Avis n° 151 (2018-2019) de M. Claude KERN , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 22 novembre 2018

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N° 151

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Par M. Claude KERN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. Max Brisson, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert , vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, Marie-Thérèse Bruguière, Céline Brulin, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Jean-Marie Mizzon, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Damien Regnard, Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz, Mme Dominique Vérien .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) met en oeuvre la mission budgétaire « Action extérieure de l'État », dotée dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019 de 2,9 milliards d'euros 1 ( * ) , en baisse de 4,3 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2018.

Cette mission regroupe quatre programmes budgétaires :

- le programme 105 - « Action de la France en Europe et dans le monde » qui regroupe les moyens que le ministère consacre au fonctionnement de son réseau diplomatique, de son administration centrale ainsi qu'aux contributions que la France verse à 83 organisations internationales ; ce programme, doté au PLF 2019 d'1,77 milliard d'euros, représente 62 % des crédits de la mission ;

- le programme 151 - « Français à l'étranger et affaires consulaires » qui finance un réseau de plus de 200 implantations à l'étranger, doté au PLF 2019 de 374 millions d'euros ;

- le programme 185 - « Diplomatie culturelle et d'influence » qui regroupe l'ensemble des crédits affectés à l'enseignement français à l'étranger, à la diffusion culturelle, à la coopération universitaire et scientifique, à la francophonie et au développement du tourisme et qui représente un petit quart (24 %) des crédits de la mission, avec ses 699,5 millions d'euros inscrits au PLF 2019 ;

- et enfin le programme 347 - « Présidence française du G7 » doté de 24,4 millions d'euros pour 2019 afin d'organiser la présidence française du G7, en 2019, à Biarritz.

Répartition des 2,9 milliards de crédits de paiement de la mission « Action extérieure de l'État » dans le PLF 2019

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication
du Sénat, d'après les documents budgétaires

C'est sur le seul programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », qui concerne en grande partie les thématiques de la culture et de l'éducation , que votre rapporteur pour avis est amené à formuler un avis au nom de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Son appréciation n'englobe pas l'intégralité des crédits de ce programme puisqu'une partie d'entre eux est destinée à la diplomatie économique et au développement du tourisme (35,3 millions d'euros) ou à des objectifs de développement durable (3,4 millions d'euros), thématiques qui n'entrent pas dans le champ de compétences de votre commission.

Répartition des 699,5 millions d'euros de crédits de paiement du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » dans le PLF 2019

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat,
d'après les documents budgétaires

Évolution 2018-2019 des crédits de paiement d'actions du programme 185

Actions 01 à 06 du programme 185

LFI 2018

(en euros)

PLF 2019

(en euros)

Évolution

(en%)

Action 01 - « Appui au réseau »

42 651 383

41 101 383

-3,63%

Action 02 - « Coopération culturelle et promotion du français »

62 124 899

67 015 315

+7,87%

Action 04 - « Enseignement supérieur et recherche »

101 648 610

94 578 610

-6,96%

Action 05 - « AEFE »

398 706 841

384 006 841

-3,69%

Action 06 - « Dépenses de personnel »

73 470 171

74 235 198

+1,04%

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication,
d'après le PAP 2019

I. PRÉSENTATION DES CRÉDITS POUR 2019

A. DES CRÉDITS ATONES EN DÉPIT DES AMBITIONS PRÉSIDENTIELLES

La diplomatie culturelle et d'influence de la France est mise en oeuvre par notre réseau culturel dans le monde. Celui-ci reste remarquable par son étendue mais risque de s'atrophier progressivement faute de moyens pour continuer à l'entretenir et financer ses actions comme l'atteste l'évolution des crédits dédiés à la diplomatie culturelle et d'influence depuis 2012, qui ont connu une baisse de près de 10 % en euros courants en sept ans.

Évolution du programme 185 (hors tourisme) depuis 2012 2 ( * )

(en crédits de paiement, millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Un réseau culturel soumis à une diète qui pourrait rapidement devenir plus sévère

Le réseau de coopération et d'action culturelle français à l'étranger se composait en 2018 de :

- 131 services de coopération et d'action culturelle ;

- 98 instituts français et 38 antennes ;

- 6 centres culturels franco-étrangers ;

- 386 alliances françaises conventionnées ou disposant d'un lien avec le ministère (sur un total de 836 alliances dans le monde) ;

- 27 unités mixtes des instituts français de recherche à l'étranger.

Ce réseau est soumis depuis plusieurs années à des efforts continus de rationalisation et il risque en outre d'être fortement impacté dans les toutes prochaines années compte tenu des annonces faites dans le cadre d'Action publique 2022 qui prévoit la réduction de 10 % de la masse salariale de l'ensemble des réseaux de l'État à l'étranger d'ici 2022 !

La rationalisation du réseau culturel français à l'étranger

« Cette rationalisation passe (...) par la mise en place de formats plus resserrés, la réduction lorsque c'est pertinent du nombre de certaines antennes d'un EAF, ou, en fonction du contexte, par des une coopération « hors les murs » entre certains de nos Instituts français et des institutions locales et françaises. La contrainte budgétaire implique pour nos Instituts français de développer leurs ressources propres mais aussi d'effectuer des choix précis en termes de priorités d'action, selon les stratégies décidées par région et sous-région. Il est par ailleurs aujourd'hui nécessaire de s'attacher à moderniser autant que possible notre action en privilégiant les interlocuteurs influents et dynamiques. Notre diplomatie d'influence doit être réaliste, adaptée aux besoins de nos partenaires, et rechercher des synergies maximales avec les programmes européens (Erasmus+, Horizons 2020, etc.). »

Source : Réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis

2. Un ambitieux Plan « Langue française et Plurilinguisme » mais sans véritables moyens

Le 20 mars 2018, à l'occasion de la Journée de la Francophonie, le Président de la République a présenté devant l'Institut de France un ambitieux plan, baptisé « Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme » 3 ( * ) .

Celui-ci comporte 33 mesures pour « Apprendre », « Communiquer » et « Créer » en français : « l'enjeu est de faire du français, qui est déjà la 5 ème langue la plus parlée sur la planète et dont les locuteurs sont de plus en plus nombreux, l'une des grandes langues-mondes de demain et un atout dans la mondialisation » 4 ( * ) .

Le Président de la République s'est par ailleurs engagé à réunir une fois par an un Conseil national de la francophonie pour évaluer la mise en oeuvre de cette stratégie et lancer de nouvelles initiatives.

Votre rapporteur pour avis salue cette grande ambition pour la Francophonie mais regrette la globale pauvreté des moyens dédiés à sa mise en oeuvre.

Certes, il est prévu que l'Agence française de développement (AFD) double ses moyens consacrés aux systèmes éducatifs d'Afrique francophone pour atteindre 350 millions d'euros par an et un appel à projets « Afrique Créative » doté de 1,5 million d'euros pour soutenir l'entrepreneuriat culturel en Afrique a été annoncé dans le cadre du Plan.

Mais, au sein des missions « Culture » et « Action extérieure de l'État », presque rien n'est prévu. Le Président de la République n'a évoqué que le « maintien » des moyens de la diplomatie culturelle 5 ( * ) . Pour 2019, au sein de la mission « Culture », 3,2 millions d'euros sont fléchés pour le Plan Langue Française et Plurilinguisme mais il s'agit d'une somme identique à celle prévue l'an dernier pour les actions en faveur de la francophonie et, au sein de la mission « Action extérieure de l'État », seuls 2 millions d'euros supplémentaires sont dégagés pour la mise en oeuvre du Plan, au profit de l'Institut français.

B. OPÉRATEURS ET PARTENAIRES MAINTENUS AU RÉGIME SEC

Les crédits de fonctionnement du programme 185 sont constitués à près de 90 % des subventions pour charges de service public allouées aux opérateurs de l'État.

