein de la mission « Économie » afin que les crédits alloués à l'Agence soient réunis dans une seule et même mission. L'Agence avait vocation à coordonner les actions en faveur de l'entrepreneuriat dans les « territoires fragiles », comme les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Néanmoins, le Gouvernement a estimé que le bilan de l'agence était plutôt négatif et a décidé son intégration à compter du 1 er janvier 2019 au sein de BPI France. Votre rapporteure fera le bilan de cette intégration lors du prochain projet de loi de finances.

B. EMPLOIS FRANCS : UNE EXÉCUTION LOIN DES OBJECTIFS FIXÉS

L'expérimentation relative aux emplois francs a été lancée le 1 er avril 2018 dans sept territoires : le département de Seine-Saint-Denis, les agglomérations de Roissy-Pays-de-France et de Cergy-Pontoise, l'agglomération de Grand-Paris-Sud, la métropole de Lille, la métropole d'Aix-Marseille-Provence et l'agglomération d'Angers. Ces territoires rassemblent 25 % de la population en quartier prioritaire et comptent environ 200 000 demandeurs d'emploi.

Pour être éligible, le demandeur d'emploi doit :

- être inscrit à Pôle Emploi ; aucune durée n'est exigée ;

- résider dans un quartier prioritaire de la politique de la ville.

Aucune condition supplémentaire en matière d'ancienneté, d'inscription à Pôle Emploi, d'âge, de diplôme, de temps de travail ou encore de rémunération n'est requise pour que le dispositif des emplois francs s'applique. L'entreprise ou l'association qui recrute la personne recevra une aide de 5 000 euros par an pendant trois ans pour une embauche en CDI et de 2 500 euros pour une embauche en CDD.

Sur le plan budgétaire, les emplois francs sont financés par les crédits du programme 103 de la mission « Travail et emploi ». 180 millions d'euros en AE et 11,7 millions d'euros en CP ont été inscrits au budget de la mission pour 2018. Pour 2019, 237 millions d'euros en AE et 70,8 millions d'euros en CP sont prévus. Ces crédits doivent permettre de financer 25 000 contrats d'ici la fin de l'expérimentation prévue le 31 décembre 2019.

Au 16 septembre 2018, 1 980 demandes d'emplois francs ont été transmises à Pôle Emploi et 1 528 ont été acceptées. Le nombre d'emplois francs est estimé entre 2 500 et 3 100 à la fin de l'année 2018.

Une des explications de cette faiblesse du nombre d'emplois francs résiderait dans le nombre limité de territoires choisis qui ne permet pas de mener une politique nationale de communication pour valoriser ces emplois. Lors de son audition par la commission des affaires économiques, M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, a indiqué qu'un élargissement du périmètre du dispositif n'était pas envisagé par le Gouvernement.

Votre rapporteure constate que les résultats sont très loin des objectifs fixés par le Gouvernement en matière d'emplois francs et doute de la possibilité d'atteindre les objectifs fixés si le dispositif n'est pas modifié . Elle regrette que le Gouvernement préfère attendre la fin de l'expérimentation, et ainsi perdre une année, avant de corriger le dispositif.

C. DES CONTRATS AIDÉS EN DIMINUTION

• Depuis le 1 er janvier 2018, les « parcours emploi compétences (PEC) » ont remplacé les contrats aidés suivants : les emplois d'avenir ainsi que les contrats uniques d'insertion (CUI) qui se subdivisaient en contrats d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) pour le secteur non-marchand et les contrats initiative emploi (CUI-CIE) dans le secteur marchand.

Par rapport aux contrats aidés, les « parcours emploi compétences » se caractérisent par :

- un public cible ;

- une sélection des employeurs en fonction de leurs possibilités d'offrir un parcours permettant l'insertion professionnelle ;

- une définition préalable des compétences que le bénéficiaire du PEC doit acquérir et une définition des actions de formation et d'accompagnement à mettre en place.

Le nombre de contrats aidés dans sa nouvelle version est en très forte diminution. Ainsi, alors qu'environ 291 000 contrats aidés étaient prescrits en 2017 (CAE, CIE, emploi d'avenir), on constate une baisse de 46 % du nombre de contrats aidés programmés entre 2017 et 2018. Pour 2019, le projet de loi de finances prévoit 100 000 parcours emploi compétences.

