Avis n° 151 (2018-2019) de M. Jean-Pierre LELEUX , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 22 novembre 2018

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N° 151

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

TOME IV

Fascicule 1

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

AUDIOVISUEL ET AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Par M. Jean-Pierre LELEUX,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. Max Brisson, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert , vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, Marie-Thérèse Bruguière, Céline Brulin, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Jean-Marie Mizzon, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Damien Regnard, Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz, Mme Dominique Vérien .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits consacrés à l'audiovisuel public dans le projet de loi de finances pour 2019 s'inscrivent dans un double contexte :

- le développement des nouveaux usages et le développement des plateformes numériques de vidéos à la demande par abonnement . Chaque mois, près de 100 000 Français rejoignent la plateforme Netflix pour un prix mensuel qui varie entre 7,99 € et 13,99 € selon la qualité d'image souhaitée et le nombre d'écrans simultanés 1 ( * ) . Par ailleurs de nouveaux acteurs préparent leur arrivée sur le marché de la vidéo à la demande par abonnement (Disney, Apple, HBO...) ce qui devrait confirmer une relative désaffection pour la télévision linéaire qui est maintenant perceptible ;

- les incertitudes apparues en 2018 sur les intentions du Gouvernement en matière d'audiovisuel . Après les déclarations tonitruantes prêtées au chef de l'État en décembre 2017, tout laissait penser que 2018 serait l'année de la réforme de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication 1986. Au lieu de cela, le projet de loi de finances pour 2018 a mis en oeuvre une politique de réduction des moyens qui se poursuivra en 2019 sans véritablement initier de changements. Les négociations sur la chronologie des médias ont patiné jusqu'à la nomination récente de Franck Riester au ministère de la culture.

Le budget de l'audiovisuel public pour 2019 apparaît donc comme un budget de transition qui porte davantage la marque de Bercy que du nouveau ministre de la culture . Il taille dans les dépenses de chaque société de l'audiovisuel public sans faire de distinction entre les entreprises qui disposent d'importantes marges d'économies à travers des réorganisations et celles qui devront contraindre leur développement alors même qu'elles ont déjà accompli un travail de remise en ordre.

Ce budget de transition est donc également un budget d'attente . Il laisse ouvertes des décisions fondamentales qui restent à prendre concernant, par exemple, la place de la publicité sur les chaînes publiques, l'avenir de la contribution à l'audiovisuel public, le financement du chantier de Radio France comme l'influence de la France dans le monde qui souffre d'une concurrence effrénée des autres puissances, en particulier en Afrique.

En somme, ce budget de transition participe, à sa façon, à figer le paysage de l'audiovisuel public au moment où ses concurrents accélèrent . Le ministère de la culture semble assumer aujourd'hui la nécessité d'une décroissance de la taille du secteur de l'audiovisuel public afin de tenir compte de la très forte hausse de l'offre de contenus privés.

C'est un débat qui mérite d'être ouvert. Afin de renforcer l'offre publique au niveau local par exemple, il faut sans doute accepter de réduire la voilure au niveau national. Mais ces choix forts ne peuvent être réalisés uniquement par voie budgétaire en exigeant la suppression de chaînes comme France 4 et France Ô sans véritablement connaître les conséquences de ces choix sur les publics concernés.

Votre rapporteur pour avis regrettait déjà l'année dernière 2 ( * ) que « l'annonce d'une réduction des moyens de l'audiovisuel public en 2018 [ faisait ] suite à plusieurs années de déficit de vision de l'État-actionnaire pour ce secteur » et il souhaitait que « l'effort budgétaire demandé en 2018 constitue seulement un ajustement préalable à une remise à plat du secteur de l'audiovisuel » .

Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication explique, depuis plusieurs années, qu'il est urgent de remettre à plat la loi du 30 septembre 1986 pour rétablir un écosystème attractif pour les médias français . Intervenant en clôture d'un colloque consacré à l'avenir de l'audiovisuel public le 12 juillet dernier, la présidente de votre commission, Catherine Morin-Desailly, a indiqué qu'il était « grand temps de prendre la mesure de la menace mortelle qui pèse sur nos médias et sur notre offre culturelle » . Évoquant la loi de 1986, elle a mis en garde contre les tentations de « replâtrage » en déclarant qu'il était « temps de l'abroger pour construire une nouvelle réglementation plus adaptée au monde numérique, qui ne pénalise pas les acteurs français, tant privés que publics » 3 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis plaide depuis longtemps 4 ( * ) pour qu'une réforme systémique du secteur de l'audiovisuel soit engagée qui prenne appui sur l'audiovisuel public . Les entreprises de l'audiovisuel public par leur taille, la qualité de leurs programmes et le savoir-faire de leurs personnels constituent en effet la pierre angulaire du secteur audiovisuel français et leur fragilisation représente une menace considérable pour l'avenir de la filière.

Ce sentiment est très largement partagé par les différents acteurs. Auditionné par votre commission de la culture le 27 juin dernier, Maxime Saada, président du directoire de Canal Plus, n'a pas hésité à indiquer que, si rien n'était fait « dans deux ans, la création française aura disparu » .

Une course de vitesse est donc engagée entre les acteurs historiques et les nouvelles plateformes et force est de constater que les premiers ne l'abordent pas de la meilleure façon compte tenu du report régulier de la réforme annoncée . Attendue depuis 2013 puis finalement abandonnée par la précédente majorité, la réforme de l'audiovisuel a été remise à l'ordre du jour par le Gouvernement issu des scrutins de 2017. Prévue pour le tout début 2018, le projet de loi devrait, selon le ministère de la Culture, être examiné en Conseil des ministres au début du printemps 2019 pour une adoption finale à la fin de l'année 2019 ou au tout début 2020.

Si ce retard est regrettable, c'est qu'il constitue une source d'incertitude pour des acteurs qui sont dans l'obligation de se réorganiser profondément et attendent des autorités publiques qu'elles déterminent les règles qui constitueront l'écosystème de leur transformation . Il reste à espérer que le temps perdu aura au moins permis de prendre l'exacte mesure des changements à engager. C'est le voeu que forme votre rapporteur pour avis et cet espoir semble aujourd'hui justifié tant par les convictions anciennes en faveur d'une réforme profonde du nouveau ministre de la Culture que par le fait que les travaux préparatoires du projet de loi semblent aborder l'ensemble des problématiques sans exclure a priori des évolutions audacieuses à l'image de celles promues par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Compte tenu de ces réserves, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel public de la mission « Médias, livre et industries culturelles » tels qu'ils figurent dans le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de loi de finances pour 2019. Elle a également donné un avis favorable à l'adoption de l'article 35 du PLF qui suspend l'indexation de la CAP en 2019.

*

* *

Les chiffres clé du PLF 2019 concernant l'audiovisuel public

Les crédits alloués à l'audiovisuel public en 2019 continuent à baisser. Après avoir augmenté de 100 millions d'euros sur la période 2015-2017 puis baissé de 36,7 millions d'euros en 2018, ils baisseront à nouveau de 36,1 millions d'euros en 2019 pour retrouver un niveau légèrement inférieur à celui de 2016 en euros courants hors taxes . Le Gouvernement a par ailleurs fixé un objectif de 190 millions d'euros d'économies d'ici 2022 et a demandé aux sociétés de l'audiovisuel public d'augmenter leurs investissements dans le numérique de 150 millions d'euros ce qui accroît d'autant l'effort demandé.

Les crédits prévus par le PLF 2019 pour le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » s'élèveront ainsi à 3 780,2 millions d'euros HT dans le PLF 2019 (3 859,6 millions d'euros TTC) contre 3 816,3 millions d'euros HT en loi de finances initiale pour 2018.

Cette évolution s'explique d'une part par la suppression de l'affectation d'une part de la TOCE à France Télévisions donnant lieu à une diminution des recettes du compte de 85,5 M€ et, d'autre part, par une prévision de ressources issues de la CAP de 3 859,6 millions d'euros (3 307,6 M€ pour les encaissements nets et 552,0 M€ pour la prévision de dégrèvements) en progression de 50,5 M€ par rapport à 2018 du fait d'une hausse du nombre de foyers de 0,52 % en 2019.

La hausse des ressources de la CAP (+ 50,5 M€) conjuguée à la suppression de la part de TOCE affectée à France Télévisions (- 85,5 M€) aboutit à une baisse de 36 millions d'euros HT pour les entreprises de l'audiovisuel public. Cet effort est réparti comme suit : - 26 M€ pour France Télévisions, - 4 M€ pour Radio France, - 2 M€ pour ARTE, - 1,6 M€ pour France Médias Monde et - 1,2 M€ pour l'INA comme pour TV5 Monde.

Par ailleurs, les conditions de la poursuite de la réhabilitation de la Maison de la Radio ne sont pas précisées dans les documents budgétaires alors même que des surcoûts importants ont été identifiés dans le cadre d'une remise à plat réalisée à l'occasion de la remise du rapport de J-P Weiss.

Le bleu budgétaire 5 ( * ) précise qu' « avec la suppression de l'affectation de la TOCE à France Télévisions, la contribution à l'audiovisuel public redeviendra la seule source affectée au secteur, comme c'était le cas avant 2016 » . Par ailleurs « cette trajectoire d'économies permet, pour la première fois depuis dix ans, de ne pas augmenter le tarif de la CAP pour le contribuable et de la maintenir stable à son niveau de 2018 » . L'article 35 du projet de loi de finances suspend, en effet, l'indexation de la CAP en 2019, laquelle conservera par conséquent son tarif de 139 € en métropole et de 89 € en outre-mer.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

I. UN PROJET DE RAPPROCHEMENT ENTRE FRANCE 3 ET FRANCE BLEU RICHE EN POTENTIALITÉS MAIS DIFFICILE À METTRE EN OEUVRE

Votre rapporteur pour avis a décidé de consacrer cette année dans son avis budgétaire un focus sur le rapprochement entre France 3 et France Bleu décidé par le Gouvernement. La réalisation de ce focus s'appuie sur les nombreuses auditions réalisées au printemps dernier par un groupe de travail 6 ( * ) de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication qui s'est également déplacé à Bordeaux, le 23 mars dernier pour rencontrer les équipes des deux entreprises, le président de la région Nouvelle-Aquitaine ainsi que les équipes du journal Sud-Ouest.

L'ambition du gouvernement portée par l'ancienne ministre de la culture, Françoise Nyssen, de « donner davantage la parole aux territoires » ne pouvait que recueillir l'assentiment du Sénat, de même que la volonté de créer « un média global de la vie quotidienne » . Pour autant, le rapprochement des deux réseaux territoriaux de France Télévisions et Radio France n'est pas sans poser de nombreuses questions . Il s'agit du plus grand projet commun envisagé pour ces deux entreprises qui dépasse, par son ampleur, le lancement de Franceinfo en 2016.

Ce projet de rapprochement a été lancé par ailleurs dans des conditions particulières, avant même que ne soit engagé un rapprochement structurel des deux entreprises avec des modalités de gouvernance commune.

Le premier bilan montre que ce projet ambitieux et porteur de sens pour les deux entités a souffert des conditions qui ont entouré son élaboration. Les deux réseaux ont en effet rencontré de sérieuses difficultés pour faire dialoguer leurs cultures, associer leurs médias et articuler leurs niveaux de direction. En particulier, les difficultés à associer radio et télévision dans le cadre de deux organisations aux maillages très dissemblables, ont sans doute été sous-estimées, ce qui explique les retards constatés .

Votre rapporteur pour avis a souhaité, dans ces conditions, formuler plusieurs recommandations afin de mieux tenir compte des spécificités du service public de l'audiovisuel local. Il estime, par ailleurs, que les difficultés rencontrées pour rapprocher France 3 et France Bleu - qui tiennent pour une bonne part à l'absence d'organisation et de gouvernance communes - constituent des arguments supplémentaires pour rapprocher France Télévisions et Radio France dans une organisation commune comme pourrait le décider le prochain projet de loi de réforme de l'audiovisuel.

A. UN RAPPROCHEMENT NÉCESSAIRE POUR AMÉLIORER L'OFFRE TERRITORIALISÉE DU SERVICE PUBLIC

Le rapprochement entre France 3 et France Bleu répond à plusieurs objectifs. Il y a certes une nécessité budgétaire afin de mieux employer les moyens publics mais, aux yeux de votre rapporteur pour avis, c'est l'objectif d'une meilleure identification de France 3 et d'un meilleur service grâce au développement du numérique qui doit être recherché .

Les échanges menés avec les directions de France Télévisions et Radio France ont confirmé que le développement d'un nouveau média audiovisuel local plurimédias ne pouvait être considéré sous le seul aspect budgétaire et qu'une nouvelle ambition éditoriale devait s'appuyer sur des redéploiements de moyens.

1. Un renforcement de la dimension territoriale de France 3 attendu depuis 2014

Une des difficultés du groupe France Télévisions dans le cadre de la réorganisation de son bouquet de chaînes tient à la difficulté de bien distinguer France 3 de France 2. Même si la tonalité locale est plus affirmée sur France 3 et si France 2 reste considérée comme la grande chaîne fédérative, d'autres facteurs laissent penser que France 2 et France 3 constituent en fait deux grandes chaînes généralistes : les deux chaînes diffusent du cinéma, de la fiction et des jeux. Elles ont également une offre de documentaires, de programmes jeunesse et d'information nationale. Même le sport participe à la confusion puisqu'il n'est pas rare que certaines épreuves commencent sur une chaîne pour se terminer sur une autre (étapes du Tour de France, matchs de Roland-Garros).

La logique des bouquets de chaînes privilégie aujourd'hui le développement de chaînes à identités fortes autour d'une grande chaîne généraliste afin d'agréger des publics identitaires. Dans cet esprit, il apparaît indispensable de renforcer la vocation locale de France 3.

Cette réflexion avait déjà été engagée par les membres 7 ( * ) de la commission dirigée par Anne Brucy qui avaient titré leur rapport 8 ( * ) « France 3, un avenir régional » . Auditionnée par votre rapporteur pour avis, Anne Brucy a rappelé que le rapport de 2014 avait déjà engagé une réflexion sur une offre commune à France 3 et France Bleu sur la tranche horaire des matinales comme il avait évoqué aussi la recherche de synergies de fabrication. Elle a rappelé néanmoins que chacun de ces médias avait sa « grammaire propre » , la radio constituant le média du huis-clos (voiture, salle-de-bains) et celui de la réactivité.

« L'avenir de France 3 sera régional ou ne sera pas » : les propositions de la commission présidée par Anne Brucy

Dans un rapport remis à la ministre de la culture et de la communication le 1 er juillet 2014, intitulé France 3 : Un avenir régional , l'ancienne directrice de France Bleu, Anne Brucy, délivrait ses pistes de réforme de la chaîne. « Dans un contexte économique et social difficile, qui favorise le repli sur soi et l'individualisme, la proximité est un enjeu majeur de cohésion sociale » ; partant de ce constat (p. 6), elle axait ses quinze recommandations autour du déploiement d'une véritable stratégie numérique et du développement d'une offre de proximité. Elle insistait en premier lieu sur la nécessité de placer les cellules numériques au coeur des équipes et du processus de conception et de fabrication des programmes régionaux (recommandation n° 1) et d'assurer un accès systématique en direct et en différé à ceux-ci (n° 2). Cette approche plurimédias doit permettre de « s'adresser à un public jeune, équipé en terminaux mobiles » (p. 16). Pour en assurer l'efficacité, il conviendrait d'augmenter le volume, la réactivité et l'amplitude horaire des contenus d'information sur les sites Internet de chaque antenne régionale (n° 3) mais également d'adapter leur stratégie de ressources humaines, en réservant en moyenne cinq équivalents temps plein au numérique (n° 5) et en favorisant la contribution des journalistes aux offres multisupports (n° 14). Afin d'étoffer ces offres, une autre piste envisagée était de mettre en oeuvre une expérience de partenariat numérique entre France 3, France Bleu et l'Ina (n° 6) ainsi que des échanges de contenus web avec le second. En deuxième lieu, Anne Brucy se montrait sensible à la situation des « territoires les plus éloignés [des] centres [métropolitains] qui sont confrontés à une offre de services et d'espaces publics très limitée » (p. 11). Aussi France 3 devrait-elle s'employer « à réduire la distance entre le centre et la périphérie, à faciliter l'accès de tous aux ressources économiques, culturelles et sociales des métropoles » (p. 12) et « se positionner comme une vaste "agora numérique" » (p. 47). Les supports numériques lui permettraient de délivrer des services axés sur les problématiques de mobilité pour les habitants des grands centres urbains, des informations favorisant l'accès aux espaces collectifs, aux services publics, à l'emploi et à la formation et, enfin, des contenus en langues régionales (n° 4). En linéaire, chaque antenne gagnerait à se montrer plus réactive pour produire des « breaking news » sur les affaires locales (n° 8) et à enrichir son offre d'information par des partenariats avec France Bleu, sur le modèle de Gran' Matin , l'émission trimédias de Réunion 1 ère (n° 7). Enfin, Anne Brucy appelait ainsi à ce que soit élaboré « un projet éditorial commun tourné vers une régionalisation progressive, diversifiée et déterminée » (p. 49). À cet effet, elle proposait de s'inspirer de la charte d'antenne mise en place par France Bleu à la fin des années 2000 (n° 10), qui se contente de donner des repères aux 44 antennes de la chaîne (couleur musicale, rythmique d'antenne, participation des auditeurs, etc.). Elle prônait en outre une logique d'équité dans la répartition des effectifs de France 3 au sein de ses différentes implantations, afin qu'elle corresponde aux réalités des bassins de vie concernés (n° 9).

Pour Anne Brucy, il est possible de faire travailler ensemble des équipes de télévision et de radio à condition de faire évoluer les méthodes de travail et de s'inspirer des antennes de France Télévisions en outre-mer 9 ( * ) qui ont déjà une dimension « trimédias ». Elle a néanmoins rappelé les difficultés rencontrées pour créer des cellules numériques dans les antennes locales de France 3. « Si certaines montent en puissance ce n'est en effet pas le cas partout » insiste-t-elle.

La priorité, selon Anne Brucy, doit consister à créer une offre numérique commune en intégrant le fait que les outils numériques permettaient à des équipes localisées dans des endroits différents de travailler ensemble. Elle estime, en effet, que les rapprochements ne doivent pas nécessairement être physiques, les locaux ne pouvant pas toujours permettre de réunir les services . Pour l'ancienne directrice du réseau France Bleu, il apparaît nécessaire de concevoir une offre d'information mais aussi de culture qui serait diffusée sur les deux antennes, ce qui supposerait de consacrer plus de temps d'antenne aux programmes locaux sur France 3.

Une telle évolution nécessiterait donc une réorganisation de l'antenne de France 3. Anne Brucy préconise de maintenir de l'information nationale sur les antennes régionales mais en privilégiant les actualités qui intéressent les régions et se déroulent néanmoins dans la capitale. Une telle orientation n'est pas incompatible avec une remise en question des journaux nationaux de France 3 pour autant que des sujets nationaux seraient, en tant que de besoin, insérés dans les éditions locales.

En matière de production, une évolution serait également nécessaire afin de faire porter par France 2 et France 5 certaines obligations qui incombent aujourd'hui à France 3 et ne pourraient plus être satisfaites dans un contexte marqué par un accroissement du volume des programmes produits localement. À noter également que la production locale de documentaires pourrait être développée et que sous réserve d'en accroître la qualité, certains pourraient être diffusés au niveau national ou sur d'autres antennes régionales.

2. Des directions qui abordent le rapprochement de manière volontariste

Lors de leur audition par le groupe de travail de votre commission, Dana Hastier, alors en charge de France 3 et Olivier Montels, en charge du réseau régional, ont confirmé qu'il existait une forte attente pour renforcer la dimension régionale de France 3 . Cette marque régionale est déjà présente puisque ce sont 5 000 heures de programmes régionaux qui ont été diffusés en 2017. Certains programmes ont vu leur dimension locale renforcée comme Thalassa. En outre des émissions qui mettent en valeur le territoire comme « Des Racines et des Ailes » fonctionnent toujours très bien.

La direction de France 3 partage l'objectif d'une meilleure distinction entre France 2 et France 3 tout en mettant en perspective la difficulté de faire plus de programmes avec moins de moyens. Elle indique que les réflexions ont commencé à être menées avec France Bleu en décembre 2017 et mobilisaient les 44 directeurs des antennes de France Bleu ainsi que les 13 directeurs des antennes de France 3. Du côté de France 3, le discours était encourageant en mars dernier puisque la direction de l'entreprise estimait « possible de faire assez vite des choses fortes » . L'objectif devait être « à l'horizon de 18 mois d'inverser la tendance en privilégiant les programmes locaux et en fusionnant les portails numériques des deux réseaux » . Le principal projet mis à l'étude concernait des matinales communes de 6 heures à 13 heures ainsi qu'une émission politique commune. Les premières réflexions ont permis d'identifier plusieurs thèmes pouvant faire l'objet de programmes locaux comme l'histoire, la culture, la vie économique et les fractures territoriales. Pour la direction de France 3, il s'agit d'un tournant puisque ce sont 8 heures de programmes par jour qui pourraient être concernées par ces nouvelles orientations.

Une inversion du modèle éditorial de France 3

Si les objectifs sont bien identifiés, il en est de même des difficultés. Outre les différences dans le maillage territorial de chacun des réseaux d'antenne, celle des réseaux d'émetteurs pose une difficulté technique particulière qui semble cependant en voie de résolution. La question des moyens n'est pas non plus négligeable puisque davantage de programmes locaux dans toutes les régions démultiplient les coûts. À ces objections, la direction de France 3 répond qu'ils sont habitués à travailler en tenant compte des contraintes budgétaires et qu'ils s'inscrivent dans une perspective de budgets constants.

Une des clés du projet repose dans l'évolution des métiers. Pour enrichir l'information, il est important que « tout le monde fabrique du contenu » selon Olivier Montels. Le principe du développement d'une offre numérique doit être « l'agrégation de contenus dans un immense fleuve régional » .

Lors de son audition par le groupe de travail, Éric Revel, alors directeur de France Bleu, a rappelé que la radio était d'abord un média du matin, « le média des deux premières heures ». Il a insisté sur le fait que France Bleu développait son audience numérique grâce à un accord professionnel permettant à près de 1 500 salariés de contribuer à la production multimédia du réseau.

La direction de France Bleu a indiqué que le projet de rapprochement portait sur huit projets éditoriaux :

- des matinales communes ;

- une grande émission d'accueil « la vie en bleu » ;

- de grandes émissions politiques régionales consacrées à des thèmes propres à chaque territoire ;

- une émission quotidienne sur l'emploi pour rapprocher les offres et les demandes d'emplois au niveau local ;

- une émission sur de grandes thématiques de société ;

- une émission consacrée à la découverte de nouveaux talents dans la musique ;

- des partenariats sur de gros événements ;

- une coopération dans le numérique qui se nourrirait des projets éditoriaux.

Compte tenu des différences entre les médias radio et télévision, la direction de France Bleu indique que le rapprochement doit rechercher les complémentarités entre France Bleu qui est fort le matin et France 3 qui est puissant le soir. Pour Éric Revel, la vraie difficulté est sociale puisque la réussite du rapprochement dépend étroitement du fait de que l'ADN et l'identité de chaque entreprise dans la création de ce « lien commun » soient préservés . Si les problèmes techniques ne doivent pas être sous-estimées (la télévision a besoin de plus d'espace que la radio) la réussite du projet devrait d'abord dépendre de la reconnaissance accordée aux équipes de France Bleu qui bénéficient historiquement de moins de moyens et doivent en permanence préserver un équilibre entre les économies demandées et le maintien de la qualité.

Les réformes intervenues ces dernières années avec la suppression des « micro-locales » ont ramené le réseau à 44 antennes mises en oeuvre par 1 500 personnes tandis que les huit directions régionales ont été remplacées par deux directeurs territoriaux. Ces efforts déjà consentis comme le fait que les salaires apparaissent plus élevés à France 3 qu'à France Bleu entretiennent une forme de complexe du « petit » envers le « gros » qu'il ne faut pas perdre de vue.

La question de la distribution et de la numérotation des décrochages régionaux et locaux de France 3

Le renforcement de l'offre de proximité de France 3 pourrait souffrir du déclin de la TNT qui n'est plus, depuis 2016, le premier mode de réception sur le poste principal. Le signal de la TNT est, en effet, géolocalisé en fonction des émetteurs ce qui permet au téléspectateur d'accéder sur la touche 3 de sa télécommande à l'édition régionale et locale de sa zone de résidence.

Or il n'en est pas de même sur les boxes. Les foyers qui reçoivent la télévision via la box d'un opérateur n'ont, en effet, accès qu'aux 24 déclinaisons régionales de France 3 et non aux 42 déclinaisons locales qui incarnent pourtant l'offre de proximité.

Deux pistes de modifications législatives permettraient de répondre à ce problème selon votre rapporteur pour avis :

- la première consisterait à étendre l'obligation de reprise des chaînes du service public par les distributeurs de service à l'ensemble des déclinaisons régionales et locales de France 3 ;

- la seconde consisterait à imposer la géolocalisation des boitiers de réception IPTV, de sorte que le numéro 3 de la télécommande permette au téléspectateur d'accéder, par défaut, à l'édition de France 3 correspondant à la localisation de son adresse IP.

Votre rapporteur pour avis estime que l'accessibilité des programmes locaux de France 3 est une condition indispensable du rapprochement engagé avec France Bleu.

3. Des représentants des salariés ouverts à ce rapprochement

Les représentants des salariés auditionnés par le groupe de travail ont fait part de leurs interrogations sur le projet sans pour autant manifester une opposition de principe.

Le SNJ de France Télévisions indique, par exemple, qu'un rapprochement des locaux de France 3 et France Bleu pourrait être difficile à mener compte tenu des baux déjà signés et des aménagements coûteux réalisés pour créer des studios. Par ailleurs, en cas de grosse actualité il apparaît difficile qu'un journaliste puisse travailler en même temps pour deux médias. Enfin, le SNJ observe que le traitement de l'information est adapté selon le média utilisé, les écritures étant différentes.

Pour la CFDT de France Télévisions le facteur commun est le numérique qui permet au téléspectateur de trouver lui-même les informations qu'il recherche . Le développement du numérique appelle une évolution des métiers et des compétences car il existe une écriture propre au numérique.

FO France Télévisions estime pour sa part que le service public a l'obligation d'être ambitieux et que la convergence constitue une opportunité pour les plus jeunes . Toutefois, le syndicat rappelle que la télévision ne se résume pas à l'information et que l'identité d'un média se fait de plus en plus à travers les contenus. Pour FO, le rapprochement doit permettre de réinvestir les magazines, le sport, les débats, la place des associations et des PME dans les territoires... Mais les antennes locales ne disposent pas d'assez de créneaux pour exposer ces formats.

Pour la CFDT de France Télévisions, ce peut-être la mission d'une chaîne locale de plein exercice de proposer de nouveaux créneaux pour être plus en prise avec la vie locale. Cela suppose néanmoins de définir clairement les objectifs assignés à la télévision régionale. Pour la CFDT il est « urgent de faire quelque chose » car le vieillissement de l'audience de France 3 augmente de trois ans chaque année. Le SNJ pour sa part redoute que la télévision devienne un média uniquement citadin.

FO résume le sentiment des personnels en indiquant qu' « ils avaient les compétences, les matériels, le talent mais pas les créneaux » .

Le sentiment d'urgence est moins net dans les propos des syndicats de Radio France qui mettent davantage en avant leur inquiétude face aux perspectives de rapprochement des rédactions et pointent les incompatibilités entre les maillages des deux réseaux.

La principale inquiétude exprimée par les syndicats de Radio France concerne l'évolution des effectifs et la gestion des ressources humaines dans l'entreprise. Le maintien de l'ancrage local apparaît incompatible avec la réduction des moyens humains. Or les syndicats insistent sur l'atout que représente le maillage territorial de France Bleu. Les représentants de SUD ont ainsi regretté qu'il y ait « toujours moins de salariés pour faire toujours plus » .

Lors des premières rencontres organisées au printemps entre les syndicats et le groupe de travail, les représentants des salariés pointaient l'absence d'informations sur le calendrier du rapprochement et regrettaient de ne pas être associés à la réflexion de la direction. On peut imaginer que cette dernière n'était sans doute pas assez avancée pour répondre à ces légitimes attentes mais votre rapporteur pour avis retient surtout la volonté de participer des syndicats qui se veulent vigilants pour préserver l'identité de France Bleu.

Parmi les soucis exprimés, il y a celui de ne pas agir avec précipitation et sans discernement. Le SNJ rappelle notamment que de nombreux déménagements de locales de France Bleu sont déjà intervenus récemment et évoque le coût de 1 million d'euros pour chaque déménagement du fait en particulier du coût important des studios. Le choix de regrouper les antennes de France Bleu et les stations de France 3 dans les mêmes locaux pourrait donc être coûteux si on ne prenait pas en compte les situations locales.

L'UNSA de Radio France indique que des avancées vers le « média global » ont déjà eu lieu avec la délinéarisation de nombreux contenus sous la forme de podcasts. En outre les antennes de France Bleu ont développé de nombreuses communautés d'intérêt qui se sont structurées sur les réseaux sociaux autour de thématiques locales, ce qui est moins le cas de France 3. Les rapprochements envisagés ne doivent donc pas remettre en cause l'ancrage territorial de France Bleu.

Pour SUD, une difficulté tient au fait que les équipes de France Bleu seraient bridées dans leurs projets nouveaux faute de moyens ou de temps d'antenne disponible. La CGT de Radio France estime donc nécessaire de réaffirmer une ambition éditoriale qui pourrait passer par le développement de locales dans les villes moyennes . Le syndicat rappelle que la création d'un bureau à Lyon a été reportée et que de nombreuses villes moyennes sont dépourvues d'antennes.

B. DES DIFFICULTÉS CONFIRMÉES PAR LES ÉQUIPES RENCONTRÉES EN NOUVELLE-AQUITAINE EN DÉPIT DES FORTES ATTENTES EXPRIMÉES ENVERS LA RÉGIONALISATION

Le déplacement du groupe de travail à Bordeaux a confirmé le bienfondé du projet de rapprocher France 3 et France Bleu au niveau territorial. Il a aussi permis de mesurer les attentes des responsables locaux qui souhaitent que l'audiovisuel public accompagne davantage les actions de développement local et participent à affirmer l'identité des territoires.

1. L'audiovisuel public comme partenaire du développement des territoires

Le renforcement des régions suite à la réforme de la carte régionale de 2016 crée de nouvelles attentes de la part des responsables locaux vis-à-vis de l'audiovisuel public. Dans cette perspective, la décentralisation des moyens est considérée comme une conséquence logique du renforcement de leur collectivité.

Le président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, a expliqué aux membres du groupe de travail les difficultés qu'il a rencontrées pour obtenir davantage de décrochages locaux et de temps d'antennes. Il a estimé que « l'esprit de centralisation » restait bien présent dans les directions parisiennes, certains syndicats continuant également à penser que l'implication de la région était uniquement motivée par une volonté des élus d'influencer l'information alors que c'est le développement économique et social des territoires qui est recherché. Le président de la région Nouvelle-Aquitaine a expliqué que la télévision demeurait plus efficace que les réseaux sociaux pour mobiliser les énergies en faveur de territoires ou d'entreprises en difficulté.

Pour Alain Rousset, le développement des chaînes régionales doit permettre à la fois une meilleure valorisation des territoires (emploi, recherche, tourisme...), une vitalité culturelle à travers la mise en perspective du « roman régional » et la création d'un écosystème de production audiovisuelle autour de producteurs et de réalisateurs afin de faire émerger des filières locales de production. La construction de la nouvelle région s'appuie aujourd'hui à la fois sur les médias de service public et sur des initiatives privées comme TV7 portée par la presse quotidienne régionale avec le soutien de la région.

Pour le président de la région Nouvelle-Aquitaine il existe une contradiction à vouloir absolument réduire les dépenses publiques en faveur de l'audiovisuel alors que les territoires sont en attente de moyens pour faire exister une offre de programmes locaux et accompagner le développement territorial. Alain Rousset a également insisté sur la nécessité de développer l'offre locale de documentaires pour permettre de renforcer la démocratie locale grâce au travail d'investigation des journalistes.

Votre rapporteur pour avis ne peut que partager l'analyse du président de la région Nouvelle-Aquitaine lorsqu'il dénonce le poids du prisme budgétaire dans les décisions d'attribution des moyens . La démocratie locale a besoin de moyens, comme la démocratie nationale, et il est essentiel de les évaluer avant de prendre des décisions qui impacteront nécessairement le périmètre des médias concernés et leur capacité d'action.

L'expérience de TV7, chaîne locale créée en 2001 et opérée par Sud-Ouest, permet de confirmer qu'il y a une attente pour une offre d'information locale. Rien que sur la TNT, ce sont 544 000 téléspectateurs par semaine qui suivent les programmes consacrés à l'actualité quotidienne, au débat politique, à l'économie et à la culture. Outre les tranches d'information quotidiennes, TV7 produit également quatre magazines hebdomadaires consacrés à l'actualité, à l'économie et à la formation, à la culture et à l'innovation numérique. La chaîne a aussi développé une offre dans le domaine de la création audiovisuelle avec 4 documentaires et 6 courts métrages par an. La stratégie de TV7 privilégie l'ensemble des supports possibles pour sa diffusion avec un problème concernant le Limousin qui est très mal couvert, les coûts de diffusion rendant difficile l'amélioration de la couverture.

« NoA », la chaîne régionale de Nouvelle-Aquitaine

La chaîne NoA a été lancée début septembre. C'est une chaîne qui diffuse en permanence son signal sur les boxes des opérateurs de télécommunication (Orange, SFR, Free, Bouygues) et sur le site Internet na.france3.fr.

Le contrat d'objectifs et de moyens signé entre France Télévisions et la région Nouvelle-Aquitaine permet de financer :

- 1 magazine culturel mensuel décliné en micros programmes quotidiens ;

- 8 documentaires en plus de la production actuelle de France 3 Nouvelle-Aquitaine soit 30 documentaires par an ;

- 2 séries de programmes courts en langues régionales en saintongeais et en occitan. Ainsi, 3 langues régionales, avec le basque, seront représentées.

- 2 séries sur les champions néo-aquitains : les champions sportifs, femmes et hommes, valides ou en situation de handicap, et les champions de la vie économique.

Cette nouvelle chaîne répond bien au souci exprimé par le président de la région Nouvelle-Aquitaine de mieux accompagner le développement de la région et de participer à la construction de son identité. Elle permet également de renforcer la production de contenus locaux.

Source : France 3 Nouvelle-Aquitaine

2. Un rapprochement entre France 3 et France Bleu en Nouvelle-Aquitaine difficile à mettre en oeuvre

Le groupe de travail a également longuement rencontré la directrice de France 3 Nouvelle-Aquitaine, Laurence Mayerfeld, afin de prendre la mesure de la situation de France 3 dans cette nouvelle grande région. La directrice de France 3 Nouvelle-Aquitaine a mis en avant l'importance de la production locale qui prend la forme d'un magazine culturel de 52 minutes auquel s'ajoutent 22 documentaires et 8 courts métrages par an. Elle a toutefois indiqué qu'il était difficile de structurer une filière de production régionale, les financements des collectivités territoriales étant proscrits par la législation européenne.

Concernant le rapprochement avec France Bleu, elle a évoqué la difficulté pour la direction de l'antenne régionale de France 3 de se coordonner avec les 9 antennes de France Bleu dans la région, « tout le monde n'ayant pas les mêmes envies et les mêmes souhaits » .

Sur le plan éditorial, s'il est tout à fait envisageable de réaliser des rendez-vous communs politiques ou culturels et si la couverture d'événements devrait pouvoir se faire de plus en plus en commun il apparaît très difficile, selon Laurence Mayerfeld, de concevoir des matinales communes avec les neuf antennes distinctes de France Bleu qui jouent la carte de l'hyperproximité.

Les équipes de France Bleu que le groupe de travail a également rencontrées sont très soucieuses de préserver leur spécificité locale et remarquent que ces contenus alimentent la banque d'information créée au sein de Radio France à hauteur de 20%. Elles évoquent aussi la possibilité de créer des capacités d'investigation communes.