1. L'AEFE : le maintien des crédits
a) Une subvention pour charges de service public maintenue

En 2019, la subvention pour charges de service public versée à l'AEFE est réduite de 14,7 millions d'euros en raison de la suppression de la dotation dédiée à la sécurisation des lycées français à l'étranger. Ces dépenses seront désormais financées par des avances du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » 6 ( * ) , comme c'est le cas pour la sécurisation de l'ensemble des implantations de l'État français à l'étranger.

Évolution de la subvention pour charges de service public de l'AEFE

(crédits de paiement en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires

Globalement, la subvention versée en 2019 à l'AEFE devrait donc être identique à celle reçue en 2018, conformément à l'engagement pris par le Président de la République 7 ( * ) après l'annulation de 33 millions d'euros opérée en cours d'année 2017 et qui avait durement éprouvé l'AEFE.

Votre rapporteur pour avis est favorable à la recommandation de ses collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud qui préconisent dans leur récent rapport 8 ( * ) consacré au réseau de l'enseignement français à l'étranger de « sanctuariser le montant de la subvention pour charges de service public allouée à l'AEFE pour les cinq prochaines années », mettant le réseau dans de réelles difficultés budgétaires comme ce fut le cas en 2017. Une augmentation de cette subvention serait même probablement souhaitable dans le cadre de l'augmentation annuelle de 2 % des effectifs scolarisés par le réseau mais surtout de l'objectif de doublement de ces effectifs d'ici 2030 posé par le Président de la République dans son Plan Langue française et Plurilinguisme ( cf. infra ).

b) L'AEFE fragilisée par la coupe de 33 millions d'euros en 2017

L'annulation brutale de 33 millions d'euros (environ 10 % du montant de la subvention qui aurait dû être versé à l'AEFE au titre de 2017) au cours de l'été 2017 9 ( * ) a créé un traumatisme durable dans un réseau qui s'est senti fragilisé.

Pour faire face à cette décision inattendue, plusieurs mesures de trésorerie ont été mises en oeuvre :

- l'anticipation de la facture relative à la participation à la rémunération des résidents pour la dernière tranche de 2017 ;

- l'incitation à régler de manière anticipée la facturation 2018 pour les établissements qui le pouvaient ;

- le report du versement de certaines subventions à janvier ou février 2018 plutôt qu'en décembre 2017 comme prévu initialement.

Des mesures plus structurelles ont également été engagées par l'AEFE :

- des fermetures de postes pour 2018 (-180) et 2019 (-166) ;

- le rehaussement pour 2018 de la participation financière complémentaire (PEC) due par les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés de 6 % à 9 % des frais de scolarité, ce qui a permis de générer environ 22 millions d'euros de recettes supplémentaires ; le taux de PEC devrait être de 7,5 % en 2019 avant un retour prévu à 6 % en 2020.

c) Quels personnels enseignants dans les lycées français à l'étranger ?

La masse salariale constitue 80 % des dépenses de l'AEFE. En ce qui concerne ses personnels enseignants, l'AEFE opère depuis plusieurs années un double mouvement de :

- réduction du nombre des personnels détachés du ministère de l'éducation nationale 10 ( * ) (au profit de personnels recrutés localement) ;

- et d'ajustement du statut et des fonctions de ces personnels (pour les orienter de plus en plus vers des fonctions d'encadrement ou de formation des autres personnels).

C'est ainsi que 80 suppressions d'emplois d'expatriés 11 ( * ) ont été prévues pour 2018 et 66 en 2019. De même pour les personnels résidents qui diminuent de 100 postes en 2018 et 100 en 2019. À l'inverse, l'AEFE voit ses effectifs de personnels de droit local 12 ( * ) augmenter (+ 160 en 2018 et + 130 en 2019).

Évolution des personnels de l'AEFE

(en équivalents temps plein)

2018

2019

Expatriés

-80

-66

Résidents

-100

-100

Personnels de droit local

+160

+130

Cumul

-20

-36

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis

La diminution du nombre d'enseignants titulaires de l'éducation nationale ne pourra néanmoins pas se poursuivre indéfiniment. Les besoins d'encadrement pédagogique et de formation des recrutés locaux dans une optique de qualité de l'enseignement mais aussi dans la perspective du doublement des effectifs annoncés par le Président de la République d'ici 2022 ( cf. infra ) nous imposent de réfléchir au niveau adéquat des effectifs de ces personnels.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis

Alors qu'une partie des enseignants expatriés dans le réseau de l'AEFE avait tendance à y rester durant de longues années, le ministère de l'éducation nationale a décidé de limiter désormais à six ans la durée de détachement des personnels 13 ( * ) , ce qui devrait permettre d'augmenter la mobilité des enseignants et de faire du passage à l'étranger une étape valorisée dans un parcours professionnel. Cette évolution fait écho à l'une des recommandations de nos collègues François Laborde et Max Brisson qui préconisaient dans leur rapport consacré au métier d'enseignant 14 ( * ) de « donner davantage de perspectives de mobilité et d'évolution professionnelle » aux enseignants. Votre rapporteur spécial est favorable à cette orientation.

d) L'ambition présidentielle de doubler les effectifs scolarisés : un objectif inatteignable ?

Dans le cadre du Plan Langue française et Plurilinguisme, le Président de la République a annoncé le doublement des effectifs scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger d'ici 2030. Ces effectifs devraient ainsi passer de 350 000 à 700 000 en 12 ans.

Les annonces du Président de la République dans le Plan Langue française et Plurilinguisme

« Fort de près de 500 établissements et de 350 000 élèves, le réseau des lycées français, piloté par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, est la colonne vertébrale de notre offre d'enseignement dans le monde. Ce réseau sera consolidé et dynamisé , pour garantir sa pérennité et répondre à la demande croissante d'enseignement français à l'étranger. En développant en particulier les établissements « partenaires », l'objectif est de doubler le nombre d'élèves accueillis au sein du réseau scolaire français d'ici à 2030. Des pôles régionaux de formation (Mexique, Liban...) seront créés pour former les nouveaux enseignants. En s'appuyant sur la réforme du baccalauréat à la session 2021, le Ministère de l'Éducation nationale travaillera à la mise en place d'un baccalauréat international, qui puisse correspondre à un véritable diplôme international francophone et qui renforcera l'attractivité de nos lycées à l'étranger. »

Source : Plan Langue française et Plurilinguisme

La dynamique « naturelle » du réseau dans les établissements existant (progression des effectifs de + 2 % par an) devrait permettre d'atteindre environ un quart de l'objectif. Il faut cependant souligner, comme votre rapporteur pour avis l'avait fait l'an dernier, que la croissance « naturelle » des effectifs dans les établissements existants est limitée par la capacité de ceux-ci , « leurs capacités physiques (certains établissements sont d'ores et déjà saturés et doivent organiser des tests à l'entrée pour sélectionner leurs élèves) mais aussi leurs capacités budgétaires dans le cas des établissements qui dépendent des crédits budgétaires de l'État » 15 ( * ) .

Évolution des effectifs scolarisés dans le réseau AEFE

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires et le Plan Langue française et Plurilinguisme

Les trois quarts restant de l'évolution attendue devront donc passer par la création de nouveaux établissements dans les zones où la demande d'enseignement en français existe (Maghreb, Machrek, Proche-Orient principalement) et où l'implantation d'établissements scolaires privés est autorisée (et donc, ni en Chine, ni en Inde). Ailleurs dans le monde, si la demande d'apprentissage du français est réelle, bien souvent elle ne se concrétise pas sous la forme d'une demande d'enseignement « à la française ».

Même nos compatriotes expatriés ne sont pas tous demandeurs d'inscrire leurs enfants dans un établissement d'enseignement français : les logiques d'expatriation ont changé et bien souvent, ils sont demandeurs d'une meilleure intégration dans le pays d'accueil et donc plus enclins à inscrire leurs enfants dans les établissements locaux, ou dans certains cas dans les établissements anglo-saxons.

