II. LES CRÉDITS CONSACRÉS À L'AUDIOVISUEL DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT

A. UNE NOUVELLE BAISSE DES CRÉDITS QUI ACCENTUE L'EFFORT DEMANDÉ EN 2018

Les crédits de l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public sont en baisse en 2019 par rapport à 2018. Cette baisse peut être limitée comme pour Arte, France Médias Monde, l'INA ou TV5 Monde qui disposeront d'une dotation légèrement inférieure à celle de l'année passée. La baisse est plus conséquente pour France Télévisions dont le niveau de ressources publiques en 2019 (2490,8 millions d'euros) sera inférieur au niveau de 2016, 2017 et 2018. C'est aussi le cas de Radio France qui connaîtra sa plus faible dotation depuis 2012 (il est toutefois prévu un financement ad hoc du chantier).

La baisse des crédits prend toute sa dimension lorsqu'elle est appréciée au regard de la programmation prévue par les contrats d'objectifs et de moyens pour 2019. La dotation de France Télévisions apparaît alors en recul de 78 millions d'euros tandis que Arte accuse une baisse de 13,6 millions d'euros, Radio France une perte de 36,9 millions d'euros, FMM une baisse de 6,9 millions d'euros et l'INA un recul de 1,6 million d'euros.

Dotations prévues par les COM et ressources prévues en PLF

Source : Réponse au questionnaire budgétaire

1. Une programmation pluriannuelle à travers des COM remplacée par un plan d'économies de 190 millions d'euros d'ici 2002

Votre rapporteur pour avis observait l'année dernière « le caractère précaire des contrats d'objectifs et de moyens (COM) » et s'interrogeait sur le respect de l'indépendance de l'audiovisuel public qui tient autant sinon plus dans son esprit à la pérennité des ressources qu'au mode de nomination des dirigeants.

La remise en cause des COM se confirme dans le PLF 2019. Elle pose un certain nombre de questions qui demeurent sans réponse concernant, en particulier, les conséquences du non-respect de dispositions législatives. L'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit en effet que les COM sont conclus entre l'État et les sociétés de l'audiovisuel public, il ne s'agit pas d'une faculté mais bien d'une obligation . Par ailleurs, ces contrats déterminent « le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes » , l'État est donc lié par l'engagement qu'il a librement souscrit. On peut rappeler par ailleurs que la procédure des COM est particulièrement lourde puisqu'elle nécessite pour leur adoption un vote du conseil d'administration des entreprises ; en outre les commissions de la culture et des finances peuvent donner un avis et sont chargées du suivi annuel. Le CSA a, pour sa part, l'obligation de formuler un avis sur les COM de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde. Enfin des avenants sont possibles et font l'objet d'un formalisme comparable.

Si selon la DGMIC, en 2018, les ajustements ne remettaient pas en cause les COM, il en est à l'évidence autrement aujourd'hui puisque l'ensemble des COM ne sont pas respectés et connaissent des baisses de ressources dans le PLF 2019 sans que la perspective d'adopter des avenants soit même évoquée. La situation est donc inédite puisqu'elle revient pour le Gouvernement à ne pas respecter sciemment la loi et les documents négociés avec les entreprises publiques alors même que l'adoption d'avenants serait possible... sauf à envisager clairement une modification des dispositions législatives qui instituent ces contrats d'objectifs et de moyens et les rendent obligatoires dans leur portée.

Or il n'est plus temps de dire que la loi ne précise pas le délai dans lequel les COM doivent être modifiés en cas de modification substantielle des ressources. Le Parlement étant chargé de leur évaluation annuelle il est aujourd'hui évident que la Représentation nationale se retrouve dans l'incapacité d'exercer sa prérogative .

Au-delà de l'aspect juridique pourtant essentiel c'est une question démocratique qui est aujourd'hui posée. Votre rapporteur pour avis avait appelé l'année dernière le Gouvernement « à ses responsabilités parmi lesquelles figure un devoir de transparence et de cohérence concernant l'avenir de l'audiovisuel public » . Ce devoir a été confirmé par les responsables de l'audiovisuel public européen qui ont participé au colloque organisé par votre commission de la culture le 12 juillet dernier. À cette occasion, l'administrateur général de la RTBF, Jean-Paul Philippot, avait en particulier déclaré : « Nous attendons un cadre de financement transparent et stable. Le niveau de financement est certes important, mais la stabilité est essentielle au moment où nous devons transformer nos organisations » . La pérennité du financement de l'audiovisuel public comprise comme sa prévisibilité et une certaine stabilité est devenue une dimension fondamentale de l'avenir de l'audiovisuel public. Cette dimension a cédé le pas aujourd'hui à un prisme budgétaire qui ne dialogue avec aucune autre priorité.

