D. AÉROPORTS DE PARIS FACE À L'ENJEU DE LA PRIVATISATION

1. La perspective de la privatisation d'Aéroports de Paris...

Les articles L. 6323-1 du code des transports et suivants disposent que la société Aéroports de Paris est titulaire d'un droit d'exploitation exclusif des aéroports de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget, ainsi que de dix aérodromes en Ile de France.

La société ADP s'est par ailleurs vue attribuer, par la loi du 20 avril 2005 qui a procédé à sa transformation d'établissement public en société anonyme à capitaux publics, la pleine propriété des infrastructures aéroportuaires qu'elle exploite .

La majorité du capital est aujourd'hui détenue par l'État (50,63 %) . Le reste du capital est détenu par Vinci (8 %), Schipol (8 %), Predica (5,1 %), les salariés (1,9 %) ou d'autres actionnaires (26,4 %). Le montant de la participation de l'État dans le groupe ADP est valorisé à hauteur de 8,8 milliards d'euros .

ADP est soumise à un cahier des charges , dont les dispositions sont fixées par le décret du 20 juillet 2005 et l'article L. 6323-4 du code des transports, qui détaille notamment ses obligations de service public .

Par ailleurs, un contrat de régulation est conclu entre l'État et la société ADP pour une durée de cinq ans qui fixe le plafond du taux d'évolution des redevances aéroportuaires en tenant compte, notamment, des prévisions de coût, de recettes, d'investissements ainsi que d'objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant d'aérodromes.

Les articles 44 à 50 du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, dit PACTE, visent à organiser les conditions de transfert au secteur privé de la société ADP .

Le projet de loi supprime l'obligation pour l'État de détenir la majorité du capital de la société ADP .

Il limite à 70 ans la durée d'exploitation par ADP des aéroports parisiens, période à l'issue de laquelle les actifs, aujourd'hui en pleine propriété d'ADP, devront être retournés à l'État moyennant une indemnisation de la société. L'État pourra, à cette date, confier la gestion en concessions des aéroports parisiens à un nouvel exploitant.

Cette indemnisation des actionnaires pour la perte de la propriété des biens sera composée de deux versements :

- un versement dès la privatisation de la société , correspondant à la valeur actualisée d'exploitation des actifs pour la période allant au-delà de 70 ans, déduction faite d'une estimation de la valeur nette comptable des actifs ;

- un second versement au moment du transfert des actifs à l'État , correspondant à la valeur nette comptable des actifs figurant à son bilan à cette date.

Le projet de loi PACTE prévoit également de renforcer la régulation de l'État sur la gestion des aéroports parisiens, à travers le renforcement du cahier des charges auquel est soumise ADP . Il impose à ADP de soumettre à l'État tout projet d'opération conduisant à la cession, à l'apport ou à la création d'une sûreté sur un bien ou titre de participation dont la propriété doit être transférée à l'État à l'issue de la période d'exploitation.

Il consacre également dans le droit la pratique de la « double caisse » , qui conduit à ce que les tarifs des redevances aéroportuaires soient fixés sur la base d'un périmètre qui exclut les recettes issues des activités commerciales. Cette disposition n'est pas sans susciter des interrogations puisqu'elle revient à supprimer, à l'avenir, toute possibilité de faire évoluer le périmètre pris en compte dans le calcul des redevances aéroportuaires.

La privatisation d'ADP ne doit pas conduire à ce que des redevances excessives soient appliquées à l'avenir , ce qui dégraderait la compétitivité des compagnies aériennes. Le contrat de régulation économique signé entre l'État et ADP, ou à défaut un arrêté du ministre chargé de l'aviation civile, continuera de déterminer les conditions d'évolution de ces redevances. Toutefois, le contrôle du respect de ces conditions, qui incombe depuis 2016 à l'Autorité de supervision indépendante (ASI), demeure aujourd'hui insuffisant.

L'ASI a pour mission d'homologuer les redevances aéroportuaires des aérodromes d'une certaine taille et de rendre un avis conforme sur les projets de contrat de régulation économique. Cependant, pour assurer ces fonctions, l'ASI n'est pas dotée des pouvoirs lui permettant d'auditer les aérodromes en vue de s'assurer de la conformité des informations prises en compte dans le calcul des redevances, et de les sanctionner en cas de non-communication de ces informations. Par ailleurs, il est nécessaire de renforcer les compétences techniques de cette autorité.

Ainsi, votre rapporteure spéciale plaide pour reproduire le mode de régulation mis en place par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) pour le secteur aérien.

2. ... ne doit pas entraver la poursuite des investissements

Aéroport de Paris (ADP) et les autres aéroports français, connaissent une dynamique de développement importante . Au 1 er semestre, la croissance du nombre de passagers accueillis s'est élevée à 4,3 % en moyenne et à 6,6 % pour les grands aéroports régionaux. ADP a d'ailleurs dépassé le seuil symbolique des 100 millions de passagers accueillis.

L'année 2018 a été marquée par la poursuite des investissements prévus dans le cadre du troisième contrat de régulation économique (CRE 3), qui prévoit un volume d'investissement total de 3 milliards d'euros sur la période 2016-2020, dont :

- un milliard est consacré au maintien du patrimoine existant ;

- 690 millions d'euros permettent de développer la logique « one roof » en assurant la jonction des terminaux Sud et Ouest de Paris-Orly - qui devrait être ouverte au public en avril 2019 -, ainsi que celle des terminaux 2B et 2D et des satellites internationaux du terminal 1 de Paris-Charles de Gaulle ;

- 640 millions d'euros doivent renforcer la compétitivité de la plateforme de correspondance (à travers, par exemple, le réaménagement des terminaux 2E-2F).

Par ailleurs, les travaux qui incombent à ADP dans le cadre de la construction de la liaison ferroviaire CDG-Express ont été lancés : les tunnels ont d'ores et déjà été réalisés et il reste à construire la gare du CDG-Express ainsi que le tiroir d'arrière-garde du RER B.

Le prochain gros projet d'investissement porté par ADP concerne la réalisation d'un nouveau terminal T4 à l'aéroport Paris-Charles de Gaulle , dont une première partie devrait être ouverte dès 2024, afin de prévenir la saturation des installations actuelles qui pourrait intervenir à cet horizon. La configuration de terminal a fait l'objet d'un pré-choix par la direction d'Aéroport de Paris, qui a opté pour une solution « one roof », soit un seul bâtiment permettant de diminuer les trajets des passagers, plutôt que pour un autre projet qui prévoyait une configuration de deux satellites reliés par un train.

Plusieurs compagnies aériennes ont exprimé leur désaccord avec ce choix de terminal , qui entraîne un temps de roulage supérieur par rapport à la configuration en satellites.

Ce projet sera soumis de janvier à avril 2019 à une procédure de consultation publique avec garants, sous l'égide de la Commission nationale du débat publique (CNDP), ce qui permettra aux usagers et aux compagnies aériennes de se prononcer.

Enfin, suite aux problèmes de temps d'attente importants aux contrôles aux frontières intervenus à l'été 2017 - jusqu'à 3 heures d'attente à Paris-Orly et une heure d'attente à Paris-Charles de Gaulle -, des effectifs supplémentaires de police aux frontières ont été affectés aux plateformes parisiennes et des sas de contrôle PARAFE à reconnaissance faciale ont été déployés en juillet 2018, l'objectif étant, à terme, d'automatiser entièrement le contrôle aux frontières.

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