Par ailleurs, cet objectif se heurtera à la pénurie d'enseignants du français et en français dans le monde . Les pistes portées par le Plan Langue française et Plurilinguisme sont certes intéressantes mais sont-elles véritablement à la hauteur de l'enjeu ?

Les six pistes du Plan Langue française et Plurilinguisme pour valoriser le métier de professeur de français dans le monde

1. « Mise en place d'un Volontariat international pour le français à destination des pays prioritaires » ;

2. « Doublement du nombre de missions du Service civique sur cet enjeu » ;

3. « Formation au Français langue étrangère pour les 4500 assistants de langue qui viennent en France chaque année » ;

4. « Doublement de l'aide du Quai d'Orsay à la Fédération internationale des professeurs de français » ;

5. « Création d'une Journée internationale du professeur de français en 2019, qui mettra en valeur les innovations pédagogiques » ;

6. « Mise à profit de la généralisation de l'année de césure universitaire pour offrir aux étudiants des opportunités nouvelles pour contribuer à la promotion du français dans le monde ».

Source : Plan Langue française et Plurilinguisme

L'objectif présidentiel de doublement des effectifs est particulièrement ambitieux et laisse votre rapporteur pour avis relativement dubitatif quant à son caractère véritablement réaliste.

Il suppose en effet que, d'ici 2030, plus de 26 000 supplémentaires soient accueillis chaque année dans le réseau, soit l'équivalent de la création de 48 établissements 16 ( * ) chaque année !

C'est peut-être aussi un élargissement de l'offre qu'il faut envisager avec le développement des classes maternelles ou la mise d'un baccalauréat international annoncé par le Président de la République dans son Plan Langue française et Plurilinguisme, et qui est censé constituer un facteur d'attractivité pour les lycées français à l'étranger.

Si un assouplissement des critères d'homologation devait être envisagé, il conviendra de bien veiller à ce qu'il n'aboutisse pas à une diminution de la qualité de l'enseignement dispensé 17 ( * ) .

Afin d'atteindre l'objectif, « un projet de réforme de l'enseignement français à l'étranger sera présenté prochainement par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères au Président de la République » 18 ( * ) .

Le lancement de plusieurs missions de réflexion sur l'objectif présidentiel
de doublement des effectifs scolarisés

« À la demande du président de la République, une réflexion sur l'enseignement français à l'étranger est actuellement menée par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE). Annoncés pour l'automne 2018, les résultats de cette réflexion seront essentiellement fondés sur les conclusions du groupe de travail conduit par le secrétaire général du MEAE, le rapport conjoint commandé aux Inspections du MEAE et du ministère de l'Éducation nationale, ainsi que les résultats de la consultation des principaux partenaires de l'enseignement français à l'étranger (élus, parents d'élèves et organisations syndicales). Par ailleurs, une mission de réflexion a été confiée à Mme Samantha Cazebonne, dont les travaux seront remis au ministre de l'Europe et des Affaires étrangères mi-décembre . »

Source : Réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis

e) La belle dynamique des filières bilingues francophones

En revanche, s'agissant des perspectives du LabelFrancEducation, les perspectives sont plus claires.

Dans son Plan Langue français et Plurilinguisme, le Président de la République a souhaité « donner une impulsion nouvelle à l'enseignement bilingue francophone . [...] « Les filières bilingues francophones sont très demandées à l'étranger. Pour accompagner leur développement - création d'un fond spécifique, mise à disposition de ressources pédagogiques, mobilités d'enseignants - la mission de l'AEFE en la matière sera renforcée. L'objectif est qu'en 2022 le réseau des écoles proposant des sections bilingues francophones de qualité (LabelFrancEducation) regroupe 500 établissements ».

Au regard de la dynamique observée du réseau depuis sa création en 2011, l'objectif de 500 labels distribués semble parfaitement atteignable.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires et le Plan Langue française et Plurilinguisme

À la rentrée 2018, ce réseau compte près de 300 filières bilingues implantées dans 53 pays, qui scolarisent près de 108 000 élèves dans l'enseignement primaire et secondaire, soit à peine 5 % du « vivier » estimé à 2 millions d'élèves dans le monde.

2. L'Institut français : 2 millions d'euros supplémentaires en 2019

De 2012 à 2017, la subvention pour charges de service public de l'Institut français a connu une baisse tendancielle ininterrompue pour atteindre - 23 % sur l'ensemble de la période. Chaque année, votre commission de la culture s'est émue de cette évolution en peau de chagrin.

En 2018, la subvention pour charges de service public de l'Institut a augmenté de 100 000 euros pour couvrir les frais de personnel du commissaire France-Israël.

a) Pour 2019 une subvention exceptionnelle non reconductible

En 2019, la subvention pour charges de service public de l'Institut augmente de deux millions d'euros , mais à titre exceptionnel, dans le cadre du financement :

- du Plan Langue française et Plurilinguisme (dont l'Institut français est l'opérateur de référence en matière de promotion de la langue française et dont il est chargé de piloter une quinzaine des 33 mesures) ;

- de la préparation de la Saison des cultures africaines qui durera six mois à compter du printemps 2020 avec des événements organisés sur le territoire métropolitain et ultra-marin et qui impliquera 54 pays (et qui constitue elle-même l'une des mesures du Plan Langue française et Plurilinguisme) ;

- de l'animation de la plateforme du dialogue de Trianon .

Le dialogue de Trianon

« Le Dialogue de Trianon, ou « forum franco-russe des sociétés civiles », lancé le 9 février 2018, vise à renforcer les liens entre les sociétés civiles russes et françaises, en développant de nouvelles opportunités d'échanges. Basé sur une large participation des citoyens, associations, ONG, entreprises, ce dialogue sera multiforme :

- des plateformes numériques en ligne , créées parallèlement en France et en Russie favoriseront le dialogue et l'émergence de thématiques.

- des rencontres physiques en France et en Russie autour des thématiques sélectionnées sur les plateformes numériques. La première phase d'échanges portera sur « la ville du futur ».

Les résultats des dialogues seront présentés aux présidents Poutine et Macron.

L'objectif fixé est de « permettre à notre jeunesse, nos acteurs économiques, culturels, nos penseurs de dialoguer, de se rapprocher et de surmonter les éventuelles incompréhensions ». (Emmanuel Macron) »

Source : www.diplomatie.gouv.fr

Ces deux millions d'euros supplémentaires prévus en 2019 ne constituent pas un rebasage de la subvention pour charges de service public de l'Institut : il s'agit une simple subvention complémentaire non reconductible.

Ces évolutions sont certes notables mais elles ne permettent toujours pas de donner à l'Institut français les moyens des ambitions qui étaient les siennes à sa création et a fortiori elles ne sont pas à la hauteur des annonces du Président de la République dans son Plan Langue française et Plurilinguisme .

Évolution de la subvention pour charges de service public de l'Institut français 19 ( * )

(crédits de paiement en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat,
d'après les documents budgétaires

b) Mais pas de possibilité d'embaucher

Quant au plafond d'emploi de l'Institut français, il n'est pas réévalué pour 2019. Il avait été réduit de 3 équivalents temps plein (ETP) en 2017, à 140 ETP 20 ( * ) , et n'a pas été réévalué depuis, en dépit de fortes tensions en termes de charge de travail en interne.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur le caractère véritablement suffisant des deux millions d'euros (sans aucune création d'emplois) prévus pour le financement du Plan Langue Française et Plurilinguisme . L'Institut français est en effet l'opérateur-pivot de plus d'une quinzaine des 33 mesures du Plan et aurait eu besoin à tout le moins de renforcer ses équipes pour mener à bien l'ensemble des projets qu'il doit conduire.

c) Une subvention fléchée du ministère de la culture

L'Institut français bénéficie également d'une subvention en provenance du ministère de la culture mais qui n'a pas le caractère de subvention pour charges de service public (alors même que l'Institut est l'un des opérateurs de ce ministère) et qui est fléchée vers le financement d'événements précis : saisons, focus professionnels, biennales, etc. Elle s'établit pour 2019 à 1,79 million d'euros.