La matinale constitue la case horaire la plus importante pour une radio, France Bleu ne peut donc pas changer de modèle sans conséquences importantes sur ses audiences . Les auditeurs sont très attachés à leurs programmes de proximité et n'accepteraient pas nécessairement un prisme plus régional. Il y a une identité des habitants du Limousin qui n'est pas soluble dans une matinale qui traiterait de l'actualité de l'ensemble de la région. La direction de France Bleu rappelle que le réseau exerce une mission de service public en cas de catastrophe qui doit être préservée.

Selon la directrice de France 3 Nouvelle-Aquitaine, le découpage des zones de couverture des émetteurs de chaque média ne se rejoignent pas nécessairement. Cette question des périmètres de diffusion est également soulevée par les équipes de France Bleu.

Le rapprochement entre France 3 et France Bleu est d'autant plus délicat à conduire que France 3 a engagé une reconstruction depuis un an afin de caler son organisation sur les nouvelles frontières régionales. La réduction de la masse salariale a imposé des mutualisations qui fonctionnent plutôt bien et des mobilités ont lieu sur la base du volontariat. Il n'en demeure pas moins un attachement très fort des personnels à l'identité locale de France 3 Nouvelle-Aquitaine.

Pour faire vivre cette identité et améliorer l'offre France 3 Nouvelle-Aquitaine développe de nouveaux modules afin de mieux couvrir les espaces ruraux et périurbains et un journal des 5 antennes locales axé sur la vie pratique et la proximité est réalisé afin de créer une « culture commune » à la nouvelle région.

Les antennes régionales de France 3 sont toutefois confrontées au défi de l'augmentation du volume de programmes « frais » quotidiens. L'entreprise s'est réorganisée afin de favoriser l'employabilité et la flexibilité des personnels mais cela ne saurait suffire pour produire suffisamment de programmes pour alimenter l'antenne toute la journée sans rediffuser certains programmes.

Face à cette situation, Laurence Mayerfeld estime nécessaire de s'inscrire dans une démarche progressive, toutes les régions ne pouvant avancer au même rythme.

Votre rapporteur estime dès lors que deux scénarios se dessinent pour l'avenir, qui ne sont pas incompatibles l'un avec l'autre :

- la régionalisation complète des antennes de France 3 serait très coûteuse mais peut constituer un objectif de long terme sans nécessairement concerner tous les territoires ;

- dans l'immédiat, il apparaît plus réaliste d'augmenter progressivement les contenus locaux comme le prévoit l'objectif d'inversion du rapport entre programmes nationaux et locaux sur les antennes de France 3.

3. Des personnels attentifs aux conséquences du rapprochement entre France 3 et France Bleu

La réorganisation en cours au sein de France 3 au niveau régional, dans un contexte marqué par une baisse des effectifs, a mis en évidence le besoin d'améliorer les conditions de travail. Les syndicats de France 3 Nouvelle-Aquitaine rencontrés par le groupe de travail se sont donc réjouis de la signature d'un accord sur la qualité de vie au travail (QVT) qui devrait permettre de tester de nouvelles méthodes et pratiques professionnelles.

Face au nouveau projet que représente le rapprochement entre France 3 et France Bleu, les syndicats - à l'image du SNJ de France 3 Nouvelle-Aquitaine - s'interrogent cependant sur les moyens humains qui seront dédiés au projet. La CFDT, la CGT et SUD insistent sur les interrogations du personnel quant à l'évolution de leurs métiers. Les inquiétudes sont particulièrement vives vis-à-vis de la transformation des métiers sous le poids du numérique, « c'est une vague qui va nous submerger » a indiqué le représentant de la CGT de France 3 à votre rapporteur pour avis. Les personnels sont conscients de la nécessité de changer leurs méthodes de travail a déclaré le représentant de la CFDT.

Sur le fond, le SNJ pointe également la pression de l'actualité et d'un certain type de journalisme privilégiant l' « actualité chaude » (« breaking news ») avec le risque de fragiliser la légitimité des journalistes.

Concernant le rapprochement entre France 3 et France Bleu, le SNJ de France 3 indique que c'est sur le numérique que les coopérations fonctionnent le mieux.

Les salariés de France Bleu confirment les difficultés rencontrées pour rapprocher les médias car ils ne possèdent pas la culture de l'image même s'ils ont appris à produire de contenus multimédias . Plus généralement, les salariés de la radio déplorent de ne pas connaître le média télévision ni les équipes de France 3 car « on travaillait trop peu ensemble » disent-ils. Ils se déclarent ouverts à la création d'un média global sur Internet mais font part de leur plus grande réserve quant au développement de la radio filmée qui risque d'affaiblir le média radio sans renforcer le média télévision.

C. UN RAPPROCHEMNT ENTRE FRANCE 3 ET FRANCE BLEU QUI PRÉFIGURE LES SYNERGIES POTENTIELLES D'UN REGROUPEMENT PLUS VASTE DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

1. Une remise à plat salutaire de la méthode, des objectifs et du calendrier

La réalisation de matinales communes sur France 3 et France Bleu a été présentée, dès le début, comme la manifestation la plus emblématique du rapprochement envisagé entre les deux sociétés. Les premières matinales devaient être présentées à l'antenne dès septembre 2018. Or, compte tenu des difficultés rencontrées, cette échéance n'a pas pu être respectée.

On ne peut que s'interroger sur le décalage entre les annonces qui ont été faites par la ministre de la culture au printemps dernier et le report des échéances à l'automne. Un grain de sable semble s'être introduit dans la mécanique alors que les dirigeants des deux entreprises envisageaient de rééditer le succès de la création de Franceinfo en quelques mois en 2016.

C'est peut-être précisément cette comparaison entre information nationale et locale qui est à l'origine du malentendu. Si l'information nationale peut être traitée de manière semblable à la radio et à la télévision, il apparaît qu'il en est autrement de l'information locale .

Un dirigeant d'une antenne de France Bleu expliquait ainsi il y a peu à votre rapporteur pour avis que ce n'était pas un hasard que les deux expérimentations avaient lieu dans deux territoires où les audiences de France Bleu étaient faibles afin de limiter les risques car il était apparu très difficile aux yeux de nombreux professionnels de réaliser ces matinales communes compte tenu du trop grand nombre de contraintes.

Dans la réalité, il apparaît en effet difficile d'illustrer avec des images les très nombreux « papiers » réalisés par la radio. En outre, les intérêts des auditeurs et des téléspectateurs le matin ne sont pas les mêmes. Alors que les premiers sont par exemple très demandeurs d'informations sur le trafic routier, les seconds ont des attentes différentes qui rendent délicat l'établissement d'une ligne éditoriale commune.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis s'interroge sur le choix qui a été fait de donner la priorité à la création de matinales communes. Une autre stratégie aurait pu consister à privilégier le numérique en créant des plateformes régionales numériques uniques rassemblant les moyens des deux sociétés. Ces plateformes pourraient être alimentées soit par des contenus communs (des interviews, des reportages, des services relatifs à la météo ou au trafic routier) soit par des contenus propres à chaque antenne.

Il semble aujourd'hui que si cette voie n'a pas été retenue c'est d'abord pour préserver l'identité de chacune des entreprises, une plateforme commune pouvant amener la nécessité d'une marque commune comme cela s'est révélé utile pour Franceinfo . Faute d'avoir pu imposer cette évolution, le projet de rapprochement entre France 3 et France Bleu a dû être remis à plat tant en ce qui concerne la méthode que les objectifs et le calendrier.

Alors que la situation semblait compromise avant l'été, le projet a clairement été relancé ces dernières semaines avec des équipes en partie renouvelées, notamment chez France Bleu . Un calendrier a été redéfini. Deux matinales expérimentales seront lancées le 7 janvier prochain à Nice et Toulouse. Ces territoires ont été choisis parce qu'ils permettent de concilier les périmètres de France 3 et France Bleu. Des pilotes seront tournés mi-décembre afin de caler le dispositif.

Le concept a également été précisé, il s'agira d'abord pour France 3 de récupérer le signal radio de France Bleu et de l'habiller avec des images. L'identité de France Bleu ne doit pas être menacée . Le projet vise à s'inspirer très précisément des expériences de radio filmée qui réussissent en Belgique et au Canada. L'évaluation de cette expérience aura lieu au printemps 2019 tant sur le plan éditorial que financier . D'autres projets d'émissions communes sont également en chantier. Notamment une émission politique mensuelle de 52 minutes et des journées thématiques communes.

Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer la réorientation du projet de rapprochement qui, en se donnant du temps et en commençant par deux expérimentations sur des territoires « homothétiques », permet de maximiser les chances de succès.

État d'avancement du projet

2. Des ambiguïtés à lever sur le sens du projet pour réussir le rapprochement durable des deux réseaux

Si le rapprochement entre France 3 et France Bleu a pris du retard et avance aujourd'hui à pas comptés, c'est d'abord parce que les objectifs n'ont pas été clairement définis par l'actionnaire et que le projet a mis du temps à se dessiner au-delà de l'ambition de créer un média global territorial.

La principale ambiguïté tient sans doute au fait que le rapprochement entre France 3 et France Bleu a d'abord été initié avec l'idée de faire des économies. Or, compte tenu des coûts induits par l'augmentation des programmes locaux et des ajustements techniques, il n'y aura pas d'économies massives même si l'évolution des méthodes de travail peut permettre des gains de productivité importants . L'évolution du modèle de production devrait également favoriser une meilleure diffusion des programmes sur tous les supports. Par ailleurs, des économies sont aussi envisagées à travers des rapprochements immobiliers comme à Rennes.

Cette ambiguïté sur l'objectif final a été très vite perçue par les personnels qui savent que le développement des programmes locaux n'est pas la meilleure façon de faire des économies, bien au contraire . Au-delà de l'ambition portée par les dirigeants nationaux de France Télévisions et de Radio France sur le « média global », les responsables locaux ont souvent eu du mal à donner du sens au projet faute de vision sur les moyens réellement disponibles et de marges de manoeuvre pour inventer un nouveau modèle.

En ce sens, la remise à plat du projet avec le choix de se donner plus de temps pour tester un nouveau concept se sont avérés judicieux et il conviendra de tirer les conclusions de cette expérimentation avant d'envisager une extension. Votre rapporteur pour avis observe que les dirigeants 10 ( * ) de France 3 et de France Bleu qu'il a, à nouveau, rencontrés le 14 novembre dernier semblaient particulièrement confiants dans leur capacité à réussir ces expérimentations compte tenu des précautions prises pour les conduire.

La seconde ambiguïté concerne le numérique qui est présenté comme le fondement de la nouvelle offre qui doit être élaborée . Avant l'été, lorsque le projet de matinales communes apparaissait compromis, les syndicats avaient indiqué qu'il aurait mieux valu commencer par créer des plateformes numériques communes. Le numérique constitue l'avenir de l'audiovisuel public régional, sans doute davantage que la création de chaînes de télévision locales de plein exercice qui sont très coûteuses.

Or, l'expérience de Franceinfo l'a montrée, pour s'imposer face à la concurrence, rien ne vaut une marque commune qui permet à l'utilisateur de prendre connaissance des contenus produits en commun sur l'ensemble des supports . Les bonnes performances de la radio France Info sont, à cet égard, nourries par la plateforme numérique Franceinfo selon la direction de Radio France.

On en peut que s'étonner, dans ces conditions, que les deux réseaux France 3 et France Bleu n'aient pas mis en chantier la création de plateformes communes numériques locales bénéficiant d'une marque unique . Il n'a pas échappé à votre rapporteur pour avis que les préventions sur ce sujet semblent plus fortes du côté de France Bleu que de France 3 sans doute du fait du rôle de la marque « France Bleu » dans l'identité de Radio France. Une façon efficace de dépasser cette réticence pourrait être de faire de « France Bleu » la marque commune des programmes du service public aux niveaux régional et local tant à la radio, que sur les antennes de France 3 et sur le numérique . Une alternative évoquée au sein de France Télévisions pourrait consister à utiliser la marque Franceinfo qui bénéficie déjà d'une forte légitimité mais qui présenterait l'inconvénient de ne pas distinguer le national du local.

La collaboration entre les deux entreprises sur le terrain est également compliquée par leurs différences d'organisation et de moyens. France 3 dispose le plus souvent de moyens importants dans ses sièges régionaux tandis que ses équipes sont beaucoup plus légères sur le terrain. Le maillage plus serré de France Bleu ne permet pas de constituer des « binômes » équilibrés qui pourraient dialoguer efficacement.

Il en est de même au niveau des directions qui ne recouvrent pas les mêmes territoires et ne peuvent donc pas se coordonner efficacement. Votre rapporteur pour avis a été alerté sur les difficultés propres à l'absence de référent France Bleu au niveau régional alors que cet échelon constitue le niveau d'organisation de France 3 . Afin de pouvoir conduire des actions communes, il s'interroge donc sur l'utilité qu'il pourrait y avoir à désigner des directeurs/référents régionaux de France Bleu 11 ( * ) qui auraient la possibilité de conduire des projets avec leurs homologues de France 3. Même si le comité de pilotage national joue un rôle fondamental pour mettre en oeuvre le rapprochement, le déploiement des initiatives à l'issue de la phase d'expérimentation nécessitera une déconcentration des décisions qui implique une responsabilisation des responsables locaux.

3. Un rapprochement de France 3 et de France Bleu à inscrire dans la convergence attendue entre France Télévisions et Radio France

Le rapprochement engagé entre France 3 et France Bleu en l'absence de toute gouvernance commune devait montrer aux yeux des défenseurs du statu quo institutionnel qu'il était possible de transformer le service public de l'audiovisuel sans toucher à ses structures.

Les difficultés rencontrées aujourd'hui auraient plutôt tendance à démontrer l'inverse. Faute d'avoir opté pour la création d'une véritable marque nouvelle au niveau local associant le numérique, la radio et la télévision, les expérimentations ont mis du temps à être lancées et elles suscitent de nombreuses interrogations de la part des personnels. Les différences dans l'organisation locale de chaque entreprise rendent également difficiles les négociations entre les responsables des deux réseaux.

Certes un comité de pilotage a été créé qui a identifié deux territoires pour des expérimentations et, surtout, un projet éditorial a été élaboré. Mais on ne peut oublier que le nouveau calendrier accuse un retard d'un an par rapport au projet initial qui prévoyait au printemps la création de matinales communes en septembre 2018 et que les expérimentations ne permettront pas de répondre aux interrogations suscitées par le projet de matinales communes dans les territoires où plusieurs antennes de France Bleu cohabitent avec une seule direction régionale de France 3.

A la question de la différence de réseaux s'ajoute celle de la différence des statuts . Comment faire travailler côte à côte, dans la durée, des personnels avec des statuts et des conditions de travail dissemblables ? Les représentants du personnel alertent sur le fait que les rémunérations peuvent varier très sensiblement entre les salariés de France 3 et ceux de France Bleu. Ces différences sont susceptibles de compliquer significativement un rapprochement dans la durée du fait des revendications qui ne manqueront pas d'émerger en faveur d'une convergence des conditions statutaires. Un impact négatif sur le climat social ne peut être exclu.

Dans ces conditions, le rapprochement entre France 3 et France Bleu pose aussi la question des relations futures entre France Télévisions et Radio France. Les deux réseaux réfléchissent déjà à la création d'un GIE de moyens qui pourrait constituer une première étape. Mais ne faut-il pas déjà voir plus loin et envisager la création d'une filiale commune entre les deux groupes publics ? Un rapprochement des conditions de travail pourrait également constituer un objectif de long terme dans l'hypothèse où le rapprochement des entreprises publiques serait décidé en 2019.

Au final, votre rapporteur pour avis considère que si le rapprochement entre France 3 et France Bleu a connu un démarrage difficile, le pragmatisme comme l'enthousiasme des équipes ont sans doute permis de dépasser les réflexes de repli et les obstacles techniques. Les personnels, comme les responsables, ont pris conscience de la puissance cumulée des deux médias et de la nécessité d'accélérer sur Internet. Le projet avance donc, votre rapporteur pour avis s'en félicite mais tous les obstacles ne sont pas levés et le travail est encore considérable pour créer véritablement un « média global » local de service public.

Une évaluation des expérimentations étant prévue au printemps 2019 il serait légitime pour le Sénat de ce saisir à nouveau de ce sujet au second semestre 2019 au moment où le projet de loi de réforme de l'audiovisuel devrait arriver devant votre commission de la culture.

Les principales conclusions de votre rapporteur pour avis sur le rapprochement entre France 3 et France Bleu

1- Le rapprochement entre France 3 et France Bleu pour créer un « média global » local est à la fois possible et nécessaire . Il doit s'appuyer sur l'expérience du réseau ultramarin qui propose déjà une offre « trimédias » ainsi que sur la réussite des expériences belge et canadienne. Cette nouvelle offre implique une évolution des méthodes de travail afin de produire davantage de programmes pour tous les supports.

2- Le développement d'une offre d'information commune à France 3 et France Bleu doit être articulé avec l'inversion du modèle de France 3 afin d'accorder plus de place à l'information locale , l'information nationale gardant toute son importance sur France 2 et Franceinfo.

3- La priorité accordée aux programmes locaux de France 3 doit être conciliée avec le respect des engagements en termes de création audiovisuelle . La suppression de la diffusion hertzienne de France 4 pose, en outre, la question de l'accès à l'animation sur les chaînes publiques.

4- La création d'un véritable « média global » nécessite la mise en place de plateformes régionales communes à France 3 et France Bleu bénéficiant d'une marque unique et ayant pour objectif de devenir le média de référence de chaque territoire.

5-La priorité à accorder au numérique justifie une certaine prudence dans le développement des chaînes locales de plein exercice . Un bilan du projet NoA en Nouvelle-Aquitaine devra être réalisé pour déterminer les évolutions possibles pour les déclinaisons de France 3 et les nouvelles chaînes en régions (NoA) en évitant les doublons.

6-Le développement d'une nouvelle offre de service public doit privilégier la qualité éditoriale et la proximité . La recherche d'économies à travers des gains de productivité et des mutualisations doit permettre de financer l'accroissement des programmes.

7-La régionalisation de France 3 pourrait s'accompagner d'une politique volontariste pour développer les écosystèmes locaux de production audiovisuelle , en particulier dans le documentaire.

8- Le maillage de France Bleu doit être préservé et complété là où cela est possible pour favoriser la proximité et satisfaire le principe d'égalité d'accès à l'audiovisuel public.

9- Le regroupement des structures immobilières des deux réseaux doit être engagé dès lors qu'il permet de faire des économies . Un plan de regroupement progressif tenant compte des spécificités des implantations (échéance des baux et obsolescence des équipements techniques) est nécessaire.

10- La réussite du rapprochement entre France 3 et France Bleu serait facilitée par l'établissement de gouvernances régionale et locale communes associant les responsables des deux réseaux . La création d'un cadre commun devra permettre de concilier l'agilité de l'organisation, la maîtrise des coûts et la capacité opérationnelle des équipes à travailler ensemble.

11-La régionalisation de France 3 implique de prévoir dans la loi que toutes les locales de France 3 soient accessibles sur les boxes et que les boxes des opérateurs de télécommunications soient géolocalisées afin de permettre à chaque téléspectateur d'accéder par défaut sur la touche 3 à son programme régional et local.

12-Le bilan de l'expérimentation des coopérations entre France 3 et France Bleu devra faire l'objet en 2019 d'un débat devant le Sénat , assemblée représentant les territoires.

II. LES CRÉDITS CONSACRÉS À L'AUDIOVISUEL DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT

A. UNE NOUVELLE BAISSE DES CRÉDITS QUI ACCENTUE L'EFFORT DEMANDÉ EN 2018

Les crédits de l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public sont en baisse en 2019 par rapport à 2018. Cette baisse peut être limitée comme pour Arte, France Médias Monde, l'INA ou TV5 Monde qui disposeront d'une dotation légèrement inférieure à celle de l'année passée. La baisse est plus conséquente pour France Télévisions dont le niveau de ressources publiques en 2019 (2490,8 millions d'euros) sera inférieur au niveau de 2016, 2017 et 2018. C'est aussi le cas de Radio France qui connaîtra sa plus faible dotation depuis 2012 (il est toutefois prévu un financement ad hoc du chantier).

La baisse des crédits prend toute sa dimension lorsqu'elle est appréciée au regard de la programmation prévue par les contrats d'objectifs et de moyens pour 2019. La dotation de France Télévisions apparaît alors en recul de 78 millions d'euros tandis que Arte accuse une baisse de 13,6 millions d'euros, Radio France une perte de 36,9 millions d'euros, FMM une baisse de 6,9 millions d'euros et l'INA un recul de 1,6 million d'euros.

Dotations prévues par les COM et ressources prévues en PLF

Source : Réponse au questionnaire budgétaire

1. Une programmation pluriannuelle à travers des COM remplacée par un plan d'économies de 190 millions d'euros d'ici 2002

Votre rapporteur pour avis observait l'année dernière « le caractère précaire des contrats d'objectifs et de moyens (COM) » et s'interrogeait sur le respect de l'indépendance de l'audiovisuel public qui tient autant sinon plus dans son esprit à la pérennité des ressources qu'au mode de nomination des dirigeants.

La remise en cause des COM se confirme dans le PLF 2019. Elle pose un certain nombre de questions qui demeurent sans réponse concernant, en particulier, les conséquences du non-respect de dispositions législatives. L'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit en effet que les COM sont conclus entre l'État et les sociétés de l'audiovisuel public, il ne s'agit pas d'une faculté mais bien d'une obligation . Par ailleurs, ces contrats déterminent « le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes » , l'État est donc lié par l'engagement qu'il a librement souscrit. On peut rappeler par ailleurs que la procédure des COM est particulièrement lourde puisqu'elle nécessite pour leur adoption un vote du conseil d'administration des entreprises ; en outre les commissions de la culture et des finances peuvent donner un avis et sont chargées du suivi annuel. Le CSA a, pour sa part, l'obligation de formuler un avis sur les COM de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde. Enfin des avenants sont possibles et font l'objet d'un formalisme comparable.

Si selon la DGMIC, en 2018, les ajustements ne remettaient pas en cause les COM, il en est à l'évidence autrement aujourd'hui puisque l'ensemble des COM ne sont pas respectés et connaissent des baisses de ressources dans le PLF 2019 sans que la perspective d'adopter des avenants soit même évoquée. La situation est donc inédite puisqu'elle revient pour le Gouvernement à ne pas respecter sciemment la loi et les documents négociés avec les entreprises publiques alors même que l'adoption d'avenants serait possible... sauf à envisager clairement une modification des dispositions législatives qui instituent ces contrats d'objectifs et de moyens et les rendent obligatoires dans leur portée.

Or il n'est plus temps de dire que la loi ne précise pas le délai dans lequel les COM doivent être modifiés en cas de modification substantielle des ressources. Le Parlement étant chargé de leur évaluation annuelle il est aujourd'hui évident que la Représentation nationale se retrouve dans l'incapacité d'exercer sa prérogative .

Au-delà de l'aspect juridique pourtant essentiel c'est une question démocratique qui est aujourd'hui posée. Votre rapporteur pour avis avait appelé l'année dernière le Gouvernement « à ses responsabilités parmi lesquelles figure un devoir de transparence et de cohérence concernant l'avenir de l'audiovisuel public » . Ce devoir a été confirmé par les responsables de l'audiovisuel public européen qui ont participé au colloque organisé par votre commission de la culture le 12 juillet dernier. À cette occasion, l'administrateur général de la RTBF, Jean-Paul Philippot, avait en particulier déclaré : « Nous attendons un cadre de financement transparent et stable. Le niveau de financement est certes important, mais la stabilité est essentielle au moment où nous devons transformer nos organisations » . La pérennité du financement de l'audiovisuel public comprise comme sa prévisibilité et une certaine stabilité est devenue une dimension fondamentale de l'avenir de l'audiovisuel public. Cette dimension a cédé le pas aujourd'hui à un prisme budgétaire qui ne dialogue avec aucune autre priorité.

La question de l'avenir des COM est donc posée. Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, le directeur général des médias et des industries culturelles, Martin Ajdari, a évoqué les délais nécessaires à leur conclusion (souvent 18 mois) et le problème des dates de signature qui pouvaient interférer avec des évolutions politiques. Votre rapporteur pour avis rappelle, à cet égard, avoir proposé de synchroniser, dès 2015, les COM des différentes sociétés de l'audiovisuel public. Il remarque également que toute évolution vers une gouvernance commune permettra d'avancer vers un COM unique qui pourra constituer un véritable outil de programmation pluriannuel.

2. Un hold up annoncé sur le produit de la TOCE

Votre rapporteur pour avis regrettait l'année dernière que « l'affectation d'une partie seulement du produit de la TOCE à l'audiovisuel public laisse au Gouvernement la possibilité d'ajuster d'une année sur l'autre les moyens dévolus à l'audiovisuel public en contradiction avec la programmation prévue par les COM » . Après une première baisse l'année dernière de la part de TOCE, ramenée, dans le PLF 2018, de 164,4 M€ à 85,5 M€, votre rapporteur pour avis craignait que le reliquat de TOCE fasse « l'objet d'un « appétit » identique de la part de Bercy l'année prochaine » .

Cette prévision s'est, hélas, réalisée sans que pour autant la réforme de la CAP n'ait été véritablement mise en chantier. Dans ces conditions il n'y a pas lieu de se réjouir que le produit d'une taxe qui avait été créée en 2009 pour compenser la suppression de la publicité après 20 heures alimente aujourd'hui intégralement le budget de l'État sans aucune contrepartie pour le secteur de l'audiovisuel public à un moment où celui-ci doit faire face à des besoins considérables d'investissement dans le numérique et où son avenir apparaît étroitement lié à sa capacité à posséder des droits de diffusion de programmes nécessairement coûteux.

Ce détournement au profit du budget de l'État d'une ressource conçue pour accompagner l'audiovisuel public constitue un signe supplémentaire du prisme budgétaire qui dicte l'action du Gouvernement.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, le directeur général des médias et des industries culturelles, Martin Ajdari, a ainsi indiqué qu'il n'était plus nécessaire d'affecter à France Télévisions une part du produit de la TOCE du fait du dynamisme de la CAP d'une part et de la baisse des crédits attribués aux entreprises de l'audiovisuel public d'autre part.

La TOCE et le financement de l'audiovisuel public

La taxe est due par tout opérateur de communications électroniques, au sens de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), qui fournit un service en France et qui a fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Elle est assise sur le montant, hors TVA, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers auprès de ces opérateurs en rémunération des services de communications électroniques qu'ils fournissent.

L'article 302 bis KH du CGI prévoit que la taxe est calculée annuellement sur l'intégralité des encaissements intervenus au cours de l'année civile au titre de laquelle la taxe est due, déduction faite du montant des dotations aux amortissements en appliquant le taux de 1,3 % à la part des encaissements annuels taxables, hors TVA, qui excède cinq millions d'euros.

La TOCE ne constitue pas une taxe affectée à l'audiovisuel public. Lors de sa création en 2009 afin de compenser la disparition en soirée de la publicité sur les écrans de France Télévisions, c'est une dotation de 457,8 millions d'euros qui fut inscrite au titre du programme 313 « Contribution au financement de l'audiovisuel » de la mission Médias.

Depuis lors, selon les années, le compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public » a pu bénéficier soit d'une dotation constituant tout ou partie du produit de la TOCE, soit seulement le produit de la CAP, soit enfin - depuis 2016 - d'une part affectée du produit de la TOCE.

La suppression de l'affectation du produit de la TOCE à France Télévisions dans le PLF 2019 n'est donc pas contraire aux règles budgétaires.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

3. Une baisse des crédits qui concerne l'ensemble des acteurs

Le PLF 2018 était marqué par une répartition inégale du poids de l'effort budgétaire entre les différents acteurs de l'audiovisuel public. La baisse demandée à l'INA et à TV5 Monde était en effet limitée alors qu'Arte France et France Médias Monde voyaient leurs ressources continuer à augmenter par rapport à la loi de finances pour 2017.

La situation de Radio France était particulière puisque sa dotation de fonctionnement augmentait compte tenu, par ailleurs, d'une baisse des dépenses d'investissement du fait du report de certaines dépenses liées au chantier pour cause de retards et de problèmes avec les prestataires.

L'essentiel des efforts était, en fait, demandé à France Télévisions qui a dû, sans préavis, absorber, en 2018, un choc sur ses ressources de 30 millions d'euros . Si l'effort demandé en 2019 sera du même ordre qu'en 2018 - puisqu'il s'élève à 26 millions d'euros - il convient toutefois de rappeler qu'il est toujours plus difficile de « redoubler » un effort budgétaire puisque - par définition - les économies les plus évidentes ont déjà été réalisées. Pour autant la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, estime qu'elle sera en mesure de « tenir l'équilibre » comme c'est le cas depuis son accession à la tête du groupe public.

La véritable nouveauté tient donc au fait que les autres entreprises du service public de l'audiovisuel sont également mises à contribution . C'est le cas de Radio France dont la dotation baisse de 4 millions d'euros.

L'effort demandé à l'INA (-1,2 M€) peut sembler limité mais il n'est pas négligeable en proportion de la taille de l'établissement. Pourtant, le président de l'INA, Laurent Vallet, estime normale cette contribution à l'effort de réduction des dépenses d'autant plus que le chiffre d'affaires de l'institut progresse.

Votre rapporteur pour avis est plus réservé sur les efforts demandés à Arte France et France Médias Monde . Ces deux entreprises poursuivent des objectifs spécifiques - la promotion de la culture et de l'information à l'international - avec des résultats qui sont largement salués et leur gestion est plutôt reconnue comme sérieuse. La baisse des crédits d'Arte France de 2 millions d'euros (- 0,7 %) et de France Médias Monde pour 1,6 million d'euros (- 0,6 %) constituent donc une forme de « punition » imposée aux « bons élèves » qui apparait comme difficilement compréhensible . Au-delà de l'injustice légitime que pourront ressentir les équipes de ces entreprises, c'est le coup de frein imposé à la stratégie de ces deux acteurs qui est inquiétant, comme si la qualité des programmes illustrant la culture européenne et le besoin d'un accès à une information de référence n'avaient pas leur place dans les équations budgétaires.

La baisse de crédits de TV5 Monde de 1,2 million d'euros ne constitue pas non plus un bon signal envoyé à la francophonie, dont le Président de la République a pourtant fait une priorité.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, le 31 octobre dernier, les députés ont rejeté trois amendements présentés par George Pau-Langevin, députée socialiste de Paris. Le premier proposait d'augmenter de 5 millions les crédits de France Médias Monde, le deuxième prévoyait d'accorder 1,4 million d'euros supplémentaire à Arte et le troisième accroissait les moyens de TV5 Monde.

Lors de l'examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », le rapporteur spécial de notre commission des finances, Roger Karoutchi, a proposé un amendement « visant à redonner un peu plus d'argent à Arte et France Médias Monde, parce que ces deux sociétés ont un vrai rôle de service public » . On peut rappeler, en effet, que les programmes d'Arte sont très largement salués pour leur qualité et leur innovation, et que la chaîne diffuse aujourd'hui en six langues, ce qui illustre son dynamisme au service du plurilinguisme.

Votre rapporteur pour avis ne peut que partager le constat de notre collègue Roger Karoutchi selon lequel « Arte et France Médias Monde ont fait depuis cinq ans des efforts de gestion ; leurs coûts de fonctionnement ont été réduits de presque 25 %. Il serait anormal de leur faire subir des réductions de crédits similaires à celles qui affectent les autres acteurs. France Médias Monde joue un rôle essentiel pour la voix de la France dans le monde » .

La commission des finances a ainsi adopté un amendement qui modifie la répartition des crédits aux sociétés de l'audiovisuel public. La baisse de 2 millions d'euros de crédits de ARTE France est ainsi annulée par l'attribution d'une somme identique tandis que France Médias Monde se voit attribués 5 millions de crédits, ce qui fait plus que compenser la baisse de 1,6 million d'euros prévue par le projet de loi de finances. À noter que les 7 millions d'euros sont pris sur les crédits de France Télévisions, ce qui permettra selon le rapporteur spécial « à France Télévisions de réaliser 33 millions d'euros d'économies dès 2019 » .

B. UN SECTEUR DE L'AUDIOVISUEL ENTRE ATTENTISME, FATALISME ET ESPOIR

1. Une année blanche pour la réforme de l'audiovisuel

L'année 2018 devait être l'année de la réforme de l'audiovisuel marquée par trois événements : le dépôt au Parlement d'un projet de loi, la signature d'un accord sur la modernisation de la « chronologie » des médias et le lancement de projets communs entre les sociétés de l'audiovisuel public.

Ces trois chantiers ont rencontré des difficultés similaires en accumulant les retards alors que, pendant le même temps, les grandes plateformes américaines poursuivaient leur offensive, fragilisant de manière irrémédiable les équilibres du secteur audiovisuel.

L'ancienne ministre de la culture, Françoise Nyssen, s'est exprimée le 4 juin 2018 afin de présenter son « scénario de l'anticipation ». Elle a indiqué à cette occasion que la transformation de l'audiovisuel public était « désormais une priorité de l'exécutif » afin de « créer un média global à vocation universelle » et qu'il fallait tirer les conséquences de « l'impasse de la course à l'audience » . Elle a exprimé la nécessité que l'audiovisuel public donne davantage la parole aux territoires et annoncé un rapprochement entre France 3 et France Bleu afin de créer « un média global de la vie quotidienne » .

L'ancienne ministre de la culture, exposant la stratégie du Gouvernement, a aussi mis en avant la priorité accordée à l'éducation et à la jeunesse mais en « repensant l'équilibre entre les offres linéaires et numériques » , le Gouvernement ayant décidé de libérer « au moins le canal hertzien de France 4 » .

La nomination de Franck Riester au ministère de la culture n'a pas pour le moment eu de conséquence sur la feuille de route présentée le 4 juin dernier.

2. Les vives inquiétudes des personnels de l'audiovisuel public

Comme il a pris l'habitude de le faire chaque année, votre rapporteur pour avis a reçu les représentants des personnels de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde. Leurs réactions sont évoquées dans l'examen de la situation de chacun des opérateurs mais certaines convergences permettent néanmoins de tirer des enseignements communs.

Les représentants du personnel s'interrogent tout d'abord sur l'existence même d'une stratégie gouvernementale . Alors que la mise en oeuvre d'une ambition numérique forte est devenue indispensable et que le Gouvernement a annoncé des investissements supplémentaires à hauteur de 150 millions d'euros, la réduction des moyens apparaît contradictoire avec l'objectif recherché. Le rétrécissement du périmètre du service public (suppression de la diffusion hertzienne de France 4 et France Ô, non reconduction de contrats de diffusion de France 24 aux États-Unis) est unanimement condamné.

La réduction des moyens couplée à une absence de perspectives dans l'attente du futur projet de loi crée un climat tendu dans les différentes entreprises, qui n'est pas adouci par les interrogations soulevées par la préparation d'un plan de départs volontaires au sein de France Télévisions. Votre rapporteur pour avis a constaté une inquiétude particulière dans le discours des syndicats concernant tant l'avenir des sociétés que la préservation des métiers.

En somme, les syndicats demandent que l'actionnaire dessine un cap permettant d'affronter l'avenir et ils ne comprennent pas l'inertie dont fait preuve le Gouvernement.

3. Les préconisations de votre commission de la culture

Tout au long de cette année 2018, les membres de la commission de la culture ont plaidé pour le lancement d'une réforme ambitieuse de l'audiovisuel public . Le colloque européen organisé le 12 juillet 12 ( * ) a été l'occasion de rappeler qu' il n'était pas possible de vouloir développer une ambition en faisant l'impasse sur la question des moyens.

Dans un entretien accordé au journal Les Échos du 8 juillet dernier, la présidente de votre commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, a notamment insisté sur le fait que « l'audiovisuel public doit reposer sur un modèle économique différent de l'Internet. Il doit être détaché de la publicité, afin de renforcer son identité et de se libérer des contraintes d'audience. »

Elle a aussi insisté sur le fait qu'on ne pouvait pas supprimer une offre hertzienne, a fortiori une offre jeunesse, quand 15 % des foyers n'ont pas Internet. C'est pour cela qu'elle a demandé un moratoire sur la suppression de France 4.

