II. UNE NOUVELLE BAISSE DES MOYENS DES ADMINISTRATIONS EN CHARGE DES PRINCIPALES ACTIONS DU PROGRAMME

Dans le périmètre des missions intéressant plus spécifiquement votre commission, votre rapporteur s'est intéressé, à l'instar des années précédentes, à la situation de l'Autorité de la concurrence, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la direction générale des entreprises (DGE).

La situation de l'Autorité de la concurrence devrait revenir à celle de 2017, le projet de loi de finances pour 2019 se caractérise pour les deux directions générales par une forte réduction de leurs moyens d'action , comme en 2018, alors que la situation était plus contrastée les années précédentes.

A. UNE STABILISATION DES MOYENS ALLOUÉS À L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE, DONT L'ACTIVITÉ CONSULTATIVE SE DÉVELOPPE EN DIRECTION DES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DU DROIT

Le montant des autorisations d'engagement allouées à l'Autorité de la concurrence, au titre de l'action n° 15 du programme, devrait se tasser de 0,53 % en 2019, mais celui de ses crédits de paiement devrait fortement augmenter de 4,55 % , passant de 21,641 millions d'euros à 22,626 millions d'euros, soit près d'un million d'euros en plus, après une forte baisse en 2018 de 4,19 % par rapport au niveau de 2017, qui était de 22,604 millions d'euros. Il s'agit ainsi en réalité d'un retour au niveau de crédits de 2017 . Votre rapporteur rappelle que les trois quarts des crédits alloués à l'Autorité sont consacrés à des dépenses de personnel.

Le plafond d'emplois reviendrait au niveau de 2017 , c'est-à-dire 197, après une augmentation optique momentanée à 202 en 2018, alors même que les crédits de personnel dévolus à l'Autorité étaient en réalité en réduction. Votre rapporteur avait d'ailleurs dénoncé cette situation contradictoire. En pratique, les effectifs de l'Autorité sont donc stables depuis leur progression en 2016 et 2017, qui visait à lui permettre de prendre en charge les nouvelles missions qui lui avaient été confiées par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques à l'égard de certaines professions juridiques et judiciaires réglementées. Le plafond d'emplois est ainsi passé de 182 en 2015 à 197 en 2017, après plusieurs années d'érosion régulière.

L'activité de l'année 2017 a été très soutenue pour l'Autorité en matière de décisions d'autorisation de concentration, avec un record de 236 décisions, après 230 en 2016. Un nombre encore supérieur est attendu en 2018.

En revanche, l'activité s'est située dans la moyenne en matière de pratiques anticoncurrentielles, avec 27 décisions, comme l'illustre le tableau ci-après. Le taux de confirmation des décisions au fond de l'Autorité par la cour d'appel de Paris 26 ( * ) demeure toujours très élevé année après année. En revanche, le taux de recours depuis 2016 contre ses décisions est faible, ce qui suggère une meilleure acceptation par les entreprises concernées.

Évolution du nombre des décisions contentieuses
sur des pratiques anticoncurrentielles

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Décisions
au fond

50

34

40

39

20

29

23

20

20

31

27

Total des décisions 27 ( * )

56

35

42

40

21

29

23

22

20

31

27

Recours

25

12

12

8

6

10

10

14

8

9

5

Taux de recours

44,6 %

34,3 %

28,6 %

20,0 %

28,6 %

34,5 %

43,5 %

63,6 %

40,0 %

29,0 %

18,5 %

Recours examinés

25

12

12

8

6

10

10

14

7

7

2

Décisions confirmées

18

11

11

5

6

7

8

13

6

7

2

Taux de confirmation

72,0 %

90,9 %

91,7 %

62,5 %

100 %

70,0 %

80,0 %

92,8 %

85,7 %

100 %

100 %

Source : Autorité de la concurrence

En mettant à part les deux records de 2014 et 2015, au-delà du milliard d'euros, le montant cumulé des sanctions pécuniaires prononcées en 2017 est élevé, avec près de 500 millions d'euros, pour un nombre limité de 9 décisions, ainsi que l'indique le tableau ci-après. Deux décisions représentent à elles seules plus de 80 % de ce montant 28 ( * ) . Le montant attendu en 2018 devrait être inférieur, mais celui de 2019 pourrait être plus important, au vu des affaires en cours.

Évolution des sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre de décisions prononçant des sanctions pécuniaires

24

16

15

12

8

13

10

7

9

14

9

Montant total des sanctions pécuniaires

(en millions d'euros)

221,0

631,3

206,6

442,5

419,8

540,5

160,5

1 013,6

1 252,3

203,2

497,8

Source : Autorité de la concurrence

En matière de pratiques anticoncurrentielles également, l'Autorité de la concurrence prépare la publication d'un communiqué pour faire connaître les lignes directrices qu'elle applique dans la nouvelle procédure de transaction, telle qu'elle a été mise en place par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, au terme de trois ans de pratique. En outre, l'article 71 bis du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), actuellement en cours de discussion, comporte une habilitation en vue de transposer la future directive visant à doter les autorités de concurrence des États membres de l'Union européenne des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (directive dite « ECN+ ») et de prendre diverses mesures de simplification de la procédure contentieuse.