La subvention du ministère de la culture à l'Institut français

(en million d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'après les données de l'Institut français

Un comité d'orientation stratégique (COS) 21 ( * ) de l'Institut, co-présidé par les deux ministres de tutelle, devrait se tenir avant la fin de l'année 2018.

Quelques-unes des mesures du Plan Langue française et Plurilinguisme impliquant l'Institut français

Volet « Apprendre »

. Action 2 : Conforter le plurilinguisme au sein de l'espace francophone en soutenant l'introduction des langues africaines pour les premiers apprentissages

. Action 9 : Accompagner la création de la « fabrique du numérique du plurilinguisme », premier incubateur dédié à l'apprentissage des langues

Volet « Communiquer »

. Action 1 : Soutenir l'essor des CLOMS 22 ( * ) , réseaux sociaux et projets collaboratifs impliquant le français

. Action 2 : Lancer un grand plan numérique pour mettre à dispositif des enseignants et des élèves les contenus pédagogiques dont ils ont besoin

. Action 6 : Promouvoir l'usage du français dans les entreprises à l'étrange

Volet « Créer »

. Action 1 : Donner un nouvel élan à notre diplomatie culturelle

. Action 4 : Mettre en place un plan en faveur de la circulation des arts du spectacle

. Action 6 : Organiser des États généraux de l'édition en français

. Action 7 : Faciliter les mobilités culturelles, artistiques et universitaires

. Action 11 : Organiser une Saison des cultures africaines en 2020

Source : Plan Langue française et Plurilinguisme

3. Le réseau des alliances françaises : un partenaire à choyer

Le réseau des alliances françaises est un atout exceptionnel pour notre diplomatie culturelle et d'influence dans le monde. En 2017, il comptait 836 implantations dans 133 pays. Il avait « vendu » 28 millions d'heures de cours à 491 000 apprenants et avait rassemblé 3,3 millions de spectateurs autour de 26 000 évènements artistiques et intellectuels. Plus de 220 000 bénévoles, dont 6 300 administrateurs, animent ce réseau.

Pour le soutenir réseau, l'État débourse environ 37 millions d'euros chaque année. Ainsi, en 2018, il a versé :

- 28 millions d'euros pour le financement de la mise à disposition de 282 personnels expatriés 23 ( * ) ;

- 6,8 millions d'euros aux alliances (désormais via les ambassades et non plus via la Fondation Alliance française) ;

- 1,3 million d'euros à la Fondation Alliance française ;

- 970 000 euros pour la sécurisation du réseau des alliances.

Alors que sa « tête de pont », la Fondation Alliance française, a connu l'an dernier de nombreuses péripéties ( cf. infra ), le réseau des alliances françaises va devoir trouver un nouvel équilibre dans sa relation avec l'Institut français devenu désormais « l'opérateur de référence pour la promotion et la diffusion du français dans le monde » 24 ( * ) .

4. Campus France, des moyens préservés mais des enjeux immenses
a) La mobilité internationale étudiante : un enjeu d'influence majeur pour les dix prochaines années

La France continue d'être une destination prisée des étudiants en mobilité internationale : nous sommes passés du 3 ème au 4 ème rang mondial des destinations, mais demeurons 1 er pays d'accueil non anglophone, au coude-à-coude avec l'Allemagne.

Notre pays a ainsi accueilli 343 000 étudiants étrangers en 2017, soit une augmentation de 19 % sur cinq ans.

Évolution des effectifs d'étudiants étrangers en France

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires

Mais d'autres pays ont connu des progressions beaucoup plus remarquables : en cinq ans, la Russie a enregistré une augmentation du nombre d'étudiants internationaux accueillis de + 50 %, l'Arabie Saoudite de + 170 %, la Turquie de + 179 % et les Pays-Bas de + 200 %.

Évolutions comparées de l'accueil des étudiants internationaux (2012-2017)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les évolutions mondiales sont en effet de plus en plus rapides : selon l'UNESCO, le nombre d'étudiants en mobilité diplômante atteignait en 2015 4,6 millions (en augmentation de 23 % sur cinq ans) et les projections pour 2025 portent ce chiffre à 9 millions (+ 100 % en dix ans).

Dans ce contexte, la France est en passe de perdre, lentement mais sûrement, des « parts de marché ». Le Président de la République a évoqué la question de l'attractivité de l'enseignement supérieur français dans ses discours successifs de la Sorbonne 25 ( * ) , de Ouagadougou 26 ( * ) et devant l'Institut 27 ( * ) et a fixé une pléthore d'objectifs pour notre diplomatie culturelle et d'influence :

- attirer les étudiants à fort potentiel ;

- attirer plus d'étudiants étrangers dans les écoles de commerce françaises ;

- doubler le nombre d'étudiants en France issus des pays émergents d'ici 2025 ;

- doubler le nombre d'élèves des écoles et universités françaises à l'étranger d'ici 2022 ;

- doubler les partenariats universitaires avec l'Afrique ;

- doubler le nombre de co-diplômes issus de partenariat entre établissements français et étrangers (objectif non daté) ;

- proposer des cursus adaptés aux besoins des pays partenaires, tant en France que par le déploiement de campus français à l'étranger (comme par exemple le Campus franco-sénégalais, l'Université franco-tunisienne pour l'Afrique et la Méditerranée ou le hub franco-ivoirien) ;

- faciliter la délivrance de visas longue durée aux étudiants ayant obtenu un master ou un doctorant en France ;

- rénover les conditions d'accueil des étudiants étrangers en France (un plan devrait être présenté début 2019).

Les mesures du Plan Langue française et Plurilinguisme relatives à l'enseignement supérieur

Volet « Apprendre »

. Action 7 : Accueillir dans de meilleures conditions un nombre croissant d'étudiants étrangers en France

. Action 8 : Encourager les universités et grandes écoles françaises à s'implanter à l'international ou à développer des co-diplômes avec des établissements étrangers

Volet « Communiquer »

. Action 1 : Soutenir l'essor des CLOMS (...)

. Action 9 : Développer (...) l'attractivité de nos écoles de commerce et d'économie

Volet « Créer »

. Action 7 : Faciliter les mobilités (...) universitaires

. Action 8 : Faire entrer plus largement la culture francophone dans (...) les universités françaises

. Action 10 : Inaugurer en 2020 une « Maison des étudiants de la francophonie » à la Cité internationale universitaire de Paris, dans le cadre d'un partenariat avec l'Agence universitaire de la Francophonie

Source : Plan Langue française et Plurilinguisme

b) Des moyens tout juste préservés pour Campus France

Dans un contexte de croissance soutenue de la mobilité internationale, de concurrence internationale exacerbée, et de nouvelles ambitions définies par le Plan Langue française et Plurilinguisme, la subvention pour charges de service public versée à Campus France reste stable en 2019 par rapport à 2018.

Évolution de la subvention pour charges de service public de Campus France

(crédits de paiement en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs la subvention versée à Campus France par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, est inchangée en 2019 à 1,9 million d'euros 28 ( * ) .

En revanche la subvention complémentaire attribuée par le ministère à Campus France pour mener des actions de promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger diminue en 2019. Campus France parvient à maintenir son équilibre par le bais de la recherche de nouveaux partenariats avec des États étrangers. Grâce à de nouveaux contrats de gestion de bourses, les ressources propres de l'établissement progressent depuis 2016 et devraient poursuivre leur progression en 2019.