Trois ans après la publication du rapport cosigné par votre rapporteur pour avis avec notre collègue André Gattolin 13 ( * ) , on peut considérer que le diagnostic n'a fait que se confirmer : les entreprises de l'audiovisuel public sont trop petites pour se forger individuellement un destin numérique face aux mastodontes qui émergent aujourd'hui . Seul un regroupement et la définition d'un nouveau modèle économique sans publicité peuvent permettre de préserver une offre alternative de qualité qui donne la priorité à l'éveil, au débat, à la culture et aux savoirs. Le rapport de 2015 fixait une échéance en 2020 pour le regroupement, il est encore temps de tenir cet objectif pour rester dans la course. Ce sera le grand enjeu de cette année 2019.

Dix enseignements pour inspirer la réforme attendue de l'audiovisuel public français

À l'issue du colloque européen organisé le 12 juillet 2018, votre commission de la culture a présenté les dix enseignements qui doivent inspirer la réforme de l'audiovisuel prévue en 2019.

Enseignement n° 1 : l'universalité demeure l'objectif principal des médias publics européens. Elle implique un accès gratuit à l'ensemble des programmes du service public afin de se distinguer des plateformes par abonnement, des chaînes payantes et des chaînes gratuites privées qui font payer l'accès à leurs programmes de manière délinéarisées.

Enseignement n° 2 : l'universalité implique aussi que les médias publics s'adressent à tous les publics sans distinction de territoires, d'opinions, de générations, d'origines... La dimension territoriale - ou locale - constitue une dimension fondamentale du service public de l'audiovisuel même si la dimension nationale demeure le cadre de référence des médias publics européens à l'exception d'ARTE qui se revendique comme le seul média européen.

Enseignement n° 3 : l'éducation et la culture constituent le second grand objectif des médias publics européens. Elles incarnent bien la spécificité de ces médias qui ne doivent pas rechercher prioritairement l'audience mais plutôt viser à fortifier le jugement des citoyens.

Enseignement n° 4 : la confiance que les citoyens peuvent avoir dans les médias publics est étroitement liée au sentiment de neutralité et d'impartialité qu'ils peuvent inspirer. Alors que la BBC veille à présenter tous les points de vue sans prendre parti, les Français sont nombreux à considérer que les médias publics français ne sont pas impartiaux, ce qui peut limiter leur légitimité.

Enseignement n° 5 : le numérique accroît considérablement l'offre de programmes et oblige en conséquence les médias publics à se rapprocher de leurs publics. Dans cette perspective, le maintien d'une offre hertzienne à destination des plus jeunes apparaît essentiel pour construire une relation de long terme.

Enseignement n° 6 : l'accès gratuit aux programmes des médias publics constitue un principe fondamental pour les médias publics européens. Le respect de ce principe pose néanmoins la question des moyens financiers dont disposent ces médias en particulier pour acquérir et conserver les droits des programmes proposés.

Enseignement n° 7 : la stabilité dans le temps des ressources des médias publics est devenue une revendication largement partagée afin en particulier de garantir leur indépendance. Elle implique une modernisation de la ressource afin de la faire évoluer vers un impôt universel ne dépendant pas de la possession d'un téléviseur ainsi que des engagements pluriannuels afin de pouvoir développer des stratégies d'entreprise indépendamment des cycles électoraux. La redevance constitue une garantie fondamentale de l'indépendance de l'audiovisuel public contrairement aux financements au travers de dotations budgétaires.

Enseignement n° 8 : la production de programmes de qualité et d'une information de référence a un coût qui n'est pas compatible avec une baisse continue des moyens. Si des gains de productivité sont possibles et nécessaires, il est essentiel de garder à l'esprit que l'existence même d'un audiovisuel public est inséparable de la mobilisation de moyens suffisants pour lui permettre d'exercer ses missions.

Enseignement n° 9 : la réduction des dépenses de fonctionnement implique un rapprochement des structures pour constituer des groupes publics qui intègrent télévision, radio et numérique. Les mutualisations peuvent être recherchées en regroupant les moyens de production de contenu d'une part et les supports de diffusion d'autre part. L'irréversible transformation numérique doit être considérée comme une opportunité pour accélérer les réorganisations et les réallocations de moyens vers les investissements technologiques et les programmes.

Enseignement n° 10 : les restructurations rendues nécessaires pour adapter l'audiovisuel public aux nouveaux défis du numérique créent des inquiétudes chez les personnels.

La mise en place de politiques de formation ambitieuses visant à favoriser la mobilité et la polyvalence sont indispensables pour permettre l'adhésion des personnels aux changements nécessaires.

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

C. UNE RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL DONT LE PÉRIMÈTRE ET L'AMBITION SE PRÉCISENT PAR PETITES TOUCHES

La réforme de l'audiovisuel public aujourd'hui en préparation concerne plusieurs aspects à la fois distincts et complémentaires. Le financement - à travers la CAP - doit être clarifié à l'aune des nouveaux usages, les structures pourraient être remises à plat afin de favoriser les mutualisations et la gouvernance mériterait d'être repensée afin d'alléger les tutelles et permettre de véritablement mettre en oeuvre une feuille de route définie par l'actionnaire.

1. Un calendrier de la réforme prévu pour aboutir début 2020

L'adoption de la révision de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) le 6 novembre 2018 par le Conseil des ministres européens - après que le Parlement européen l'a déjà fait - peut être considérée comme le lancement officiel de la préparation de la nouvelle loi audiovisuelle. Les États membres disposent maintenant de 21 mois pour transposer le texte dans leur législation nationale.

Or le Gouvernement a toujours indiqué que le projet de réforme de l'audiovisuel devrait comporter les dispositions permettant de transcrire en droit interne les dispositions de cette directive, notamment celles prévoyant l'application des règles du pays de destination en matière de financement de la création sur les plateformes de vidéo à la demande.

Interrogé par votre rapporteur pour avis, le directeur général des médias et des industries culturelles a indiqué que l'avant-projet de loi devrait être transmis au CSA en janvier, une fois le collège de celui-ci renouvelé 14 ( * ) . Il devrait ensuite soumis au Conseil d'État avant un examen en Conseil des ministres en mars ou avril. Dans cette hypothèse, les services du ministère de la culture envisagent la possibilité d'une première lecture à l'Assemblée nationale au printemps 2019.

En tout état de cause, le butoir pour l'adoption du texte serait fixé début 2020 afin de permettre aux nouvelles modalités de nomination des présidents de chaînes publiques de s'appliquer pour le renouvellement du mandat de la présidente de France Télévisions qui devrait intervenir au printemps 2020.

2. Un périmètre plutôt large pour le projet de loi qui reste à arbitrer

Le travail interministériel de rédaction du projet de loi a commencé et progresse bien selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis.

Les échanges menés avec la direction générale des médias et des industries culturelles a permis d'établir que le ministère avait retenu un périmètre assez large dans le cadre de ses travaux préparatoires .

Un premier pilier du projet de loi devrait ainsi concerner l'audiovisuel public et son organisation. La gouvernance est clairement mise en question avec l'examen des différents schémas d'organisation possibles (création d'un comité supérieur, d'une présidence commune ou d'un holding). La composition des conseils d'administration et leur mode de nomination devraient être modifiés.

Si le CSA devrait donc se voir retirer le pouvoir de nomination des présidents des entreprises de l'audiovisuel public afin de préserver sa neutralité dans l'exercice de ses fonctions de régulation il pourrait, par contre, voir son pouvoir de négociation avec les chaînes publiques renforcé.

Le projet de loi pourrait également concerner le rapprochement en cours entre France 3 et France Bleu.

Le deuxième pilier du projet de loi concernerait la création afin, notamment, de réduire les asymétries de régulation entre les différents acteurs (offres linéaires vs délinéarisées, acteurs français vs acteurs étrangers).

Ce chapitre devrait comprendre des dispositions relatives à la chronologie des médias qui seraient d'autant plus importantes qu'aucun accord n'aurait été trouvé d'ici là. Il comportera également des dispositions concernant les règles en matière de publicité.

Si le ministère n'exclut pas que le texte évoque la question de la rémunération du signal des chaînes privées en clair par les distributeurs et les fournisseurs de services de télévision par Internet, il considère possible que soient inclues des dispositions concernant la règlementation de la production audiovisuelle.

Comme attendu, ce chapitre devrait également comporter les dispositions relatives à la transcription en droit interne de la révision de la directive SMA 15 ( * ) .

Le troisième pilier du projet de loi devrait concerner la protection des publics et les nouvelles régulations afin notamment de renforcer les dispositifs permettant de lutter contre la promotion du terrorisme, les discours de haine et la diffusion de contenus pédopornographiques.

Ce chapitre devrait aussi permettre de clarifier les relations entre les différents régulateurs sans que des modalités précises soient arbitrées à ce stade. Un rapprochement entre le CSA et la HADOPI ne semble pas exclu afin de mettre l'accent contre le piratage mais l'adoption de dispositions permettant aux régulateurs de travailler de manière conjointe est également envisagée.

Ces premières indications recueillies par votre rapporteur pour avis sont plutôt de bonne augure, d'autant plus si l'on tient compte de l'expérience du nouveau ministre de la culture en matière audiovisuelle. En mettant les questions de gouvernance sur la table, les réflexions menées par le Gouvernement peuvent véritablement permettre de construire un avenir pour l'audiovisuel public. Pour autant, les arbitrages n'étant pas encore intervenu, il est trop tôt pour porter une appréciation sur la cohérence et la portée du texte qui sortira de ce travail interministériel.

3. Une « suspension » de l'indexation de la CAP en 2019

Les modalités d'établissement de la contribution à l'audiovisuel public sont déterminées par l'article 1605 du code général des impôts qui prévoit, en particulier, dans son premier paragraphe qu' « il est institué au profit des sociétés et de l'établissement public visés par les articles 44 ,45 et 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi que de la société TV5 Monde une taxe dénommée contribution à l'audiovisuel public » .

Le troisième paragraphe de ce même article prévoit, dans sa version en vigueur, que « le montant de la contribution à l'audiovisuel public est de 139 € pour la France métropolitaine et de 89 € pour les départements d'outre-mer. Ce montant est indexé chaque année sur l'indice des prix à la consommation hors tabac , tel qu'il est prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. Il est arrondi à l'euro le plus proche ; la fraction d'euro égale à 0,50 est comptée pour 1 » .

Ce sont ces modalités d'indexation qui sont remises en cause par l'article 35 du projet de loi de finances . Celui-ci prévoit que « par dérogation au dernier alinéa du III de l'article 1605 du code général des impôts, en 2019, le montant de la contribution à l'audiovisuel public n'est pas indexé sur l'indice des prix à la consommation hors tabac » .

Cette suspension de l'indexation est provisoire puisque l'article 35 du PLF ne mentionne que l'année 2019 . En théorie l'indexation prévue par l'article 1605 du code général des impôts s'appliquera donc à nouveau l'année prochaine. On peut toutefois nourrir des doutes à ce sujet car le programme de baisse des crédits prévu par le Gouvernement s'inscrit dans la durée et, compte tenu du dynamisme du produit de la CAP, il n'est pas acquis qu'une hausse du tarif de la redevance soit nécessaire en 2020. En outre, il apparaît clairement dans l'exposé des motifs de l'article 35 que la stabilisation du montant de la CAP est considérée de manière positive. La réduction des dépenses devant se poursuivre et le produit de la CAP étant amené à continuer à croître du fait des « effets d'assiette notamment liés au facteur démographique, partiellement contrebalancé par le "déséquipement" en téléviseurs » , il y a tout lieu de penser que la désindexation pourrait être reconduite.

Votre rapporteur pour avis rappelle, enfin, que le débat sur le bienfondé des modalités actuelles de l'indexation de la CAP a été relancé l'année dernière suite à la réalisation d'un rapport de la Cour des comptes. Dans ce rapport qui n'a pas été publié mais dont votre rapporteur avait obtenu copie, la Cour des comptes rappelle en effet que le montant de la CAP a évolué significativement à la hausse depuis 2009 sous le double effet de l'indexation assortie de règles d'arrondi favorables et de « coups de pouce » décidés par le Gouvernement. La Cour des comptes estime ainsi que « ces deux mécanismes, indexation et arrondis, ont produit un phénomène de surindexation de la CAP » . En particulier, l'inflation réelle entre 2007 et 2016 a été inférieure à l'inflation prévisionnelle du projet de loi de finances à six reprises sur dix ans.

La Cour des comptes en conclut qu' « en se fondant sur l'inflation réelle, la CAP en 2016 n'aurait dû être que de 124 euros, et non pas les 137 euros atteints grâce au cumul de la surindexation et des mesures "coup de pouce" » . Cette approche très favorable du calcul du montant de la redevance a permis - ajoute la Cour - de dégager, entre 2009 et 2016, un montant cumulé de ressources supplémentaires pour l'audiovisuel compris approximativement entre 1,2 et 1,3 milliard d'euros . Au final, il convient d'observer que le montant de la CAP a augmenté de 18 % de 2009 à 2016 alors que l'inflation n'a progressé que de 8 % sur cette période.

Le Gouvernement a souhaité, à l'évidence, mettre un terme à cette évolution mécanique en suspendant l'indexation dans ses modalités actuelles. Compte tenu du niveau élevé de l'inflation en 2018 qui devrait se rapprocher de 2 % cela signifie que la désindexation équivaut à une baisse de la ressource en termes réels d'environ 2 %, ce qui est considérable. Votre rapporteur pour avis considère que le mécanisme d'indexation pourrait être modifié afin d'inclure une clause de sauvegarde qui permettrait de s'assurer que la prévision d'inflation ex ante sur laquelle est établie l'indexation n'est pas démentie par le taux d'inflation réalisé.

4. Une réforme de la CAP qui pourrait attendre 2021

Votre rapporteur pour avis explique depuis plusieurs années que l'évolution des usages de la télévision, qui favorise le visionnage de contenus sur des tablettes et des smartphones, constitue une menace sérieuse pour le rendement de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), qui repose exclusivement sur la possession d'un téléviseur.

Il y a plusieurs années, le taux de possession d'un téléviseur a commencé à baisser d'un point par an. La poursuite de cette tendance constitue donc une menace certaine pour le financement des sociétés de l'audiovisuel public dans les années à venir. Seuls le dynamisme démographique et l'augmentation du nombre de foyers du fait des « décohabitations » expliquent aujourd'hui l'accroissement du rendement de la CAP.

Face au risque d'amoindrissement des ressources de l'audiovisuel public qu'occasionnerait une baisse du rendement de la CAP, une réforme de cette contribution est donc devenue nécessaire.

Votre rapporteur pour avis estime, pour sa part, que la réforme à mener doit partir du principe que chacun a aujourd'hui accès, d'une manière ou d'une autre, aux programmes de l'audiovisuel public que ce soit à travers un récepteur de télévision traditionnel, un poste de radio, un ordinateur, une tablette ou un smartphone . En partant de ce principe, votre rapporteur pour avis a proposé, dès 2015, de substituer à la redevance qui repose sur la détention d'un matériel physique une taxe applicable à tous les foyers comme cela se pratique en Allemagne et en Suisse.

Afin de rendre la réforme de la CAP la plus acceptable possible, votre rapporteur pour avis avait proposé, en 2017, que cette réforme intervienne en début de quinquennat, lorsque les échéances électorales sont lointaines et que la volonté d'agir est à son sommet. Il avait également formé le voeu que cette réforme respecte un principe de neutralité , l'élargissement de l'assiette facteur de hausse du produit étant compensée par une baisse du tarif de 4 ou 5 euros qui profiterait à la grande majorité des foyers aujourd'hui assujettis . Un tel ajustement permettrait de moderniser la CAP pour l'avenir sans donner le sentiment qu'un surcroît de recettes viendrait amoindrir les réformes à conduire dans chacune des entreprises de l'audiovisuel public.

Une réforme « à l'allemande » de la CAP recueille aujourd'hui l'assentiment de nombreux intervenants que ce soit au sein des entreprises de l'audiovisuel public ou à l'Assemblée nationale. Dans leur récent rapport 16 ( * ) , Pierre-Yves Bournazel et Aurore Bergé ont suggéré (proposition n° 14) « universaliser l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public, par le biais d'une contribution forfaitaire par foyer, tout en maintenant son montant et en étendant aux nouvelles personnes assujetties à son paiement les exonérations sous conditions de ressource » . La proposition des deux députés de maintenir le niveau de CAP est justifiée par une autre proposition (n° 15) de suppression de la publicité sur Radio France et France 5.

Même si votre rapporteur pour avis préférerait que le produit de la TOCE soit consacré à compenser la suppression de la totalité de la publicité sur les chaînes du service public, il ne peut que saluer la direction prise par ce rapport en faveur d'un allègement de la présence de la publicité sur les antennes publiques. À défaut d'une suppression totale, une suppression par étape pourrait en effet constituer une méthode possible qui ne saurait être négligée compte tenu des enjeux budgétaires de la réforme.

Votre rapporteur pour avis se réjouit que le rapport de l'Assemblée nationale établisse bien un lien entre la réforme du financement de l'audiovisuel public et la qualité des programmes de ce dernier qui dépend aussi de la place accordée à la publicité sur ses antennes. Les deux aspects sont en effet indissociables ce qui justifie de mener une réforme systémique.

Les recommandations rejoignent d'ailleurs les propositions faites il y a maintenant trois ans dans le cadre des travaux menés avec notre collègue André Gattolin qui plaidaient pour une réforme de la CAP « l'allemande », la suppression de la publicité sur le service public, le développement d'une production audiovisuelle dépendante pourvoyeuse de droits et une réforme de la gouvernance.

Si cette réforme systémique apparaît toujours aussi nécessaire, on perçoit la tentation, au sein du Gouvernement, de dissocier le rythme de la réforme de l'audiovisuel en 2019 de celle de la CAP, qui pourrait être reportée à 2021. Lors du débat à l'Assemblée nationale, le ministre de la culture, Franck Riester a ainsi plaidé pour que le Gouvernement dispose de suffisamment de temps pour préparer la réforme de la CAP en indiquant par ailleurs que le produit de cette contribution resterait dynamique jusqu'en 2021. La DGMIC a également indiqué à votre rapporteur pour avis qu'il n'y avait pas d'urgence à réformer la CAP, son produit étant garanti dans les prochaines années. Par ailleurs, selon le directeur général des médias et des industries culturelles « l'agenda fiscal est déjà chargé, les dépenses baissent donc il n'y a pas de problème de financement » . Martin Ajdari a également indiqué à votre rapporteur pour avis que c'est la suppression de la taxe d'habitation en 2021 qui obligerait à modifier la CAP et que cette réforme ne figurerait pas dans le projet de loi de réforme de l'audiovisuel.

Un rapport sur la réforme de la CAP adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement

L'Assemblée nationale a adopté le 31 octobre dernier, à l'issue de l'examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », un amendement de la rapporteure spéciale de la commission des finances, Marie-Ange Magne, ayant pour objet de demander un rapport au Gouvernement sur la réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), qui devra être remis au Parlement avant le 1 er juin 2019.

La rapporteure spéciale de la commission des finances a indiqué à cette occasion que « deux raisons incitent en effet à une inscription de cette réforme dans le prochain projet de loi de finances : d'une part, la suppression complète de la taxe d'habitation annoncée par le Président de la République au plus tard pour 2021 conduira à la disparition du vecteur de recouvrement de la CAP ; d'autre part, la transformation des modes de consommation - je pense aux contribuables qui consomment par voie numérique les contenus audiovisuels proposés - crée un problème d'équité. Il s'agit ainsi d'engager suffisamment en amont les réflexions nécessaires à l'inscription de cette réforme dans le PLF pour 2020 » .

À l'occasion du débat, le ministre de la culture, Franck Riester, a indiqué que le rendement de la CAP « est très dynamique, comme le montrent les prévisions pour 2019, et est assuré jusqu'en 2021, année de la suppression définitive de la taxe d'habitation. Nous avons donc le temps d'anticiper la substitution de cette redevance » . Le ministre a indiqué ensuite que le Gouvernement avait besoin de temps pour conduire une réflexion interministérielle et que, dans ces conditions, « la remise d'un rapport ne (...) semble donc pas la meilleure façon de procéder » .

Le débat a donc montré une différence d'approche très nette entre le Gouvernement qui estime qu'il n'y a pas d'urgence à réformer la CAP avant 2021 et les députés qui ont évoqué la nécessité d'anticiper les évolutions à venir dès 2019 et 2020. La demande de rapport a ainsi été adoptée contre l'avis du Gouvernement.

Source : débats Assemblée nationale

Votre rapporteur pour avis comprend les interrogations que peut avoir le Gouvernement sur la création d'une nouvelle taxe universelle à un moment où l'attention des Français est déjà mobilisée par la hausse des taxes de toutes sortes. Il est d'ailleurs assez habituel pour un Gouvernement de se poser ce type de questions comme l'illustrent les annonces faites en 2014 de réforme de la CAP qui n'ont pas été suivies d'effet pour les mêmes raisons de prudence.

Pour autant votre rapporteur pour avis observe qu'il est peu probable que la situation en 2021 se révèle plus favorable à une réforme fiscale de ce type . En outre, il convient de rappeler que l'expérience des États-Unis a montré que le décrochage du produit de la redevance pouvait être très brutal lorsque se développe l'adoption de nouveaux comportements comme le recours à des techniques permettant de visionner des programmes directement sur Internet (« over the top ») sans passer par les boxes des opérateurs et donc potentiellement sans poste de télévision.

III. L'ANALYSE DES CRÉDITS PAR OPÉRATEURS

La loi de finances pour 2018 avait prévu des baisses de crédits pour France Télévisions, Radio France, TV5 Monde et l'INA tandis qu'Arte et France Médias Monde voyaient leurs dotations progresser par rapport au PLF 2017 mais moins que l'objectif inscrit dans le COM.

Les baisses de crédits décidées en 2018 n'étaient donc pas appliquées de manière « arithmétique » mais tenaient compte de la situation propre à chaque société. Les deux sociétés Arte et France Médias Monde étaient préservées « à la mesure de leurs efforts en matière de gestion, de la qualité des projets et des résultats qu'elles ont obtenus » .

Le PLF 2019 marque, à cet égard, une rupture puisque les crédits de toutes les sociétés de l'audiovisuel public diminuent ainsi que ceux de l'INA sans véritable distinction en fonction des projets et des résultats. C'est, en somme, la technique du rabot qui est appliquée.

Si l'on considère que les crédits du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » sont en baisse de 0,9 % , on peut estimer que le rabot frappe France Télévisions de manière neutre avec des crédits en baisse de - 1 %. Trois sociétés sont traitées de manière plus favorable : Arte (- 0,7 %), Radio France (- 0,7 %) et France Médias Monde (- 0,6 %). Deux établissements sont touchés de manière proportionnellement plus sévère : l'INA (- 1,4 %) et TV5 Monde (- 1,6 %).

A. FRANCE TÉLÉVISIONS : UNE BAISSE DES CRÉDITS AVANT RÉDUCTION DU PÉRIMÈTRE

Les moyens de France Télévisions inscrits au programme 841 connaissent une baisse de 24,79 millions d'euros. Cette baisse est la résultante de la suppression de la part de TOCE de 85,5 millions d'euros attribuée en 2018, compensée pour une partie seulement par une hausse des crédits issus du produit de la CAP, à hauteur de 60,746 millions d'euros.

1. Une nouvelle baisse des crédits budgétaires en 2019

Le PLF 2018 avait marqué une rupture dans les moyens attribués à France Télévisions. Après une hausse des moyens de 38,7 millions d'euros en 2017, le groupe public avait dû faire face à une baisse de sa dotation de 47,8 millions d'euros par rapport au COM. La part de TOCE attribuée à FTV a ainsi été ramenée de 166,06 millions d'euros à 86,4 millions d'euros. L'entreprise estimait cette année que, compte tenu de l'évolution endogène de la masse salariale et des hausses de prix intégrées à de nombreux contrats signés par le groupe, l'effort budgétaire demandé s'établissait à 75 millions d'euros au minimum.

Votre rapporteur pour avis observait l'année dernière que cette réduction de moyens même si elle se justifiait par des exigences croissantes de rigueur gestionnaire « n'en était pas moins problématique puisque les objectifs et les missions fixés à la société par son actionnaire n'ont pas été clarifiés » .

À l'occasion du PLF 2019, l'entreprise est confrontée à la volonté de son actionnaire de réduire son périmètre et à devoir faire face à une nouvelle réduction de ses moyens.

a) Une situation financière « tendue » en 2018

Le groupe France Télévisions navigue aujourd'hui encore entre deux eaux :

- les eaux « chaudes » du COM 2016-2020, qui prévoyait une hausse continue des ressources, de 2 509,8 millions en 2016 à 2 568,7 millions d'euros en 2019 avec des efforts limités en termes de réorganisations et de mutualisations ;

- et les eaux beaucoup plus « froides » de l'ajustement budgétaire engagé depuis 2018 qui s'appuie également sur une réduction du périmètre du groupe, les choix stratégiques étant reportés à l'annonce du futur projet de loi de réforme de l'audiovisuel.

Il ressort de cette situation que le groupe public doit « courir » derrière les décisions de son actionnaire sans véritablement pouvoir se réorganiser en fonction d'un objectif de moyen terme . Les équipes de France Télévisions doivent s'adapter en permanence à un contexte défavorable sans aucune perspective d'amélioration et en essayant de préserver quelques projets mobilisateurs. Le report de la réforme de la CAP à 2021 au plus tôt constitue un signal supplémentaire de ce que l'incertitude demeurera la marque de l'écosystème du groupe pour plusieurs années encore.

Il n'est pas simple, dans ces conditions, de gérer une entreprise aussi complexe que France Télévisions et la présidente du groupe a fait, à juste titre, de l'équilibre des comptes de l'entreprise un principe non négociable. L'examen des comptes de l'entreprise illustre l'absence de réelles marges de manoeuvre et l'exploitation de toutes les possibilités pour parer à toutes les vicissitudes de la vie d'une entreprise.

Au final, la capacité d'autofinancement dégagée en 2017 et 2018 permettra de financer intégralement les investissements du groupe ainsi que l'évolution de son besoin de fonds de roulement et des stocks ce qui constitue un signe de solidité de l'entreprise. A contrario , le service de la dette immobilière mobilise depuis deux ans des crédits importants. Il en résulte une dégradation de la trésorerie, qui devrait être négative à la fin de l'exercice 2018 dans une proportion qui permettra cependant une prise en charge par les lignes de crédit court terme du groupe. Ces quelques remarques comptables permettent de mesurer le caractère « tendu » de la situation financière de France Télévisions et la difficulté réelle à laquelle l'entreprise devra faire face en 2019 dans une situation marquée par une incertitude persistante.

Les chiffres clés de France Télévisions en 2018

Le groupe France Télévisions devrait maintenir en 2018 l'objectif d'équilibre du résultat d'exploitation (+ 1 M€) et du résultat net (+ 0,7 M€). Cet équilibre a été rendu possible par la hausse des ressources publicitaires de 8,4 M€ et par une hausse du résultat des autres activités de 10 M€ du fait en particulier du report du projet de plateforme SVOD.

Dans le détail, le montant des concours publics s'établit à 2 517 M€ en 2018 (- 31,2 M€ par rapport à 2017) auxquels il convient d'ajouter 341 M€ de recettes de publicité et de parrainages (+ 8,4 M€). À noter que la publicité baisse sensiblement à 244 M€ contre 263 M€ en 2017 tandis que le parrainage augmente à 79 M€ contre 66 M€ en 2017. A ces 323 M€ de recettes obtenues sur la télévision il convient d'ajouter 18 M€ de recettes issues d'Internet qui portent le total diffuseur + Internet à 341 M€.

L'augmentation du parrainage (+ 11,3 M€ soit 18 %) s'explique par l'optimisation par la régie de l'assouplissement de la réglementation et l'effet « Jeux olympiques d'hiver 2018 ». Elle permet de compenser la baisse de la publicité (- 3 M€ soit - 1 %). La publicité sur Internet augmente également de 0,8 M€.

Le coût des antennes (2 428,3 M€) est en baisse par rapport à 2017 (2 428,3 M€) en dépit d'une hausse du coût de grille plus élevée que prévue qui s'explique par un maintien des dépenses en faveur du sport à un niveau élevé (200 M€) du fait des difficultés rencontrées pour vendre des droits. Si le programme régional reste stable à 376 M€, le programme national est en baisse sensible à 1 019 M€.

Concernant l'évolution des effectifs, la projection sur 2018 est en ligne avec les hypothèses budgétaires avec 9 669 ETP soit une baisse de 821 ETP depuis 2012.

Source : France Télévisions

b) Des arbitrages délicats pour réduire les dépenses de 160 millions d'euros d'ici 2022

Le groupe France Télévisions doit construire son budget pour 2019 en accusant une nouvelle baisse de crédits à hauteur de 26 millions d'euros. Alors qu'il n'était pas précisé, en 2018, que la baisse de crédits avait vocation à se reproduire en 2019, le Gouvernement a désormais décidé une trajectoire pluriannuelle de baisse des crédits pour France Télévisions à hauteur de 160 millions d'euros d'ici 2022 .

Votre rapporteur pour avis ne conteste pas le bienfondé de la réduction des dépenses de France Télévisions puisqu'il a souvent eu l'occasion d'indiquer que le téléspectateur pouvait avoir le sentiment de « ne pas en avoir pour son argent ». Mais, sur le fond, la méthode employée pour déterminer l'avenir de cette grande entreprise ne cesse de surprendre. Le service public joue un rôle fondamental pour défendre des valeurs, proposer un accès à la culture et à l'éducation et protéger les publics vis-à-vis des excès de la télévision commerciale et sa trajectoire budgétaire ne peut obéir à la seule logique comptable.

Au lieu de s'interroger sur les missions de l'audiovisuel public, de réfléchir sur l'avenir de ce secteur qui est aujourd'hui traversé par une crise profonde du fait des progrès de la délinéarisation et, en un mot, de définir une nouvelle ambition, c'est pourtant une vision principalement comptable que le Gouvernement semble privilégier alors qu'elle ne permet pas de dessiner un projet d'avenir pour France Télévisions .

La réforme de l'audiovisuel public qui devrait être au coeur du projet de loi attendu en 2019 aura précisément pour rôle de porter une nouvelle ambition et il aurait été raisonnable de saisir cette occasion pour redéfinir les missions, les priorités puis, seulement, les moyens. Aujourd'hui, la potion budgétaire amère administrée à France Télévisions a d'abord une vertu d'exemple sinon de punition . Alors que cette entreprise a pu ces dernières années donner le sentiment de vouloir décider elle-même des moyens dont elle souhaitait disposer - c'est le fameux « fromage et dessert » - l'État donne le sentiment de vouloir reprendre en main la situation pour réaffirmer sa prééminence . Si les décisions de l'actionnaire doivent s'imposer au management, l'audiovisuel public appartient en réalité à la nation dont le Parlement est l'expression naturelle. Il n'est pas optimal, dans ces conditions, que des choix stratégiques soient actés préalablement au débat parlementaire.

Cette « méthode » gouvernementale a, en outre, pour effet d'accroître l'inquiétude des salariés quant à l'avenir de l'entreprise. Auditionnés par votre rapporteur pour avis le 10 octobre dernier, les syndicats de France Télévisions lui ont fait part de leurs craintes face au montant des efforts financiers demandés . La CGT désapprouve la perte de légitimité qui transparaît à travers la réduction annoncée du périmètre. La baisse des investissements semble également contradictoire avec la nécessité pour le groupe de renforcer sa présence dans le numérique. FO explique que le climat social est devenu « extrêmement tendu » et que les économies exigées pèsent sur les salariés qui se demandent « qu'est-ce qu'il va se passer ? » .

Les représentants des salariés de France Télévisions ont été informés de la préparation d'un plan de départs volontaires (PDV). L'existence de ce plan a été confirmée à votre rapporteur pour avis par la DGMIC. Il pourrait concerner plusieurs centaines de salariés et bénéficier d'un accompagnement de l'État mais pas à travers le fonds dédié à la transformation de l'action publique.

En mettant en avant la baisse des effectifs sans avoir pu encore préciser les objectifs, l'entreprise est confrontée à une inquiétude grandissante des salariés qui sont en attente de mesures concrètes pour poursuivre la transformation des métiers . Pourtant, un plan de départs volontaires - pour autant qu'il soit financé - pourrait permettre de résoudre une difficulté de l'entreprise qui est le manque de renouvellement de son corps social alors même que le développement numérique doit reposer sur les « millenials » .

En fait, les impératifs budgétaires de court terme donnent le sentiment de « percuter » des chantiers de plus long terme déjà engagés mais qui ont besoin de temps pour avancer. C'est notamment le cas du rapprochement entre France 3 et France Bleu qui selon FO nécessite une convergence des conventions collectives des deux entreprises et plus généralement des conditions de travail qui doivent évoluer.

Pour la CFDT, « il manque un cap, une vision stratégique » . Le syndicat déplore que les salariés ne soient pas véritablement associés à la stratégie numérique car « toutes les plateformes sont développées à l'extérieur de l'entreprise » .

Le SNJ de France Télévisions partage le constat de salariés « déboussolés » qui sont « pris dans une lessiveuse qui tire dans tous les sens » . Cette crainte concerne également les journalistes qui se demandent s'ils pourront préserver la pratique de leur métier et la crédibilité de l'information publique. Le SNJ insiste sur le fait que la radio filmée peut être source d'appauvrissement, « l'information n'étant pas traitée de la même façon sur les différents supports » .

Les syndicats de France Télévisions sont par ailleurs unanimes à regretter que l'entreprise ne bénéficient pas des droits sur les programmes qu'elle finance. La CGT déplore notamment que France Télévisions soit contrainte de limiter à deux ses diffusions alors que la BBC possède les droits de 50 % des productions qu'elle finance. Pour FO également, il apparait indispensable de réformer le régime des droits audiovisuels.

Faute de pouvoir s'appuyer sur des évolutions législatives ou des négociations professionnelles concernant par exemple la réglementation des droits, la direction de France Télévisions doit continuer à actionner les leviers à sa disposition. Ce peut être difficile - comme en matière de droits sportifs qui ne trouvent pas preneurs au tarif proposé - mais il n'existe pas d'alternative puisque la baisse de crédits de 26 millions d'euros correspond en réalité à un effort de 50 millions d'euros si l'on tient compte du glissement de la masse salariale et des obligations contractuelles (loyers...) .

La présidente de France Télévisions rappelle que l'effort à réaliser s'élève à 360 millions d'euros sur quatre ans tout en préservant les investissements consacrés à la jeunesse, à la culture et à la création. Afin de pouvoir tenir cet objectif, France Télévisions compte s'appuyer sur une nouvelle organisation qui mettra un terme à des directions de chaînes séparées jusqu'à présent « en silos ». Les crédits consacrés aux programmes « hors information » seront gérés de manière centralisée afin de mieux gérer les dépenses et éviter les doublons coûteux. Les reports de programmes de France 4 sur France 3 et France 5 devraient également réduire les besoins en programmes de flux d'autant plus que France 3 doit tripler le volume horaire consacré quotidiennement aux programmes locaux.

2. Deux réalisations à mettre au bilan des équipes de France Télévisions
a) Le succès de la plateforme de France Info

La chaîne d'information continue de rencontrer des difficultés dans un contexte hyperconcurrentiel. Son positionnement sur le canal 27 de la TNT constitue un désavantage qui n'est pas compensé par l'absence de publicité. Si l'audience globale se situe autour de 0,3 % contre 0,6 % pour LCI et CNews, l'écart reste considérable avec BFM TV qui dépasse les 2 % d'audience. Dans le détail, il faut toutefois noter que les performances de la matinale sont appréciables avec une audience moyenne de 1,6 %.

Les équipes de Franceinfo estiment que les résultats progressent grâce à un écosystème vertueux dans lequel la chaîne de télévision, la radio et la plateforme numérique se renforcent mutuellement . La plateforme serait quant à elle en tête des sites d'information.

Cependant, il est toujours aussi difficile de pouvoir disposer d'une estimation du coût total de cette chaîne, le coût direct restant estimé à une vingtaine de millions d'euros. Votre rapporteur pour avis estime, par ailleurs, légitime la question posée de regrouper les chaînes d'information dans la numérotation de la TNT pour autant que serait préservée la chaîne parlementaire sur le canal 13 qui contribue de manière originale et irremplaçable au débat citoyen.

b) Un nouveau feuilleton jugé « qualitatif »

Le lancement d'un nouveau feuilleton quotidien - « Un si grand soleil » - en début de soirée après le journal constituait un pari osé pour France Télévision. Les premiers résultats sont plutôt encourageants même si un tassement de l'audience, prévisible, est intervenu. Le 12 novembre dernier, le feuilleton a obtenu 15,1 % de part d'audience (pda) ce qui représente 3,75 millions de téléspectateurs. Ce chiffre de 15 % prolonge les résultats obtenus en octobre mais tranche avec les résultats de septembre qui oscillaient plutôt entre 16 et 18 % tandis que le lancement fin août avait connu des scores compris entre 18,8 % pour l'épisode 1 et 20,7 % pour l'épisode 5.