Au 21 juillet 2018, 65 159 PEC ont été prescrits, soit un taux de réalisation de 35 % 2 ( * ) à la fin du premier semestre. 24 194 PEC ont été attribués à des associations.

À la différence des contrats aidés, les PEC prévoient une durée hebdomadaire de 21,5 heures (contre 33,5 heures) et une prise en charge du contrat par l'État en baisse puisqu'elle atteint 50 % contre 75 % précédemment. Pour le Comité national de liaison des régies de quartiers, cette moindre prise en charge et l'aspect plus contraignant du dispositif expliquent la diminution du nombre de PEC réalisés, les associations ayant plus de difficultés à embaucher les personnes dans ces nouvelles conditions . Pour l'Union nationale des missions locales, les PEC manquent en outre d'un pilotage national, le choix d'une logique au coup par coup ne permettant pas d'enclencher une dynamique.

Tableau comparatif du reste à charge pour plusieurs contrats aidés, emplois francs et contrats de droit commun en 2018

Source : Comité national de liaison des régies de quartiers.

Le montant de l'aide peut être modulé au bénéfice des habitants des quartiers prioritaires par le préfet de région, entre 30 % et 60 % dans la limite des enveloppes financières régionales. Néanmoins, votre rapporteure a pu constater que tous les préfets n'ont pas utilisé cette possibilité, ce qu'elle déplore.

Source : Comité national de liaison des régies de quartiers.

Source : Comité national de liaison des régies de quartiers.

La circulaire du 18 janvier 2018 relative aux parcours emploi compétences et au fonds d'inclusion dans l'emploi en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi a fixé à 13% le taux de résidents dans un quartier prioritaire bénéficiaires de ces parcours. Ce taux était atteint à la fin du mois de mai, néanmoins il convient de souligner qu'en volume le nombre de personnes résidents dans les QPV et bénéficiaires d'un PEC était moindre qu'en 2017.

Votre rapporteure estime que les critères du nouveau dispositif ont laissé de côté les personnes « employables rapidement » tout en n'étant pas adaptés aux personnes les plus éloignées de l'emploi qui nécessitent un temps d'accompagnement plus long que l'année prévue pour les PEC.

Selon le Comité national de liaison des régies de quartiers, une étude menée auprès des régies en septembre dernier a montré que la diminution des contrats aidés avait eu des conséquences sur les activités d'utilité sociale ou de services rendus aux habitants telles que les actions de médiation-prévention. Pour votre rapporteure, l'augmentation du nombre d'adultes-relais ne permettra pas de pallier cette situation.

Les représentants de l'Union nationale des missions locales ont regretté que les emplois aidés soient encore trop souvent considérés comme une charge pour la société alors même que ces emplois « s'inscrivent pleinement dans une perspective de développement local, par l'effet qu'ils génèrent tant en matière de développement de nouvelles activités qu'au plan économique, avec les incidences induites par le développement du pouvoir d'achat des jeunes avec un salaire stable leur permettant de pourvoir à leurs propres besoins au quotidien (logement, consommation, prêts,...) ».

ARTICLE RATTACHÉ

Article 74

Financement du NPNRU

1. Le dispositif

Les missions de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) sont définies à l'article L. 452-1 du code de la construction et de l'habitation. La CGLLS verse chaque année et jusqu'en 2024 à l'ANRU 30 millions d'euros pour la mise en oeuvre des programmes de renouvellement urbain. La CGLLS reçoit principalement au titre de ses ressources des cotisations versées par les bailleurs sociaux.

L'article 74 du projet de loi de finances pour 2019 propose de porter cette contribution de 30 à 184 millions d'euros pour le financement des programmes de renouvellement urbain jusqu'en 2031 c'est-à-dire jusqu'à la fin du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).

2. L'avis de la commission

Votre rapporteure constate que les dispositions de l'article 74 sont la traduction de l'engagement financier des bailleurs sociaux de contribuer de façon plus importante au NPNRU. Elle ne peut donc qu'y être favorable.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 21 novembre 2018, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2019.