Par ailleurs, l'exercice des prérogatives de l'Autorité de la concurrence concernant certaines professions réglementées juridiques et judiciaires a donné lieu à une importante activité consultative depuis l'année dernière.

En application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée, l'Autorité doit fournir plusieurs avis au Gouvernement 29 ( * ) :

- un avis sur les règles de détermination des tarifs des notaires, des huissiers de justice, des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers des tribunaux de commerce et des administrateurs et mandataires judiciaires, ainsi que des droits et émoluments des avocats intervenant en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires ;

- un « avis sur la liberté d'installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires », comportant des recommandations pour augmenter « de façon progressive » le nombre d'offices et une cartographie pour définir des zones d'implantation de nouveaux professionnels ;

- un « avis sur la liberté d'installation des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation », comportant des recommandations pour augmenter « de façon progressive » le nombre d'offices.

Les avis sur la liberté d'installation doivent être rendus au moins tous les deux ans, dans le cadre d'une composition spéciale du collège de l'Autorité de la concurrence, comportant deux personnalités qualifiées supplémentaires. L'élaboration de ces avis a donné lieu à des consultations publiques préalables de la part de l'Autorité. L'activité consultative de l'Autorité à ce titre a été très importante depuis 2016.

Sur la base des avis rendus par l'Autorité sur la liberté d'installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires, le Gouvernement établit, par arrêté conjoint des ministres de l'économie et de la justice, une carte, valable deux ans, identifiant des zones dites de libre installation, en fixant le nombre d'offices à créer par zone, et des zones dites d'installation contrôlée, dans lesquelles l'installation est soumise à autorisation du ministre de la justice, selon les procédures anciennes 30 ( * ) .

Dans les zones de libre installation, si le nombre des candidatures est plus important que celui des nouveaux offices envisagés, une procédure de tirage au sort est organisée 31 ( * ) . Ainsi, compte tenu des critères permettant de concourir 32 ( * ) , plus de 36 000 candidatures ont été enregistrées pour les nouveaux offices notariaux ouverts à la création depuis novembre 2016, exigeant un lourd processus de tirage au sort 33 ( * ) . Dans les zones d'installation contrôlée, l'Autorité doit être consultée sur toute demande de création d'office si le ministre de la justice envisage de refuser la demande 34 ( * ) .

Avant l'expiration de la première période de deux ans, par un avis du 31 juillet 2018 35 ( * ) , l'Autorité s'est prononcée pour la seconde fois sur l'installation des notaires, en préconisant une nouvelle progression de leur nombre, certes plus modérée, avec 700 nouveaux professionnels d'ici 2020, dans un nombre plus faible de zones de libre installation, devant s'ajouter aux 1 650 proposés en 2016. Elle a estimé que le « potentiel » à l'horizon 2024 était de 1 800 à 2 300 nouvelles installations. Elle a également suggéré dans cet avis des améliorations dans le processus de désignation des nouveaux notaires, notamment afin de limiter le phénomène des candidatures multiples.

À l'issue de la première période de deux ans, l'objectif initialement prévu de 1 650 nouveaux notaires était presque atteint, avec 1 620 nominations 36 ( * ) . À ce jour, le Gouvernement n'a pas encore pris l'arrêté ouvrant la seconde période pour la nomination de nouveaux notaires , plus de trois mois après l'avis de l'Autorité de la concurrence. À cet égard, votre rapporteur relève que le Gouvernement a mis un an pour prendre les arrêtés concernant les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires 37 ( * ) .

Le tableau ci-après rend compte de l'activité consultative de l'Autorité en matière d'installation des professions réglementées du droit depuis l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée.

Mise en oeuvre des nouvelles prérogatives de l'Autorité de la concurrence
et du Gouvernement concernant l'installation de certaines professions réglementées du droit

Profession concernée

Avis
de l'Autorité

Proposition
de l'Autorité

Décision
du Gouvernement

Réalisation
à l'issue des deux ans

Notaires

1 er avis :
09/06/2016

1 650 nouveaux notaires d'ici 2018

Arrêté du 16 septembre 2016 reprenant la proposition de l'Autorité, avec un seuil intermédiaire de 1 002 nouveaux offices la première année

1 620 nouveaux notaires nommés
et 1 666 nouveaux offices créés 38 ( * )

2 ème avis :
31/07/2018

700 nouveaux notaires d'ici 2020

En attente

-

Huissiers
de justice

1 er avis :
20/12/2016

202 nouveaux huissiers de justice d'ici 2018

Arrêté du 28 décembre 2017 reprenant la proposition de l'Autorité

En cours

Commissaires-priseurs judiciaires

1 er avis :
20/12/2016

42 nouveaux commissaires-priseurs judiciaires d'ici 2018

Arrêté du 28 décembre 2017 prévoyant 41 nouveaux commissaires-priseurs judiciaires d'ici 2018