Ces performances sont à rapprocher de celles du feuilleton de TF1 « Demain nous appartient » qui réalisait 18,5 % de pda le 12 novembre dernier. Les audiences des deux feuilletons sont en fait conformes aux performances des deux chaînes. Pour France 2, l'audience du feuilleton est supérieure d'un point à la moyenne de la chaîne et permet de structurer la soirée.

Sur le plan de la qualité, le nouveau feuilleton de France 2, produit en interne, supporte la comparaison avec ses concurrents sans toutefois se distinguer par son originalité . Son coût est estimé à 100 000 € par épisode pour 260 épisodes par saison. L'aspect le plus intéressant réside sans doute dans la réussite de l'internalisation du processus industriel de fabrication. Les professionnels du secteur étaient dubitatifs sur la capacité du groupe à construire une telle capacité industrielle qui nécessite la mise en place de plusieurs équipes d'écriture (un équipe s'occupe de l'histoire et plusieurs des dialogues) et l'organisation de tournages complexes. Dix épisodes sont ainsi tournés tous les dix jours avec plusieurs équipes. Ce nouveau feuilleton par son volume de production permet à la France de passer la basse des 1 000 heures de production annuelles. Cette acclimatation d'un processus complexe n'aurait sans doute pas été possible sans l'expérience acquise avec le feuilleton « Plus belle la vie », de nombreux professionnels ayant été recrutés par ailleurs pour développer le nouveau projet.

Ce nouveau feuilleton produit en interne s'inscrit dans le quota de production dépendante de France Télévisions. Le groupe conservera donc les droits de ce programme et pourra également le proposer sur des supports délinéarisés. Sa commercialisation à l'étranger profitera également aux finances de l'entreprise. La possibilité de vendre ce programme à l'étranger reste toutefois à confirmer puisque seules la Suisse et la Belgique ont aujourd'hui montré leur intérêt. Le programme étant déjà accessible sur France 2 dans ces pays cela pourrait toutefois réduire le prix d'acquisition.

Enfin, France Télévisions comme TF1 et M6 s'inquiètent de la remise en cause par le CNC du régime des aides dont bénéficient les feuilletons quotidiens . L'enjeu est d'importance puisque cette enveloppe est estimée à 6 à 8 millions d'euros par chaîne et qu'elle fait partie intégrante du modèle économique du programme. Votre rapporteur pour avis ne peut que s'étonner du fait que le CNC envisage de réduire le soutien à un genre qui était notoirement sous-développé dans notre pays au détriment de toute la filière audiovisuelle française.

3. Une stratégie numérique qui peine à émerger
a) Un nouveau projet de plateforme SVAD commun avec TF1 et M6

L'année 2018 a vu l'abandon du projet de plateforme SVAD propre à France Télévisions. Ce projet visait, en particulier, à diversifier les ressources du groupe public.

Dès l'annonce de ce projet, votre rapporteur pour avis avait eu l'occasion de s'inquiéter des conséquences de cette initiative notamment au regard de son coût. Son abandon en mars 2018 a mis en évidence les nombreux doutes concernant la faisabilité d'une telle plateforme. Ce sont, en fait, les difficultés technologiques rencontrées dans le développement de la plateforme et la complexité des négociations avec les ayants droits des programmes prévus pour alimenter cette offre qui auront eu raison de cette aventure en solo.

Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer la sage décision ayant consisté à renoncer à un projet dont le coût n'était pas négligeable (18 millions d'euros pour la seule phase de lancement) et qui reposait sur des hypothèses en termes de nombre d'abonnés très optimistes.

Il convient toutefois de rappeler que la situation du groupe France Télévisions n'est pas simple au regard du numérique. L'entreprise n'a pas aujourd'hui la taille critique pour proposer une stratégie et une offre autonomes. L'absence de maîtrise des droits attachés aux programmes qui est le fruit d'une réglementation dépassée empêche en particulier toute création d'une plateforme concurrente à Netflix . Par ailleurs, alors que 56 % des Français 17 ( * ) souhaiteraient pouvoir disposer d'un accès gratuit à tous les contenus de l'audiovisuel public sur une même plateforme, un tel projet ne constitue pas une priorité pour les opérateurs concernés sans doute parce qu'il remettrait en cause trop de structures existantes.

Dans ces conditions, France Télévisions se trouve obligé de trouver des alliés pour constituer une offre, à défaut de mener une véritable stratégie propre. Or, l'État est actionnaire à 100 % du groupe de télévision publique et contrôle plus de 20 % d'Orange 18 ( * ) qui possède une plateforme OCS dont la qualité est reconnue. On peut rappeler à cet égard le rôle joué par les équipes techniques de l'opérateur de télécommunications pour créer la plateforme de rattrapage du groupe public il y a quelques années. On aurait ainsi pu imaginer que des coopérations se nouent entre ces deux grandes entreprises du fait de leur grande complémentarité et de leur actionnaire commun. Pourtant il n'en est rien et France Télévisions a préféré se rapprocher des groupes privés TF1 et M6 pour annoncer la création d'une plateforme commune dénommée SALTO.

Cette future plateforme annoncée en juin dernier doit permettre, selon ses initiateurs, de proposer « une offre d'une variété sans égal : information (JT, magazines, événements spéciaux), sports, divertissements, fictions françaises, série US, documentaires et cinéma » 19 ( * ) . Elle permettra de « retrouver tous les meilleurs programmes de télévision (le direct et le rattrapage), mais aussi de découvrir des programmes inédits » .

Une des caractéristiques du projet tient au fait qu'il s'agira d'une plateforme par abonnement. Un certain flou subsiste sur les tarifs de cette future offre ainsi que sur l'existence d'une partie gratuite 20 ( * ) . Il est raisonnable de penser que le projet aujourd'hui ne comprend que des offres payantes puisque les initiateurs ont indiqué que « cette nouvelle offre s'articulera de la meilleure manière avec les plateformes gratuites existantes : MYTF1, 6Play et France.tv. » et que « SALTO proposera plusieurs formules d'abonnement pour tenir compte des besoins de chacun » .

Votre rapporteur pour avis ne peut que réitérer son étonnement que le groupe public axe sa stratégie numérique principalement sur une offre payante développée avec des acteurs privés en contradiction avec les fondements même d'un service public de l'audiovisuel . L'absence de débat autour de cette initiative apparaît également comme surprenante compte tenu de l'importance des critères de l'universalité et du libre accès dans la définition même du service public. Cette question n'est pas secondaire puisque la BBC, par exemple, exclut la possibilité de proposer des offres payantes aux citoyens britanniques ainsi que l'a déclaré son président, Sir David Clementi, lors du colloque organisé au Sénat en juillet dernier 21 ( * ) .

On ne peut, bien sûr, ignorer les difficultés pour les acteurs français à proposer une offre gratuite du fait de la faiblesse des droits détenus par les éditeurs de programmes qui nécessite de rémunérer les producteurs pour l'exposition de leurs oeuvres sur une plateforme comme SALTO. Mais comment ne pas voir, par ailleurs, que le développement d'une offre payante par France Télévisions risque d'affaiblir significativement la légitimité même de l'existence d'une redevance aux yeux des Français ? Comment renforcer par ailleurs la spécificité du service public si ses programmes sont « mélangés » avec ceux du privé ? Qu'adviendra-t-il enfin de la stratégie numérique de France Télévisions si cette dernière devait à terme céder ses parts dans cette entreprise comme cela fut le cas dans TPS 22 ( * ) il y a quelques années ?

Votre rapporteur pour avis ne peut que réitérer ses doutes quant au projet de plateforme SALTO qui ne présente aucune garantie de pérennité (le service public y est minoritaire) et d'attractivité (il ne dispose d'aucun budget propre pour développer la création) . Par ailleurs, le plan de développement de ce nouveau service est encore embryonnaire puisque les initiateurs du projet doivent encore obtenir des autorisations de la part des régulateurs. La présidente de France Télévisions a indiqué à votre rapporteur pour avis que la pré-notification concernant la création d'une filiale commune devrait être adressée à Bruxelles avant la fin du mois d'octobre et que la décision était attendue pour l'été 2019. La date de mise en service de cette nouvelle plateforme n'est donc pas aujourd'hui précisément arrêtée.

En outre, les délais de création de SALTO apparaissent peu satisfaisants au regard de l'évolution du marché de la télévision délinéarisée. Chaque mois Netflix gagne des millions d'abonnés dans le monde (+7 millions au troisième trimestre 2018) ce qui lui permet d'annoncer l'investissement de plusieurs milliards d'euros dans des créations exclusives. D'ici la fin 2019, la situation aura donc beaucoup évolué avec un poids encore plus important des grandes plateformes américaines (Warner et Disney préparent également des projets de plateformes) qui réduira d'autant l'espace pour une offre nouvelle et disposant de peu d'exclusivités.

Votre rapporteur préférerait pouvoir saluer ce projet qui a pour objectif d'exposer au mieux des oeuvres françaises. C'est pour cela qu'il réitère son souhait que la réglementation de la production audiovisuelle et du cinéma (cf. chronologie des médias) soit modernisée en 2019.

b) Des coopérations dans la culture et la jeunesse qui tardent à se concrétiser

L'ancienne ministre de la culture a annoncé, le 4 juin dernier, plusieurs projets de coopération entre les entreprises de l'audiovisuel public.

Elle avait d'une part annoncé le lancement, avant fin juin, d'un nouveau média des arts et de la culture, rassemblant des centaines d'heures de captations, des podcasts, des webseries à partir des offres des six sociétés ainsi qu' « une offre jeunesse commune à Radio France, France Télévisions et France Médias Monde avec des formats courts et innovants ».

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Delphine Ernotte a évoqué le lancement d'un média social de la culture pour toucher les jeunes avant un regroupement des plateformes culturelles. Elle a indiqué que les échanges sur ces projets « se passaient plutôt très bien ».

Concernant l'offre jeunesse, la présidente de France Télévisions a déclaré qu'un travail collaboratif était en cours mais que les différents acteurs n'avaient pas encore arrêté le périmètre de cette offre en fonction des âges des publics visés.

Votre rapporteur pour avis ne peut que constater les difficultés des entreprises de l'audiovisuel public à répondre aux demandes de leur actionnaire. Ces retards mettent en évidence la difficulté, déjà apparue dans le cadre du projet de chaîne d'information, à mener des projets sans gouvernance commune associant des acteurs qui ne partagent pas nécessairement les mêmes objectifs.

4. Des modifications de périmètre envisagées de manière précipitée

L'annonce, au printemps dernier, de la suppression de la diffusion hertzienne de France 4 et de France Ô fait débat. Cette interruption de service ne devrait pas intervenir avant 2020 au plus tôt selon la direction de la chaîne car « il faut du temps pour construire de nouvelles offres » .

a) La nécessité de préserver les moyens globaux de l'audiovisuel ultramarin

Votre rapporteur pour avis estime que France 4 et France Ô ne doivent pas être mis sur le même plan.

France Ô n'a jamais trouvé son public et ses rares performances en termes d'audience étaient obtenues par la rediffusion de séries n'ayant pas de rapport avec la thématique de la chaîne.

Le sujet, à travers la suppression de la diffusion de France Ô, est d'abord celui du renforcement des moyens des antennes ultramarines afin qu'elles soient davantage accessibles de manière délinéarisée. Les économies attendues de l'interruption de la diffusion hertzienne ne devraient pas être considérables puisque France Ô ne bénéficiait pas d'un signal HD de plein exercice.

b) L'erreur stratégique du projet d'arrêt de diffusion hertzienne de France 4

La situation de France 4 est très différente puisque cette chaîne était dédiée à la jeunesse en journée. Votre rapporteur pour avis ne peut que partager l'analyse des professionnels, qui, à l'image de Marc de Pontavice, producteur de films d'animation, déclarait il y a peu que le fait de « fermer brutalement une chaîne linéaire du service public - la deuxième chaîne française pour les enfants en termes d'audience - était une erreur profonde car les usages ne sont pas encore là » 23 ( * ) . Selon ce professionnel, il ne sera pas possible de transférer les 4 000 heures de programmes destinés à la jeunesse sur France 3 et France 5 qui n'en diffusent chacune que 700 heures. Par ailleurs il insiste sur le fait que « les enfants regardent les programmes uniquement sur des chaînes qui leur sont dédiées » . Les professionnels sont également très sceptiques sur la capacité de FTV à créer une plateforme dédiée à la jeunesse dans un délai raisonnable et satisfaisant les standards d'ergonomie.

Dans ces conditions, le risque est grand que le public « jeunesse » migre massivement vers les plateformes qui comprennent qu'une offre jeunesse est décisive pour capter et fidéliser des abonnés. Un réexamen de cette décision est indispensable car elle ne se justifie ni sur le plan éditorial ni sur le plan budgétaire puisque les économies attendues se limitent aux frais de diffusion soit 6 millions d'euros par an , le coût de la grille (25 millions d'euros par an) n'étant pas appelé à baisser du fait des investissements prévus en faveur de la jeunesse sur les autres chaînes et sur le numérique.

B. ARTE-FRANCE : UNE BAISSE DES CRÉDITS INÉDITE ET PEU JUSTIFIÉE

1. Une stratégie de diffusion multilingue et multi-supports

Depuis plusieurs années, les résultats d'ARTE sont particulièrement satisfaisants et de nombreux projets sont lancés qui devraient permettre à la chaîne de conquérir de nouveaux publics, en France et en Allemagne, mais également dans plusieurs autres pays européens. L'audience, en particulier, reste élevée à 2,5 % de pda environ.

Le succès s'appuie sur des programmes originaux et variés. Ainsi, la tranche info de 19h45 a trouvé un ton et un style de grande qualité. L'information est devenue « la colonne vertébrale » de la chaîne selon Véronique Cayla, l'audience connaissant des pics à 3 % ou 4 % en début de soirée lors du journal et de l'émission « 28 minutes ».

Les reportages sont également appréciés de même que les soirées consacrées à la fiction et au cinéma d'auteur. Ces résultats sont d'autant plus appréciables qu'Arte doit désormais faire face à une concurrence nouvelle de la part de France 5 dont la programmation apparaît souvent plus concurrente que complémentaire.

Sur Internet, Arte a multiplié les initiatives en lançant des plateformes comme Arte Concert, Arte Creative, Arte info... La distinction entre linéaire et délinéaire s'estompe avec une explosion des consultations de contenus en ligne. Arte est la seule chaîne à préparer l'inversion de son modèle, la part des contenus consommés de manière délinéarisée devant dans les prochaines années prendre le pas sur l'audience de la chaîne linéaire .

En 2018, la plateforme Arte+7 de rediffusion est souvent devenue Arte+30 (sauf pour le cinéma) selon la présidente Véronique Cayla auditionnée par votre rapporteur pour avis. Il n'est pas rare que certains programmes soient disponibles pendant 60 ou 90 jours. Le délai de 30 jours pour consulter un programme en replay devient la norme en Europe sauf pour le cinéma, les majors américaines exigeant dans leurs contrats de limiter le replay à 7 jours.

Depuis l'année dernière, Arte met chaque jour à disposition du public ses programmes de la journée dès la matinée 24 ( * ) .

La stratégie européenne se poursuit. Après avoir ajouté l'anglais et l'espagnol à ses langues de diffusion, Arte diffuse maintenant des programmes en polonais et en italien.

2. Une baisse des moyens préjudiciable à la coopération franco-allemande

Arte est, depuis son origine, un projet franco-allemand avec une ambition culturelle très forte.

Alors qu'une actualisation du traité de l'Elysée est en cours qui devrait reconnaître une place à la plateforme franco-allemande, la baisse des crédits de 2 millions d'euros en 2019 constitue un mauvais signal envoyé au partenaire d'outre-Rhin puisque celui-ci devra réduire également sa contribution de 2 millions d'euros.

La présidente d'Arte, Véronique Cayla, lors de son audition par votre rapporteur pour avis a rappelé les efforts de gestion réalisés par la chaîne depuis plusieurs années. Elle a surtout indiqué que les responsables d'Arte Deutschland négociaient en ce moment leur plan de financement quadriennal pour la période 2021-2024. Dans ces conditions, l'annonce d'une baisse de ressources de 2 millions d'euros en 2019 et de 1 million d'euros en 2020 et 2021 est susceptible d'impacter durablement les moyens d'Arte puisque ces baisses seront reconduites jusqu'en 2024 par le partenaire allemand.

En 2019, la présidente d'Arte a indiqué que la baisse de 2 millions d'euros du budget devrait se traduire par un prélèvement sur le fonds de roulement de l'entreprise. Cette pratique malheureusement répandue dans le secteur public ne peut s'apparenter à une démarche de saine gestion selon votre rapporteur pour avis. C'est la raison pour laquelle il apparaît nécessaire que le débat au Sénat permette de rectifier les perspectives financières d'Arte en accordant un supplément de crédits à la chaîne franco-allemande.

3. Une gestion prudente et des projets nouveaux en termes de mutualisations

L'État prévoit d'allouer à Arte France au titre du programme 842 un montant de CAP de 277,5 millions d'euros HT en 2019 soit une baisse de 2 millions d'euros (-0,72 %) par rapport à 2018 .

En 2017 et 2018, la hausse de la contribution publique de 15,2 millions d'euros avait été affectée entièrement aux programmes afin de limiter la rediffusion de programmes dans la journée. La part des investissements de programmes dans les dépenses totales demeure ainsi élevée à 79 %. Arte consacre chaque année 3,5 % de son chiffre d'affaires à la production d'oeuvres cinématographiques françaises et européennes, 85 % des oeuvres diffusées étant d'origine européenne.

Les charges de l'entreprise demeurent contenues même si on doit noter une progression des charges de personnel (23,7 millions d'euros en 2019) et des frais généraux (6,5 millions d'euros. Le nombre de salariés sera de 249 ETP en 2019. Un rapport de la Cour des comptes non définitif évalue à 13 % la hausse des effectifs depuis douze ans.

Votre rapporteur pour avis avait interrogé la présidente d'Arte en 2018 sur l'évolution des dépenses du GEIE et notamment les modalités de leur contrôle. Véronique Cayla a indiqué cette année qu'elle ne pouvait qu'être favorable à l'établissement d'un tel contrôle qui n'existe pas aujourd'hui du fait du statut international de la chaîne. L'objectif est à la fois de satisfaire les demandes de la Cour des comptes et de respecter l'indépendance de la chaîne. Il existe déjà un dispositif de contrôle interne. L'objectif pourrait être, selon la direction d'Arte, de créer un collège d'auditeurs français et allemands qui rendrait compte directement à l'assemblée générale. La présidente d'Arte souligne que c'est aux tutelles de décider la mise en oeuvre d'une telle procédure et qu'il conviendrait de réussir à la faire sans avoir à modifier le traité interétatique.

Votre rapporteur pour avis incite depuis plusieurs années les entreprises de l'audiovisuel public à développer les mutualisations entre elles. Ces mutualisations étaient jusqu'à présent limitées entre Arte et France télévisions. Des avancées ont eu lieu avec France 24 afin de diffuser des contenus en espagnol achetés par Arte sur le nouveau canal diffusé en Amérique latine. Des projets de coopération avec Radio France progressent afin de multiplier les captations de concerts et d'organiser en commun des festivals. TV5 Monde intervient pour coproduire toutes les fictions françaises lancées par Arte France.

Une évolution importante pourrait néanmoins voir le jour dans le cadre du projet SALTO sur lequel travaillent France Télévisions, TF1 et M6 puisqu'Arte n'exclue pas d'apporter à cette plateforme son offre très importante de documentaires.

C. RADIO FRANCE : DES INTERROGATIONS PERSISTANTES SUR L'ISSUE DU CHANTIER

Votre rapporteur pour avis rappelle, depuis plusieurs années maintenant, l'inquiétude que lui inspire la situation de Radio France. La grande grève de 2015 a mis en évidence à la fois la gravité de la situation financière de l'entreprise et les résistances d'un corps social qui n'avait sans doute pas été suffisamment informé de gravité de la situation.

Le retour à une certaine paix sociale s'est fait au prix d'accommodements sur le rythme et l'ampleur des réformes, l'entreprise obtenant du temps pour conduire les évolutions indispensables et l'État fermant les yeux sur le caractère insuffisant des réformes conduites comme en témoigne l'absence de véritables suites données aux recommandations du rapport de la Cour des comptes.

La situation en 2019 pourrait néanmoins évoluer de manière positive. L'arrivée d'une nouvelle présidente, Sibyle Veil 25 ( * ) , très au fait de la situation de l'entreprise, les bonnes audiences fondées sur une stratégie cohérente et le projet de rapprochement entre France Bleu et France 3 donnent des perspectives pour les années à venir. La principale incertitude à lever concerne le chantier de la Maison de la Radio pour lequel il reste à confirmer les délais de réalisation, le coût et le financement à travers des moyens supplémentaires non prévus dans le PLF.

1. Des succès d'audience qui confortent l'entreprise dans ses choix de programmes

Avec 14 706 000 auditeurs, Radio France réalise sa meilleure rentrée radiophonique. La radio publique obtient 27,1 % d'audience cumulée.

La stratégie de complémentarité des antennes et de développement des offres numériques explique ce succès. Cette rentrée marque le succès des radios de service public qui contraste avec l'effondrement de l'audience d'Europe 1, un phénomène de vases communicants ne pouvant être exclu.

Avec 6 258 000 auditeurs, soit 11,5 % en audience cumulée (+ 0,4 pt) France Inter gagne 260 000 auditeurs en un an et signe sa meilleure rentrée. Elle confirme sa place de radio la plus écoutée sur les supports numériques en direct et en différé.

France Info confirme sa place de 4 e radio la plus écoutée de France. Elle rassemble chaque jour 4 423 000 auditeurs, soit 8,1% d'audience cumulée. France Bleu réunit près de 3 600 000 auditeurs chaque jour.

Avec une audience cumulée de 2,8 %, soit une progression de 0,6 point sur un an, France Culture gagne 319 000 auditeurs.

Avec une hausse de 40 000 auditeurs en un an, France Musique rassemble 921 000 auditeurs.

Mouv' rassemble 335 000 auditeurs et atteint 0,6 % d'audience cumulée.

Les résultats d'audience des différentes antennes de Radio France illustrent la pertinence d'une offre différenciée par rapport aux autres radios ainsi que l'utilité d'une diffusion sur différents supports.

2. Une situation financière toujours précaire

La situation financière de Radio France demeure dépendante des ressources publiques mais aussi commerciales, la hausse des recettes publicitaires jouant un rôle déterminant pour maintenir l'équilibre du budget de l'entreprise.

Le COM 2015-2019 signé par Radio France avec l'État prévoyait le retour à l'équilibre de la société en 2018 avec un résultat positif de 2,1 millions d'euros, pour la première fois depuis 2014. La prévision actualisée qui figure dans le bleu budgétaire prévoit un résultat net pour 2018 de 0,5 million d'euros ce qui illustre la fragilité de l'entreprise en dépit des efforts produits (politique des achats optimisée, réduction des coûts de diffusion, hausse des ressources propres, efforts sur la masse salariale...). Plus que jamais, c'est la hausse de la dotation de fonctionnement, à hauteur de 8,7 millions d'euros en 2018, qui a permis d'afficher un retour à l'équilibre des comptes.

Le bleu budgétaire indique que « le budget de Radio France repose sur une hypothèse centrale de maîtrise de la masse salariale. Cet effort, prévu dans le COM 2015-2019, doit se poursuivre en 2018 et 2019 » . Même si le rythme de la baisse de la masse salariale est lent, une inflexion semble effectivement en cours même s'il est difficile d'en mesurer la portée, faute de données actualisées. Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, la présidente de Radio France a indiqué que le travail sur la masse salariale était difficile d'autant qu'il n'y avait pas de changement de périmètre et que l'entreprise devait déployer son activité sur tous les supports (chaînes, sites et réseaux sociaux). L'objectif de 230 départs non remplacés aura été atteint en trois années au lieu de deux selon Sibyle Veil. La présidente de Radio France indique cependant que la chaîne d'information a nécessité la mobilisation de 47 ETP ce qui a rendu difficile le maintien de la trajectoire.

Radio France ne devrait pas recourir à un plan de départs volontaires contrairement à France Télévisions, Sibyle Veil estimant que les leviers d'action de l'entreprise doivent d'abord être trouvés dans la négociation sociale. La présidente de Radio France estime que « l'entreprise a fait un effort pour être agile et productive » . Un plan de départs volontaires aurait par ailleurs deux inconvénients , il solliciterait la trésorerie et inciterait au départ des meilleurs éléments. Elle rappelle par ailleurs que Radio France n'a pas prévu de réduire son offre ou son périmètre. L'enjeu est davantage d'adapter les métiers au numérique.

Au final, la situation de Radio France demeure très incertaine . La baisse de la ressource de 4 millions d'euros dans le PLF 2019 ne constitue qu'une première étape compte tenu d'un objectif de réduction des dépenses de 20 millions d'euros d'ici 2022 . Le COM de l'entreprise est à son tour devenu caduc. La principale marge de manoeuvre semble donc résider dans le développement des ressources propres dont on peut rappeler qu'elles étaient évaluées en 2018 à 61,9 millions d'euros.

Concernant plus particulièrement les recettes publicitaires on peut rappeler que la cible de 42 millions a été dépassée de 6 millions d'euros. De nombreux auditeurs regrettent par ailleurs la multiplication des annonces commerciales aux heures de grande écoute qui font ressembler l'antenne aux chaînes commerciales. Votre rapporteur pour avis ne peut que rappeler sa réserve face à l'augmentation de la place de la publicité sur les antennes du service public. En particulier, la forte présence de publicité sur les sites internet de Radio France ne correspond pas à l'image du service public.

La dotation de Radio France en 2019 s'élèvera à 592,3 millions d'euros et seuls des redéploiements de moyens peuvent permettre d'adapter dans la durée l'offre de l'entreprise à son nouvel environnement numérique. À plus long terme, des mutualisations de grande ampleur avec France Télévisions pourraient également constituer une source d'économies importante.

3. Une remise à plat salutaire du chantier de la Maison de la Radio

L'évaluation du coût du chantier de la Maison de la Radio semble se compliquer à mesure que l'échéance se rapproche... L'année 2018 constituera, on l'espère, un tournant après la reprise en main effectuée par l'État et la direction de l'entreprise à l'issue de la dérive constatée au cours des dernières années.

Pour mémoire, dans le COM 2015-2019, la trajectoire financière du chantier reposait sur trois paramètres :

- une dotation en capital de 55 millions d'euros versée en deux fois (27,5 millions d'euros en 2016 puis en 2017) 26 ( * ) ;

- le maintien d'une subvention d'investissements courants de 24,6 millions d'euros par an sur la période du COM et le versement d'une subvention complémentaire de 25 millions d'euros répartie sur les exercices 2016, 2017 et 2018 27 ( * ) ;

- la possibilité pour l'entreprise de recourir à l'emprunt dans la limite de 70 millions d'euros.

Les retards constatés dans l'avancée du chantier ont eu pour effet en 2018 de limiter la subvention d'investissement à 10 millions d'euros.

Afin de clarifier une situation qui était devenue particulièrement inquiétante, l'État a confié, fin 2016, une mission d'expertise à Jean-Pierre Weiss, ingénieur des ponts et chaussées spécialisé dans les grandes infrastructures publiques.

Le rapport Weiss met l'accent sur les problèmes rencontrés depuis 2015 en termes de dépassements des montants initiaux de certains marchés. Il rappelle également qu'en juin 2017 l'entreprise a indiqué ne pas être en mesure de tenir son objectif déjà décalé de livraison en juillet 2019.

Cette situation a donné lieu à l'élaboration de quatre scenarii pour guider les suites de la réalisation du chantier avec des prévisions de dates d'achèvement s'étalant selon les cas de décembre 2021 à décembre 2023, chaque scenario étant assorti d'augmentations prévisionnelles de coûts d'investissement et de fonctionnement très importantes.

La Cour des comptes, dans son rapport sur Radio France d'avril 2015, avait estimé qu' « au regard de l'estimation prévisionnelle qui a servi à valider initialement le projet de mise en sécurité de Radio France (170 M€ en coûts complets, valeur février 2004, soit environ 230 M€ valeur juillet 2014), le coût final estimé du chantier est passé à 430 M€ en valeur courante 2014, soit un quasi-doublement » 28 ( * ) . Le même rapport de la cour évaluait le coût global en euros courants à 575,5 millions d'euros en tenant compte des coûts de fonctionnement et des indemnités de transaction. Dès ce moment, la Cour des comptes dénonçait « une véritable dérive des coûts de l'opération principalement due aux conditions approximatives dans lesquelles l'opération a été engagée, au défaut de programmation initiale et aux réévaluations successives qui en ont résulté et, dans une moindre mesure, aux insuffisances postérieures qui ont affecté le pilotage du chantier et en ont prolongé les délais d'exécution » .

Ce jugement de la Cour des comptes sur les insuffisances du pilotage du chantier doit être révisé à son tour si l'on souhaite comprendre la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui l'entreprise. Les défaillances postérieures à 2015 n'ont en effet pas été moindres, elles se sont même aggravées et multipliées jusqu'en 2017, ce qui explique les nouvelles difficultés rencontrées.

Le rapport Weiss estime, en effet, que « les écarts considérables apparus entre la prévision présentée en février 2017 et les nouvelles hypothèses de juin 2017 sont la conséquence d'une prise de conscience très tardive par Radio France de l'ampleur des obstacles empêchant le respect non seulement des délais contractualisés avec les entreprises [...] mais même de délais recalés au fur et à mesure de la survenance d'obstacles au respect du calendrier » . C'est ainsi l'échec non anticipé de l'objectif de livraison à fin 2016 de la première tranche de la phase 4 dans des conditions acceptables de qualité qui a conduit l'entreprise à une analyse a posteriori des difficultés rencontrées. Cette analyse a abouti à multiplier par trois (de 4 à 12 mois) le temps nécessaire pour libérer les locaux et à doubler la durée consacrée aux travaux (de 16 à 32 mois).

Les scenarii envisagés par le rapport Weiss tiennent compte de ce rallongement des délais. Le scénario qui a été retenu par l'entreprise en accord avec ses tutelles vise, en outre, à dissocier certaines prestations afin de les remettre en concurrence compte tenu des dérives de coûts et des nombreuses malfaçons constatées. Le rapport Weiss a, enfin, mis en évidence l'omission d'une période complémentaire de 6 à 8 mois pour permettre l'achèvement effectif des travaux avant l'installation des personnels.

Pour Jean-Pierre Weiss, les problèmes rencontrés trouvent leur origine dans une erreur de pilotage du chantier qui a consisté à privilégier le critère des délais sur les objectifs de coût et de qualité . Or, pour cet ingénieur, « il est périlleux de dissocier ces trois objectifs, ce qui d'une certaine façon est intervenu en privilégiant le seul objectif de respect des délais jusqu'à ce que l'impasse sur la qualité conduise à de très mauvaises conditions d'achèvement des locaux [...] et révèle a posteriori l'impossibilité de tenir les futurs délais, à un moment où nombre de mesures correctrices ne pouvaient plus être décidées » . Pour Jean-Pierre Weiss le pilotage de l'opération a été biaisé par l'apparition en 2015 d'une « crise dans la crise » du fait des difficultés apparues pour respecter les règles de concurrence en limitant la croissance des montants initiaux des marchés passés. De ce fait, il observe que « l'essentiel du dispositif de suivi de l'opération a été conçu à compter de cette date autour de cette question, au détriment du pilotage de l'opération elle-même sans sa triple dimension indissociable de respect des objectifs de coûts, délais et qualité » .

En termes de coûts, le scénario finalement retenu - un scénario de poursuite par rapport aux scenarii de « réinitialisation » envisagés par ailleurs - se traduit par une remise en concurrence d'un nombre limité de marchés pour éviter des retards trop importants . Il apparaît également moins coûteux que les scenarii qui envisageaient une remise en concurrence totale. Ce scénario central revient à retenir un achèvement des travaux en août 2022 pour un coût total de l'investissement en réhabilitation de 493,3 millions d'euros (+ 31,3 millions d'euros par rapport à février 2017) auquel il convient d'ajouter + 48,1 millions d'euros au titre de l'augmentation prévisionnelle du coût de fonctionnement.

Ce choix de scénario nécessitait que l'entreprise purge les risques juridiques identifiés, ce qu'elle a fait en invoquant des « sujétions imprévues ». Le scénario a ensuite été validé en février 2018 par un vote du conseil d'administration.

Alors que le rapport Weiss évoquait une fin des travaux en août 2022, les délais nécessaires au vote intervenu en février comme l'adjonction au projet de la réhabilitation des studios moyens amène la présidente directrice générale de Radio France, Sibyle Veil, à retenir la fin 2022 pour l'achèvement des travaux et à prévoir une réintégration dans les locaux en 2023 . La présidente de Radio France a également indiqué que les studios moyens seraient arrêtés en décembre 2018, ce qui occasionnera un coût qu'il conviendra de prendre en compte.

Le coût final du chantier compte tenu des nouveaux délais et des surcoûts afférents n'a pas été présenté dans le cadre du PLF. Un financement ad hoc est annoncé et devrait être approuvé par le conseil d'administration de l'entreprise en décembre 2018.

Selon le directeur général des médias et des industries culturelles, la seconde tranche de 27,5 millions d'euros de dotation sera versée à l'entreprise en 2019, qui pourra également compter sur la reconduction d'une subvention d'investissement de 10 millions d'euros. Le financement du chantier en 2019 ne devrait donc pas, selon lui, poser de difficultés. En revanche, un besoin de financement est attendu en 2022 et 2023 ; il devra être comblé soit en recourant à l'emprunt soit au moyen d'une nouvelle dotation en capital.

Le débat à l'Assemblée nationale sur le PLF a été l'occasion de déplorer le manque de transparence de l'État sur cette question du coût et du financement du chantier de la Maison de la Radio. Votre rapporteur pour avis a donc établi sa propre estimation, qui n'a pas été démentie par l'entreprise qui prépare en ce moment un chiffrage précis qu'elle devra remettre en décembre à ses tutelles.

Si l'on tient compte de l'évaluation du rapport Weiss de 493,3 millions d'euros, du coût de fonctionnement afférent au chantier et des nouveaux délais intervenus en 2018, votre rapporteur pour avis estime que le coût du chantier de la Maison de la Radio devrait s'établir à 550 millions d'euros. Si l'on ajoute le coût de la rénovation des studios moyens qui n'était pas prévue dans le projet d'origine, le coût pourrait même avoisiner les 600 millions d'euros.

Cette somme très importante doit toutefois être ramenée à sa juste proportion puisque le consortium du stade de France a estimé récemment à 450 millions d'euros le coût de la rénovation nécessaire afin de moderniser l'enceinte construite pour la Coupe du monde de 1998. La rénovation du Grand Palais devrait, pour sa part, coûter 466 millions d'euros d'ici 2024.

Plus que la dérive des coûts qui est, malheureusement, habituelle dans ce type de projet 29 ( * ) , votre rapporteur pour avis déplore l'erreur de jugement ayant consisté à vouloir engager un tel chantier en site occupé en en faisant supporter les conséquences aux salariés... et au contribuable .

D. L'INA : UN DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES PROPRES PROMETTEUR

1. Une baisse des moyens supportable compte tenu de l'évolution des ressources propres

Depuis sa désignation en mai 2015, le président de l'INA, Laurent Vallet, a entrepris de recentrer l'établissement sur son coeur de métier et de rassembler les personnels au sein du campus de l'INA à Bry-sur-Marne dans le cadre d'un projet immobilier reconfiguré.

L'année 2019 constituera la dernière année de la mise en oeuvre du COM 2015-2019 auquel votre commission avait donné un avis favorable. Compte tenu des incertitudes qui entourent l'avenir de ce document, l'INA n'a pas encore entrepris de préparer un nouveau COM.