Mme Annie Guillemot , rapporteure pour avis . - Il me revient de vous présenter les crédits du programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires ».

Dans son rapport remis au Premier ministre le 26 avril 2018, Jean-Louis Borloo a dressé un état des lieux sans concession de la situation des quartiers et préconisé 19 axes d'actions à mettre en oeuvre. Si les propositions du rapport n'ont pas été exploitées à leur juste valeur, le rapport a néanmoins eu le mérite de remettre en avant l'importance de la politique de la ville.

Le Gouvernement a élaboré une feuille de route, présentée le 18 juillet 2018, qui comprend 40 actions en matière de mixité sociale, de renouvellement urbain, de formation et d'insertion professionnelle, de sécurité ou encore d'éducation.

En matière budgétaire, les crédits du programme 147 « politique de la ville » augmentent pour 2019 de 57 % en autorisations d'engagement et de 19,7 % en crédits de paiement, en raison de la hausse des crédits dédiés aux actions en direction des quartiers prioritaires et des crédits de l'État destinés au financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU). C'est une hausse importante des crédits mais je vous proposerai de nous en remettre à la sagesse du Sénat car ces crédits supposent des cofinancements des associations et des collectivités qui sont exsangues.

Les crédits de l'action 1 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » augmentent de 25,6 %. Ils regroupent les crédits destinés aux quartiers prioritaires dans le cadre des contrats de ville et les crédits des dispositifs spécifiques.

Les premiers augmentent de 26,4 %. Cette augmentation bénéficie principalement aux actions du pilier « cohésion sociale ». 173 millions d'euros lui sont dédiés. L'accent est mis sur l'éducation et le lien social.

Les 49 millions d'euros de crédits supplémentaires permettront de financer des mesures de parrainage, des cordées de la réussite, des moyens supplémentaires pour les associations nationales (15 millions d'euros). Ils seront également dédiés au financement d'une aide aux communes pour la création de postes d'agents territoriaux spécialisées des écoles maternelles - ATSEM - (22 millions d'euros) mais aussi au doublement (760 à 1 520) des postes Fonds Jeunesse et Éducation populaire - FONJEP et leur revalorisation tarifaire. Je crains qu'une partie de ces crédits ne soit pas consommée, faute pour les associations et/ou les collectivités territoriales d'être en capacité d'apporter les crédits complémentaires nécessaires alors qu'elles sont exsangues.

J'en viens aux crédits relatifs aux dispositifs spécifiques - adultes-relais et programme de réussite éducative. Ils augmentent fortement aussi.

80 millions sont destinés à financer le programme de réussite éducative pour 2019, soit une augmentation des crédits de 17 %. Il faut remonter à 2010 pour connaître un montant plus élevé.

Je m'interroge sur le montant retenu au regard du montant des crédits exécutés en 2017 - 60 millions. Je rappelle que les années précédentes le Gouvernement avait justifié une baisse de ces mêmes crédits pour les aligner sur le montant des crédits exécutés.

Cette augmentation doit financer les « cités éducatives » dont j'avoue ne pas avoir encore perçu l'utilité ni la différence avec les programmes de réussite éducative (PRE). Les cités vont coordonner toutes les structures alors que c'est pour moi le rôle des PRE. Je ne vois pas l'intérêt d'avoir une deuxième structure.

S'agissant des adultes-relais, les crédits augmentent de 31,2 % pour atteindre 84 millions. Il s'agit de financer 1000 postes supplémentaires. Or, je rappelle les difficultés de recrutement sur ces postes. Le taux de vacance atteint 17 %.

Ici encore, le montant retenu pour 2019 est très élevé au regard du montant des crédits consommés en 2017 qui atteignaient 60 millions. Sur les dix dernières années, le dispositif n'en a pas consommé plus.

Je m'interroge d'autant plus sur cette augmentation que le Gouvernement a depuis 2012 diminué chaque année le montant des crédits dédiés à ce dispositif.

Je rappelle que ces dispositifs supposent des cofinancements de la part des associations et/ou des collectivités territoriales. Or, dans le contexte actuel, il n'est pas certain que ces derniers puissent apporter leurs concours financiers, ou du moins des financements à la hauteur de l'effort consenti par l'État.