En cours

Avocats au Conseil d'État
et à la Cour
de cassation

1 er avis :
10/10/2016

4 nouveaux offices d'ici 2018

Arrêté du 5 décembre 2016 reprenant la proposition de l'Autorité

Nominations en 2017

2 ème avis :
25/10/2018

4 nouveaux offices d'ici 2020

En attente

-

Source : Commission des lois

S'agissant des règles de détermination des tarifs , l'Autorité a rendu deux avis les 29 janvier et 22 février 2016 39 ( * ) , préalablement à la publication du décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice. Si la loi a prévu que les tarifs devaient être révisés au moins tous les cinq ans, ce décret a retenu une période de référence des tarifs de vingt-quatre mois, imposant par conséquent leur révision tous les deux ans 40 ( * ) . Dans le cadre prévu par ce décret, les tarifs sont fixés par arrêté conjoint des ministres de l'économie et de la justice. Les projets d'arrêté doivent être portés à la connaissance de l'Autorité, qui n'est pas tenue de rendre un avis.

Sur la base de ce décret, le Gouvernement a pris une première série d'arrêtés relatifs aux tarifs réglementés en 2016, qui se sont limités à opérer une baisse générale des tarifs existants : le 26 février 2016 les arrêtés concernant les greffiers des tribunaux de commerce, les huissiers de justice, les notaires et les commissaires-priseurs judiciaires, puis le 28 mai 2016 un second arrêté pour les commissaires-priseurs judiciaires 41 ( * ) et l'arrêté concernant les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires. Au bout de deux ans, il a pris le 27 février 2018 une seconde série d'arrêtés, qui se sont bornés à reconduire les tarifs de 2016 pour les commissaires-priseurs judiciaires, les huissiers de justice et les notaires et à opérer une nouvelle baisse générale pour les administrateurs et mandataires judiciaires et les greffiers des tribunaux de commerce.

Alors que la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée prévoit le principe d'une tarification acte par acte, ces deux séries d'arrêtés illustrent la difficulté d'y parvenir, en raison notamment de l'insuffisance des données statistiques issues de la comptabilité analytique des professionnels concernés, au point que le Gouvernement a proposé, à l'article 11 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, d'en venir à une tarification « sur la base d'un objectif de taux de résultat moyen (...) dont le montant est estimé globalement pour chaque profession pour l'ensemble des prestations tarifées ». À cet égard, votre rapporteur rappelle que l'Autorité de la concurrence avait plaidé en 2016 pour une méthode globale de fixation des tarifs, permettant une mutualisation entre les tarifs des différents actes et visant ainsi la viabilité économique globale des études, comme le Sénat l'avait fait sans succès en 2015 lors des débats législatifs.


* 26 Méthodologiquement, sont considérées comme confirmées les décisions donnant lieu à un arrêt de rejet, une irrecevabilité ou un désistement ainsi qu'à un arrêt de réformation partielle confirmant au fond.

* 27 Incluant les décisions au fond et les décisions prononçant des mesures conservatoires.

* 28 Abus de position dominante d'Engie, pour 100 millions d'euros, et cartel des linos, pour 302 millions.

* 29 Articles L. 462-2-1, L. 462-4-1 et L. 462-4-2 du code de commerce.

* 30 Article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 31 La procédure de nomination a été fixée par le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels.

* 32 Possibilité de présenter une candidature dans plusieurs zones, possibilité pour les sociétés déjà titulaires d'un office de déposer une candidature et possibilité pour les sociétés d'être titulaires de plusieurs offices. Ces critères résultent des décrets n° 2016-661 du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels et n° 2016-1509 du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l'exercice de la profession de notaire.

* 33 Un contentieux sur les modalités du tirage au sort des candidatures aux nouveaux offices a conduit à l'annulation d'un premier arrêté par le Conseil d'État et à la prise d'un second arrêté.

* 34 L'Autorité de la concurrence a rendu à ce jour 307 avis à ce titre.

* 35 Cet avis est consultable à l'adresse suivante :

http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?lang=fr&id_rub=683&id_article=3244

* 36 Lors de son audition, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence a avancé le nombre de 1 613 nouveaux notaires.

* 37 Ces deux professions seront regroupées au sein d'une nouvelle profession unique de commissaire de justice en 2022, en vertu de l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, prise sur le fondement de l'article 61 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 38 Chiffres publiés sur le portail du ministère de la justice dédié aux officiers publics ou ministériels :

https://opm.justice.gouv.fr/content/bilan-des-nominations-dans-un-office-de-notaire-%C3%A0-cr%C3%A9er-pour-la-p%C3%A9riode-2016-2018

* 39 Le Gouvernement a transmis à l'Autorité un projet rectifié de décret, après consultation du Conseil d'État sur le premier projet de décret.

* 40 Article R. 444-2 du code de commerce.

* 41 Le premier arrêté n'avait été pris que pour trois mois.

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