En 2019, l'INA bénéficiera d'une dotation en recul (de 90,41 millions d'euros TTC à 89,18 millions d'euros TTC) au titre du programme 845. L'institut continuera sa mission de conservation des archives audiovisuelles lancée en 1999. Le plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) est prévu pour s'achever en 2020.

La fin annoncée du PSN doit néanmoins permettre de faire évoluer l'institution afin qu'elle puisse s'approprier toutes les possibilités offertes par ses archives numérisées pour s'adapter aux nouveaux usages et répondre aux nouvelles modalités d'accès aux archives sur Internet.

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, le président de l'INA a déclaré que son établissement « allait très bien » et qu'il était entièrement mobilisé pour s'adapter aux nouveaux usages. L'INA contrairement aux autres acteurs de l'audiovisuel public n'a pas de problème de périmètre, ses programmes sont diffusés sur une plateforme et non sur des chaînes.

Les enjeux pour l'institut consistent donc à maîtriser l'évolution des charges et à maintenir l'équilibre entre ressources propres et ressources publiques dans un contexte où le COM prévoit de limiter la masse salariale à 67,5 millions d'euros par an et à contenir les charges d'exploitation en dessous de 42 millions d'euros.

Le redressement des ressources propres suite à l'adoption d'une nouvelle stratégie en 2016 constitue le fait marquant de ces dernières années. Alors que ces recettes étaient de 37,2 millions d'euros en 2016, elles devraient atteindre 39,4 millions d'euros en 2018 et 40 millions d'euros en 2019. Elles sont constituées de cessions de droits à l'international, de prestations d'expertise, de productions multimédia et autres activités de production. Le retour d'intérêt pour les archives profite sans aucun doute au développement de l'INA. Laurent Vallet indique que les contenus produits par l'INA ont par nature une valeur supérieure à celle des archives brutes.

Le président de l'INA a estimé qu'il était normal que l'institut contribue à l'effort d'économies demandé à l'ensemble des entreprises publiques . Interrogé sur la future réforme de l'audiovisuel, Laurent Vallet a indiqué qu'il serait souhaitable que le statut de l'INA puisse évoluer d'un établissement public industriel et commercial (EPIC) à une société anonyme (SA). Le statut d'EPIC n'est, selon lui, plus adapté à un établissement dont 33 % des recettes sont commerciales et dont la comptabilité est privée. Il indique également rencontrer des difficultés pour créer des filiales avec des sociétés anonymes. Enfin, il remarque qu'il ne sera pas possible de créer une gouvernance commune aux sociétés de l'audiovisuel public incluant l'INA si ce dernier ne change pas de statut.

Concernant le projet immobilier qui a constitué dans le passé un sujet de préoccupation, le président de l'INA indique que les travaux en cours devraient être livrés à l'été 2020 (Bry I) pour une enveloppe de 26 millions d'euros.

2. L'INA favorable à des partenariats tous azimuts

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Laurent Vallet a fait preuve d'une grande ouverture d'esprit sur l'évolution de l'audiovisuel public.

Évoquant la chaîne d'information, il a remarqué que les modules réalisés par l'INA étaient très appréciés et que l'audience numérique de la plateforme était très importante. Le coût de la participation de l'INA au projet est estimé à 1,2 million d'euros.

Concernant l'offre premium de l'institut, le président de l'INA a chiffré à 15 000 le nombre des abonnés tout en indiquant que les taux de résiliation et de renouvellement étaient importants, ce qui illustre une curiosité pour l'offre proposée.

L'année dernière, Laurent Vallet avait indiqué travailler avec France Télévisions sur son projet de plateforme SVAD afin de proposer chaque trimestre entre 500 et 600 contenus éditorialisés. L'évolution du projet ne remet pas en cause la volonté de l'INA d'y participer. Interrogé par votre rapporteur pour avis sur le projet de plateforme SALTO commun à France Télévisions, TF1 et M6, le président de l'INA a, en effet, indiqué que l'institut pourrait tout à fait proposer des contenus sur cette nouvelle plateforme qui pourrait voir le jour fin 2019.

Concernant plus particulièrement les coopérations à renforcer avec les autres entreprises du secteur de l'audiovisuel public, Laurent Vallet a considéré qu' « à un moment, les coopérations devenaient plus coûteuses du fait de l'absence de gouvernance commune car la tutelle ne peut arbitrer au quotidien » . Il a aussi indiqué qu'en cas de création d'une gouvernance commune il serait nécessaire que cette autorité ait le pouvoir de répartir la ressource entre les différentes entités.

E. FRANCE MÉDIAS MONDE : UN ACTEUR SOUS-ESTIMÉ DANS LA COURSE À L'INFORMATION INTERNATIONALE

L'avenir du pôle extérieur de l'audiovisuel public a été moins discuté en 2018 que celui de l'audiovisuel public national. Pourtant, une réflexion interministérielle a été lancée en février dernier au moyen d'un groupe de travail animé par le Secrétaire général du Quai d'Orsay. Ce groupe de travail doit rendre ses conclusions au mois de décembre 2018, en temps utile pour que celles-ci soient prises en compte dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel.

Cette réflexion stratégique apparaît d'autant plus nécessaire que l'audiovisuel extérieur de la France semble faire du « sur place » dans les priorités de l'État comme en témoignent ses moyens limités dont il dispose. Ce relatif désintérêt apparaît nettement lorsque ses moyens sont mis en regard de ceux dont disposent ses grands concurrents internationaux.

Alors que plusieurs pays européens ont décidé de renforcer considérablement les moyens de leur audiovisuel extérieur (Royaume-Uni avec BBC World, Allemagne avec Deutsche Welle), de nouvelles puissances qui se considèrent comme des alternatives à l'Occident déploient des stratégies d'influence basées sur des médias dépourvus de véritable indépendance (Russia Today, CCTV).

Dans ce contexte, notre pays doit faire un choix décisif pour l'avenir de son influence : soit accepter de mobiliser plus de moyens pour tenter de rester dans le peloton de tête des puissances à dimension mondiale, soit mesurer ses efforts et se limiter à un rôle régional de plus en plus disputé, y compris dans ses zones d'influence historiques.

RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya émettent à destination des 5 continents en 15 langues. Ces trois médias rassemblent 107,2 millions d'auditeurs et de téléspectateurs hebdomadaires (mesure dans moins du tiers des pays d'émission) et 42,7 millions d'abonnés actifs sur les réseaux sociaux chaque semaine.

Chiffres clés France 24

61,2 millions de téléspectateurs regardent France 24 chaque semaine ce qui correspond à une augmentation de l'audience de +45 % d'audience en cinq ans.

Ce sont aujourd'hui 355 millions de foyers qui reçoivent au moins l'une des quatre versions de France 24 (français, anglais, arabe, espagnol). Le nombre de foyers raccordés est en hausse de +72 % en cinq ans.

France 24 est aujourd'hui la première chaîne d'information internationale en Tunisie, en Algérie et au Maroc où la chaîne en arabe enregistre des records d'audience. Elle est également la première chaîne d'information internationale en Afrique francophone (avec de très bons scores chez les cadres et les dirigeants). Au Proche et Moyen-Orient plus d'un décideur sur cinq regardent la chaîne en arabe chaque semaine. L'audience a fortement augmenté en Arabie Saoudite (+86 %) et dans les Émirats arabes unis.

L'âge moyen des téléspectateurs de France 24 est de 34 ans en Afrique et de 37 ans au Maghreb.

Chiffres clés RFI

RFI émet en français ainsi qu'en 13 autres langues (anglais, chinois, espagnol, haoussa, khmer, kiswahili, mandingue, persan, portugais, brésilien, roumain, russe, vietnamien).

Les différentes antennes de RFI réunissent 40,7 millions d'auditeurs chaque semaine (mesure sur 37 des 150 pays où la radio est diffusée) ce qui correspond à une hausse de l'audience de +18 % en cinq ans. Les programmes de RFI sont repris par plus de 1 500 radios partenaires.

RFI se classe en tête des radios à Abidjan, Brazzaville, Libreville et Niamey et dans les cinq premières radios de la quasi-totalité des autres capitales en Afrique francophone. Elle obtient entre 60 et 100 % d'audience hebdomadaire chez les cadres et dirigeants en Afrique francophone.

Parmi les chiffres significatifs on peut noter que RFI réunit 7 millions d'auditeurs en haoussa chaque semaine principalement au Nigéria et que le renforcement de l'offre khmer a permis de multiplier par 9 le nombre d'auditeurs au Cambodge. RFI România est la première radio chez les cadres et les dirigeants à Bucarest. Enfin, les sites de RFI en vietnamien et en mandarin reçoivent plus de 1 million de visites chaque mois.

L'âge moyen des auditeurs de RFI en Afrique est de 36 ans.

Chiffres clés MCD

MCD, la radio française en langue arabe diffusée au Proche et Moyen-Orient réunit 8 millions de contacts chaque semaine sur la radio et le numérique soit une audience en hausse de +9 % en quatre ans.

Elle est la première radio internationale en Arabie Saoudite et a multiplié par quatre son nombre d'auditeurs en Jordanie depuis 2014. Elle est également la 3 e radio la plus écoutée en Mauritanie. Depuis 2015 MCD émet sur une nouvelle fréquence à Oman, le service a été rétabli en Libye et il a été amélioré dans les territoires palestiniens et aux Émirats arabes unis. En 2017 l'audience hebdomadaire a été multipliée par trois à Oman et le service a été rétabli à Mossoul en Irak.

Source : France Médias Monde

1. Une réduction des moyens qui menace le développement de l'entreprise

L'entreprise France Médias Monde est issue de la fusion de l'AEF, de France 24 et de RFI et de sa filiale MCD intervenue sur le plan juridique le 13 février 2012 dans des conditions difficiles après plusieurs années de débats sur la relance de l'audiovisuel extérieur. La nomination de sa présidente, Marie-Christine Saragosse, le 7 octobre 2012, reconduite depuis dans ses fonctions, est intervenue dans un contexte marqué par la décision du Gouvernement d'arrêter le rapprochement des rédactions de France 24 et de RFI pour préserver l'identité de chaque entité.

L'audiovisuel extérieur de la France se caractérise donc aujourd'hui par :

- une structure unique concernant l'information - France Médias Monde - composée d'entités qui conservent une identité propre et visent à toucher des publics différents, dans une logique de complémentarité ;

- une notoriété inégale entre RFI qui maintient ses positions de leader, en Afrique notamment, et France 24 encore en phase de développement et qui s'emploie à trouver et consolider ses publics ;

- des moyens sensiblement inférieurs à ceux de ses concurrents (BBC, DW) même si les effectifs apparaissent comparables à ceux de BBC World Service.

a) La « mise au rencart » définitive du COM 2016-2020

Votre rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion de regretter l'année dernière le non-respect du COM 2016-2020 signé par le Gouvernement et l'entreprise le 14 avril 2017. En 2017, le niveau des ressources publiques demeurait inférieur à celui de 2011. À périmètre d'activités et de missions identiques (c'est-à-dire hors financement de France 24 en espagnol), le niveau de ressources de 2017 s'établissait à 248,6 millions d'euros contre 252,7 millions d'euros en 2011. En 2018, compte tenu d'un effort demandé de 1,9 million d'euros, les crédits inscrits au programme 844 s'établissaient à 263,16 millions d'euros. Le montant des crédits prévu pour 2019 s'établit en retrait à 261,52 millions d'euros (256,2 millions d'euros HT) soit -1,6 million d'euros.

Le Gouvernement indique que cette baisse des moyens est à comparer avec une hausse de 12,2 millions d'euros sur la période 2016-2019 dont 7,3 millions d'euros liés au financement de la version hispanophone de France 24. Le bleu budgétaire reconnaît que cette baisse des moyens rendra plus difficile de relever les trois défis que doit affronter l'entreprise : l'intensification de la concurrence de la part des groupes audiovisuels internationaux, la modification des usages qui nécessite des évolutions pour ne pas s'éloigner des publics, notamment les jeunes, et l'évolution des technologies de diffusion linéaire avec le passage à la TNT en Afrique et à la HD dans le monde.

Le Gouvernement, au regard de ces enjeux, indique qu' « une réflexion stratégique liée au déploiement de France Médias Monde et à ses priorités géographiques et thématiques est en cours, en coordination avec la société, afin d'optimiser l'efficacité de son action » 30 ( * ) . Comme votre rapporteur l'indiquait ci-dessus cette réflexion a pris la forme d'un groupe de travail piloté par le Secrétaire général du Quai d'Orsay qui doit rendre prochainement ses conclusions. Nul doute que les conclusions de ces travaux seront examinées avec attention notamment par les personnels de l'entreprise qui nourrissent de vives inquiétudes.

b) Une entreprise soumise à des remises en cause permanentes

La vie de France Médias Monde n'est pas « un long fleuve tranquille » . Après une naissance douloureuse, on pouvait penser que l'entreprise pourrait déployer ses médias sur l'ensemble des continents en favorisant les synergies.

L'accord professionnel du 31 décembre 2015 conclu après deux années de négociations a, certes, permis de rapprocher les conditions de travail en privilégiant deux objectifs : l'augmentation du temps de travail et des salaires à RFI et MCD et la baisse du temps de travail à France 24. Des progrès ont également été réalisés sur la voie de la polyvalence avec la suppression des monteurs pour les sujets télévisés et des réalisateurs pour les sujets radiophoniques. Plusieurs plans de départs volontaires ont permis de réduire les effectifs et la fusion des fonctions supports des trois médias a permis des économies drastiques.

Grâce à ces réformes FMM a pu financer sur ses propres ressources l'essentiel de ses projets structurants en consolidant ses acquis et en développant ses audiences, tout en présentant chaque année un résultat à l'équilibre.

D'année en année les personnels de France Médias Monde soulèvent pourtant les mêmes interrogations concernant la vision stratégique de l'État pour son audiovisuel extérieur. « Qu'est-ce que vous voulez faire de cette chaîne internationale ? », « comment se défendre sans budget face à des concurrents qui ont plus de moyens ? » interrogent ainsi les représentants CGT de FMM 31 ( * ) .

L'absence de véritable vision stratégique se décèle dans tous les aspects de l'entreprise selon les syndicats. La fin du partenariat avec Mashable met en évidence l'absence de cohérence et d'autonomie dans le développement numérique alors même que, selon un syndicaliste, les jeunes qui travaillaient pour cette plateforme « apportaient quelque chose, ils avaient un autre regard » .

Par ailleurs, la non-reconduction de certains contrats de diffusion aux États-Unis fait que France 24 en anglais ne peut plus être reçue à Washington dans les lieux de diffusion ce qui pose un problème de visibilité. La CFTC déplore également l'arrêt de la distribution aux États-Unis qui illustre selon elle « un manque d'ambition » .

La CFTC constate également un climat social de plus en plus crispé à mesure que les salariés ont le sentiment d'avancer « dans le vague ». Le syndicat s'interroge également sur les intentions de l'État qui demande des économies chaque année et revient sur les dispositions du COM. Pour la CFTC l'impasse budgétaire est de 4,6 millions d'euros en 2019. Les syndicats s'entendent pour considérer que l'audiovisuel extérieur ne doit pas être la « variable d'ajustement » .

La CFDT insiste pour sa part sur l'insuffisance du budget consacré à la formation. Elle considère par ailleurs que si RFI résiste c'est d'abord sur les ondes du fait de l'absence de moyens pour se développer sur les nouveaux supports. FO déplore que RFI soit de moins en moins distribuée.

Les syndicats déplorent enfin que RFI se fasse tailler des croupières faute d'investissements en Afrique anglophone et lusophone.

Concernant les nouveaux usages, le SNJ rappelle que les personnels maîtrisent tous les outils et que l'entreprise « est multimédia depuis longtemps » . Mais pour FO, « on est en train de louper le coche sur les nouveaux publics et les nouveaux usages » .

La CGT s'interroge pour sa part sur l'avenir de France 24 en espagnol. La chaîne émet six heures par jour en espagnol mais comment pourra-t-elle parvenir à émettre 24 heures sur 24 dans la langue de Cervantès ?

Par comparaison, les syndicats estiment que la Russie et la Chine déploient une véritable stratégie en Afrique comme en Amérique.

Votre rapporteur pour avis ne peut que constater - et regretter - que le gouvernement français préfère faire voter une loi décriée pour lutter contre la manipulation de l'information plutôt que d'investir pour promouvoir le pluralisme dans l'information internationale.

2. Un rôle de France Médias Monde à conforter dans le cadre d'une évolution de l'audiovisuel public
a) Un repli de l'audiovisuel extérieur difficilement acceptable

Les concurrents de France Médias Monde ont déployé des moyens considérables en 2018. Le lancement de Russia Today en français démontre par exemple l'ambition russe d'installer son point de vue dans le débat en France mais également de construire une offre en Afrique francophone directement concurrente de France 24. La Chine, pour sa part, a investi 6,6 milliards de dollars en moins de dix ans pour développer son audiovisuel extérieur. Voice of China vise ainsi à promouvoir les intérêts chinois et à lutter contre l'hégémonie supposée des médias occidentaux. Les États-Unis ont lancé une chaîne de télévision en anglais en Afrique et y déploient une version francophone de Voice of America .

L'effort n'est pas moins considérable de la part des concurrents européens. Le BBC World Service bénéficie ainsi, sur la période 2016-2020, d'un effort supplémentaire de 289 millions de livres financé par le Foreign Office, grâce notamment à l'aide publique au développement. La Deutsche Welle devrait pour sa part bénéficier en 2019 pour la première fois d'un budget en hausse de 23 millions d'euros à 350 millions d'euros hors Sat 3 quand le budget global de l'audiovisuel public français (FMM et TV5 Monde) s'établissait à 335 millions d'euros en 2018.

Alors que les moyens des grands médias internationaux sont donc en augmentation sensible, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une baisse des crédits de France Médias Monde de 1,6 million d'euros auxquels il convient d'ajouter les glissements incompressibles liés aux charges de personnel et aux clauses contractuelles. Compte tenu d'une charge liée à ces glissements qui s'élève à 2,9 millions d'euros, la direction de France Médias Monde considère qu'elle devra faire face en 2019 à une impasse budgétaire de 4,5 millions d'euros.

Pour faire face à cette situation budgétaire, la direction de France Médias Monde prévoit de mettre en oeuvre un nouveau plan d'économies à hauteur de 1,5 million d'euros, en recourant à des départs ciblés et en opérant la conversion numérique de RFI en anglais. Marie-Christine Saragosse estime toutefois qu' « au-delà, l'entreprise n'a plus de marge de manoeuvre et a entamé toutes ses capacités de redéploiement : fusion des fonctions support, gains de productivité liés au renforcement de la polyvalence des métiers et à l'augmentation du temps de travail, suppression de six rédactions en langues étrangères à RFI » .

Toutes ces mesures ont déjà été mises en oeuvre depuis 2011 pour financer le développement du groupe (accroissement de l'offre de France 24 en arabe, passage à la haute définition, fusion de RFI, France 24 et MCD dans une même entreprise). Seul le projet de France 24 en espagnol a été financé par des moyens nouveaux.

La direction de France 24 rappelle que le déficit prévisionnel de 3 millions d'euros en 2019 est à mettre en regard des capitaux propres de l'entreprise qui s'élevaient à 4,5 millions d'euros en 2017. Dans ces conditions, « si la trajectoire de ressources publiques au-delà de 2019 devait continuer à baisser, FMM ne pourrait que creuser son déficit du fait des glissements inéluctables, le tout pouvant représenter jusqu'à 11 à 12 millions d'impasse budgétaire par an à horizon 2022 » a déclaré la direction de FMM à votre rapporteur pour avis. Une réflexion sur l'avenir du financement de l'audiovisuel extérieur est donc devenue urgente.

b) La nécessité de diversifier les sources de financement de France Médias Monde

La dégradation de la situation financière de France Médias Monde appelle une grande vigilance dans la gestion de l'entreprise. Sa direction a bien pris conscience de la nécessité de veiller à optimiser les dépenses et prévoit une revue des coûts de diffusion et de distribution. Les économies à attendre de cet exercice sont néanmoins limitées compte tenu des arbitrages déjà réalisés.

La véritable marge de manoeuvre pourrait donc résider dans un recours à l'aide publique au développement pour compléter les moyens de l'entreprise issus de la contribution à l'audiovisuel public. Avec pragmatisme c'est le chemin qui a été suivi par les Britanniques depuis plusieurs années puisque la hausse des moyens du World Service de la BBC a été pour une part intégrée au calcul de l'aide publique au développement (APD) britannique.

Si l'idée d'un financement direct de FMM par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ne semble pas pouvoir être explorée plus avant, un financement par l'Agence française de développement pourrait constituer une piste pertinente. France Médias Monde s'est rapprochée de l'AFD pour lui présenter un vaste projet d'aide au développement par les médias à destination de l'Afrique. En dépit d'un accueil positif, des difficultés sont apparues : certaines structures décentralisées et réseaux existants qui seraient fléchés dans le cadre de ce financement sont déjà existants et le temps pour monter et mettre en oeuvre ces projets risque d'être important alors que les projets de l'AFD sont prévus sur une période de quatre ans.

Si les difficultés pour s'inscrire dans les actions de l'AFD se révélaient trop importantes une autre piste pourrait, semble-t-il, consister à précéder à des réallocations de certains crédits consacrés à l'aide au développement. Votre rapporteur pour avis n'évoque cette perspective que pour indiquer l'état de la réflexion, ces crédits n'entrant pas dans le cadre du périmètre d'action de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

À défaut de se prononcer précisément sur la manière dont l'aide publique au développement pourrait concourir au financement de FMM, votre rapporteur pour avis observe que la commission des finances a adopté un amendement 32 ( * ) qui vise à augmenter de 5 millions d'euros les moyens de France Médias Monde aux dépens de France Télévisions.

Votre rapporteur pour avis soutient l'initiative de la commission des finances mais regrette que la discussion budgétaire ne laisse pour unique solution que de « déshabiller Pierre pour habiller Paul » ... À cet égard, la nécessité de compléter le financement de FMM par une seconde ressource issue de l'aide publique au développement comme le besoin de rapprocher certaines entreprises de l'audiovisuel public pourraient justifier de sanctuariser à l'avenir la part de CAP qui doit financer l'audiovisuel extérieur.

Votre rapporteur pour avis propose ainsi qu' une réflexion soit conduite sur la création d'un quota de CAP de 10 % environ qui pourrait constituer le socle du financement de FMM et de TV5 Monde . Un tel principe permettrait d'éviter une fragilisation du financement de l'audiovisuel extérieur dans le cadre des vicissitudes propres au débat budgétaire.

F. TV5 MONDE : UNE IMPLICATION MAINTENUE DES PARTENAIRES FRANCOPHONES

TV5 Monde est une chaîne multilatérale francophone basée à Paris, associant les radiodiffuseurs publics de la France, de la Belgique, de la Suisse, du Canada et du Québec. Sa mission, définie dans la « Charte TV5 Monde » consiste à servir de vitrine à l'ensemble de la francophonie, à promouvoir la diversité culturelle, à favoriser les échanges de programmes entre les pays francophones et l'exportation internationale de programmes francophones.

Elle diffuse ses programmes par câble et satellite sous la forme de neuf signaux régionaux distincts dans plus de 200 pays dans le monde, représentant plus de 255 millions de foyers. TV5 Monde constitue l'un des trois plus grands réseaux mondiaux de télévision aux côtés de MTV et CNN.

Depuis 2013, la répartition du capital de la chaîne a évolué du côté français au bénéfice de France Télévisions qui détient maintenant 49 % des parts contre 12,58 % pour FMM, 3,29 % pour Arte et 1,74 % pour l'INA. Les 33,33 % restants se répartissent à égalité entre les partenaires belge, suisse et canadiens (11,11 % pour la RTBF, 11,11 % pour la SSR, 6,67 % pour Radio-Canada et 4,44 % pour Télé Québec). La présidence du Conseil d'administration est exercée par Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions depuis le mois de juin 2016.

Les axes stratégiques de développement de TV5 Monde sont fixés par un plan stratégique avalisé par la Conférence des ministres responsables des différents gouvernements bailleurs de fonds de la chaîne.

Le financement de TV5 Monde est assuré, du côté français, par le programme 847 créé par le PLF 2015.

1. Un effort budgétaire qui sollicite les ressources propres
a) Une baisse de crédits qui nécessitera des arbitrages dans les dépenses

En 2018, les crédits alloués par la France à TV5 Monde s'élevaient dans le programme 847 à 79,97 millions d'euros. Les crédits demandés pour 2019 sont en baisse, à 77,74 millions d'euros.

Cette baisse de crédits obligera TV5 Monde à développer ses ressources propres pour financer ses nouveaux développements. En termes de ressources publicitaires et de parrainages, cela suppose une politique d'optimisation des tarifs et des espaces. La stratégie de distribution devra également être adaptée selon les marchés afin d'accroître les ressources d'abonnements.

À noter cependant que les ressources propres sont aujourd'hui en baisse. Après avoir atteint 10,1 millions d'euros en 2017, elles devraient, en effet, s'établir à 9,5 millions d'euros en 2018 et 9,3 millions d'euros en 2019. Cette baisse attendue invite à s'interroger sur les marges de manoeuvre réelles dont dispose TV5 Monde en termes de ressources propres d'autant plus que les recettes de distribution seront en baisse en 2018 de 8 % du fait des résultats aux États-Unis et aux Pays-Bas. Le bleu budgétaire reconnaît d'ailleurs que « cette prévision d'une quasi-stabilité des ressources propres en 2019 est ambitieuse au vu du contexte international actuel sur les marchés de la distribution et de la publicité » .

Le contrôle des coûts rend nécessaire la maîtrise de l'évolution de la masse salariale. L'objectif reste de stabiliser l'évolution des coûts généraux afin de permettre une allocation maximale du budget à des dépenses concernant le coeur de métier de TV5 Monde (programmes, diffusion, développements).

b) Une implication des autres partenaires préservée en 2019

En 2018, les partenaires francophones ont globalement augmenté leurs contributions de 0,7 % tandis que la dotation française était réduite de 1,29 %.

En 2019, les partenaires devraient reconduire leurs contributions, la confédération suisse prévoyant même de rattraper son retard de 2018. Selon Yves Bigot, « les quatre États ont voulu montrer leur solidarité » .

Si les partenaires de la France ne s'engagent pas dans la voie d'une réduction des moyens, la baisse de la dotation française de 1,2 million d'euros (-1,55 %) qui fait suite à une baisse de 1 million en 2018 (à laquelle s'ajoutait la non-compensation du déménagement de CFI pour rejoindre France Médias Monde) devrait limiter les moyens du groupe alors même qu'il poursuit son développement.

Votre rapporteur pour avis rappelle également que TV5 Monde doit faire face au coût des dépenses de sécurité informatique (3 millions d'euros par an) afin d'éviter toute nouvelle cyberattaque.

2. Des priorités stratégiques contraintes par la limitation des moyens

Le plan stratégique 2017-2020 de TV5 Monde est axé sur la nécessaire mutation numérique de la chaîne ainsi que sur la priorité géostratégique que représente l'Afrique, principal bassin de développement démographique et de croissance économique pour la francophonie. Ce plan prévoit également la poursuite de la bascule en haute définition de la diffusion et de la distribution des différentes antennes de TV5 Monde (Europe, Amérique latine, France-Belgique-Suisse, Afrique), l'extension à d'autres zones de chaînes thématiques et la montée en puissance du sous-titrage, avec notamment le sous-titrage en direct en français et en anglais des éditions-phares de TV5 Monde.

Si le soutien des partenaires francophones devrait permettre la poursuite de la mise en oeuvre du plan en 2019, la réduction de la contribution française ne laisse que peu de marges de manoeuvre.

Dans ce contexte, TV5 Monde poursuit sa mutation avec la création d'une rédaction bi-média (effective depuis un an) et le lancement d'une nouvelle offre numérique culturelle cet automne. De nouvelles offres ont également été lancées en Afrique et dans le domaine de l'information. Un projet d'offre numérique complète axée autour de l'art de vivre est prévu en 2019 afin de répondre aux attentes des nouvelles classes moyennes africaines.

Le développement de nouvelles offres en Afrique ouvre une opportunité en termes de recettes publicitaires. C'est Canal + qui commercialisera dorénavant les messages publicitaires de TV5 Monde en Afrique. La plus grande présence en Afrique des équipes du groupe privé - par rapport à France Télévisions qui avaient la charge de cette commercialisation - devrait, selon Yves Bigot, permettre de redresser les recettes qui ont tendance à ne pas progresser autant qu'espéré.

3. De nouveaux partenariats à l'étude

Les négociations afin de trouver de nouveaux partenaires à TV5 Monde sont aujourd'hui suspendues. Elles pourraient néanmoins reprendre prochainement.

Concernant le Grand-Duché de Luxembourg en particulier, la visite d'État de mars 2018 à Paris du Grand-Duc a été l'occasion de mentionner une adhésion à TV5 Monde. En avril dernier, il a été convenu que la chaîne RTL qui dispose d'un statut de chaîne publique au Luxembourg pourrait intégrer le conseil d'administration et fournir des programmes. Les élections au Grand-Duché cet automne ont eu pour conséquence de geler le projet, mais une évolution prochaine n'est pas exclue.

La situation à Monaco est un peu différente car la principauté ne dispose pas d'autorité de régulation de l'audiovisuel ni de véritable chaîne publique. « Monaco Info » est gérée par la Direction de la Communication de la Principauté de Monaco, elle-même rattachée au Ministre d'État. Il faudrait donc que son statut évolue pour permettre une adhésion à TV5 Monde.

L'avenir de TV5 Monde pourrait aussi s'inscrire dans la réalisation d'une plateforme francophone commune dont le principe a été réaffirmé lors du XVII e sommet de la francophonie qui s'est tenu à Erevan. Le pilotage de ce projet a été confié à la partie canadienne, Radio Canada disposant déjà d'un outil. Un séminaire est programmé à Paris en novembre 2018 pour examiner ce projet, un débat existant sur le caractère payant ou non de cette offre.

À court terme, les restrictions budgétaires obligent toutefois à faire quelques arbitrages. C'est ainsi que TV5 Monde a décidé d'abandonner la diffusion satellitaire en Irlande et en Grande-Bretagne pour passer à l'OTT. Ce changement fera baisser le nombre des abonnés de 14 millions à 2 ou 3 millions pour une économie de 0,5 million d'euros.

Votre rapporteur pour avis vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'avances à l'audiovisuel public dans le PLF 2019 ainsi qu'à l'article 35 du projet de loi .

*

* *

Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'avances à l'audiovisuel public du projet de loi de finances pour 2019 ainsi qu'à l'adoption de l'article 35 de ce même projet de loi .

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 21 NOVEMBRE 2018

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente, en remplacement de M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel . - Comme l'année dernière, je vais vous présenter quelques données chiffrées sur les crédits de l'audiovisuel public avant d'insister sur un nombre limité de points que j'estime fondamentaux. J'ai souhaité également cette année consacrer un focus sur le rapprochement entre France 3 et France Bleu qui fait suite au travail d'auditions et au déplacement à Bordeaux, en Nouvelle-Aquitaine, que nous avons menés au printemps dernier.

Les crédits alloués à l'audiovisuel public en 2019 continuent à baisser. Après avoir augmenté de 100 millions d'euros sur la période 2015-2017 puis baissé de 36,7 millions d'euros en 2018, ils baisseront à nouveau de 36,1 millions d'euros en 2019 pour retrouver un niveau légèrement inférieur à celui de 2016 en euros courants hors taxes.

Le Gouvernement a fixé un objectif de 190 millions d'euros d'économies d'ici 2022. Il a aussi demandé aux sociétés de l'audiovisuel public d'augmenter leurs investissements dans le numérique de 150 millions d'euros, ce qui accroît d'autant l'effort demandé à chacune d'entre elles.

Les crédits prévus par le PLF 2019 pour le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » s'élèveront ainsi à 3780,2 millions d'euros HT contre 3816,3 millions d'euros HT en loi de finances initiale pour 2018.

Ce résultat s'explique comptablement par la suppression de l'affectation d'une part de la TOCE à France Télévisions donnant lieu à une diminution des recettes du compte de 85,5 M€ et par une prévision de ressources issues de la CAP en progression de 50,5 M€ par rapport à 2018, liée à la hausse du nombre de foyers redevables de 0,52 % en 2019. La différence aboutit ainsi à une baisse de 36 millions d'euros HT pour les entreprises de l'audiovisuel public.

Cet effort se répartit en :

- 26 M€ pour France Télévisions,

- 4 M€ pour Radio France,

- 2 M€ pour ARTE,

- 1,6 M€ pour France Médias Monde et

- 1,2 M€ pour l'Institut national de l'audiovisuel (INA) comme pour TV5 Monde.

À noter, par ailleurs - et j'y reviendrai - que les conditions de la poursuite de la réhabilitation de la Maison de la Radio ne sont pas précisées dans les documents budgétaires. Le ministre de la culture a indiqué que ce financement ferait l'objet de crédits ad hoc .

J'observe qu'avec la suppression de l'affectation d'une part de Taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) à France Télévisions, la contribution à l'audiovisuel public redevient la seule ressource affectée au secteur (comme c'était le cas avant 2016). Par ailleurs, le Gouvernement insiste sur le fait que cette trajectoire d'économies permet, pour la première fois depuis dix ans, de ne pas augmenter le tarif de la CAP pour le contribuable et de la maintenir stable à son niveau de 2018. L'article 35 du projet de loi suspend, en effet, l'indexation de la CAP en 2019, laquelle conservera par conséquent son tarif de 139 € en métropole et de 89 € en outre-mer.

Voilà ce qu'il en est des principaux chiffres. Si l'on essaye de les interpréter, on ne peut que regretter la méthode suivie par le Gouvernement qui confirme le prisme comptable au travers duquel il envisage l'avenir de l'audiovisuel public.

Faute d'avoir pu remettre à plat les objectifs et les missions de ces entreprises dans une loi de refondation de l'audiovisuel - la loi n'arrivera au Parlement qu'au second semestre 2019 - le Gouvernement taille dans les budgets de manière aveugle, sans tenir compte de la situation réelle des entreprises, des efforts déjà réalisés et des enjeux stratégiques européens et internationaux.

Votre rapporteur pour avis ne peut, dans ces conditions, que partager le souci du rapporteur spécial de la commission des finances, notre collègue Roger Karoutchi, qui a souhaité rétablir plus d'équité en augmentant les crédits de France Médias Monde de 5 millions d'euros et ceux d'ARTE de 2 millions d'euros. J'ai bien conscience du fait que cet amendement a peu de chance de survivre lors de la navette, c'est pour cela que je me suis rapproché du ministère de la culture pour examiner la possibilité de trouver un compromis. Mais faute d'avoir pu échanger avec le ministre ou son cabinet, j'ai préféré renoncer pour le moment à déposer un amendement.

Ce budget de l'audiovisuel constitue à mes yeux un budget de transition pour au moins deux raisons. Il a été préparé par l'ancienne ministre de la culture et ses équipes dans un contexte où la rue de Valois avait les plus grandes difficultés à se faire entendre de Bercy. Il ne tient pas compte, ensuite, des modifications importantes qui devraient intervenir à l'issue du débat sur le projet de loi audiovisuelle.

Le colloque que notre commission de la culture a organisé en juillet dernier, en présence de plusieurs dirigeants de sociétés de l'audiovisuel public européen, a permis de rappeler que, si des transformations et des économies étaient indispensables concernant les structures, l'existence d'un audiovisuel public de qualité nécessitait des moyens. C'est pour cela qu'au sein de cette commission, si nous avons des différences d'appréciation sur le montant des économies à réaliser, nous sommes tous d'accord pour considérer que le montant de celles-ci a vocation à renforcer les programmes et à développer les nouveaux services, pas à financer le budget général.

L'objectif de la réforme, je le rappelle, ne doit pas être de réduire les moyens de l'audiovisuel public par principe, alors même que ceux-ci sont déjà parmi les plus faibles des grands pays européens. L'objectif doit être de réaffirmer notre ambition et de réorienter les dépenses vers des programmes originaux - une offre qualitative - qui se distinguent de ce qu'on peut trouver sur les médias privés qui répondent à une logique de demande et d'audience.