Un mot de la dotation Politique de la ville qui fait l'objet d'aménagements pour la troisième année consécutive. Seront éligibles les communes ayant un quartier d'intérêt régional. Je constate surtout que le nombre de communes éligibles sera déplafonné. Il en résultera une diminution du montant de la dotation par habitant de façon limitée et ponctuelle selon le gouvernement.

Je note également que l'État a pris des engagements dans le cadre du Pacte de Dijon. France urbaine va relancer les ministres régaliens pour le mettre en oeuvre. Nous verrons bien comment l'État va mobiliser son droit commun. Nous avions constaté dans notre rapport avec Valérie Létard qu'on avait peu avancé sur ce sujet.

Ces engagements seront introduits lors de la révision des contrats de ville l'an prochain. Les députés ont décidé de prolonger les contrats de ville jusqu'en 2022. Je regrette ce choix qui conduira de nouveau à déconnecter les contrats de ville des mandats municipaux, à rebours du choix effectué lors de la loi Lamy.

J'en viens au NPNRU. Chacun a pu le constater, nous avons perdu au moins une année en raison :

- de la décision du Gouvernement d'instaurer la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui a conduit les bailleurs sociaux à suspendre leur engagement dans le financement du NPNRU ;

- puis des incertitudes résultant en début d'année de l'avant-projet de loi PACTE et des effets pour Action Logement du relèvement du seuil de 20 à 50 salariés pour l'assujettissement des entreprises à la participation des employeurs à l'effort de construction prévu dans ce texte. L'État s'est engagé à compenser les 300 millions d'euros manquants, malheureusement en augmentant le coût des crédits emprunteurs.

Le NPNRU semble enfin redémarrer. Je regrette ce temps perdu et si on peut se féliciter de la multiplication des signatures de conventions, je crains néanmoins que les grues ne soient pas présentes dans les quartiers avant 2020.

Je tiens à saluer les réformes de fonctionnement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) que nous avions préconisé avec Valérie Létard : le rééquilibrage de son conseil d'administration -j'espère que cette réforme sera rapidement mise en oeuvre- et les modifications du règlement financier qui permettront un meilleur financement des opérations, notamment des démolitions.

Si l'État finance un milliard sur les dix milliards destinés au NPNRU, pour 2019, il a inscrit 185 millions d'euros en autorisations d'engagement mais seulement 25 millions d'euros en crédits de paiement, limitant sa contribution aux seuls besoins de décaissement de l'ANRU. Je rappelle que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait lancé un plan d'urgence. L'État pourrait faire de même ce qui permettrait de réaliser les équipements par exemple.

Le présent projet de loi de finances acte la participation des bailleurs sociaux au financement du NPNRU, pour un montant de 2,4 milliards d'euros. C'est l'objet de l'article 74 pour lequel je vous proposerai de donner un avis favorable.

Les retards pris dans la mise en oeuvre du NPNRU ont permis à l'ANRU de ne pas rencontrer de problèmes de trésorerie. Néanmoins, la mise en place du dispositif d'opérations pré-conventionnées qui permet de lancer certaines opérations consensuelles sans attendre la signature des conventions comme les démolitions, pourrait conduire à une accélération des rythmes de paiement ce qui aura un impact plus ou moins important sur la trésorerie de l'agence, auquel il conviendra d'être attentif.

Je voudrais attirer votre attention sur l'impact sur le NPNRU des récents choix gouvernementaux en matière d'habitat, je pense à la RLS mais aussi à l'intégration de l'EPARECA au sein de la future Agence nationale de cohésion des territoires. L'agence va devoir coordonner le CEREMA, l'ANRU, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Je crains qu'elle ne soit qu'une usine à gaz alors qu'elle aurait dû être une « ANRU bis » tournée vers la ruralité. Que se passera-t-il si l'ANCT n'est pas d'accord avec l'ANRU ?

L'EPARECA joue un rôle essentiel dans le cadre des opérations de renouvellement urbain pour traiter la question des commerces. Il faut être attentif à l'impact de ces deux réformes.

Je voudrais terminer en abordant la question de l'emploi des habitants des quartiers prioritaires. L'emploi doit être une priorité.