La question de l'avenir des COM est donc posée. Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, le directeur général des médias et des industries culturelles, Martin Ajdari, a évoqué les délais nécessaires à leur conclusion (souvent 18 mois) et le problème des dates de signature qui pouvaient interférer avec des évolutions politiques. Votre rapporteur pour avis rappelle, à cet égard, avoir proposé de synchroniser, dès 2015, les COM des différentes sociétés de l'audiovisuel public. Il remarque également que toute évolution vers une gouvernance commune permettra d'avancer vers un COM unique qui pourra constituer un véritable outil de programmation pluriannuel.

2. Un hold up annoncé sur le produit de la TOCE

Votre rapporteur pour avis regrettait l'année dernière que « l'affectation d'une partie seulement du produit de la TOCE à l'audiovisuel public laisse au Gouvernement la possibilité d'ajuster d'une année sur l'autre les moyens dévolus à l'audiovisuel public en contradiction avec la programmation prévue par les COM » . Après une première baisse l'année dernière de la part de TOCE, ramenée, dans le PLF 2018, de 164,4 M€ à 85,5 M€, votre rapporteur pour avis craignait que le reliquat de TOCE fasse « l'objet d'un « appétit » identique de la part de Bercy l'année prochaine » .

Cette prévision s'est, hélas, réalisée sans que pour autant la réforme de la CAP n'ait été véritablement mise en chantier. Dans ces conditions il n'y a pas lieu de se réjouir que le produit d'une taxe qui avait été créée en 2009 pour compenser la suppression de la publicité après 20 heures alimente aujourd'hui intégralement le budget de l'État sans aucune contrepartie pour le secteur de l'audiovisuel public à un moment où celui-ci doit faire face à des besoins considérables d'investissement dans le numérique et où son avenir apparaît étroitement lié à sa capacité à posséder des droits de diffusion de programmes nécessairement coûteux.

Ce détournement au profit du budget de l'État d'une ressource conçue pour accompagner l'audiovisuel public constitue un signe supplémentaire du prisme budgétaire qui dicte l'action du Gouvernement.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, le directeur général des médias et des industries culturelles, Martin Ajdari, a ainsi indiqué qu'il n'était plus nécessaire d'affecter à France Télévisions une part du produit de la TOCE du fait du dynamisme de la CAP d'une part et de la baisse des crédits attribués aux entreprises de l'audiovisuel public d'autre part.

La TOCE et le financement de l'audiovisuel public

La taxe est due par tout opérateur de communications électroniques, au sens de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), qui fournit un service en France et qui a fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Elle est assise sur le montant, hors TVA, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers auprès de ces opérateurs en rémunération des services de communications électroniques qu'ils fournissent.

L'article 302 bis KH du CGI prévoit que la taxe est calculée annuellement sur l'intégralité des encaissements intervenus au cours de l'année civile au titre de laquelle la taxe est due, déduction faite du montant des dotations aux amortissements en appliquant le taux de 1,3 % à la part des encaissements annuels taxables, hors TVA, qui excède cinq millions d'euros.

La TOCE ne constitue pas une taxe affectée à l'audiovisuel public. Lors de sa création en 2009 afin de compenser la disparition en soirée de la publicité sur les écrans de France Télévisions, c'est une dotation de 457,8 millions d'euros qui fut inscrite au titre du programme 313 « Contribution au financement de l'audiovisuel » de la mission Médias.

Depuis lors, selon les années, le compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public » a pu bénéficier soit d'une dotation constituant tout ou partie du produit de la TOCE, soit seulement le produit de la CAP, soit enfin - depuis 2016 - d'une part affectée du produit de la TOCE.

La suppression de l'affectation du produit de la TOCE à France Télévisions dans le PLF 2019 n'est donc pas contraire aux règles budgétaires.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

3. Une baisse des crédits qui concerne l'ensemble des acteurs

Le PLF 2018 était marqué par une répartition inégale du poids de l'effort budgétaire entre les différents acteurs de l'audiovisuel public. La baisse demandée à l'INA et à TV5 Monde était en effet limitée alors qu'Arte France et France Médias Monde voyaient leurs ressources continuer à augmenter par rapport à la loi de finances pour 2017.