Voilà pourquoi je ne peux que regretter que plus un euro de la TOCE ne bénéficie à France Télévisions. En 2019 ce sont donc 85 millions d'euros qui manqueront à l'audiovisuel public par rapport à 2018. Mais je rappelle qu'il ne s'agit là que de l'aboutissement d'une logique puisque le produit de la TOCE était évalué en 2018 par l'annexe « Voies et moyens » du PLF à plus de 266 millions d'euros après les hausses successives de son taux ces dernières années.

Non seulement la TOCE a été détournée de son objet mais l'absence de réforme de la CAP comme sa désindexation en 2019 nous privent du seul outil de transformation de ces entreprises puisque nous savons qu'un des enjeux concerne clairement l'avenir de la publicité sur les antennes du service public. Or, tant que la course à l'audience sera nécessaire sur les antennes du public pour préserver des recettes, la différenciation sera insuffisante aux yeux des Français, comme l'a montré le sondage commandé par notre commission ; et la légitimité du service public restera fragile.

Lors de son audition par notre commission la semaine dernière, le ministre de la culture a précisé ses propos tenus à l'Assemblée nationale en indiquant que la réforme de la CAP aura lieu au plus tard en 2021. Je souhaite, pour ma part, qu'elle soit arrêtée dans ses grandes lignes dès l'année prochaine même si elle doit s'appliquer progressivement afin de permettre une cohérence.

J'en viens maintenant à la situation des opérateurs. Celle de France Télévisions reste délicate. Le COM de l'entreprise qui prévoyait une hausse continue des moyens appartient aujourd'hui à l'histoire ancienne. L'effort qui lui a été demandé en 2018 s'est élevé à plus de 75 millions d'euros en tenant compte des contraintes de gestion (clauses contractuelles et évolution de la masse salariale). En 2019, la baisse de crédits de 26 millions correspondra à un effort de 50 millions d'euros.

Je souhaite rendre hommage à la direction de France Télévisions qui doit piloter une telle entreprise dans le brouillard puisque le cap n'a pas été clairement fixé. Le Gouvernement a évoqué une baisse de crédits de 160 millions d'euros d'ici 2022 et une hausse des dépenses dans le numérique qui porte l'effort à 360 millions d'euros, mais on peine encore à comprendre la logique d'ensemble.

Un plan de départs volontaires est en préparation au sein de France Télévisions qui pourrait être important. Cet outil peut être utile pour renouveler le corps social de l'entreprise mais il ne faut pas en attendre, dans l'immédiat en tout cas, un effet en termes d'économies puisque les indemnités de départ sont souvent élevées pour être attractives.

Nous savons que la suppression de la diffusion hertzienne de France 4 et de France Ô ne permettra pas de faire des économies substantielles. Je déplore particulièrement le basculement de l'offre jeunesse sur le numérique qui constitue une erreur stratégique comme nous l'a indiqué le président de la BBC en juillet dernier. J'ai d'ailleurs demandé au ministre de la culture de revenir sur cette décision et je propose, madame la présidente, que nous réfléchissions à prendre une initiative collective pour manifester notre attachement à l'existence d'une chaîne dédiée à la jeunesse sur le service public.

Un mot sur le nouveau feuilleton de France Télévisions, pour dire que le pari industriel semble réussi et que les audiences sont satisfaisantes. Cela montre que la hausse de la production dépendante, celle que la chaîne réalise en interne ou à travers une filiale et dont elle possède les droits - que nous sommes plusieurs à soutenir - fait sens, y compris pour le service public. Un point de vigilance, cependant, qui tient à la trésorerie du groupe qui se dégradera cette année du fait de la hausse de certaines charges, notamment immobilières.

J'en viens à Radio France. Il convient tout d'abord de saluer les performances en termes d'audience. La tendance haussière se poursuit et ne s'explique pas seulement par les difficultés d'Europe 1.

La direction travaille sur la maîtrise de la masse salariale pour réaliser des économies avec plus de succès sur les CDI que sur les CDD. Le repositionnement des certaines offres comme les besoins nouveaux liés à Franceinfo expliquent sans doute cette difficulté ancienne à réduire le nombre des emplois. Pour la nouvelle présidente, les leviers d'action sont à trouver dans le cadre social en faisant évoluer le temps de travail, les congés et les méthodes de travail.

Le grand sujet de préoccupation de Radio France demeure l'avenir du chantier de la maison de la radio. J'ai auditionné il y a quelques mois Jean-Pierre Weiss à qui l'État a demandé de réaliser un rapport sur l'avenir du chantier. Les difficultés rencontrées, qui se sont aggravées depuis 2015, tiennent d'abord à une mauvaise estimation du temps nécessaire pour libérer les locaux, puis pour réaliser les travaux en site occupé. Ces retards se sont accumulés avec, pour conséquences, une multiplication des malfaçons et des dépassements de coûts, l'objectif du respect du calendrier l'ayant emporté sur ceux de la qualité et du coût. Aujourd'hui, la crise juridique semble maîtrisée. Un scénario de continuité a été arrêté, qui prévoit la remise en concurrence de certains marchés seulement.

Néanmoins, comme je le rappelai lors de l'audition du ministre de la culture, l'entreprise prévoit une fin du chantier fin 2022 seulement, avec 5 ans de retard. La situation n'est pas meilleure sur le plan financier puisque le coût final n'est toujours pas connu. Je rappellerai seulement que la Cour des comptes avait estimé dans son rapport de 2015 que le coût avait quasiment doublé à 430 millions d'euros. Le rapport Weiss, compte tenu des nouveaux problèmes soulevés, évoque un coût total de 493,3 millions d'euros auquel doit être ajouté un coût de fonctionnement lui-même en hausse de 48,1 millions d'euros. En outre, ce coût ne prend pas en compte la rénovation des studios moyens ni les délais intervenus entre la remise du rapport à l'automne 2017 et la mise en oeuvre des recommandations en 2018. Au final, le coût pourrait donc dépasser les 550 millions d'euros et même avoisiner les 600 millions d'euros compte tenu des studios moyens !

C'est une somme très importante qui doit toutefois être ramenée à sa juste proportion puisque le consortium du stade de France a estimé à 450 millions d'euros la rénovation nécessaire afin de moderniser l'enceinte construite pour la coupe du monde de 1998. Ce qui est regrettable, concernant la maison de la radio, c'est surtout l'erreur de jugement qui a consisté à vouloir engager un tel chantier en site occupé en en faisant supporter les conséquences aux salariés... et au contribuable.

Un mot seulement sur ARTE qui poursuit son développement numérique et renforce son positionnement de média européen plurilingue. La baisse des crédits en 2019 présente un double inconvénient : elle implique une baisse équivalente des crédits du partenaire allemand ; mais surtout, puisque les Allemands sont en train de programmer leur budget quadriennal, cette baisse de 2019 pourrait initier une réduction des moyens plus durable pour la chaîne franco-allemande. Je souhaite vivement que le Gouvernement prenne la mesure du mauvais signal qui est envoyé. Arte constitue aujourd'hui un modèle en termes de qualité et d'innovation. Nous ne pouvons comprendre que la France ait moins d'ambition que notre partenaire d'outre-Rhin.

Ce déficit d'ambition est également perceptible sur l'audiovisuel extérieur. Alors que les crédits cumulés de France Médias Monde et de TV5 Monde étaient déjà très inférieurs à ceux dont bénéficie la BBC, ils accusent maintenant un retard croissant sur ceux qui sont prévus pour Deutsche Welle en 2019. Vous avez souhaité, madame la présidente, que nous auditionnions le directeur de l'audiovisuel allemand en janvier prochain. Je crois, effectivement, indispensable que notre commission joue son rôle pour réaffirmer une ambition pour notre audiovisuel extérieur. Une partie de notre avenir se joue en Afrique. Nous devons accompagner le développement et la stabilité du continent et notre diplomatie culturelle peut y contribuer. Et il est regrettable que le Gouvernement se prive d'un des rares instruments disponibles pour atteindre ces objectifs.

J'en viens maintenant au rapprochement entre France 3 et France Bleu sur lequel j'ai souhaité m'attarder particulièrement cette année suite aux travaux menés au printemps dernier avec plusieurs collègues. Je crois que ce projet illustre parfaitement les espoirs, les difficultés et les ambiguïtés de la réforme de l'audiovisuel public.

Les espoirs tout d'abord. J'ai auditionné au printemps l'ensemble des syndicats de Radio France et de France Télévisions. Si des inquiétudes se sont faites jour sur la méthode et sur la façon dont le travail allait s'organiser à l'avenir, je n'ai senti aucune volonté de s'opposer à ce projet qui est perçu comme « faisant sens ».

Le rapprochement entre France 3 et France Bleu se double, en effet, d'une inversion du modèle de France 3. Cette chaîne, aujourd'hui essentiellement nationale, deviendra demain beaucoup plus régionale. L'information régionale qui représente 2 fois 30 minutes quotidiennes doit passer à 2 heures quotidiennes et les programmes inédits quotidiens doivent également doubler. De nombreux programmes communs avec France Bleu sont également envisagés.

La seconde évolution stratégique concerne une offre numérique commune. Le projet prévoit ainsi la création d'un univers numérique commun de la proximité alimenté par les deux réseaux.

Après les espoirs, les difficultés. Elles sont bien réelles. Autant dire qu'avant l'été nous pouvions nourrir de sérieuses inquiétudes sur le projet. Les difficultés à associer radio et télévision dans le cadre de deux organisations aux maillages très dissemblables ont sans doute été sous-estimées. L'annonce au printemps dernier du lancement de matinales communes dès septembre 2018 est vite apparue irréalisable.

Face à la déception qui commençait à apparaître, le projet a clairement été relancé ces dernières semaines avec des équipes en partie renouvelées, notamment chez France Bleu. Un calendrier a été redéfini. Deux matinales expérimentales seront lancées le 7 janvier prochain à Nice et Toulouse. Ces territoires ont été choisis parce qu'ils permettent de concilier les périmètres de France 3 et France Bleu. Des pilotes seront tournés mi-décembre afin de caler le dispositif.

Le concept a également été précisé, il s'agira d'abord pour France 3 de récupérer le signal radio de France Bleu et de l'habiller avec des images. L'identité de France Bleu ne doit pas être menacée. Le projet vise à s'inspirer très précisément des expériences de radio filmée qui réussissent en Belgique et au Canada. L'évaluation de cette expérience aura lieu au printemps 2019 tant sur le plan éditorial que financier.

D'autres projets d'émissions communes sont également en chantier. Notamment une émission politique mensuelle de 52 minutes et des journées thématiques communes.

Je ne peux que saluer la réorientation du projet de rapprochement qui, en se donnant du temps et en commençant par deux expérimentations sur des territoires homothétiques, permet de maximiser les chances de succès.

Je terminerai en évoquant les ambiguïtés qui demeurent fortes. Le rapprochement entre France 3 et France Bleu a été initié d'abord avec l'idée de faire des économies. Or, compte tenu des coûts induits par l'augmentation des programmes locaux et des ajustements techniques, il n'y aura pas d'économies massives. Par contre, l'évolution des méthodes de travail peut permettre des gains de productivité importants. L'évolution du modèle de production devrait également favoriser une meilleure diffusion des programmes sur tous les supports. Par ailleurs, des économies sont aussi envisagées à travers des rapprochements immobiliers comme à Rennes.

La principale ambiguïté concerne précisément le numérique. Avant l'été, lorsque le projet de matinales communes apparaissait compromis, les syndicats avaient indiqué qu'il aurait mieux valu commencer par créer des plateformes numériques communes. Le numérique constitue l'avenir de l'audiovisuel public régional, sans doute davantage que la création de chaînes de télévision locales de plein exercice qui sont très couteuses.

Or, l'expérience de Franceinfo l'a montré, pour s'imposer face à la concurrence, rien ne vaut une marque commune. Or cette hypothèse est aujourd'hui écartée par les deux réseaux qui entendent jalousement préserver leur identité au motif que les Français y seraient attachés... Bien évidemment, ce prétexte illustre d'abord la réticence des encadrements à envisager véritablement un rapprochement. Ce sera une des missions du futur projet de loi de lever ces résistances.

Une marque commune est indispensable pour faire exister cette nouvelle offre aux yeux des Français. La marque France Bleu pourrait à cet égard très bien recouvrir à la fois la radio, les programmes régionaux de France 3 et le numérique. La marque Franceinfo bénéficie également d'une forte légitimité et pourrait donc être envisagée.

Au-delà de cette question d'identification se posera également la question des structures. Comment faire travailler côte à côte dans la durée des personnels avec des statuts et des conditions de travail dissemblables ? Le rapprochement de France Télévisions et de Radio France que votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux doit très clairement apporter des solutions, peut-être à travers la création d'une filiale commune ? Les deux réseaux réfléchissent déjà à la création d'un GIE de moyens qui pourrait constituer une première étape.

Vous l'aurez compris, le rapprochement entre France 3 et France Bleu a connu un démarrage difficile mais le pragmatisme comme l'enthousiasme des équipes ont sans doute permis de dépasser les réflexes de repli et les obstacles techniques. Les personnels, comme les responsables, ont pris conscience de la puissance cumulée des deux médias et de la nécessité d'accélérer sur Internet. Le projet avance et il nous appartient de l'accompagner pour qu'il constitue une vraie chance pour nos territoires.

Madame la présidente, mes chers collègues,

Ce budget de transition n'est pas véritablement satisfaisant compte tenu de ses lacunes et de plusieurs choix contestables. Je ne souhaite pas cependant en faire grief au nouveau ministre de la culture qui n'a pas participé à ces arbitrages et qui a déclaré souhaiter pouvoir s'appuyer sur le Parlement pour préparer le projet de loi de réforme de l'audiovisuel.

Ce budget constitue pour ainsi dire le premier « épisode » d'une série qui nous occupera toute au long de la saison 2019. Il met l'accent sur les économies et oblige les entreprises à faire des efforts sur leur organisation. Nous attendons les prochains « épisodes » qui préciseront, je l'espère, comment maintenir une ambition et réaffirmer des missions. Dans cette attente - et compte tenu de l'amendement déjà adopté par la commission des finances auquel je souscris à titre personnel - je vous proposerai de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Un mot également sur l'article 35 du PLF qui suspend l'indexation de la CAP. Comme je l'ai indiqué, je suis favorable à ce que l'audiovisuel public dispose de moyens suffisants pour son développement mais ceux-ci ne doivent pas servir à préserver des structures coûteuses et insuffisamment productives, c'est une critique qui a été faite par la Cour des comptes dans son rapport de 2017 sur la CAP et que je partage concernant les effets pervers de la sur-indexation qui peut intervenir certaines années. Je propose donc de donner un avis favorable à cet article tout en demandant que les entreprises puissent bénéficier à l'avenir de davantage de moyens pour leur développement soit numérique soit international.

M. David Assouline . - Je souscris à beaucoup de choses qui ont été dites concernant la presse. Cette commission s'honorerait à constituer une commission d'enquête sur la situation de Presstalis, comme nous l'avions souhaité. Nous avons besoin de comprendre ce qui s'est passé pour avancer.

Je ne comprends pas que le rapporteur propose de donner un avis favorable alors qu'il déplore la baisse des crédits pour la presse. On devrait fonctionner dans l'autre sens : définir les politiques publiques que l'on veut avant de décider d'une baisse ou, le cas échéant, d'une hausse des crédits. Nous sommes législateur, pas comptable. Or voilà des années que Bercy nous impose ses impératifs d'économies.

Concernant les crédits d'impôt au cinéma : je n'ai pas encore d'écho de la part des collègues de la commission des finances ou de l'Assemblée nationale. Il est vrai que les crédits d'impôt, de manière générale, représentent pour l'État une dépense. C'est donc une forme de subvention, dont il faut suivre les résultats. J'ai milité pour la création des crédits d'impôt en faveur du cinéma, à une époque où de nombreux tournages étaient délocalisés. Le résultat est sans appel : 600 millions d'euros de dépenses et 15 000 emplois en plus sur nos territoires. Dans quel autre secteur a-t-on réussi à susciter la création de 15 000 emplois ? Ces résultats sont par ailleurs vertueux pour nous car ces dépenses et emplois se répartissent très bien sur les territoires : les Hauts-de-France en profitent, l'Occitanie aussi, même s'il est vrai que l'Île-de-France conserve une place privilégiée en raison notamment de ses propres systèmes de soutien. Je veux donc militer pour que nous soyons attentifs et prêts à rejeter toute offensive de l'Assemblée nationale à l'encontre de ces crédits d'impôt.

Sur l'audiovisuel public, je ne comprends pas la position du rapporteur, dont je partage énormément d'observations mais qui conclut avec un avis favorable. La justification de celui-ci serait qu'on ne peut pas faire porter la responsabilité de ce budget sur notre nouveau ministre et qu'il s'agirait là d'un budget de transition. Ce n'est pas possible. On ne fait là qu'obéir aux injonctions de Bercy. Certes, il y avait beaucoup plus à faire en matière de réductions de dépenses, notamment sur les encadrements dont le poids peut affecter le reste des personnels. Mais même là, les baisses doivent servir à quelque chose. Il n'est pas possible de mettre fin à la filière jeunesse et animation en supprimant la diffusion hertzienne de France 4, de porter un coup à la diversité en supprimant celle de France Ô, de dire qu'on ne pourra plus s'offrir de sport, événement fédérateur. Alors que l'audiovisuel public a été un sujet de consensus depuis dix ans quels que soient les gouvernements, je trouve ce budget irresponsable.

M. Bruno Retailleau . - Nous suivrons l'avis du rapporteur sur l'audiovisuel public. Deux points peuvent toutefois engendrer des divergences. D'abord, nous soutiendrons l'amendement porté par Roger Karoutchi au nom de la commission des finances pour abonder le budget de France Médias Monde et celui d'Arte. C'est important pour la présence de la France dans le monde. Ensuite, contrairement à David Assouline, l'audiovisuel public ne relève pas pour nous d'une religion : nous sommes républicains, et nous souscrivons à l'idée d'une désindexation de la contribution à l'audiovisuel public. Nous l'assumons car nous voulons protéger le pouvoir d'achat des Français.

Mme Dominique Vérien . - Le budget de l'audiovisuel public est effectivement un budget de transition. Baisser les dotations de toutes les sociétés de l'audiovisuel public est injuste et il n'est pas normal que France Médias Monde soit traité de la même manière que les autres sociétés. Nous suivrons donc l'amendement de M. Karoutchi.

J'élargirai mon propos sur France Médias Monde à l'AFP car les deux entités jouent également un rôle de rayonnement de la culture française et de diffusion d'un regard français sur l'actualité. Je sais que des discussions sont en cours entre l'AFD et France Médias Monde pour un financement à hauteur de sept millions d'euros, et j'espère qu'elles vont aboutir.

Les projets concernant France Télévisions avancent, mais on a plus de doutes concernant le choix de supprimer France 4 et la diffusion hertzienne de France Ô, notamment vis-à-vis de la diffusion du sport féminin qui était assurée par la première.

Je suis d'accord avec l'idée selon laquelle c'est en connaissant le projet de fond qu'on pourrait bien réfléchir aux crédits nécessaires. Nous voterons donc plus sur ce budget comme un budget d'attente que de transition : attente d'un projet, attente de valorisation de la culture française.

M. Michel Laugier , rapporteur pour avis des crédits « Presse et Médias ». - La situation de la presse en France demeure critique. En 2009, sept milliards d'exemplaires étaient vendus chaque année. En 2017, moins de quatre milliards. C'est dire l'ampleur des défis auxquels tous les acteurs de la filière sont confrontés. Cette baisse frappe de manière différente les canaux de diffusion, avec une division par deux des réseaux de vente et les familles de presse. La presse d'information politique et générale (IPG) qui est la plus touchée.

Le programme 180 « Presse et Médias » ne représente avec ses 113 millions d'euros qu'un peu plus de 20 % des aides attribuées, qui se composent essentiellement d'exonérations fiscales et sociales. On peut y ajouter le montant prévu sur le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » pour la compensation versée à La Poste, soit 103,8 millions d'euros, pour parvenir à environ 40 % du soutien au secteur et 217,2 millions d'euros. Les crédits s'inscrivent en baisse de 6 % en 2019 et c'est la diffusion qui supporte cette diminution.

En effet, les aides au pluralisme restent stables et l'aide postale, comme convenu dans le contrat passé avec l'État, baisse de 6,9 %. C'est l'aide au portage qui accuse la plus forte contraction, avec 5 M€ de moins.

Contrairement à ce qu'a pu nous indiquer le ministre à l'occasion de son audition le 14 novembre dernier, cette diminution de 15 % est très supérieure à celle de la diffusion, qui régresse en moyenne de 2 à 3 % par année depuis 10 ans. Elle pourrait se cumuler en 2019 avec la non compensation de la suppression du CICE pour 4 millions d'euros, si l'amendement que, avec l'aide de beaucoup d'entre vous, j'ai fait adopter mercredi dernier dans le PLFSS n'était finalement pas adopté. Cette baisse d'un vecteur de diffusion privilégié par la presse régionale ne s'explique donc pas vraiment par autre chose qu'une logique budgétaire, même s'il faut se souvenir que l'aide au portage a beaucoup augmenté depuis 2008.

Je vais maintenant évoquer la situation de Presstalis.

En effet, les très rares marges de manoeuvre du programme ont été intégralement absorbées par le sauvetage de cette société.

Le seul mouvement notable de crédit est la division par deux, avec 9 M€, du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), au bénéfice de Presstalis. Ce fonds permet à des projets innovants et d'avenir de trouver des financements. Il s'agit là, vous en conviendrez, d'une curieuse manière de répondre aux défis posés par le numérique. Presstalis bénéficie par ailleurs d'un prêt de 90 millions d'euros de l'État, déblocable par tranches, et du soutien « volontaire » des éditeurs.

La situation de Presstalis, qui a fait l'objet de pas moins de sept auditions l'année dernière devant notre commission, est en effet préoccupante.

Elle a été révélée en fin d'année dernière, avec un trou dans les comptes de 37 millions d'euros, très supérieur à ce qui était anticipé. Le déficit d'exploitation de la messagerie n'a jamais été positif. Les fonds propres, qui s'établissaient à - 65 M€ en 2010, se sont creusés, depuis, de 40 M€ par an, pour s'établir en 2017 à - 358 M€. En dépit de réformes impulsées par certains de nos collègues - je pense notamment à David Assouline - la société ne tient que grâce à des aides de l'Etat.

Les raisons de cette situation, que j'analyse en détail dans le rapport écrit, sont multiples.

La baisse des ventes n'est qu'un élément parmi d'autres. Il faut surtout y voir la succession de choix hasardeux et d'échecs coûteux. Ainsi, les plans sociaux successifs ont coûté plus de 150 millions d'euros. Les barèmes ne couvrent pas les coûts, et des initiatives lancées par les précédentes directions n'ont jamais porté leur fruit : les nouveaux systèmes d'information, la refonte de l'organisation logistique, la diversification dans le numérique etc...

Le plan de redressement est porté par la nouvelle Présidente, que nous avons auditionnée ici-même. Du côté des charges, il se déroule à peu près suivant le calendrier convenu, avec le départ de 240 salariés et la vente de 11 des 17 dépôts, qui concentrent le déficit.

Les inquiétudes portent plutôt sur le chiffre d'affaires. Les relations sont conflictuelles avec le grand concurrent, les Messageries lyonnaises de presse (les MLP), et les éditeurs, échaudés, se méfient et hésitent à s'engager sur le long terme.

Le rapport remis par Marc Schwartz à la ministre en juin dernier vise en partie à répondre à cette crise.

Il part du constat que la France se caractérise par une profusion de journaux, comme vous le voyez, à un niveau très supérieur aux autres pays, mais pas par un plus grand nombre de lecteurs, d'où la très faible rentabilité de titres qui, pour une bonne partie, sont en réalité de faible qualité. L'opinion des auteurs du rapport est que cette surproduction est massivement encouragée par le système de diffusion issu de la loi Bichet.

Les solutions apportées sont un véritable « big bang » et signent la fin si ce n'est de l'esprit, au moins de la lettre de la loi Bichet de 1947. Le ministre ne s'est pas encore prononcé formellement dessus. Il serait ainsi mis un terme au statut coopératif obligatoire, au profit de sociétés agréées. Les éditeurs bénéficieraient d'un droit « absolu » à être distribué pour les titres d'information politique et générale (IPG), et d'un droit négocié pour les autres titres. Cela permettrait de mieux régler la question des approvisionnements des points de vente. Enfin, il serait mis fin à l'autorégulation du secteur, qui serait désormais contrôlé par l'ARCEP. Nous sommes maintenant dans l'attente de la position du gouvernement sur ces propositions, et il nous faudra le moment venu nous saisir de ce projet de loi, avec comme optique d'apporter enfin une solution pérenne qui nous garantisse que, tous les trois ou quatre ans, une nouvelle crise et une nouvelle révision de la loi Bichet n'occupe pas l'agenda.

J'en viens maintenant aux kiosques numériques. J'ai organisé une table ronde avec leurs représentants pour essayer de comprendre leur modèle économique et les perspectives qu'ils offrent à la presse.

En effet, si nous sommes tous conscients des dangers du numérique pour le secteur de la presse, il constitue également une très belle opportunité.

La diffusion de la presse quotidienne baisse de manière continue. Cependant, on constate que la part de la diffusion numérique a pour sa part été multipliée par 10 entre 2011 et 2017. Elle a presque compensé les baisses combinées du portage et de l'abonnement postal.

Il n'est pas possible de disposer de la part des kiosques et des abonnements. Les éditeurs rencontrés nous ont indiqué que leur impact était cependant majeur depuis 2016.

Près d'un million de personnes utilisent désormais un kiosque numérique, majoritairement avec la formule du forfait. Il s'agit donc d'un mode de diffusion innovant, mais différent : les éditeurs doivent aussi y trouver leur compte. La distribution est pour eux d'un coût quasiment nul - il suffit d'envoyer un pdf -, mais ils doivent nouer des relations financières satisfaisantes avec les kiosques.

Il faut également voir deux grands avantages à cette diffusion, en ces temps marqués par les fausses informations : les informations ne sont pas filtrées a priori par un algorithme, puisque c'est le journal en intégralité qui est disponible et il s'agit d'une information payante et acquittée par le lecteur, soit une très profonde différence avec l'information disponible en ligne.

Toute proportion gardée donc, le développement des kiosques numériques ressemble un peu à ce qu'a connu la musique avec le streaming . Il reste à voir s'ils pourront trouver un équilibre économique et offrir aux journaux un relai de croissance.

La situation de l'Agence France-Presse, que je vais évoquer maintenant, est complexe, comme l'audition de son nouveau Président devant notre commission le 3 octobre dernier l'a confirmé.

Tout d'abord, son élection a été marquée par une intervention de l'État que l'on peut qualifier de tardive - le matin même du vote - et brouillonne, au-delà de son poids au Conseil d'administration. Si l'État est intervenu de si près, il est en revanche trop peu présent dans la définition d'une réelle volonté stratégique. Les trois tutelles, Culture, Bercy et Affaires étrangères, comme le souligne la Cour des comptes, ont du mal à s'entendre sur ce qu'elles souhaitent pour l'Agence. Enfin, le statut de l'Agence apparait aujourd'hui comme un frein à son développement. Là encore, aucune réponse n'est apportée pour l'instant.

Cette absence de vision est particulièrement problématique car l'Agence est confrontée aujourd'hui à des défis d'ampleur. Son résultat net est négatif, ses revenus connaissent une érosion continue et le soutien public, qui augmente pourtant de 2 millions d'euros cette année, ne pourra pas croitre au cours des années à venir. Cette situation n'est pas exclusive à l'Agence, elle est celle de toute la presse. Ainsi, la part des revenus issue des journaux, aujourd'hui de 32 %, a tendance à baisser, certaines publications n'ayant plus les moyens de s'abonner.

Le nouveau président souhaite accroitre la part de l'image, et soumis à forte contrainte budgétaire, a conçu un plan de départ de 125 personnes et des embauches dans ce secteur pour 35 personnes. Cet axe fort, qui paraît par ailleurs tout à fait judicieux, ne doit cependant pas se faire au détriment de la qualité du travail éditorial, qui passe par le texte, comme me l'ont fait remarquer les syndicats de l'Agence que j'ai reçus la semaine dernière.

Il n'est pas certain qu'il existe aujourd'hui un modèle de développement viable pour une agence comme l'AFP. Ses grandes concurrentes de taille mondiale, AP et Reuters, dont les comptes ne sont pas publiés, traversent les mêmes difficultés, mais sont intégrés dans de très grands groupes ou bénéficient du soutien au moins implicite d'État qui y voient un élément d'une politique d'influence. Il faudra donc suivre avec attention les projets du nouveau Président.

Dernier point de mon propos, les projets européens de création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse.

Les éditeurs ne captent aujourd'hui que 13 % de la valeur générée par leurs publications sur Internet. La Commission a proposé une nouvelle directive, dont l'article 11 permettrait aux éditeurs de mieux faire valoir leurs droits face à l'utilisation de leur production. Les négociations sont longues et complexes : le Parlement européen a une première fois rejeté le texte le 25 juillet, avant de finalement l'accepter le 12 septembre. Les États sont en cours de négociation, et le ministre nous a fait part de sa volonté d'aller vite sur ce dossier.

Deux remarques cependant. D'une part, si des droits voisins sont une solution séduisante, ils ne résoudront pas d'un coup la crise du secteur. Au mieux, ils créeront un cadre de discussion plus acceptable avec les grandes plateformes. D'autre part, l'opposition aux droits voisins n'est pas l'apanage de Google et autres, mais également de certains États qui craignent qu'ils ne contribuent à « figer » le marché au profit des plus grands éditeurs. Les représentants de la presse en ligne que j'ai reçus n'y étaient d'ailleurs pas favorables, car ils voient les risques de détournement. Il s'agit d'un sujet dont nous aurons l'occasion de largement reparler quand se présentera la transposition de la directive.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 180.

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis des crédits « Livre et industries culturelles » . - Les industries culturelles rassemblées dans le programme 334 regroupent un grand nombre de secteurs.

Le cinéma, la musique, le jeu vidéo, la lecture sont autant de secteurs qui contribuent au bien être de la population, mais sont également des acteurs économiques de premier plan, avec un chiffre d'affaires supérieur à 15 milliards d'euros et des dizaines de milliers d'emplois.

Le programme 334 comporte 268,7 millions d'euros, en baisse de 0,7 % à périmètre constant. Il convient d'y ajouter les 680 M€ de taxes affectées au CNC, 382 M€ de crédits d'impôt et 88,4M€ pour les bibliothèques, soit plus de 1,3 milliard d'euros de soutien.

Je vais commencer en évoquant le cinéma.

Le financement d'un film mobilise, comme vous pouvez le voir, un grand nombre d'acteurs et des moyens très importants, de quelques millions d'euros à des dizaines de millions pour les plus grosses productions. 56 % de ces financements reposent sur la puissance publique, par le biais des aides ou du cadre mis en place. On distingue donc les aides directes du Centre national du cinéma et de l'image animé (CNC), le financement par les chaînes de télévision, et enfin les crédits d'impôt. Ces trois piliers sont aujourd'hui soumis à des trajectoires complexes.

En ce qui concerne le CNC, le montant des taxes affectées reste stable à 680 millions d'euros. Cependant, le montant des réserves de l'organisme étant en nette baisse, il ne sera plus possible comme les années précédentes de puiser dedans. Les aides devraient donc baisser de 30 millions d'euros en 2019. Le CNC préfère faire porter l'essentiel de cette baisse sur la production audiovisuelle, avec à la clé une réforme des mécanismes de soutien dans un sens plus qualitatif, d'où des protestations des présidents des chaînes privées.

Les chaînes de télévision, pour leur part, sont les principaux financeurs, avec 36,6 % des films de cinéma et beaucoup plus pour leurs propres productions.

Elles sont durement touchées par la baisse de leurs ressources publicitaires, pour les chaînes privées, par la baisse des dotations, pour les chaînes publiques et par les incertitudes sur son modèle pour Canal Plus. Tout cela contribue à fragiliser cet écosystème. Cependant, la signature de l'accord entre Canal Plus et les organisations de cinéma, le 6 novembre dernier, apparait comme une éclaircie, car elle ouvre enfin, après six ans de négociation, la voie à la signature de la nouvelle chronologie des médias.

Enfin, il faut souligner que le cinéma et l'audiovisuel bénéficient de crédits d'impôt, rénovés et renforcés en 2016, pour un montant de 327 millions d'euros en 2019. Nous y sommes tous profondément attachés, car ils ont montré leur efficacité. Face à la volonté de certains de nos collègues de les remettre en cause, il faut d'une part rappeler que tous les grands pays de cinéma disposent de mécanismes comparables, d'autre part rappeler les évaluations toutes convergentes sur leurs effets positifs. Ainsi, les dépenses annuelles de tournage en France ont augmenté de 639 M€ depuis la réforme, avec 15 000 emplois générés. De plus, avant la réforme, 27 % des tournages de films agréés se déroulaient à l'étranger, contre 12 % aujourd'hui. Il me parait primordial aujourd'hui d'afficher notre unité, notamment quand viendra le moment du renouvellement de ces crédits d'impôt. Je suis personnellement très favorable à une pérennisation sur longue période, qui permettra justement de marquer l'attractivité du secteur.

L'impact de ces soutiens est visible dans la vivacité de la production française. Nos films représentent maintenant la moitié des sorties en salle, en hausse constante depuis 2008. Si le cinéma américain, avec une part inférieure, réalise toujours près de la moitié des entrées, la diversité de nos productions qui rassemble un large public parmi les 200 millions de spectateurs annuels, est un atout incomparable pour la France.

J'en viens maintenant à mon second point, la musique et le jeu vidéo qui sont, en France, des secteurs d'excellence.

Ces deux secteurs ont été très tôt impactés par la révolution du numérique, et ont failli disparaitre, victimes du piratage. Aujourd'hui, ils ont su se réinventer et trouver des voies de développement prometteuses.

Ainsi la musique, dont le chiffre d'affaires avait été divisé par trois en treize ans, redresse la tête, avec une hausse certes lente, mais continue de ses revenus. La musique enregistrée est maintenant principalement écoutée sous forme de streaming, avec des plateformes comme Spotify ou Deezer. Si beaucoup reste à faire sur les modalités de rémunération des artistes, on doit se féliciter que les consommateurs aient repris l'habitude de payer pour écouter des morceaux. La musique bénéficie d'un crédit d'impôt pour environ 10 millions d'euros. Il est comme pour le cinéma, d'une grande efficacité prouvée, et doit absolument être défendu par notre commission.

Le jeu vidéo s'impose comme la deuxième industrie culturelle après l'édition, mais devant le cinéma et la musique. Les ventes ont atteint en France 4,3 milliards d'euros en 2017, si on inclut le matériel.

Les usages des Français ont évolué : naguère réservé à un jeune public et à quelques passionnés, le jeu vidéo séduit maintenant une majorité de la population, avec notamment le jeu sur mobile, et presque à parité, ce qui est une satisfaction pour moi. Je ne peux pas oublier de mentionner le rapport pionnier de nos deux collègues André Gattolin et Bruno Retailleau qui, dès 2013, avaient anticipé en bonne partie ce succès et proposé des pistes novatrices.

La France bénéficie d'une position enviable dans le monde, et de quelques acteurs de rang mondial comme UBISOFT. Le jeu vidéo bénéficie d'un crédit d'impôt d'un montant élevé de 45 millions d'euros, en constante progression ces dernières années, ce qui montre son attractivité. Une évaluation de ce jeune dispositif a été confiée au CNC, qui devra rendre ses conclusions en 2019.

Je vais maintenant évoquer la question des auteurs et du soutien au livre.

L'édition en France se porte bien : plus de 47 000 nouveautés sont éditées chaque année. Pourtant, ce chiffre signifie aussi que près de 200 livres sortent chaque jour, ce que le marché ne semble pas pouvoir absorber, avec des tirages moyens qui baissent année après année. Cela a un impact très direct sur les auteurs, qui ont de plus en plus de difficultés à vivre de leur art.