Les crédits pour l'emploi prévus par le programme 147 augmentent dans une moindre proportion (+2,8 %) que les crédits dédiés à l'action sociale ce qui est particulièrement regrettable à l'heure où le chômage des jeunes repart à la hausse dans les quartiers.

Les mesures mises en oeuvre l'an dernier, réforme des contrats aidés et expérimentation des emplois francs notamment, n'ont pas produit les effets escomptés sur l'emploi dans les quartiers.

En matière d'emplois francs, je constate que les résultats sont très loin des objectifs fixés par le Gouvernement. Au 16 septembre 2018, 1 980 demandes d'emplois francs ont été transmises à Pôle Emploi et 1 528 ont été acceptées. Je ne soutenais pas le dispositif lorsque le précédent Gouvernement l'avait mis en oeuvre, je ne le soutiens pas plus maintenant. L'objectif est fixé à 25 000 emplois francs. C'est de l'argent qui ne sera pas dépensé.

Une des explications de cette faiblesse du nombre d'emplois francs résiderait dans le nombre limité de territoires choisis qui ne permet pas de mener une politique nationale de communication pour valoriser ces emplois.

Je regrette que le Gouvernement préfère attendre la fin de l'expérimentation, et ainsi perdre une année, avant de corriger le dispositif.

Le nombre de contrats aidés dans sa nouvelle version (parcours emploi compétences- PEC) est en très forte diminution. Ainsi, alors qu'environ 291 000 contrats aidés étaient prescrits en 2017, on constate une baisse de 46 % du nombre de contrats aidés programmés entre 2017 et 2018. Pour 2019, le projet de loi de finances prévoit 100 000 PEC.

Une moindre prise en charge et l'aspect plus contraignant du dispositif expliquent la diminution du nombre de PEC réalisés, les associations ayant plus de difficultés à embaucher les personnes dans ces nouvelles conditions.

L'augmentation du nombre d'adulte-relais ne pourra compenser la baisse du nombre de contrats aidés.

Les critères du nouveau dispositif ont laissé de côté les personnes « employables rapidement » tout en n'étant pas adaptés aux personnes les plus éloignées de l'emploi qui nécessitent un temps d'accompagnement plus long que l'année prévue pour les PEC.

Je déplore le fait que tous les préfets n'aient pas jugé opportun de moduler l'aide allouée aux contrats aidés pour soutenir leur déploiement dans les quartiers.

Enfin, un mot des missions locales. Réduire le taux de chômage des quartiers suppose la mise en place d'actions de proximité en direction des habitants de ces quartiers, ce que ne permet pas l'organisation de Pôle Emploi.

Les missions locales accompagnent plus 200 000 personnes habitant un quartier prioritaire. Leur bilan est plutôt positif. Le Gouvernement a avancé l'idée d'un rapprochement à titre expérimental entre Pôle Emploi et les missions locales. C'est une erreur majeure d'appréciation. En effet, Pôle Emploi n'a bien souvent ni le temps pour aller chercher les jeunes dans les quartiers, ni le temps de les accompagner dans la durée.

Il n'y a plus d'accompagnement social. Les missions locales font partie de ces corps intermédiaires qui amortissent les revendications sociales, telles celles des gilets jaunes. Je suis très inquiète de la situation actuelle. Les deux morts résultant des barrages des gilets jaunes ne sont pas faits pour me rassurer. On a des élus qui connaissent le terrain. Or, certains maires ne veulent plus l'être car il y a beaucoup de violences. Il faut faire attention à cet accompagnement des associations. 25 000 d'entre elles ont disparu en un an.

En conclusion, je vous propose de donner un avis de sagesse sur les crédits du programme 147 et un avis favorable à l'article 74 qui est rattaché à la mission « Cohésion des territoires ».

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci madame la rapporteure.

M. Serge Babary . - Le programme 147, avec ses 85 millions d'euros d'augmentation, correspond de façon presque exemplaire à ce qui a été annoncé en juillet 2018 dans le plan de mobilisation, et c'est à saluer. Mais notre groupe s'en tiendra à une position de sagesse également, considérant que c'est tout à fait insuffisant s'agissant des différents points de ce programme.