La situation de Radio France était particulière puisque sa dotation de fonctionnement augmentait compte tenu, par ailleurs, d'une baisse des dépenses d'investissement du fait du report de certaines dépenses liées au chantier pour cause de retards et de problèmes avec les prestataires.

L'essentiel des efforts était, en fait, demandé à France Télévisions qui a dû, sans préavis, absorber, en 2018, un choc sur ses ressources de 30 millions d'euros . Si l'effort demandé en 2019 sera du même ordre qu'en 2018 - puisqu'il s'élève à 26 millions d'euros - il convient toutefois de rappeler qu'il est toujours plus difficile de « redoubler » un effort budgétaire puisque - par définition - les économies les plus évidentes ont déjà été réalisées. Pour autant la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, estime qu'elle sera en mesure de « tenir l'équilibre » comme c'est le cas depuis son accession à la tête du groupe public.

La véritable nouveauté tient donc au fait que les autres entreprises du service public de l'audiovisuel sont également mises à contribution . C'est le cas de Radio France dont la dotation baisse de 4 millions d'euros.

L'effort demandé à l'INA (-1,2 M€) peut sembler limité mais il n'est pas négligeable en proportion de la taille de l'établissement. Pourtant, le président de l'INA, Laurent Vallet, estime normale cette contribution à l'effort de réduction des dépenses d'autant plus que le chiffre d'affaires de l'institut progresse.

Votre rapporteur pour avis est plus réservé sur les efforts demandés à Arte France et France Médias Monde . Ces deux entreprises poursuivent des objectifs spécifiques - la promotion de la culture et de l'information à l'international - avec des résultats qui sont largement salués et leur gestion est plutôt reconnue comme sérieuse. La baisse des crédits d'Arte France de 2 millions d'euros (- 0,7 %) et de France Médias Monde pour 1,6 million d'euros (- 0,6 %) constituent donc une forme de « punition » imposée aux « bons élèves » qui apparait comme difficilement compréhensible . Au-delà de l'injustice légitime que pourront ressentir les équipes de ces entreprises, c'est le coup de frein imposé à la stratégie de ces deux acteurs qui est inquiétant, comme si la qualité des programmes illustrant la culture européenne et le besoin d'un accès à une information de référence n'avaient pas leur place dans les équations budgétaires.

La baisse de crédits de TV5 Monde de 1,2 million d'euros ne constitue pas non plus un bon signal envoyé à la francophonie, dont le Président de la République a pourtant fait une priorité.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, le 31 octobre dernier, les députés ont rejeté trois amendements présentés par George Pau-Langevin, députée socialiste de Paris. Le premier proposait d'augmenter de 5 millions les crédits de France Médias Monde, le deuxième prévoyait d'accorder 1,4 million d'euros supplémentaire à Arte et le troisième accroissait les moyens de TV5 Monde.

Lors de l'examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », le rapporteur spécial de notre commission des finances, Roger Karoutchi, a proposé un amendement « visant à redonner un peu plus d'argent à Arte et France Médias Monde, parce que ces deux sociétés ont un vrai rôle de service public » . On peut rappeler, en effet, que les programmes d'Arte sont très largement salués pour leur qualité et leur innovation, et que la chaîne diffuse aujourd'hui en six langues, ce qui illustre son dynamisme au service du plurilinguisme.

Votre rapporteur pour avis ne peut que partager le constat de notre collègue Roger Karoutchi selon lequel « Arte et France Médias Monde ont fait depuis cinq ans des efforts de gestion ; leurs coûts de fonctionnement ont été réduits de presque 25 %. Il serait anormal de leur faire subir des réductions de crédits similaires à celles qui affectent les autres acteurs. France Médias Monde joue un rôle essentiel pour la voix de la France dans le monde » .

La commission des finances a ainsi adopté un amendement qui modifie la répartition des crédits aux sociétés de l'audiovisuel public. La baisse de 2 millions d'euros de crédits de ARTE France est ainsi annulée par l'attribution d'une somme identique tandis que France Médias Monde se voit attribués 5 millions de crédits, ce qui fait plus que compenser la baisse de 1,6 million d'euros prévue par le projet de loi de finances. À noter que les 7 millions d'euros sont pris sur les crédits de France Télévisions, ce qui permettra selon le rapporteur spécial « à France Télévisions de réaliser 33 millions d'euros d'économies dès 2019 » .

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