Nous avons eu, avec la présidente et Sylvie Robert, un débat en séance la semaine dernière avec la Ministre des solidarités et de la santé. Nous avons été obligés, pour la deuxième année, de faire adopter un amendement au projet de loi finances de la sécurité sociale (PLFSS) afin de prévoir le simple remboursement aux auteurs en 2018 de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) qui ne leur a pas été compensée. Je précise que les crédits sont bien inscrits, pour 18 millions d'euros, depuis l'année dernière, et un décret est paru en mai. Or, aujourd'hui, il ne s'est toujours rien passé, même s'il faut donner acte à la ministre de ses engagements. Cela se surajoute aux difficultés rencontrées par cette profession, qui souffre en réalité de n'être jamais traitée à part, et ce sur tous les sujets : TVA, prélèvement à la source etc.. Même si ces thématiques dépendent de nos collègues des affaires sociales, il faudra que nous soyons en mesure de suivre ce dossier avec attention et, comme en séance publique l'autre jour, de rappeler au gouvernement ses engagements et ses obligations.

Il faut se féliciter de la densité du réseau en France, avec 5 000 librairies spécialisées qui réalisent 22 % des ventes. Les librairies bénéficient de soutien de l'État, et des collectivités territoriales. Comme élus, nous connaissons tous l'importance d'une librairie pour la vie locale. Le soutien aux librairies passe pour beaucoup par le Centre national du livre (CNL). Nous nous inquiétions l'année dernière de ce que je qualifiais de « lent étiolement » du CNL. En effet, les deux taxes qui lui sont affectées connaissaient une décrue irréversible. En 2019, heureuse réponse à nos craintes, elles sont supprimées, et remplacées par des dotations, pour un montant de 23,7 millions d'euros qui lui permettra de poursuivre ses missions.

À côté du réseau des librairies, la France dispose d'un vaste réseau de bibliothèques, très soutenu par les collectivités territoriales. Il a été « dynamisé » par deux rapports, celui de Sylvie Robert en 2012, et plus récemment d'Erik Orsenna et Noël Corbin, que nous avons auditionnés en commission le 21 mars dernier. Il reste beaucoup à faire pour étudier la faisabilité de certaines propositions, comme l'ouverture de lieux le dimanche, mais le premier effet positif s'est déjà fait sentir : les soutiens de l'État, en particulier à travers la dotation générale de décentralisation (DGD), ont été augmentés de 8 M€ en 2018 et s'établissent maintenant à 88,4 millions d'euros. Le ministre a même annoncé une « rallonge » de 2 millions d'euros. Je l'ai interrogé sur ce point lors de son audition la semaine dernière, en soulignant que ces crédits n'apparaissaient nulle part, et il nous a été répondu qu'ils seraient dégagés « en gestion ». Cette réponse n'est ni satisfaisante, ni respectueuse de l'autorisation parlementaire, qui constitue juridiquement un plafond de dépense. Elle laisse en tout cas dans l'idée que le ministère disposerait en cours d'année de marges de manoeuvre importantes, ce que nous n'avions pas perçu jusque-là.

La Bibliothèque nationale de France maintenant (BnF) concentre à elle-seule les deux tiers des crédits du programme, avec 207,9 M€. La hausse n'est qu'apparente, à périmètre constant, les moyens restent identiques.

La vraie interrogation porte sur le fonctionnement du futur ensemble de 30 000 m² : à ce stade, aucun crédit de fonctionnement n'a été prévu, ce qui est préoccupant. Il faudra donc s'assurer que dans les années à venir, les conditions d'accueil du public et donc les personnels soient assez présents pour être à la hauteur des lieux.

Enfin, je vais évoquer la lutte nécessaire contre le piratage.

Selon une étude récente, le piratage représenterait en 2017 en France 1,15 milliard d'euros. Ce chiffre est très important. Il correspond au double des aides du CNC, à trois fois les crédits d'impôt, et à cinq fois les investissements de Canal Plus. Résoudre, même partiellement, la question du piratage, c'est répondre en grande partie aux inquiétudes du milieu du cinéma.

Nous avons auditionné le président de la Hadopi en commission, Denis Rapone le 30 mai dernier. Il nous a exposé ses projets d'évolution de la législation : établissement d'une « liste noire », adaptation de la réponse graduée. Tout cela devrait trouver sa place dans la future loi audiovisuelle. La signature prochaine de la chronologie des médias, en rendant toujours disponible une solution légale pour le visionnage d'une oeuvre, pourrait permettre de limiter de fléau.

Il faut enfin mentionner les négociations européennes en cours sur l'article 13 de la directive sur les droits d'auteur. Les négociations sont longues et complexes, il s'agit de contraindre les plateformes à assumer leurs responsabilités en passant des accords de licence ou en filtrant mieux les contenus illégaux. Là encore, les mesures de transposition devront intervenir rapidement.

Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.

Mme Colette Mélot . - Ce budget contient des améliorations notables s'agissant de la presse et du livre ; par le biais du conseil national du livre, le secteur bénéficiera d'une vraie dotation, ce qui est une bonne chose.

L'année 2019 sera décisive pour l'audiovisuel et ce budget est assurément celui d'une transition. Il convient que nous nous mobilisions sur ce sujet et que nous demeurions attentifs quant à la réforme à venir.

Le groupe des indépendants est par ailleurs favorable à l'amendement de notre collègue Roger Karoutchi au nom de la commission des finances.

M. Laurent Lafon . - Nous partageons l'avis du rapporteur sur les aides à la presse, dont nous attendons avec impatience la réforme, que nous souhaitons profonde et structurelle.

La situation de Presstalis est devenue intenable et aberrante, si l'on songe que l'on prélève 9 millions d'euros pour la renflouer du fonds stratégique pour le développement de la presse, dont les crédits sont destinés à financier l'innovation et la transition du secteur.

Je regrette la baisse de 5 millions d'euros des aides au portage, qui me semblent constituer dans cette phase de transition une aide nécessaire. La disparition des kiosques de nos villes est mal vécue, aussi cette mesure ne va pas dans le bon sens.

M. Pierre Ouzoulias . - Je souhaiterais vous faire remarquer, mes chers collègues, les résultats exceptionnels obtenus en 2017 par France Culture, tant en audience cumulée qu'en téléchargement de podcasts : plus de 20 millions de podcasts téléchargés par mois, soit une hausse de 29 %. Ces émissions téléchargeables sur Internet participent aussi du rayonnement de notre pays et de la diffusion de nos valeurs. Dans un pays qui interdit l'athéisme, écouter une émission de France Culture sur la laïcité est comparable à l'écoute de Radio Londres pendant l'Occupation. Or, quand les agents fournissent un travail de qualité, qui se traduit par une telle diffusion, on pourrait attendre d'un budget qu'il soutienne leurs efforts. Ce budget ne le fait pas et nourrit une certaine incompréhension.

Un budget est l'affirmation comptable d'une volonté politique. Nous avons longuement débattu des fausses nouvelles et des moyens de les combattre : comme à cette occasion, je ne peux dire qu'il y a des limites à la duplicité. On ne peut pas affirmer qu'il faut lutter contre les fausses nouvelles et, concomitamment, réduire les moyens des institutions qui font ce travail.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente. - En l'absence de notre rapporteur, je ne peux répondre à vos questions. Permettez-moi toutefois de rebondir sur la question de l'arrêt de la diffusion de France 4 sur la TNT. J'avais proposé un moratoire sur la fin de sa diffusion, car j'estimais que cette annonce isolée et désordonnée contrariait la réflexion globale qu'il convient de mener sur l'avenir de l'audiovisuel public. Le sondage que nous avions commandé à l'occasion de notre colloque sur l'avenir de l'audiovisuel public indiquait que 70 % des Français y étaient opposés. Au-delà de la chaîne, c'est l'avenir de toute une filière de production qui est en jeu.

J'ai senti que le ministre n'était pas très à l'aise sur ce sujet, s'agissant d'une décision intervenue avant sa prise de fonctions. Nous devons réfléchir aux modalités de notre action.

Je rappelle que notre commission doit donner un avis global sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi qu'au compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » et à l'article 35 du projet de loi de finances.

Mme Sonia de la Provôté . - Si je comprends bien, l'avis favorable que nous souhaitons émettre dépend de l'adoption d'un amendement en séance publique. Je m'abstiendrai donc s'agissant des crédits de la mission.

M. David Assouline . - Nous refusons la logique de prendre à l'un pour donner à l'autre, à laquelle obéit l'amendement de notre collègue Roger Karoutchi ; prendre à Radio France et à France Télévisions ne nous convient pas.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public ».

La commission donne un avis favorable à l'adoption de l'article 35 du projet de loi de finances pour 2019.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 9 octobre 2018

- France télévisions : Mme Delphine ERNOTTE-CUNCI , Présidente directrice générale, M. Christian VION , directeur général délégué à la gestion, à la production et aux moyen, Mme Juliette ROSSET-CAILLER , directrice des relations avec les pouvoirs publics, M. Francis DONNAT , Secrétaire général.

Mercredi 10 octobre 2018

M. Laurent VALLET , Président, M. Jean-Marc BOREO , Secrétaire général.

Mardi 30 octobre 2018

- Direction générale des médias et des industries culturelles - ministère de la culture : M. Martin AJDARI , Directeur.

- Radio France - CGT : MM. Lionel THOMPSON et Bertrand DURAND

Mercredi 31 octobre 2018

- ARTE France : Mme Véronique CAYLA , Présidente, Mme Régine HATCHONDO , Directrice générale, M. Olivier GUILLEMOT , Directeur de la gestion et de la coordination, Mme Elsa COMBY , Responsable des affaires publiques.

- Radio France : Mme Sibyle VEIL , Présidente directrice générale, M. Xavier DOMINO , Secrétaire général, Mme Marie MESSAGE , Directrice des moyens et des ressources, M. François-Stéphane HAMON , Responsable des relations parlementaires et européennes.

Mercredi 7 novembre 2018

- France Médias Monde : Mme Marie-Christine SARAGOSSE , Présidente directrice générale, M. Victor ROCARIES , directeur général en charge du pôle ressources, M. Thomas LEGRAND-HEDEL , Directeur de la communication et des relations institutionnelles.

- Société civile des auteurs multimédia : M. Hervé RONY , directeur général, M. Nicolas MAZARS , directeur des affaires juridiques et institutionnelles.

Mardi 13 novembre 2018

- TV5 Monde : M. Yves BIGOT , Directeur général, M. Thomas DEROBE , Secrétaire général, Mme Liliane DELASSAUSSÉ , Secrétaire générale adjointe, directrice de la gestion et des finances.

Groupe de travail sur le de rapprochement entre France 3 et France Bleu

Mardi 6 mars 2018

- Syndicats de France télévisions : Mme Yvonne ROEHRIG et M. José LAMUDE (CFDT), M. Éric VIAL (Force ouvrière ) , Mme Isabelle BRAOUET et M. Didier GIVODAN (SNJ).

- Syndicats de Radio France : M. Philippe BALLET (UNSA), Mme Josiane GASC-CABROL , MM. Pascal VAILLANT et Patrick VOLCLER (CFDT) , M. Bertrand DURAND , Mme Marine CHAILLOUX (SNJ), Mme Delphine BAILERA , M. Benoît GASPARD et Mme Nadine JAN GRELLET (SUD), M. Manuel HOUSSAIS (CGT).

Mercredi 7 mars 2018

- France 3 : Mme Dana HASTIER , directrice exécutive, M. Olivier MONTELS , directeur délégué en charge du réseau régional.

- France bleu : M. Stéphane DELPECH , secrétaire général en charge des ressources humaines, des finances et de l'organisation, M. Éric REVEL , Directeur général.

Mardi 10 avril 2018

- Direction générale des médias et des industries culturelles - ministère de la culture : M. Martin AJDARI , Directeur.

- France Télévisions - CGT : MM. Marc CHAUVELOT , Jean-Hervé GUILCHER et Pierre MOUCHEL .

Mercredi 11 avril 2018

- Mme Anne BRUCY , auteur du rapport sur « l'avenir de l'offre régionale et locale de France 3 » (2014).

Déplacement à Bordeaux - Vendredi 23 mars 2018

- Région Nouvelle - Aquitaine : M. Alain ROUSSET , président du conseil régional.

- France 3 Nouvelle-Aquitaine : Mme Laurence MAYERFELD , directrice régionale.

- France Bleu Gironde : M. Christophe DELIS , directeur par intérim.

- Groupe Sud-Ouest : M. Patrick VENRIES , directeur général délégué

Mercredi 14 novembre 2018

M. Germain DAGOGNET , directeur en charge du projet de régionalisation de France 3, M. Olivier MONTELS , directeur délégué en charge du réseau régional, Mme Juliette ROSSET-CAILLER , directrice des relations avec les pouvoirs publics, M. Guy LAGACHE , Directeur délégué des antennes et de la stratégie éditoriale, M. Jean-Emmanuel CASALTA , Directeur, M. François-Stéphane HAMON , Responsable des relations parlementaires et européennes.

ANNEXE

Audition de M. Franck Riester, ministre de la culture

MERCREDI 14 NOVEMBRE 2018

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous accueillons M. Franck Riester, ministre de la culture. Comme vous le savez, nous sommes extrêmement attentifs au devenir de la culture et à l'attention qui lui sera apportée. Nous comptons sur vous pour redonner à ce ministère l'influence qu'il a quelque peu perdue ces dernières années. Sans plus attendre, je vous laisse la parole.

M. Franck Riester, ministre de la culture . - Merci madame la présidente. J'ai été onze ans et quelques mois membre de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale. Dans ce cadre, j'ai l'occasion de participer à des travaux communs avec les membres de votre commission. La culture implique un travail collectif : j'ai besoin de vos compétences, savoir-faire et idées. Ce ministère a de nombreux sujets à traiter. L'ensemble des acteurs concernés par la culture doivent être mobilisés et fédérés, y compris les députés européens, tant ces enjeux dépassent le cadre national.

Je viens aujourd'hui vous présenter le budget pour 2019 du ministère de la culture. Il s'agit d'un budget conforté, à hauteur de 3,65 milliards d'euros, soit 17 millions d'euros de plus qu'en 2018. Au total, en prenant en compte les ressources publiques affectées à l'audiovisuel public, les taxes affectées à nos opérateurs et les dépenses fiscales, plus de 9,7 milliards d'euros seront consacrés à la culture en 2019. Si une augmentation de budget n'est jamais une fin en soi, c'est tout de même, dans le contexte budgétaire actuel, un signe fort. Lorsqu'on cherche à faire des économies, le budget de la culture est généralement la variable d'ajustement. Tel n'est pas le projet de ce gouvernement. Le projet de transformation que nous portons, ensemble, pour le pays, appelle une politique culturelle ambitieuse. Le budget qui nous réunit aujourd'hui nous permettra de la mener à bien.

Notre politique culturelle sera centrée autour de trois grandes priorités. La première, c'est d'assurer à tous les Français les conditions d'un égal accès à la culture. Cette démarche nécessite d'inscrire notre politique culturelle dans nos territoires. J'ai été, pendant vingt-trois ans, élu local puis maire. Je sais combien l'action des collectivités territoriales est complémentaire de celle de l'État et combien leur partenariat est indispensable. De mon expérience, je tire une conviction : pour que notre politique bénéficie aux territoires, il faut que les moyens soient gérés par les territoires ou au plus près de ceux-ci. C'est pourquoi le ministère de la culture augmentera la part de ses crédits déconcentrés, qui atteindront 849 millions d'euros. Ils augmenteront de 30 millions, après avoir déjà augmenté de 30 millions cette année. En deux ans, les directions régionales de l'action culturelle (DRAC) auront vu leurs moyens progresser de 8 % et leurs effectifs seront sanctuarisés.

Cet ancrage territorial trouve sa meilleure incarnation dans notre politique pour le patrimoine.

Plus de 85 % des crédits d'entretien et de restauration pour les monuments historiques - hors grands projets - vont aux monuments en régions. C'est une raison suffisante de les sanctuariser, à 326 millions d'euros. Ils permettront de financer plus de 6 000 opérations, partout en France et en Outre-mer. Il faut y ajouter le loto du patrimoine, porté par Stéphane Bern, qui a suscité une mobilisation exceptionnelle : 15 millions d'euros de recettes sont d'ores et déjà assurées au profit de la Fondation du Patrimoine, afin de sauver nos monuments en péril. Elles devraient à terme avoisiner les 20 millions d'euros. Pour accompagner cet élan populaire, nous avons annoncé, avec le ministre de l'action et des comptes publics Gérald Darmanin, un déblocage de 21 millions d'euros supplémentaires dès la fin de gestion 2018.

Cette action territoriale ne saurait servir de variable d'ajustement pour les grands projets patrimoniaux, notamment parisiens. La rénovation du Grand Palais ou les divers projets immobiliers de nos établissements nationaux doivent faire l'objet de plans de financement dédiés, étalés dans la durée, avec le souci constant de parvenir à un équilibre économique de long terme et de pallier tout risque de dérive budgétaire.

Par ailleurs, les exemples récents d'opérations patrimoniales alliant crédits de l'État, emprunt privé, ressources propres et mécénat se sont imposés comme un levier de responsabilisation de l'ensemble des acteurs. Ils nous rappellent, si besoin était, toute l'importance du mécénat. Sur les 2 milliards d'euros de dons déclarés en France en 2017, 500 millions d'euros bénéficient à ce secteur. Ne brisons pas cet outil devenu indispensable !

Nous devons garantir partout les conditions d'un égal accès à la culture dans tous les territoires, en particulier les plus délaissés : tel est le sens de la circulation des oeuvres et des artistes, prévue par le plan « Culture près de chez vous », auquel le ministère consacrera 6,5 millions d'euros en 2019. C'est également le sens de notre soutien aux bibliothèques, qui sera poursuivi et amplifié. Elles seront davantage ouvertes : 265 bibliothèques sont d'ores et déjà accompagnées dans l'aménagement de leurs horaires, avec une extension moyenne de six heures par semaine. Elles seront également mieux ouvertes : deux millions d'euros additionnels seront mobilisés, en plus des 88 millions d'euros déjà prévus.

L'accès à la culture ne peut être une réalité que si on y est sensibilisé dès le plus jeune âge. 145 millions d'euros seront consacrés à l'éducation artistique et culturelle l'année prochaine, afin de donner à chaque enfant une éducation artistique et culturelle à l'école, d'ici 2022 et que les plus jeunes puissent fréquenter des oeuvres, des artistes et s'initier à la pratique artistique. C'est deux fois plus qu'en 2017. Cet objectif suppose également un partenariat fort avec l'éducation nationale que j'aurai à coeur de poursuivre.

Le pass culture participe de cette même ambition d'ouverture à la diversité culturelle : une enveloppe de 34 millions d'euros lui est réservée en 2019. Nous lancerons prochainement son expérimentation auprès de 10 000 jeunes dans les cinq départements test que sont la Guyane, le Finistère, la Seine Saint Denis, le Bas Rhin et l'Hérault.

Mais pour permettre un égal accès à la culture, il faut d'abord de la culture. Il nous revient de soutenir celles et ceux qui la font vivre : nos artistes, nos créateurs, nos lieux de diffusion.

C'est notre deuxième priorité : il n'est pas de culture sans création. C'est pourquoi les crédits qui lui sont dédiés seront sanctuarisés. Ces crédits favoriseront l'émergence de nouveaux talents, l'accompagnement des artistes dans leurs projets et la meilleure diffusion des oeuvres en milieu rural et dans les quartiers prioritaires. 706 millions d'euros iront notamment au spectacle vivant, tandis que le soutien aux arts visuels sera accru, pour atteindre 76 millions d'euros.

Parce qu'il n'est pas de création sans créateurs, nous continuerons également à soutenir leur emploi. C'est le rôle par exemple du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle vivant (FONPEPS). Il sera évidemment prolongé au-delà de 2018. Les crédits de 2019 ont été ajustés à la réalité de l'exécution budgétaire, sans aucune remise en cause de principe. D'ici la fin de l'année et en 2019, nous poursuivrons également le travail avec les représentants des artistes auteurs. Ils méritent une protection sociale digne de ce nom, comme le rappelle un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 que vous avez été nombreux à présenter et qui sera bientôt débattu en séance. La hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sera compensée par 18 millions d'euros de crédits nouveaux. Les cotisations seront recouvrées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à compter de 2019. Certains aménagements ont été rendus possibles dans le cadre du prélèvement à la source. Enfin, les inspections générales des affaires sociales et des affaires culturelles travaillent actuellement sur le régime de protection sociale des artistes auteurs. Elles me feront des propositions d'ici la fin de l'année.

Il n'est pas de création, non plus, sans industries culturelles. Sur le sujet du livre, d'abord : le budget 2019 marque la budgétisation des moyens du Centre national du livre. Celle-ci sécurisera des ressources dont le rendement était fragilisé depuis plusieurs années. Elle s'opérera au niveau du budget 2018 et sera accompagnée de la suppression des deux taxes qui étaient affectées au Centre, dont celle sur le chiffre d'affaires des entreprises d'édition. Concernant la musique, ensuite : le Centre national de la musique (CNM) est un projet auquel je crois et auquel j'ai consacré, comme député, un rapport dont Roch-Olivier Maistre a repris les réflexions. Il soutiendra notre production et son rayonnement à l'international, dans un contexte de concurrence exacerbée. Il est sur le point de se concrétiser, et je me battrai pour qu'il voie enfin le jour. Dès 2019, cinq millions d'euros seront mobilisés pour en amorcer le financement en année pleine. Ces moyens viendront également renforcer les dispositifs en faveur de l'exportation.

Les industries culturelles ne peuvent vivre sans crédits d'impôt. Ces dispositifs jouent un rôle essentiel notamment à la structuration des filières du cinéma, de l'audiovisuel, de la musique enregistrée ou de la production de spectacles. Ils pérennisent ou créent de l'activité et de l'emploi dans notre pays, contribuent au renouvellement des talents et à la promotion de la diversité culturelle. Je les défendrai avec la plus grande vigueur. Comme toute dépense fiscale, ces dispositifs nécessitent d'être évalués et, éventuellement, mieux pilotés. C'est indispensable pour optimiser leur effet.

Enfin, la troisième priorité de notre politique culturelle - et donc de ce budget -, c'est de permettre à nos médias de se renouveler, de se moderniser.

Je pense à la presse, qui doit faire face à de considérables mutations. Nous l'aiderons à engager les transformations nécessaires. Nous accompagnerons l'Agence France-Presse, avec 2 millions d'euros supplémentaires. Au total, le soutien de l'État aura été de près de 8 millions d'euros supérieur aux engagements pris dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens qui s'achève. Nous continuerons à soutenir le pluralisme de la presse, avec des aides qui seront sanctuarisées à hauteur de 16 millions d'euros. Nous accompagnerons également la transformation de la distribution de la presse, comme nous accompagnons déjà Presstalis. C'est tout l'enjeu de la réforme de la loi Bichet, que nous préparons pour le début de l'année prochaine. Je sais que votre commission, et notamment votre collègue Michel Laugier, sont mobilisés sur ce sujet.

En 2019, une autre grande transformation s'invitera dans le secteur des médias : celle de notre paysage audiovisuel. D'une part, nous entamerons la mise en oeuvre de la transformation de l'audiovisuel public. J'ai entendu, madame la Présidente, MM. David Assouline, Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, vos appels à la nécessaire refondation de ce secteur. Je vous associerai à nos travaux sur la gouvernance de l'audiovisuel public, pour que nous confortions nos ambitions pour l'audiovisuel public et réformions la loi de 1986. Je vous préciserai ultérieurement ma vision de notre co-construction, en amont de la discussion au Parlement, de cette nouvelle régulation de l'audiovisuel. Il nous faudra, pour ce faire, intégrer notamment la transposition de la directive sur les « services de médias audiovisuels ». J'ai rencontré, à ce sujet, le vice-président de la Commission européenne et je dois rencontrer cette semaine mes homologues allemandes de la justice et de la culture, afin de conforter l'axe franco-allemand sur la question des droits d'auteur. A priori , je souhaite que la transposition de cette directive et la loi sur l'audiovisuel public soient votées concomitamment.

L'année 2019 marquera le 60 e anniversaire du ministère de la culture. Cet anniversaire nous oblige à être plus que jamais fidèles aux ambitions de ses fondateurs, tout en assumant les ruptures et les transformations nécessaires. Ce budget nous aidera à faire de l'action de ce ministère une fierté collective.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir présenté les différents aspects de votre mission plurisectorielle et passe la parole, pour débuter notre débat, aux différents rapporteurs de notre commission sur la mission Médias, livre et industries culturelles.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel . - Lors du débat à l'Assemblée nationale, vous avez semblé indiquer qu'il n'y aurait pas de réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) avant 2021. Pouvez-vous nous le confirmer ? Cette mesure n'est-elle pourtant pas indispensable pour boucler le financement de la réforme à venir et renforcer sa spécificité en supprimant, par exemple, la publicité ?

M. Franck Riester, ministre . - La réforme sera conduite d'ici 2021 au plus tard, suite à la suppression de la taxe d'habitation. Elle tiendra compte de l'évolution des usages, en termes d'accès aux médias, de nos compatriotes. La modernisation du financement de l'audiovisuel public sera ainsi adossée sur une réflexion globale afin qu'elle soit juste et pérenne.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel . - Selon la présidente de France Télévisions, que nous avons pu auditionner, la suppression de France 4 ne devrait quasiment pas permettre de réaliser des économies, sinon à travers la baisse des coûts de diffusion. Par contre, les effets néfastes de cette décision devraient être réels, en livrant les enfants aux griffes de YouTube et de ses annonceurs, ainsi qu'en affaiblissant le secteur français de l'animation. Le président de la BBC, qui intervenait au Sénat dans le cadre du colloque sur l'avenir de l'audiovisuel public en juillet dernier, a dit que cela ne faisait pas de sens de se priver d'une chaîne dédiée aux enfants si l'on souhaitait fidéliser les jeunes publics. Accepteriez-vous, dans ces conditions, de réétudier la suppression de la diffusion hertzienne de France 4 ou, tout du moins, d'en repousser de plusieurs années la mise en oeuvre ?

M. Franck Riester, ministre . - Je partage votre point de vue sur l'importance du secteur de l'animation, qui est dynamique et exporte des contenus vers le monde entier. Notre offre pour la jeunesse doit répondre aux besoins d'information, de divertissement, d'éducation et d'accès à la culture. France Télévisions doit mettre en oeuvre un plan ambitieux tourné vers la jeunesse passant à la fois par le numérique et l'offre linéaire.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel . - Le rapprochement entre France 3 et France Bleu devait se concrétiser en septembre 2018 par le lancement de matinales communes. Il apparaît aujourd'hui très difficile de créer des rendez-vous communs, faute de maillage commun du territoire et compte tenu de la difficulté à illustrer en images toutes les actualités locales. Que pouvez-vous nous dire des deux expérimentations en cours sur la Côte d'Azur et en Occitanie ? Cette expérimentation pourrait-elle aboutir à une remise en cause du projet si les difficultés se confirment, afin de privilégier d'autres types de coopération ?

M. Franck Riester, ministre . - Mon point de vue sur cette question est connu. Il y a une convergence des contenus et l'audiovisuel public doit être plus présent encore en régions. Il faut à la fois être volontariste et privilégier la différenciation pour adapter nos dispositifs. Je suis très attentif aux résultats des expérimentations : France Bleu et France 3 doivent travailler de concert pour étoffer leur gamme de contenus régionaux, dans les secteurs de la télévision, de la radio et du numérique.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel . - Le chantier de Radio France a connu, en 2017, de nouvelles déconvenues avec l'émergence d'une « crise juridique », suite à des dépassements de marchés et de nombreuses malfaçons qui ont occasionné des retards. Cette crise semble aujourd'hui terminée et un nouveau scénario a été établi pour terminer le chantier. Pouvez-vous nous confirmer que le chantier sera bien terminé à la fin de 2022, soit avec cinq ans de retard ? Quel en est aujourd'hui le coût global estimé pour ce chantier en distinguant l'investissement du fonctionnement ?

M. Franck Riester, ministre . - Ce coût est estimé à 430 millions d'euros, soit plus de 20 % que les estimations de départ. Les travaux doivent repartir. Ce budget sera néanmoins ad hoc .

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis des crédits du livre et des industries culturelles . - Le statut des auteurs constitue une source de préoccupation pour notre commission. Avec Sylvie Robert, nous avons reçu récemment les organisations représentatives, qui nous ont fait part de leur désarroi sur plusieurs réformes, toutes au détriment de la situation des auteurs : hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) prélèvement à la source et réforme du statut social. Avec la présidente de la commission et de nombreux collègues, nous avons déposé un amendement pour rappeler au gouvernement sa promesse, pas encore tenue, d'une simple compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG). Alors que 18 millions d'euros ont été prévus en 2018 et 2019, rien n'a encore été versé. Ma question est donc double : sur la CSG, quand allez-vous enfin trouver une solution, et sur les problèmes que rencontrent les auteurs, quand allez-vous réfléchir à un vrai statut adapté ?

M. Franck Riester, ministre . - Cette question du statut des artistes auteurs est fondamentale et complexe. La compensation de la CSG a été budgétée en 2018 et son versement a été confié à la maison des artistes et à l'AGESSA ; la campagne de versement et d'information étant d'ores et déjà lancée. Ce sujet n'est donc pas d'ordre budgétaire. Il faudra réinscrire cette compensation, pour 2019, afin qu'elle soit versée intégralement. À partir de 2020, le Gouvernement prévoit de mettre en place une mesure pérenne de prise en charge des cotisations de l'impôt sur les sociétés à cette même hauteur. Un décret en ce sens est d'ailleurs en cours d'élaboration.

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis des crédits du livre et des industries culturelles . - Nous sommes bien dans notre rôle de contrôle parlementaire et ne manquerons pas de vérifier le bon versement de cette compensation. J'en viens à ma seconde question : je me réjouis de l'annonce de l'accord entre Canal Plus et les sociétés de production du cinéma arraché la semaine dernière. Cette signature rend maintenant enfin envisageable la conclusion d'un accord sur la chronologie des médias, indispensable pour la pérennité du financement du cinéma et que nous attendons depuis plusieurs années. Où en sommes-nous sur ce sujet, et sur quelles bases l'accord se fera-t-il ?

M. Franck Riester, ministre . - On ne peut que se réjouir du déblocage de la situation et de la conclusion de cet accord. Je tiens, d'ailleurs, à saluer le travail de ma prédécesseur sur ce dossier. Canal Plus assumera son rôle, pour les quatre années qui viennent, de financeur du cinéma français et maintiendra son modèle généraliste sur le cinéma et sur le sport, avec une présence sur la Télévision numérique terrestre (TNT). Le groupe s'est aussi engagé à demander l'agrément au Conseil supérieur de l'audiovisuel. En contrepartie, la signature de l'accord sur la modernisation de la chronologie des médias doit intervenir dans les prochains jours. Cet accord implique l'élargissement de la dérogation de la sortie des films en DVD et VAD trois mois après leur sortie en salles, la fin du gel des droits de vidéos à la demande pendant la fenêtre Canal Plus, ainsi que l'avancée de toutes les autres fenêtres, VOD par abonnement comprise. Sa signature devrait intervenir dans les tout-prochains jours.

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis des crédits du livre et des industries culturelles . - Les secteurs de la musique et du jeu vidéo sont peu consommateurs de crédits publics, mais bénéficient de deux crédits d'impôt très utiles. Ils ont certes été renouvelés, mais pour des périodes limitées. Or, en cette matière la stabilité et la visibilité sont primordiaux. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre position à propos de leur prorogation ?

M. Franck Riester, ministre . - Ce sujet est récurrent. Certains parlementaires proposent de remettre en question ces crédits d'impôt, qui semblent pourtant des outils vertueux. Ces crédits d'impôt permettent aux acteurs du secteur de soutenir et d'accompagner la diversité des créations. Ils ont également permis de ramener en France certaines productions cinématographiques et ainsi de contribuer au développement économique local. Comme toute dépense fiscale, ces dispositifs doivent être évalués et, éventuellement, mieux pilotés, lorsqu'ils bénéficient notamment au spectacle vivant.

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis des crédits du livre et des industries culturelles . - Où sont passés les deux millions d'euros de crédits additionnels, qui permettent au concours particulier bibliothèques de la dotation générale de décentralisation (DGD) de passer de 88 à 90 millions d'euros ?

M. Franck Riester, ministre . - Ces deux millions d'euros relèvent de crédits de gestion. Dans le cadre de votre mission de contrôle de l'action du Gouvernement, vous aurez tout le loisir d'examiner la réalité de cette augmentation.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis des crédits des programmes « Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » . - La ligne ministère de l'intérieur - DGD, reste fixée à 88 millions d'euros.

M. Franck Riester, ministre . - On retrouve une situation analogue pour le Centre national de la musique (CNM) où l'engagement du Gouvernement est en gestion.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis des crédits de la presse . - Le budget de l'Agence France-Presse (AFP) est annoncé en augmentation de deux millions d'euros. Une telle augmentation ne règlera pas le problème de fond de l'agence. Avec un chiffre d'affaires commercial est en diminution, l'AFP assume difficilement ses charges, sans parler de son endettement conséquent. Comment voyez-vous l'avenir de l'Agence France-Presse dans un contexte concurrentiel où les autres agences internationales sont dotées de très importants budgets ?

M. Franck Riester, ministre . - Le budget octroie des moyens supplémentaires pour que l'AFP réussisse sa transformation qui s'avère complexe. Il s'agit là d'un signe fort de l'accompagnement du Gouvernement de cette agence, qui est à la fois une force pour la presse dans notre pays et un atout pour le rayonnement de la France dans le monde. Nous aurons sans doute l'occasion d'évoquer ensemble le plan de transformation de l'AFP de manière spécifique.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis des crédits de la presse . - Ma seconde question portera sur Presstalis qui constitue un autre sujet récurrent. Votre réflexion sur l'évolution de la loi Bichet, que vous souhaitez rapide, se fonde-t-elle sur le rapport de Marc Schwartz ?

M. Franck Riester, ministre . - Ma réflexion se fonde sur la diversité des contributions des personnes qui ont été impliquées sur cette question. Mes prédécesseurs se sont d'ailleurs penchés sur l'évolution de la loi Bichet. Le dispositif Presstalis doit être modernisé. Je crois que le processus coopératif exclusif arrive à son terme.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis des crédits de la presse . - L'aide au portage connait une diminution de 5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2019, très au-dessus de la baisse de la diffusion. Dans le même temps, il n'est actuellement pas prévu que les entreprises de portage bénéficient de la compensation prévue pour la fin du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), soit 4 millions d'euros. En l'état actuel donc, ce secteur, primordial pour la presse locale, subirait une perte de 9 millions d'euros en une seule année. Je viens de déposer un amendement sur le PLFSS 2019 sur la question de la compensation des entreprises de portage, suite à la fin du CICE. Il vient d'ailleurs d'être adopté en séance contre l'avis de votre collègue en charge des solidarités et de la santé. Monsieur le ministre, quelle est votre position sur cette question ?

M. Franck Riester, ministre . - Les budgets mobilisés pour l'aide au portage doivent être adaptés aux volumes. Le budget de l'aide au portage a triplé depuis 2008 ! Comme toute intervention publique, il faut évaluer son efficacité réelle. Les 5 millions d'euros de baisse s'inscrivent dans cette logique, mais permettent de maintenir une ambition pour l'aide au portage, avec un montant trois fois supérieur, en 2019, à son niveau de 2008.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis des crédits de la presse . - Sachant que 800 millions de journaux sont distribués chaque année grâce au portage ! Où en sont les négociations européennes sur les droits voisins évoqués lors de l'examen de la proposition de loi sur la manipulation de l'information.

M. Franck Riester, ministre . - Deux trilogues se tiendront le 26 novembre et le 13 décembre prochains. Je viens de rencontrer le vice-président de la Commission européenne et je dois, comme je l'évoquais à l'instant, dialoguer avec mes collègues allemandes. La France doit demeurer très mobilisée sur cette question. Dans le contexte de la révolution numérique, les droits voisins des éditeurs de presse doivent être reconnus, mais je ne dispose pas, pour l'heure, des éléments pris en compte par la négociation.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je donne à présent la parole aux représentants des groupes, en commençant par David Assouline, qui représente également le Sénat au centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

M. David Assouline . - Je suis heureux que le nouveau ministre de la culture connaisse bien le secteur des médias. Entre l'année dernière jusqu'à l'année 2022, l'audiovisuel va connaître d'importantes coupes budgétaires, dans un contexte où les coûts des programmes sont de plus en plus élevés. Des économies sont conduites, alors que le nouveau cadre de l'audiovisuel public n'est pas encore défini. Pour tenir notre rang dans la compétition mondiale, face à l'internet et au secteur privé, il nous faut pourtant plus de moyens. En outre, la sanctuarisation de l'investissement de l'audiovisuel public dans la création et le maintien d'une information de qualité et d'un accès aux compétitions sportives sont nécessaires. Une telle baisse budgétaire est un très mauvais signe ! Pourquoi, alors que nous étions parvenus à un consensus, avec l'indexation de la contribution à l'audiovisuel public sur l'inflation, retirer le fruit de cette augmentation de deux euros aux dotations de l'audiovisuel public ? L'évolution de l'affectation de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) s'inscrit à l'encontre de son principe fondateur. Enfin, comment les parlementaires pourront-ils être associés, en amont, à la préparation du projet de loi qui doit être finalisé en janvier prochain ?