M. Martial Bourquin . - Nous partageons complètement les analyses et les inquiétudes de la rapporteure. La baisse très forte des emplois aidés dans les quartiers a été un véritable choc. Combien d'associations ont disparu ?

Mme Sophie Primas , présidente . - 25 000.

Mme Annie Guillemot , rapporteure pour avis . - Ce sont les plus petites.

M. Martial Bourquin . - Je suis très inquiet de ce qui va se passer dans les quartiers. Le manque d'attention du Gouvernement en matière d'accompagnement social est une erreur. Les inégalités sont tellement fortes dans ces quartiers. Des jeunes pouvaient grâce aux emplois aidés retrouver un emploi au terme d'un parcours un travail. Aujourd'hui, on n'a plus grand-chose à leur proposer. Concernant les emplois francs, cela ne marche pas, et ça n'est pas nouveau. Mais on peut s'inquiéter d'une nouveauté : il y a de plus en plus de crédits prévus dont on sait qu'ils ne seront pas dépensés.

M. Daniel Gremillet . - J'ai le sentiment de vivre un moment un peu particulier dans cette commission, car on voit, quelles que soient nos sensibilités, une convergence de vue sur l'intérêt de notre pays. Cela montre une prise de conscience partagée sur l'essentiel, mais aussi la gravité de la situation. Il y a un sens dans ce que l'on fait, Madame la présidente.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je pense que c'est la nature même du Sénat d'avoir un lien fort avec les territoires et de savoir ce qui fonctionne ou non. Au-delà même de nos divergences de convictions politiques, nous partageons cette réalité du terrain.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat s'agissant de l'adoption des crédits du programme 147 « Politique de la ville » et émet un avis favorable à l'adoption de l'article 74 rattaché à la mission « Cohésion des territoires ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 6 novembre 2018 :

- Comité national de liaison des régies de quartiers (CNLRQ) : M. Tarek Daher , délégué général, et Mme Marie-Josée Chabbal , présidente de la régie de quartier de Carcassonne et administratrice du CNLRQ ;

- Union nationale des missions locales (UNML) : MM. Jean-Raymond Lepinay , vice-président, et Serge Kroichvili , délégué général.

Mercredi 7 novembre 2018 :

- Housing Europe : M. Cédric Van Styvendael , président de Housing Europe et directeur général d'Est Lyon Métropole ;

- Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) : MM. Nicolas Grivel , directeur général, et Damien Ranger , directeur des relations institutionnelles ;

- Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) : Mme Valérie Lasek , directeur général, et M. Jorris Auffret , directeur administratif et financier.

Jeudi 8 novembre 2018 :

- Action Logement : MM. Jean-Baptiste Dolci , vice-président, et Bruno Arbouet , directeur général, et Mme Valérie Jarry , directrice des relations institutionnelles ;

- Assemblée des départements de France (ADF) : M. Mario Rossi , vice-président du conseil départemental de la Marne ;

- France Urbaine : M. Emmanuel Heyraud , directeur cohésion sociale et développement urbain ;

- Association des maires ville et banlieue de France (AMVBF) : M. Marc Goua , maire de Trélazé (49), ancien député et membre du bureau de l'AMVBF ;

- Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) : M. Sébastien Jallet , directeur de la ville et de la cohésion urbaine, adjoint du Commissaire général, et Mmes Gabrielle de Nadaillac , responsable du pôle programmation et exécution des crédits de la politique de la ville, et Mathilde Rondeau , adjointe à la cheffe du bureau de la programmation et élaboration stratégique des crédits de la politique de la ville ;

- Union sociale pour l'habitat (USH) : Mme Marianne Louis , directrice générale, M. Thierry Asselin , directeur du service des politiques urbaines et sociales, et Mme Francine Albert , conseillère pour les relations avec le Parlement.


* 1 Rapport d'information n° 662 (2016-2017) du 19 juillet 2017 « Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens ».

* 2 Ce nombre de PEC doit être rapporté aux 183 352 PEC programmés à la fin du mois de juillet (programmation des DIRECCTE à hauteur de 139 699 PEC + report du solde du contingent EN 2017-2018 de 14 411 PEC + contingent EN de 30 500 PEC - 1258 PEC liés à des contingences locales).

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