Quant aux bourses du Gouvernement français 29 ( * ) , dont le versement et le suivi est confié depuis 2012 à Campus France, elles devraient également être maintenues au niveau de 2018 30 ( * ) , après une chute sévère du nombre de bénéficiaires qui s'est traduite par une contraction des dépenses entre 2012 et 2017 31 ( * ) .

Dépenses relatives aux bourses du Gouvernement français (2012-2017)

(en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les autres programmes de bourses mis en oeuvre par l'administration centrale sont :

- le programme d'excellence Eiffel : en 2018, 322 étudiants en master (+ 2 par rapport à 2017) et 60 doctorants (+ 10) ont obtenu une bourse ;

- le programme Quai d'Orsay/entreprises : 45 boursiers en bénéficient ;

- le programme Excellence-Major : piloté par l'AEFE et doté de 7 millions d'euros chaque année (dont 3,55 millions d'euros de subvention du ministère), il alloue chaque année entre 150 et 200 bourses à des bacheliers étrangers issus des lycées français à l'étranger ;

- l'initiative « Make Our Planet Great Again ».

« Make Our Planet Great Again » (MOGPA)

« L'initiative « Make Our Planet Great Again » a concrétisé l'ambition du Président de la République d'attirer en France les chercheurs et étudiants internationaux travaillant sur les questions climatiques. Dans cette perspective, le MEAE a financé quatre programmes de mobilité labellisés « Make Our Planet Great Again » (destinés aux masterants, doctorants, post-doctorants et courts séjours scientifiques), et coordonnés par Campus France pour un montant de 2,5 millions d'euros . Ces programmes ont rencontré un grand succès puisque plus de 2 000 candidats se sont manifestés et 154 lauréats ont été sélectionnés.

Les quatre programmes sont les suivants :

- un programme de cofinancement de contrats doctoraux sur 3 ans ; 23 lauréats ont été distingués ;

- un programme de cofinancement de contrats post-doctoraux pour des durées de 1 à 2 ans. 15 lauréats bénéficient d'un financement ;

- un programme de courts séjours de recherche de 14 jours à 5 mois pour des doctorants ou des chercheurs en France ; 68 lauréats ont été retenus ;

- un programme de bourses d'études d'1 à 2 ans pour des étudiants en master. 48 étudiants seront boursiers.

En complément, le poste diplomatique de Washington a vu son budget abondé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à hauteur de 1,2 million d'euros, pour renforcer les dispositifs de mobilité existants, sur les thématiques du climat et de l'environnement. Les autres postes diplomatiques ont été invités à mobiliser leurs crédits bourses sur les mêmes thématiques. »

Source : Réponse au questionnaire de votre rapporteur pour avis

c) Des inquiétudes pour notre diplomatie scientifique

Enfin, votre rapporteur pour avis s'inquiète des difficultés rencontrées par notre diplomatie scientifique dont les outils sont fragiles :

- le projet MOPGA présente des fragilités (absence de prise en compte des frais de déménagement des chercheurs candidats par exemple) ;

- la délivrance des visas aux chercheurs étrangers laisse parfois à désirer (délais parfois très longs, qualité de service médiocre lorsque le traitement des dossiers de visas est externalisé, refus parfois difficilement compréhensible pour l'intéressé, absence d'association ni des universités ni des centres de recherche aux prises de décision) ;

- dans l'organisation de nos postes diplomatiques, le rapprochement de l'attaché de coopération scientifique du conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) n'est pas forcément souhaitable, mieux vaudrait le rapprocher de la mission économique ;

- le financement des experts techniques internationaux est également problématique : les postes d'experts techniques portés par l'Institut Pasteur ont en effet été transférés à partir de début 2017 à Expertise France mais avec un bilan inquiétant : fin 2017, seuls 5 des 8 postes transférés avaient été pourvus et le financement ne serait acquis que pour la moitié des 18 postes restant à transférer ; la décision d'intégrer Expertise France à l'AFD à la mi-2019 posera de nouvelles questions sur ces postes.

II. LE RAPPROCHEMENT ENTRE L'INSTITUT FRANÇAIS ET LA FONDATION ALLIANCE FRANÇAISE

A. UNE SORTIE DE CRISE EN 2018

1. 2017 : la Fondation Alliance française dans la tourmente

La Fondation Alliance française a connu, à partir de la mi-2017 une situation financière très délicate, liée :

- d'une part, à ses difficultés à faire face aux dépenses qu'elle avait engagées dans le cadre d'un ambitieux plan de modernisation numérique souhaité par ses dirigeants, « Alliance 2020 » (protection de la marque, développement du numérique, professionnalisation des agents, etc.) ;

- et, d'autre part, à un contentieux immobilier qui l'oppose à l'Alliance française Paris Ile-de-France depuis 2013 au sujet des locaux du 101, Boulevard Raspail à Paris qui avaient été donnés à la Fondation à sa création en 2007 et pour la location desquels l'Alliance française Paris Ile-de-France refusait de verser les loyers dus.

Cette situation, qui avait conduit la Fondation dans une situation de quasi-cessation de paiement à la fin de l'année 2017 et entraîné la démission du président ainsi que de six autres membres du conseil d'administration, a fait l'objet d'un audit par les inspections générales des affaires étrangères, de l'intérieur et de l'éducation nationale et un rapport comportant des propositions a été commandé à l'ambassadeur de France Pierre Vimont.

Dans son rapport, celui-ci a insisté sur la nécessité d'une mutation de l'actuelle fondation afin de « recentrer, simplifier et rationnaliser » son action. Il a également défendu l'idée d'une localisation commune de la « tête-de-pont » des alliances françaises et de l'Institut français et d'un repositionnement de l'Institut comme opérateur de référence à l'égard des deux réseaux.

2. 2018 : une sortie de crise sans disparition de la Fondation

Sur la base des recommandations du rapport Vimont, le 20 mars 2018, dans son discours devant l'Institut, le Président de la République a esquissé les premières lignes d'une sortie de crise : « Au service de la diplomatie culturelle, dont les moyens seront maintenus, l'Institut français verra son rôle renforcé, en devant l'opérateur de référence pour la promotion et la diffusion du français dans le monde. La tête de pont à Paris des alliances françaises devrait évoluer, en applications des recommandations du récent rapport Vimont ... ».

L'objectif est de mettre en place une structure « tête-de-pont » capable de fournir aux alliances, dans le respect de leur autonomie, un appui en matière de protection de la marque et de son éthique. Sa mission est également de redynamiser le sentiment d'appartenance à un réseau international plus inclusif en faisant participer pleinement l'ensemble des alliances à la vie du réseau.

Il a également été prévu que la Fondation se rapprocherait de l'Institut français afin de favoriser les synergies et la mutualisation des ressources dans les actions d'appui au réseau, plus particulièrement dans les domaines de la formation, de la démarche qualité et des méthodes numériques innovantes d'enseignement de la langue française.

Ce rapprochement se concrétisera notamment par une colocalisation, à l'horizon 2020 , des deux entités dans le bâtiment historique du mouvement international des alliances françaises au boulevard Raspail à Paris. Il devrait renforcer dans le même temps le rôle d'opérateur de l'Institut français au service du double réseau des alliances françaises et des instituts français dans le monde.

Le 11 juillet 2018, le conseil d'administration de la Fondation Alliance française a adopté à l'unanimité les axes suivants qui actent son nouveau positionnement :

- le maintien du statut de fondation avec un renouvellement de ses missions (désormais recentrées sur la promotion de la marque, la labellisation des nouvelles alliances et le suivi institutionnel du mouvement associatif « Alliance Française ») et de sa gouvernance (avec le renforcement de la représentation des alliances locales au sein du conseil d'administration de la Fondation) ;

- la fin du contentieux immobilier avec l'Alliance française de Paris Ile-de-France ;

- le renforcement de l'Institut français dans son rôle d'appui aux deux réseaux (alliances et instituts) en cohérence avec sa mission renforcée en faveur de la langue française dans le respect de l'autonomie et des spécificités du réseau des alliances ;

- la mise en chantier d'une colocalisation, sur le site historique du 101 boulevard Raspail, de trois acteurs : la Fondation, l'Alliance française de Paris Ile-de-France et l'Institut français.