M. Pierre Ouzoulias . - Le groupe Mondadori France risque d'être racheté par un groupe dont le modèle économique ne concourt guère au développement du pluralisme dans la presse. Conformément aux dispositions de l'article 72 du code général des impôts (CGI), les industries de presse doivent participer à la diffusion de la pensée, de l'information, de l'éducation, de la récréation du public. On s'éloigne ainsi de cette exigence. Le Gouvernement devrait porter un regard plus attentif sur la qualité de l'information en encourageant la presse à respecter la déontologie des journalistes. Comment conditionner les aides publiques à la presse et aboutir au respect d'une charte de qualité permettant de lutter contre les fausses informations et de renforcer le respect du pluralisme de l'information ? Cette démarche s'inscrit dans la continuité de la réforme de la loi Bichet qui vise à conforter la liberté de conscience via la liberté de la presse.

M. André Gattolin . - Ma question portera sur le financement et l'économie de l'audiovisuel public. 4,2 millions de foyers, bientôt 4,5 millions, vont être dégrevés de la CAP. L'État devra compenser ce manque à gagner. Le niveau et la nature des dégrèvements ne sont-ils pas trop élevés ? La redevance universelle n'existera pas, puisqu'elle sera compensée par le budget de l'État et, donc, par les contribuables. Par ailleurs, le rapport déposé par Aurore Bergé et Pierre-Yves Bournazel préconise la suppression de la publicité sur Radio France et son maintien sur France Télévisions. Or, à la radio, le volume de recettes tiré de la publicité est déjà plafonné. A l'inverse de la télévision, la radio ne dispose pas non plus de droits sur ses productions, faute d'un marché de revente. Le contingentement en volume ou en temps de publicité doit-il être plutôt privilégié pour garantir à Radio France plus de revenus ? Quel est votre point de vue sur les propositions de ce rapport ?

M. Jean-Raymond Hugonet . - Nous avons auditionné Sybile Veil sur les travaux engagés sur le site de Radio France. Personne n'est en capacité de donner un chiffre réel, à l'exception du chiffre du contrat d'objectifs et de moyens (COM) qui n'est, au final, qu'indicatif.

M. Franck Riester, ministre . - Le chiffre que je vous ai donné excède déjà de 20 % celui du COM.

M. Jean-Raymond Hugonet . - Il faut faire preuve de prudence. Je souhaitais obtenir la confirmation que ces dépassements seront financièrement assumés par l'État.

Mme Claudine Lepage . - Je ne peux que déplorer la baisse des crédits de France Médias Monde et de TV5 Monde en contradiction avec la volonté exprimée par le Président de la République de développer la francophonie. Pouvez-vous d'ores et déjà nous indiquer les conséquences de la réforme du financement de l'audiovisuel public sur l'audiovisuel extérieur ?

M. Jean-Pierre Leleux . - La commission de la culture soutient, tout comme vous, le crédit d'impôt spectacle vivant. Néanmoins, un amendement à l'Assemblée nationale modifie les critères d'éligibilité des artistes du spectacle vivant, sans qu'aucune évaluation n'ait été, au préalable, conduite. Quelle est votre position sur cette démarche qui semble faire fi de l'évaluation de ce dispositif que vous appelez de vos voeux ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous avons ensemble vécu la naissance de CFII, devenu par la suite France 24. Alors que les autres grands pays consacrent davantage de moyens à leur audiovisuel extérieur, la France est le seul pays du monde à diminuer les moyens de son opérateur international, France Médias monde, qui devra faire face à déficit prévisionnel de trois millions d'euros susceptible d'atteindre, en 2022, 11 millions d'euros. Nous devons accompagner France Médias Monde dans son développement en Afrique et en Amérique latine. Accepteriez-vous que cet opérateur bénéficie de l'aide publique au développement, à l'instar de la BBC au Royaume-Uni ?

M. Franck Riester, ministre . - La prochaine loi devrait être finalisée au début de l'année prochaine. Je veux qu'on avance. Alors que nous en sommes aux travaux préparatoires, je veux associer, en amont, les parlementaires à la rédaction de la loi. La méthode en sera précisée ultérieurement.

Mon ambition pour l'audiovisuel public est réelle. La réforme proposée par ma prédécesseur visait à accroître la place du numérique, les contenus pour la jeunesse ainsi qu'une sanctuarisation des financements de la création. Cet audiovisuel doit s'adapter aux nouveaux usages issus la révolution numérique, à l'instar des autres groupes européens. De réels progrès ont d'ores et déjà été réalisés. Nous aurons à conduire, ensemble, la réforme du financement de l'audiovisuel public : à terme, sans perturber les équilibres économiques de ses entreprises, il faudra sanctuariser également les financements des opérateurs privés, qui soutiennent la création et doivent proposer au public des programmes de qualité. La fiscalité, notamment la taxe d'habitation sur laquelle est adossé le financement de l'audiovisuel public et la Taxe dite Copé, devra être remise à plat dans les trois années qui viennent. Ces entreprises doivent être transformées en profondeur pour leur permettre de répondre aux enjeux de l'audiovisuel à l'ère numérique.

La liberté et le pluralisme de la presse sont essentiels, tout comme la liberté des journalistes. La réponse est multiple : la création d'un conseil de déontologie, sur laquelle Emmanuel Hoog réfléchit actuellement, l'évaluation de la « loi relative à l'indépendance des rédactions, dite Bloche », ainsi que les propositions d'organismes comme Reporters sans frontières. L'auto-régulation et les dispositifs innovants doivent être pris en compte. Les aides à la presse ne seront versées sur le temps long qu'à la condition que les entreprises bénéficiaires respectent les bonnes pratiques. Il nous faut arrêter une vision commune de l'audiovisuel, en s'appuyant sur les efforts importants déjà réalisés et en confortant les équilibres actuels. La nouvelle législation sur l'audiovisuel public doit s'inscrire sur le temps long, en travaillant sur des financements pluriannuels.

Le financement des travaux de Radio France se fera hors-budget 2019.

J'étais à Abu Dhabi pour soutenir le travail de l'Agence France-Muséum qui a oeuvré pour la création du nouveau Louvre. Cependant, hormis TV5 Monde, la présence audiovisuelle de la France y est limitée. Les Pouvoirs publics, parlementaires compris, doivent forger une nouvelle ambition et préciser de nouveaux objectifs à l'audiovisuel extérieur de la France, en partenariat, le cas échéant, avec l'Agence française de développement. Une telle démarche relève des arbitrages interministériels, mais il faut envisager toutes les pistes pour assurer le financement de cet outil essentiel au rayonnement de la France.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - France Médias Monde, tout comme Arte, a conduit une réelle réforme de son fonctionnement, alors que sa dotation est en baisse. Le ministère de la culture a toute sa part à jouer dans l'évolution de ses missions. D'ailleurs, France 24 conduit un travail excellent depuis un an à Bogota, véritable tête de pont pour un rayonnement sur le continent américain.

Nous passons aux questions relatives à la mission culture et je salue notre collègue Vincent Eblé, président de la Commission des finances et rapporteur spécial de la mission.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis des crédits des programmes « Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » . - Grande est notre difficulté, comme parlementaires, à retracer les financements que nous avons votés ! Les documents budgétaires ne favorisent pas notre contrôle de l'action du Gouvernement et l'argument des crédits de gestion me semble peu convaincant. Avec une dotation prévue de 5 millions d'euros, le Centre national de la musique (CNM) ne verra jamais le jour, puisque sa création est estimée à 20 millions d'euros ! 10 millions d'euros me paraît plutôt une base réaliste pour amorcer un tel projet et permettre de mettre enfin sur pied l'observatoire qui nous fait défaut.

M. Franck Riester, ministre . - 5 millions d'euros représentent les besoins évalués pour le démarrage du CNM, et non son budget en année pleine.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Dont acte. Nos réserves sur le pass culture sont connues : quelle sera la ventilation des 34 millions d'euros inscrits au budget à ce titre ? Quelle instance fera l'évaluation de l'expérimentation ? À combien s'élève la généralisation du pass culture, une fois passée son évaluation ?

M. Franck Riester, ministre . - Il n'est pas question de généraliser le pass culture sans être transparent sur les résultats de son expérimentation qui n'est pas encore lancée. Cette démarche est innovante et permet d'offrir, sur une application, des informations géolocalisées sur les offres et les pratiques culturelles de proximité. L'idée est d'associer des partenaires qui valoriseraient un service, sans le facturer à l'État. Ce pass permettra d'assurer l'accès à la culture pour les jeunes, voire d'autres personnes à l'avenir. Cette offre culturelle viendra au terme d'un parcours éducatif ambitieux dans ce pays.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Comptez-vous réformer le statut des enseignants des écoles d'art territoriales en vous inspirant de celui des enseignants des écoles d'art nationales ? Comment les 800 000 euros annoncés seront-ils répartis entre les différentes écoles d'art territoriales ? Cette réforme doit débuter dès à présent !

M. Franck Riester, ministre . - Il faut en effet traiter ces enseignants de la manière la plus équitable possible. Cette réforme doit intervenir au terme d'une réelle concertation.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Des amendements ont été déposés lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, qui tendaient à restreindre les crédits d'impôt dont le spectacle vivant, les productions phonographiques et audiovisuelles sont bénéficiaires. Nous espérons, au Sénat, que ces amendements ne seront pas adoptés !

M. Franck Riester, ministre . - Nous travaillons à la pérennisation du dispositif du crédit d'impôt phonographique bien au-delà de 2019 et allons proposer des sous-amendements en ce sens. Quant au dispositif concernant le spectacle vivant, il doit être mieux piloté. Pour autant, il s'agit d'une bonne dépense fiscale.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines » . - J'ai peu connu de budget pour le programme 175 aussi satisfaisant ! Avez-vous la garantie que ce budget ne subira pas de régulation budgétaire, incluant les 21 millions d'euros en compensation de la TVA sur le loto du patrimoine qui vont abonder le budget ? Comment s'assurer que les crédits soient bel et bien consommés ? Le loto du patrimoine est-il voué à être pérennisé ? Où en est la restauration du château de Villers-Cotterêts et son projet d'accueil du laboratoire international de la francophonie, estimés à 250 millions d'euros ?

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances . - J'interviens ici comme rapporteur spécial des crédits de la mission culture au sein de la commission des finances. Si le loto du patrimoine n'impacte que marginalement les capacités publiques à accompagner les rénovations, il contribue à la mobilisation de la population en faveur de la rénovation du patrimoine. Nous souhaitons que l'accord entre Stéphane Bern et le ministre des comptes publics soit pérennisé, en raison de la modicité de son coût pour les finances publiques. Il serait dommage de perdre cette clientèle nouvelle motivée par la rénovation du patrimoine !

La rénovation du Grand Palais a fait débat ; les sommes en jeux étant considérées comme importantes, sans être pour autant mirobolantes. Elle est nécessaire, tant ce monument parisien est emblématique. Pour autant, le modèle économique et culturel de cette opération doit être interrogé : il ne faudrait pas que ces crédits, et plus largement ceux consacrés à la restauration de monuments emblématiques appartenant à l'État, conduisent à la consommation de disponibilités budgétaires destinées à accompagner d'autres propriétaires, comme les collectivités territoriales de taille modeste et les propriétaires privés. Même si l'on constate un retrait des collectivités ces dernières années, les régions se sont remises à contribuer au financement des travaux réalisés sur les monuments historiques.

Si les porteurs du projet de rénovation proposé par la Réunion des musées nationaux-Grand Palais nous ont fait part d'une contribution du programme des investissements d'avenir à hauteur de 160 millions d'euros, celle-ci n'a pas été identifiée par notre collègue Christine Lavarde, rapporteur spécial de la commission des finances. Pouvez-nous nous rassurer sur ce point ?

M. Franck Riester, ministre . - La sincérisation du budget de la culture, dont je vous remercie de saluer l'augmentation, est manifeste. L'accompagnement du patrimoine dans les petites communes est très important ; le fonds pour les petites communes, instauré par ma prédécesseur et doté de 15 millions d'euros, est conforté cette année. À travers la Fondation du patrimoine, les 21 millions d'euros complémentaires de fin de gestion seront utilisés au profit de ces collectivités. 50 % du patrimoine protégé se trouve dans les petites communes de moins de 2 000 habitants. L'État doit jouer son rôle aux côtés des départements et des régions. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les DRAC se voient confier de nouveaux moyens. Le loto du patrimoine représente un bel outil de sensibilisation des Français à la restauration du patrimoine. Il a permis, au total, de dégager 41 millions d'euros pour le financement d'opérations de proximité. Il faut néanmoins s'assurer de la bonne consommation de ces crédits : faute de la finalisation de l'ensemble de leurs aspects financiers, certaines opérations doivent parfois être abandonnées. Les DRAC, en lien notamment avec la Fondation du patrimoine, travaillent sur la réorientation des crédits afin d'éviter, à terme, la régulation budgétaire. Ces dispositifs de financement doivent ainsi être rendus plus fluides.

Avant de pérenniser le loto du patrimoine, nous allons l'évaluer. Les règles qui régissent déjà la loterie nationale s'y appliquent.

Tout récemment, plusieurs personnalités du ministère de la culture ont été nommées : Sylviane Tarsot-Gillery, comme directrice générale de la création artistique, Philippe Barbat, comme directeur général du patrimoine, Paul de Sinety comme délégué général à la langue française et aux langues de France, ainsi que Chris Dercon, comme président de la Réunion des musées nationaux. Les 466 millions d'euros consacrés à la rénovation du Grand Palais comprennent 123 millions directement financés par le ministère de la culture, 150 millions par la RMN-Grand Palais à travers un emprunt, 160 millions d'euros de subventions exceptionnelles de l'État à travers le programme d'investissement d'avenir, 8 millions d'euros apporté par Universcience et 25 millions d'euros par le mécénat. Ce site est emblématique et permet de rendre des services autant culturels que sportifs ; son utilisation lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 nous obligeant à respecter les délais de sa rénovation. Nous pourrions peut-être vous présenter, au cours d'une prochaine audition, les modifications du projet initial de rénovation du Grand Palais et sa mise en oeuvre par l'équipe de Chris Dercon.

Je me rendrai prochainement au Château de Villers-Cotterêts dont la restauration est divisée en deux parties distinctes : d'une part, la restauration pour 110 millions d'euros, assurée par le centre des monuments nationaux (CMN), du petit quadrilatère, qui accueillera le laboratoire de la langue française, dont le projet n'est pas encore finalisé, et, d'autre part, l'aménagement du grand quadrilatère qui est encore à l'état de réflexion. Le plan de financement de cette restauration doit être précisé.

Mme Sonia de la Provôté . - Un projet de réforme des conservatoires a été annoncé. Une grande partie des crédits a été fléchée vers le plan « chorales ». On ne peut diversifier les missions des conservatoires et demander sans cesse aux collectivités territoriales d'en assurer le financement, alors que l'aide de l'État enregistre une baisse drastique. Les arts visuels sont souvent cités, mais peu développés. Certaines structures oeuvrent pour cette filière, pourtant très présente dans les territoires avec le développement de tiers lieux et de collectifs artistiques, ne sont pas même évoquées dans le budget. Quelle est l'ambition de l'État dans ce domaine ? En outre, avez-vous une stratégie concernant les maisons d'éducation à l'architecture et au patrimoine qui représentent un élément important de l'éducation artistique des enfants. Enfin, le patrimoine vernaculaire des petites communes n'a toujours pas été recensé. En l'absence de réserve parlementaire, qui accompagnait ces petits patrimoines, ce recensement relève désormais de l'urgence.

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis des crédits du livre et des industries culturelles . - En ma qualité de présidente du groupe d'études sur les arts de la scène, de la rue et des festivals en région, je dois vous alerter sur la situation des cirques traditionnels : Gruss, Bouglione et Médrano. Trois ans après, ils n'ont toujours pas réussi à absorber les pertes liées aux baisses de fréquentation intervenues dans les semaines qui ont suivi les attentats et se trouvent encore dans une situation financière difficile. Le ministère entend-il les accompagner pour faire face à cette situation difficile ? Ces cirques s'étaient vus promettre une compensation, à chacun, de 300 000 euros qui n'a jamais été accordée. Ne serait-il pas opportun de les rendre éligibles au crédit d'impôt pour le spectacle vivant ?

M. Claude Malhuret . - Vous avez évoqué les territoires dans votre intervention. Or, ces dernières années, Paris a concentré 30 des 35 des principaux projets d'investissement culturels français. L'annonce de porter à 849 millions d'euros les crédits déconcentrés est une bonne nouvelle pour la décentralisation. Quels seront les moyens apportés à la mobilité des oeuvres et des collections des musées nationaux ? Envisagez-vous de renforcer la coopération internationale en matière de circulation des oeuvres d'art ? Disposez-vous d'informations sur les fractions de produits des taxes existantes - TOCE et taxe sur les GAFA - qui pourraient abonder le financement du futur CNM ? Par ailleurs, quels sont les partenaires identifiés qui doivent abonder jusqu'à 80 % du pass culture ? L'expérience italienne, qui a inspiré ce projet, affiche un bilan assez mitigé, avec des fraudes conséquentes. Quelles sont les garanties mises en oeuvre pour ne pas reproduire une telle situation ? Nous sommes tous attentifs à l'évolution de la loi Aillagon et au développement du mécénat d'entreprise. Les États-Unis comptent plus de 12 000 fondations, lorsque la France n'en a que six cent. Les marges de progression sont importantes : seuls 9 % des entreprises, surtout les plus grandes, ont mené des activités de mécénat en 2017. Pour les entreprises de taille intermédiaire, le plafond annuel, fixé à 0,5 % du chiffre d'affaires hors taxe, est considéré comme trop limitatif. Envisagez-vous de nouvelles mesures pour développer le mécénat culturel dans son ensemble ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous venons de rendre les conclusions d'une mission d'information sur le mécénat, présidé par Maryvonne Blondin et dont le rapporteur était Alain Schmitz. Je vous ai également adressé les conclusions d'un groupe de travail ad hoc , animé par notre collègue Jean-Raymond Hugonet, sur le pass culture.

M. Alain Schmitz . - Vous nous avez rassurés lors des questions d'actualité du 25 octobre dernier sur la pérennité du mécénat. La sanctuarisation était une priorité. En revanche, les dons aux associations par les particuliers se sont effondrés, après la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune et compte tenu de la mise en place prochaine du prélèvement à la source. La Fondation du patrimoine, spécialisée dans le sauvetage du patrimoine vernaculaire et de proximité, a constaté, pour la seule Île-de-France, une baisse très importante des dons. Si elle était anticipée, l'ampleur de cette chute a été, en revanche, une surprise. Quelles mesures pourriez-vous prendre pour limiter ce phénomène ?

M. Jean-Raymond Hugonet . - Il est louable de nous associer à la réflexion. La gestion du comité d'orientation du pass culture, où je représente le Sénat, s'est avérée surréaliste. Lors de la seconde réunion, le 25 juin dernier, nous appris la création d'une association de préfiguration dont le président n'a pu être auditionné par notre commission, en raison d'une annulation de dernière minute imposée par votre prédécesseur. Personne n'est capable de donner une indication précise sur l'affectation et l'origine des 34 millions d'euros ! Ce projet paraît, à ce stade, conduit dans une réelle opacité financière, alors qu'il est présenté comme un projet majeur du quinquennat. À l'inverse, l'irrigation culturelle du territoire et des pratiques amateurs est en recul de trois millions d'euros sur le budget 2019. Il y a là péril en la demeure !

M. Pierre Ouzoulias . - Nous avons travaillé de concert sur le loto du patrimoine. Si celui-ci venait à être pérennisé, les critères de sélection des sites devront être plus transparents. Par ailleurs, le budget des archives a été amputé à hauteur de 17,8 % environ. La philosophie de l'archivage a-t-elle évolué ? Si tel n'était pas le cas, cette économie sur le fonctionnement me paraît infondée. Enfin, le budget montre la volonté de conforter le travail des DRAC avec lesquelles les élus ont proposé l'intensification du dialogue. En revanche, la suppression de 50 ETP en administration centrale risque d'obérer la capacité de vos directions à influencer la définition des politiques publiques.

M. Laurent Lafon . - Les DRAC sont voués à être les interlocuteurs quotidiens des collectivités locales. Par ailleurs, votre prédécesseur avait missionné Philippe Bélaval sur la réorganisation des différentes instances en charge du patrimoine. Qu'adviendra-t-il des préconisations de son rapport ? En outre, le loto du patrimoine ne saurait répondre seul aux enjeux de la rénovation du patrimoine. D'autres mesures, comme l'entrée payante des églises fréquentées, permettrait de procurer de nouvelles ressources à l'entretien du patrimoine.

Mme Maryvonne Blondin . - À la suite des attentats en 2015, un fonds d'urgence destiné à accompagner les établissements dans la prise en charge des surcoûts de sécurité, a été créé. Ce fonds devrait être remplacé par une dotation de deux millions d'euros supplémentaires en 2019. Mais, une circulaire du ministre de l'intérieur, dite « circulaire Collomb », en mai dernier, laisse désormais à la discrétion des préfets les critères de définition du périmètre missionnel facturable. Une telle décision pèse sur les budgets d'organisation des événements et spectacles culturels, qui sont déjà dans une grande fragilité financière.

Le FONPEPS représente une aide continue à l'emploi votée en 2016 : parmi les mesures qu'il comprend, la mesure 6, relative aux groupements d'entreprises de la culture, ne me semble pas avoir été mise en oeuvre. Ce fonds devrait recevoir 22,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 9,59 millions d'euros en crédits de paiement en 2019. Pourrait-on en assouplir les critères d'emploi et l'ouvrir aux arts visuels ?

La loi Aillagon représente un outil exceptionnel susceptible d'être ajusté.

Quelles sont les actions et les moyens déployés en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le secteur culturel ? Enfin, quelle est votre action vis-à-vis des langues de France qui représentent un patrimoine immatériel important ?

Mme Colette Mélot . - La lecture est délaissée et la fréquentation des médiathèques est en baisse. Quel est le bilan de la mise en oeuvre du plan bibliothèque, qui avait notamment proposé une amplitude horaire plus large ? Pour atténuer les inégalités entre collectivités, ne faudrait-il pas augmenter les crédits dédiés aux médiathèques ?

M. Jean-Pierre Leleux . - Lors de l'examen de la loi portant sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), nous avons eu un débat difficile à propos du rôle et des missions des architectes des bâtiments de France. Notre commission était acquise au maintien de l'avis conforme des architectes des bâtiments de France sur les projets d'urbanisme portant sur le patrimoine ancien. L'amendement en ce sens que nous avions déposé n'a pas été adopté. Ces architectes sont actuellement surchargés et ne peuvent répondre aux demandes qui leur sont adressées.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Les délégués régionaux de la Fondation du patrimoine m'ont alerté sur le manque de transparence quant aux critères de sélection des bâtiments retenus lors de la première édition du loto du patrimoine.

M. Franck Riester, ministre . - Vos questions illustrent la richesse du travail des parlementaires et leur connaissance des dossiers. Les conservatoires me tiennent à coeur. Mon expérience d'élu local sur ce sujet comme sur d'autres, m'a donné une sensibilité sur les politiques territoriales et les partenariats avec les élus, dont je connais les contraintes.

La décentralisation d'un certain nombre de décisions budgétaires et l'accompagnement du travail des DRAC, en lien avec les directions centrales qui ont un savoir-faire, me semblent prioritaires. Les partenariats avec les conservatoires sont importants. La redéfinition des critères de classement des conservatoires et des schémas d'orientation pédagogique nationaux et régionaux est en cours. L'amélioration de la situation des conservatoires passe aussi par une meilleure articulation des relations entre l'État et les collectivités territoriales.

Il faut innover au sujet des institutions d'art contemporain en région. Je crois, dans ce domaine, aux vertus de la différenciation et préconise la création de centres d'action culturelle modernisés, consacrés à la diversité des pratiques et des arts, répondant aux besoins exprimés sur les territoires. De tels lieux, qui reposent sur une multiplicité de financements, permettront de mieux irriguer la création artistique dans les territoires. L'État, dans le cadre de ses schémas d'organisation, essaiera d'accompagner ces bonnes pratiques.

L'architecture doit monter en puissance. Elle dépend bien du ministère de la culture, comme je l'ai rappelé lors de la remise du grand prix national d'architecture. Le patrimoine vernaculaire est très important et pourrait être associé aux bénéficiaires du loto du patrimoine.

Le versement exceptionnel aux trois cirques que vous avez mentionnés, Madame Laborde, interviendra, fin 2018, sur des crédits spécifiques en fin de gestion.

La circulation des oeuvres peut s'avérer critique. Lorsque certains musées, municipaux ou locaux, n'ont pas les moyens de sécurité nécessaires pour s'assurer, des expositions temporaires, sur une journée, peuvent être organisées. Il faut améliorer ce dispositif au niveau national. À l'échelle internationale, l'Agence France-Muséums dispose d'un plan d'exposition temporaire, sur quinze ans, en partenariat avec les grands musées français, auxquels s'ajoute le prêt d'oeuvres contre rétribution. Ce dispositif permet de faire connaître et financer la qualité exceptionnelle de notre ingénierie culturelle, tout en faisant circuler ces oeuvres dans des pays qui partagent avec nous ce souci de l'universalité de l'art.

Les GAFA doivent davantage contribuer au financement de la création et à l'exposition des contenus audiovisuels européens et français. Bruno Le Maire se bat pour obtenir, au niveau européen, la mise en place d'une fiscalité européenne sur le chiffre d'affaires des GAFA ; l'Allemagne s'y est engagée mais quelques États membres restent encore à convaincre. Il faudra réfléchir, dans l'avenir, à une participation accrue des GAFA à la diffusion de nos créations.

Le financement, le modèle économique, ainsi que la structure juridique du pass culture doivent être précisés. Son cadre doit être innovant et je veillerai à ce que ce dispositif soit conduit dans les règles.

J'assume nos choix politiques. À un moment donné, un budget s'oriente vers le soutien de certaines mesures au détriment d'autres.

Je souhaite que le mécénat soit pérennisé, ce qui n'empêche pas d'en revoir le pilotage et d'en assouplir les règles pour permettre aux petites et moyennes entreprises dans les territoires d'y participer davantage. Une envie de patrimoine est palpable en France depuis plusieurs années. Il faut trouver les dispositifs pour que sa restauration continue à avoir un sens.

Philippe Barbat, nouveau directeur général des patrimoines, est issu de l'administration des archives. Le chef du service des archives de France devrait prochainement être désigné. La fin de l'opération de Pierrefitte-sur-Seine explique, pour partie, cette baisse faciale du financement des archives dont les activités sont loin d'être considérées comme secondaires. Pour preuve, le grand mémorial des poilus, qui démontre l'ampleur de la grande collecte et de la numérisation des matricules conduits par les services des archives, dont celui des archives numériques en lien avec les archives départementales, pendant plus de quatre ans.

Il faudra optimiser l'organisation des services centraux de mon ministère afin de rendre encore plus efficace le travail de ses équipes. Je rencontre actuellement l'ensemble des organisations syndicales pour assurer un fonctionnement plus fluide de son administration.

Le rapport de Philippe Bélaval est en ligne et réaffirme le rôle du ministère de la culture dans la rénovation du patrimoine. Je reviendrai vers vous pour vous présenter les modalités de la réorganisation de la direction du patrimoine et de ses mesures.

Il faut d'abord évaluer le loto du patrimoine avant de le pérenniser. La gouvernance entre le clergé et l'État pour l'ouverture des cathédrales au public doit être reconsidérée. Il en va de l'avenir de ces bâtiments, autant cultuels que culturels.

La sécurisation des festivals et des spectacles vivants représente, depuis 2015, un surcoût pour les organisateurs de spectacle vivant et leurs différents partenaires. Le principe d'un accompagnement de l'État sera maintenu même si le fonds d'urgence disparaît.

Le FONPEPS, qui vise la pérennisation des emplois précaires, doit être davantage utilisé. Nous trouverons les voies et moyens, si besoin, d'augmenter la dotation de ce fonds, que l'État a abondé à hauteur de 10 millions d'euros au cours des quatre dernières années.

Je veux m'impliquer sur la francophonie et répondre aux besoins de langue française. Je reviendrai vous faire un point global sur cette thématique, une fois installé Paul de Sinéty et lancé le programme de Villers-Cotterêts.

Le plan bibliothèque ne peut passer que par un accompagnement des collectivités territoriales, au cas par cas. Les médiathèques et les bibliothèques, qui sont des lieux exceptionnels de travail, de sociabilité et de convivialité, sont incitées à s'ouvrir davantage, sans dogmatisme aucun.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La réforme en profondeur de l'audiovisuel public, que nous attendons, a été abordée par le biais du budget. Or, des décisions antérieures à votre arrivée ont été prises. Lors du colloque que nous avons organisé le 12 juillet dernier, nous avons accueilli cinq présidents d'entreprises publiques audiovisuelles européennes et confronté notre vision de l'audiovisuel extérieur à la réalité internationale.

Comme vous, nous sommes attachés à un système pérenne. Nous avons été amèrement déçus par la loi Elan qui a annihilé tout le travail effectué, en bonne intelligence avec l'Assemblée nationale - comme en témoigne le vote de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) - depuis ces trois dernières années sur la culture et le patrimoine. Nous aborderons à nouveau la situation des architectes des bâtiments de France et plus largement celle de l'architecture. Nous sommes tous des élus locaux, comme vous l'êtes encore. La règle des 1,2 % rend difficile, pour les collectivités territoriales le maintien d'un effort soutenu en faveur du patrimoine et de la culture. Cette réalité doit être prise en compte. Nous sommes, en revanche, rassurés par votre souhait d'associer les parlementaires, avides de dialoguer avec vous pour améliorer le dispositif législatif.

M. Franck Riester, ministre . - Je vous remercie de la qualité de votre accueil. J'ai demandé à mes collaborateurs de recenser l'ensemble des différents rapports parlementaires de ces cinq dernières années, sur les thématiques relevant de ma compétence, afin de m'en inspirer.


* 1 Pour mémoire, on peut rappeler que le tarif de la redevance est de 139 € depuis 2018 soit un peu plus de 11,50 € par mois.

* 2 Avis n° 112 Tome IV - Fascicule I « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public », loi de finances pour 2018.

* 3 « Comment réenchanter l'audiovisuel public à l'heure du numérique ? », Actes du colloque du 12 juillet 2018 organisé par la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, rapport d'information n° 733 (2017-2018), p. 90.

* 4 Voir en particulier le rapport d'information n° 709 (2014-2015) « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020 », MM. André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, rapporteurs.

* 5 Avances à l'audiovisuel public, PLF 2019, p. 11.

* 6 Ont participé aux travaux du groupe de travail, outre votre rapporteur pour avis, Catherine Morin-Desailly, présidente, Françoise Laborde, vice-présidente, Maurice Antiste, Maryvonne Blondin, André Gattolin, Jean-Raymond Hugonet, Colette Mélot, Sylvie Robert et Dominique Vérien.

* 7 Trois sénateurs participaient à ce groupe de travail dont notre collègue Maryvonne Blondin, notre ancienne collègue Michèle André ainsi que votre rapporteur pour avis.

* 8 Rapport publié à la documentation française en juillet 2014 - http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/144000377/index.shtml

* 9 Réunion 1 ère diffuse ainsi un signal unique sur trois supports (télévision, radio, Internet).

* 10 Votre rapporteur pour avis a eu une nouvelle réunion de travail le 14 novembre avec Guy Lagache, directeur délégué aux antennes et à la stratégie éditoriale de Radio France, Jean-Emmanuel Casalta, directeur de France Bleu, Olivier Montels, directeur des antennes et des programmes régionaux de France 3 et Germain Dagognet, directeur du projet de régionalisation de France 3.

* 11 Pour ne pas multiplier les niveaux hiérarchiques, la fonction de directeur régional de France Bleu pourrait échoir à un directeur d'antenne locale de France Bleu de la région concernée qui cumulerait ainsi les deux fonctions.

* 12 Les actes du colloque ont été publiés : https://www.senat.fr/notice-rapport/2017/r17-733-notice.html

* 13 « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : 3 étapes pour aboutir à la création de France Médias en 2020 » https://www.senat.fr/notice-rapport/2014/r14-709-notice.html

* 14 Un nouveau président du CSA doit être nommé en janvier 2019 ainsi que deux nouveaux membres.

* 15 Outre l'obligation pour les plateformes de vidéo à la demande par abonnement de proposer un minimum de 30 % d'oeuvres européennes on peut rappeler que le texte prévoit de nouvelles règles sur la publicité afin notamment de réduire l'exposition des enfants à la publicité relative aux boissons et aliments dommageables pour la santé. Un mécanisme de protection des données personnelles pour les enfants est également prévu. Votre rapporteur pour avis ne sait toutefois pas lesquelles de ces mesures nécessiteront une transcription de niveau législatif.

* 16 « 40 propositions pour une nouvelle régulation audiovisuelle », rapport d'information n° 1292 de la commission des affaires culturelles (octobre 2018).

* 17 Sondage Opinion Way de juin 2018 sur « L'avenir de l'audiovisuel public » commandé par la commission de la culture du Sénat.

* 18 L'Etat français détient plus de 13 % d'Orange et Bpifrance Participations détient 9,56 % du groupe de télécommunications.

* 19 Voir le communiqué commun de FTV, TF1 et M6 du 15 juin 2018 https://www.francetvpro.fr/institutionnel/communiques-de-presse/15341297.

* 20 Julien Verley, directeur du développement commercial de FTV déclarait le 21 mars dernier dans Les Échos que « La priorité est le gratuit. Mais comme cela prendrait du temps pour parvenir à une plate-forme gratuite avec le replay de tous les acteurs, l'idée serait de commencer par une étape autour de l'abonnement pour capitaliser sur le projet de France Télévisions ».

* 21 « Nous sommes convaincus que nos services doivent être gratuits pour tous » a déclaré Sir David Clementi au Sénat le 12 juillet 2018.

* 22 Le bouquet de télévision par satellite TPS a été lancé en 1996 pour concurrencer Canalsatellite avec déjà pour principaux initiateurs TF1, France Télévisions et M6. Or en 2001 France Télévisions est sorti du capital de TPS au bénéfice de TF1 et M6.

* 23 Le Figaro du 11 novembre 2018.

* 24 Le film du soir peut ainsi être vu en replay dans la journée.

* 25 Sibyle Veil a été désignée le 12 avril 2018 par le CSA pour succéder à Matthieu Gallet.

* 26 Le second versement de 27,5 millions d'euros est attendu en 2019 selon la DGMIC.

* 27 Au total la subvention issue de la CAP pour l'investissement devait représenter 24,6 millions d'euros en 2015, 29,6 millions d'euros en 2016, 34,6 millions d'euros en 2017 et 2018 et 24,6 millions d'euros en 2019.

* 28 « Radio France, les raisons d'une crise, les pistes d'une réforme », rapport de la Cour des comptes (avril 2015), p. 101.

* 29 Évaluée à 173,1 millions d'euros lors de son préprogramme en 2006, la construction de Philharmonie de Paris a coûté 534,7 millions (valeur en 2015) selon un rapport de la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France.

* 30 PLF 2019, bleu budgétaire, « Avances à l'audiovisuel public », p. 83.

* 31 Votre rapporteur pour avis a auditionné les syndicats de France Médias Monde le 10 octobre 2018.

* 32 Cet amendement à l'article 41 (état D) proposé par le rapporteur spécial Roger Karoutchi prélève en définitive 7 millions d'euros sur les crédits du programme de France Télévisions qu'il affecte à FMM pour 5 millions d'euros et à Arte pour 2 millions d'euros.

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