B. UNE DÉVITALISATION DE LA FONDATION

Au cours de l'été 2018, votre rapporteur pour avis a mené des auditions consacrées au rapprochement Institut français/Fondation Alliance française, conjointement avec ses collègues rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, Robert Del Picchia et André Vallini.

À l'issue de ce cycle d'auditions, il estime que ce « rapprochement » cache en réalité une certaine « dévitalisation » de la Fondation . Certes, la Fondation ne disparaît pas, contrairement à ce qui avait pu être envisagé dans certains scenarii , mais :

- elle devrait être réduite à six ou huit équivalents temps plein d'ici la fin de l'année ;

- les postes de ses délégués régionaux seront supprimés ;

- les directeurs mis à disposition des alliances locales sont de moins en moins nombreux et il est probable que l'on s'achemine, année après année, vers leur disparition.

Alors que le Plan Langue française et Plurilinguisme prévoit qu'« à Paris, Institut français et Alliance seront réunis dans un même lieu pour renforcer les synergies des acteurs qui concourent à la langue française dans le monde », votre rapporteur reste très dubitatif sur ces hypothétiques synergies qui risquent d'être au final très limitées, en raison de la faiblesse des effectifs et compétences résiduels de la Fondation.

En outre, une certaine méfiance latente entre l'Institut et la Fondation demeure :

- les deux « partenaires » se parlent manifestement très peu ;

- l'Institut n'a embauché aucun des personnels dont la Fondation a dû se séparer ;

- la question des locaux est encore loin d'être réglée :

o les travaux d'aménagement du Boulevard Raspail en vue d'accueillir l'Institut pourraient durer deux ans et atteindre quinze à dix-huit millions d'euros, probablement à la charge de la Fondation mais sans visibilité à ce stade sur le loyer qu'elle pourrait réclamer en contrepartie à l'Institut ;

o de son côté, l'Institut pourrait être amené à rester un an de plus sur son site actuel 32 ( * ) , soit un an au-delà du bail initial, ce qui pourrait conduire à quelques douloureux surcoûts de fonctionnement.

Sur le terrain, les « concurrences » entre instituts et alliances auxquelles on avait pu assister il y a quelques années sont désormais résiduelles.

Les synergies entre Alliances françaises et instituts français vues par le ministère

« La recherche de synergies avec le réseau des Alliances françaises est une préoccupation constante du ministère. Dans la majorité des pays, les deux réseaux sont complémentaires et permettent un maillage territorial efficient, les établissements à autonomie financière (EAF) et les Alliances françaises étant implantés dans des villes et sur des territoires distincts. C'est notamment le cas en Chine, en Inde, au Brésil, aux États-Unis, en Russie, en Espagne, en Italie et en Roumanie. Cette complémentarité fait l'objet d'adaptations permanentes. C'est ainsi qu'en 2013, l'antenne de l'EAF d'Italie à Venise a été fermée. L'Alliance française sur place reste active. Une disposition semblable a été prise en Slovaquie, à Koice, en 2014 et à Kharkiv en 2015.

Dans les pays sans EAF, le réseau des Alliances constitue le relais de l`action linguistique et culturelle menée par nos postes (Australie, Venezuela, Thaïlande, Philippines, Irlande...). Dans certains postes à présence diplomatique (PPD), l'Alliance française peut agir comme opérateur du service de coopération et d'action culturelle (SCAC), c'est notamment le cas en Zambie avec l'Alliance française de Lusaka.

Le chantier ouvert du rapprochement des têtes de réseau parisiennes, de l'Institut français et de la Fondation Alliance française, offre l'occasion, au cours des prochains mois et à partir de 2019, de mettre davantage en cohérence les réseaux de nos EAF et des Alliances françaises conventionnées, dans un but de rationalisation de nos moyens et de maximisation de notre influence . »

Source : Réponse au questionnaire de votre rapporteur pour avis

Pour votre rapporteur pour avis, il est peut-être temps de penser un schéma d'organisation-type qui pourrait être privilégié chaque fois que les circonstances locales le permettent. C'est ainsi qu'il préconise de maintenir un institut par pays, dans la capitale, et des alliances dans les territoires périphériques . Ce schéma permettrait de transformer certains instituts actuels en alliances, et ainsi de réaliser des économies. Mais ce schéma supposerait que l'institut central mutualise systématiquement ses actions et ses ressources au profit des alliances et qu'il constitue pour les alliances périphériques un véritable centre de ressources.

Les ambitions présidentielles pour le réseau des Alliances françaises

Le Plan Langue française et Plurilinguisme prévoit que « l'État confirmera son soutien au réseau des alliances, dont le suivi se fera davantage au niveau local. L'expansion du réseau des alliances sera assuré à travers 10 ouvertures par an, à partir de 2019 ».

Cet objectif ne devrait pas être trop difficile à atteindre : le rythme d'ouvertures s'établit, bon an, mal an, entre six et douze ouvertures d'alliances chaque année. Il s'agit toutefois d'un objectif sur lequel les pouvoirs publics n'ont que peu de mainmise : les ouvertures d'alliances françaises dépendent très largement d'initiatives locales.

Source : Plan Langue française et Plurilinguisme

Ouvertures et fermetures d'alliances françaises dans le monde

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis

D'une façon générale, tant l'Institut français, que les ambassades et les instituts français, doivent apprendre à travailler main dans la main avec le réseau des alliances françaises, sans froisser les susceptibilités locales et en faisant remonter les besoins et les demandes de ce réseau qui constitue une « pépite » pour notre pays et notre langue.

*

Sous réserve de ces observations, votre rapporteur pour avis a recommandé à votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 - « Diplomatie culturelle et d'influence » au sein de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2019.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 - « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2019.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 22 NOVEMBRE 2018

___________

M. Claude Kern , rapporteur pour avis des crédits de l'action culturelle extérieure . - Les crédits que nous examinons ce matin ont été les grands sacrifiés du précédent quinquennat : de plus de 750 millions d'euros en 2012, ils sont tombés à moins de 685 millions d'euros cinq ans plus tard. En 2018, puis 2019, ils ont été à peu près stabilisés. Mais les années qui viennent s'annoncent encore plus douloureuses, le Gouvernement ayant annoncé dans le cadre du plan « Action publique 2022 » son intention de réduire de 10 % la masse salariale de l'ensemble des réseaux de l'État à l'étranger d'ici 2022 !

Pour 2019, les opérateurs du programme conservent des crédits sensiblement identiques à ceux de l'an dernier. L'Agence française de l'enseignement à l'étranger (AEFE) conserve une dotation inchangée (14,7 millions d'euros dédiés à la sécurisation des lycées français sont transférés sur un compte d'affectation spéciale). L'Institut français bénéficie d'une subvention complémentaire de deux millions d'euros, non reconductible, pour mettre notamment en oeuvre l'ambitieux Plan Langue française et Plurilinguisme, annoncé par le Président de la République lors de son discours à l'Institut de France le 20 mars dernier. Mais cela ne me semble pas suffisant pour mettre en oeuvre 17 des 33 mesures contenues dans ce Plan comme doit le faire l'Institut français ! Quant à Campus France, il conserve des crédits identiques à l'an dernier, dans un contexte où la mobilité étudiante internationale double tous les dix ans ... Le Président de la République avait pourtant annoncé en mars dernier qu'il donnerait « un nouvel élan » pour notre diplomatie culturelle.

Je suis réservé sur les grandes annonces du Plan Langue française et Plurilinguisme. Certes, il contient de belles intentions auxquelles je souscris bien évidemment, mais les objectifs m'interrogent, notamment au regard de moyens durablement réduits. L'annonce, par exemple, du doublement du nombre d'élèves accueillis au sein de notre réseau scolaire français à l'étranger d'ici 2030 me semble assez irréaliste : c'est l'équivalent de l'ouverture de 48 établissements tous les ans pendant 13 ans ... La dynamique naturelle de l'AEFE, + 2 % par an, devrait permettre d'atteindre à peine le quart de l'objectif. Or sur le terrain, si l'on constate bien une demande d'apprentissage de la langue française, il ne s'agit pas toujours d'une demande d'enseignement « à la française ». Même nos expatriés français ont de moins en moins recours aux écoles et lycées français.

Madame la Présidente, vous avez bien voulu me missionner avant l'été pour examiner les modalités du rapprochement entre l'Institut français et la Fondation Alliance française, en lien avec mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Robert. del Picchia et M. André Vallini. Il s'agit en réalité, à mes yeux, d'une véritable « dévitalisation » de la Fondation : certes, celle-ci ne disparaît pas, contrairement à ce qui avait pu être envisagé dans certains scenarii , mais son personnel devrait être réduit à six équivalents temps plein d'ici la fin de l'année et les postes de ses délégués régionaux seront supprimés. Quant aux directeurs mis à disposition des alliances, ils sont encore environ 280 dans le monde mais leur nombre pourrait progressivement se réduire. Les synergies annoncées entre Institut et Fondation lorsqu'ils seront sur le même site seront donc très limitées compte tenu de la faiblesse des effectifs et des compétences résiduels de la Fondation. Je suis également inquiet de la méfiance qui persiste entre ces deux acteurs majeurs de notre diplomatie culturelle : manifestement ils se parlent très peu, l'Institut n'a pas tenté de reprendre les personnels dont la Fondation a dû se séparer et la question des locaux est encore loin d'être réglée avec quelques 15 millions d'euros de travaux nécessaires pour l'installation de l'Institut sur le site du Boulevard Raspail à Paris.

Sur le terrain, un institut par pays, situé dans la capitale, et des alliances dans les territoires périphériques me semblerait constituer un schéma d'organisation intéressant. Mais il faut absolument instaurer un nouvel état d'esprit à l'Institut français, dans les ambassades et les instituts français sur le terrain pour travailler main dans la main avec le réseau des alliances françaises.

Mes réserves sur ce budget sont nombreuses et je ne vous cache pas que j'ai longuement hésité, mais, prenant acte à la fois de la volonté réelle du Président de la République de relancer notre diplomatie culturelle et de la subvention à l'Institut français que je souhaite voir reconduite, je vous proposerai néanmoins de donner un avis favorable à l'adoption des crédits destinés à notre diplomatie culturelle au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».

Mme Claudine Lepage . - Le tableau que vous ne dressez de notre diplomatie culturelle est véritablement déplorable. Je partage vos constats même si je ne suivrai pas l'avis favorable que vous émettez sur ces crédits.

Au sein du réseau de l'AEFE, les enseignants titulaires de l'Éducation nationale sont de moins en moins nombreux, remplacés progressivement par des enseignants recrutés localement. Mais le vivier de recrutement ne présente pas toujours des garanties de qualité suffisantes et la rémunération de ces enseignants est entièrement à la charge des établissements, donc des familles. Or, dans un contexte de maintien de l'enveloppe des bourses, les familles des classes moyennes ont de plus en plus de mal à assumer les frais de scolarité de leurs enfants.

Je suis, comme vous, très dubitative sur l'objectif de doublement des effectifs scolarisés dans le réseau de l'AEFE, annoncé par le Président de la République : avec quels élèves - je rappelle à titre d'exemple que les élèves chinois ou indiens n'ont pas le droit de fréquenter un établissement étranger ? Avec quels enseignants ? Dans quels bâtiments ? Avec quels investisseurs, car il faut rester prudent sur l'origine des fonds ?

Le projet gouvernemental de réforme de l'enseignement français à l'étranger a déjà fait l'objet de deux rapports récents mais ils n'ont malheureusement pas été rendus publics. Un troisième est en préparation pour le 15 décembre, sous la plume de notre collègue députée Samantha Cazebonne.

Le rapprochement de l'Institut français et de la Fondation Alliance française se fait à Paris. En revanche, sur le terrain, les alliances françaises sont des associations de droit local, indépendantes et les instituts français sont rattachés aux services des ambassades. Entre alliances françaises et instituts français, il faut surtout éviter les doublons et travailler en complémentarité.

Le groupe Socialiste et républicain s'abstiendra.

Mme Sonia de la Provôté . - En décembre 2017, à l'initiative de notre commission, le Sénat a organisé un débat en séance publique sur l'avenir de l'Institut français au cours duquel le ministre Jean-Baptiste Lemoyne avait pris des engagements. Depuis, le Président de la République a, à plusieurs reprises, affiché ses ambitions concernant notre diplomatie culturelle et linguistique. Mais le budget qui nous est présenté aujourd'hui ne traduit pas ces volontés affichées.

Au cours de ce débat sur l'avenir de l'Institut français, nous avions également abordé la question de la dispersion des différents outils qui concourent à notre diplomatie culturelle : France Médias Monde mais aussi le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ainsi que d'autres organismes. Nous avions demandé au ministre de nous soumettre une étude consolidée or aucune suite n'a été donnée.

Le groupe de l'Union Centriste suivra l'avis favorable au rapporteur, en espérant toutefois des améliorations l'an prochain.

M. Damien Regnard . - Je partage le triste constat dressé par Mme Lepage.

Le plan « Action publique 2022 » qui prévoit la réduction de 10 % de la masse salariale conduit à des coupes systématiques dans de nombreux postes diplomatiques. Au sein de notre ambassade aux États-Unis par exemple, il est probable que les services culturels seront les premiers impactés.

Je suis attentivement la situation de deux étudiants de Mongolie inscrits à l'École Polytechnique qui connaissent de sévères difficultés pour financer leurs études. Comment garder ces étudiants dans nos établissements, quand nos lignes budgétaires sont à sec, et éviter qu'ils ne partent plutôt au Massachussets Institute of Technology (MIT) ?

Nous sommes dans une situation catastrophique où l'État s'est désengagé depuis des années. Les crédits du programme 185 sont « à l'os ». À titre personnel, je m'abstiendrai sur le vote de ces crédits.

M. Pierre Ouzoulias . - Le diagnostic que vous aviez établi, monsieur le rapporteur, au sujet de Campus France se vérifie et s'amplifie. La France a perdu sa troisième place mondiale dans l'accueil des étudiants en mobilité internationale au profit de l'Australie et nous nous ferons très certainement doubler l'an prochain par l'Allemagne et la Russie. Le nombre d'étudiants étrangers accueillis en Arabie Saoudite a cru de 128 %, et même de 182 % en Turquie, quand il diminuait de 9 % en France !

Si nous augmentons les frais d'inscription, les étudiants étrangers, et notamment ceux d'Afrique du Nord, se détourneront de la France au profit de l'Arabie Saoudite où ils ne payent pas de frais d'inscription à l'université, où ils bénéficient d'allers-retours gratuits en avion, où ils perçoivent un salaire mensuel de 1000 euros par mois, où ils sont logés, etc. Nous devons défendre notre culture et nos valeurs en accueillant des étudiants étrangers, autrement nous allons perdre toute influence culturelle dans certaines zones du monde.

Je voterai contre l'adoption de ces crédits.

M. David Assouline . - Le Premier ministre vient d'annoncer la multiplication des droits d'inscription des étudiants étrangers par 15, voire 17 ! Le Gouvernement estime que le prix modique de nos formations serait, pour certains étudiants, le signal de leur piètre qualité. Mais c'est faux ! Les étudiants qui se fient au prix affiché nous échappent déjà en grande partie, au profit des États-Unis ou de la Grande-Bretagne. Les autres, et notamment les étudiants africains et maghrébins, se tourneront désormais vers des pays où ils risquent d'être endoctrinés, au salafisme par exemple en Arabie Saoudite. C'est une cassure majeure entre la France et les élites de ces pays.

Mme Françoise Laborde . - Le groupe R.D.S.E. s'abstiendra.

M. Claude Malhuret . - Certains de nos collègues nous donnent des leçons de morale ou, à tout le moins, de bonne gestion financière. Or jamais les crédits de la culture ni ceux du programme 185 n'ont autant baissé qu'au cours du quinquennat précédent.

M. David Assouline . - C'est faux !

M. Claude Malhuret . - À vous de me le démontrer ! Je ne me souviens pas que Mme Filippetti ait augmenté les crédits de la culture et nous venons de voir que les crédits du programme 185 ont diminué de 10 % en euros courants sur le quinquennat. La baisse s'est arrêtée avec l'actuel gouvernement.

Le groupe Les Républicains s'abstiendra.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La baisse des crédits du programme 185 depuis 2012, malgré une stabilisation depuis deux ans, a des effets que nous mesurons lors de nos missions à l'étranger. Devant notre commission, M. Bruno Foucher, alors président de l'Institut français, nous avait alerté sur la diminution de ses crédits d'intervention, qui atteignait 37 % voire 50 % dans certains domaines.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis . - Je partage les inquiétudes de Mme Lepage sur la diminution des effectifs d'enseignants titulaires de l'Éducation nationale et le niveau minimal nécessaire pour garantir la qualité de notre enseignement français à l'étranger. Le budget des bourses pour les élèves de l'AEFE est stable à 110 millions d'euros. Peut-être faudrait-il revoir les critères d'attribution de ces bourses ? Enfin, contrairement à l'objectif de 500 labellisations « LabelFrancEducation » qui me semble atteignable, l'objectif de 700 000 élèves scolarisés dans le réseau AEFE me semble irréaliste.

Mme de la Provôté trouvera dans mon rapport quelques éléments sur d'autres acteurs qui concourent à notre diplomatie culturelle, notamment l'Agence française de développement (AFD).

Nous avons de vrais progrès à faire en matière l'accueil des étudiants étrangers en France, que plusieurs d'entre vous ont évoqué. Outre l'Arabie Saoudite et la Turquie que M. Ouzoulias a évoquées, la Russie, la Chine et les Pays-Bas ont aussi connu de très fortes augmentations du nombre d'étudiants étrangers accueillis. L'UNESCO prévoit un doublement du nombre des étudiants en mobilité internationale dans le monde entre 2015 et 2025.

Le Premier ministre vient d'annoncer que les frais d'inscription à l'université passeraient, pour les étudiants extracommunautaires, de 170 à 2 800 euros pour une année de licence, et de 243 à 3 800 euros pour une année de master. Mais c'est à comparer aux 11 500 euros de coût moyen d'une année d'étude à l'université ! Il faudra bien entendu compenser avec un système efficace de bourses.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2019.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Auditions communes avec MM. Robert DEL PICCHIA et André VALLINI, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Mardi 2 octobre 2018

- Institut français : M. Pierre BÜHLER , Président, Mme Anne TALLINEAU , Directrice générale déléguée.

- Centre national de la recherche scientifique (CNRS) : M. Antoine PETIT , Président-directeur général, M. François-Joseph RUGGIU , directeur de l'Institut des sciences humaines et sociales (InSHS).

Mercredi 3 octobre 2018

- Fondation Alliance française : M. Bertrand COMMELIN , Secrétaire général.

- Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) : M. Christophe BOUCHARD , Directeur général, Mme Raphaëlle DUTERTRE , responsable des relations avec les élus.

Mardi 16 octobre 2018

- Campus France : M. Bertrand MONTHUBERT , Président, M. Thierry VALENTIN , Directeur général adjoint.

Jeudi 25 octobre 2018

- Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international (DGM) du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) : M. Laurent BILI , Directeur général, M. Daniel VOSGIEN , Délégué aux programmes et aux opérateurs.

Contributions écrites

- AEFE

- CNRS

- Institut Pasteur


* 1 Crédits de paiement (CP) et autorisations d'engagement (AE).

* 2 Pour 2019, le transfert de 14,7 millions d'euros de dotation sécurité de l'AEFE a été neutralisé.

* 3 Ci-après nommé Plan Langue française et Plurilinguisme.

* 4 Dossier de presse de la Présidence de la République du 20 mars 2018.

* 5 « Au service de la diplomatie culturelle, dont les moyens seront maintenus (...) », extrait du Plan Langue française et Plurilinguisme.

* 6 Au sein du programme 723 « Opérations immobilières et entretien de bâtiments de l'État » géré par le ministère de l'action et des comptes publics.

* 7 Le 2 octobre 2017, il a annoncé que les moyens seraient « sanctuarisés ».

* 8 « Le réseau de l'enseignement français à l'étranger a-t-il les moyens de ses ambitions ? », rapport d'information n° 689 (2017-2018), de Vincent Delahaye et Rémi Féraud, fait au nom de la commission des finances du Sénat.

* 9 Décret du 20 juillet 2017, portant ouverture et annulation de crédits.

* 10 C'est aussi l'une des quatorze recommandations du rapport précité de nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud.

* 11 Ces suppressions n'ont toutefois touché que des postes « vacants », sur lesquels aucun titulaire n'était affecté au moment de la disparition du poste.

* 12 Intégralement rémunérés par les établissements, contrairement aux deux autres catégories de personnels enseignants.

* 13 C'était aussi l'une des recommandations du rapport Delahaye/Féraud précité.

* 14 « Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité », rapport d'information n° 690 (2017-2018), fait par Françoise Laborde et Max Brisson au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

* 15 « Avis sur le PLF 2018 Action extérieure de l'État », n° 112 tome I (2017-2018), par Claude Kern, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

* 16 La taille moyenne des établissements est actuellement de 550 élèves.

* 17 Des simplifications administratives dans l'homologation seront toutefois les bienvenues.

* 18 Projet annuel de performances pour 2019.

* 19 Les données 2012-2018 tiennent compte de l'application du taux de gel (8 % ; 3 % en 2018).

* 20 Augmenté toutefois d'un ETP en 2017 et 2018 par le ministère de la culture pour assurer le commissariat de la Saison Israël.

* 21 Il s'agirait du troisième COS depuis la création de l'Institut français, après ceux de septembre 2011, octobre 2012 et décembre 2016.

* 22 Cours en Ligne Massifs et Ouverts, équivalent de l'anglo-saxon MOOCS.

* 23 363 alliances qui ont conventionné avec l'État français peuvent bénéficier de subventions ou de mise à disposition de personnels.

* 24 Action 1 du volet « Créer » du Plan Langue française et Plurilinguisme.

* 25 26 septembre 2017.

* 26 28 novembre 2017.

* 27 20 mars 2018.

* 28 Programme 150 de la Mission « Recherche et enseignement supérieur ».

* 29 Ces bourses sont destinées à des étudiants étrangers en master ou en doctorat. Certaines disciplines « stratégiques » sont privilégiées : filières scientifiques et sciences de l'ingénieur, économie, gestion, management, droit et sciences politiques. La politique de distribution de ces bourses vise également à accueillir davantage d'étudiants issus des pays émergents. Les bourses sont attribuées selon des critères d'excellence.

* 30 Le Président s'y est engagé dans le cadre du Plan Langue française et Plurilinguisme : « Le budget des bourses de mobilité est pérennisé ».

* 31 Le programme Jeunes Syriens est comptabilisé à part : il est financé sur des crédits du programme 209 de la mission « Action extérieure de l'État ». Il est néanmoins coordonné par Campus France qui a distribué à ce titre 219 bourses en 2016 et 195 en 2017.

* 32 Carré Suffren à Paris, qu'il a intégré fin 2011 pour une durée de neuf ans.

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