INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit d'allouer à la mission « Justice » 9,055 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 3,81 % par rapport à 2018, et 9,037 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une légère progression de 0,28 %.

Il s'inscrit dans le cadre d'une programmation pluriannuelle fixée par le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, actuellement en cours de discussion au Parlement. Dans sa version initiale, ce projet de loi de programmation prévoit d'augmenter de 24 % les crédits de la justice d'ici à la fin du quinquennat. Même si elle salue cet effort budgétaire, votre commission des lois a plaidé pour une augmentation encore plus significative des crédits, afin de rattraper le retard accumulé dans le domaine judiciaire.

Ce contexte général d'augmentation des crédits bénéficie notamment au programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » (PJJ). À cet égard, le projet de loi de finances pour 2019 déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale s'inscrit dans le prolongement du redressement budgétaire engagé depuis 2012. L'an prochain, le budget de la PJJ devrait ainsi progresser de 24,2 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,85 % par rapport à la loi de finances pour 2018, et de 34,5 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 3,9 %. Ils atteindraient un total de 875 millions d'euros en crédits de paiement et de 903 millions en autorisations d'engagement.

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement qui a majoré de 113 523 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement le budget de la PJJ afin de revaloriser le barème des indemnités kilométriques et celui des frais de nuitée.

Le plafond d'autorisations d'emplois, qui n'a pas été modifié à l'Assemblée nationale, devrait connaître une hausse modérée, avec 48 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires, pour un total de 9 156 ETPT au sein de la PJJ en 2019. En 2018, les créations d'emplois s'étaient limitées à 18 ETPT.

Ces moyens supplémentaires devraient permettre de renforcer les deux réseaux sur lesquels s'appuie la PJJ : celui du secteur public, composé de 220 établissements et services relevant du ministère de la justice, et celui du secteur associatif, constitué de 1 024 établissements et services, habilités et contrôlés par le ministère.

Les crédits alloués au secteur associatif habilité (SAH) poursuivraient leur croissance, entamée en 2017, avec une augmentation sensible de 8,8 millions d'euros (+ 3,8 %). Cette tendance s'explique notamment par la participation du SAH au programme de construction de nouveaux centres éducatifs fermés (CEF).

La création de vingt nouveaux CEF d'ici à 2022 a été annoncée par Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, le 31 octobre 2017. Dans le projet de budget pour 2019, il est prévu de consacrer 4,1 millions d'euros supplémentaires à ce dispositif afin de préparer l'ouverture de cinq nouveaux centres dans le secteur associatif et de deux autres dans le secteur public.

Votre rapporteure souligne l'importance de l'effort budgétaire consenti en faveur des CEF, qui ne doit cependant pas être réalisé au détriment des autres modes de prise en charge, la justice des mineurs ayant besoin de disposer d'une palette diversifiée de solutions pour trouver celle qui est la plus adaptée à chaque jeune.

I. UN BUDGET EN AUGMENTATION POUR UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DE L'ENFANCE DÉLINQUANTE

L'augmentation des moyens alloués à la PJJ rend possible une meilleure prise en charge des jeunes placés sous main de justice, dans un contexte de stabilité de la délinquance des mineurs.

A. UNE AUGMENTATION CONTINUE DES MOYENS DEPUIS 2012

1. La baisse des crédits opérée à partir de 2007 est désormais effacée

À partir de 2007, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la PJJ a connu une baisse sensible des crédits de paiement qui lui étaient alloués. Entre 2008 et 2011, les crédits de paiement du programme 182 sont ainsi passés de 804 millions d'euros à 758 millions d'euros, soit une baisse de plus de 6 %.

Cette diminution des crédits a été rendue possible, tout d'abord, par un recentrage de la PJJ sur le suivi des mineurs délinquants , les mineurs en danger devant relever des conseils départementaux, compétents en matière de protection de l'enfance. Ce recentrage a conduit à la quasi-disparition des mesures civiles réalisées par la PJJ : si l'on comptait, en 2007, 18 429 mesures civiles en milieu ouvert et 1 885 mesures civiles de placement, on ne dénombrait plus, cinq ans plus tard, que 443 mesures en milieu ouvert et 37 mesures de placement.

Si l'on peut comprendre la volonté des pouvoirs publics de mieux délimiter les champs d'intervention de la PJJ et des conseils départementaux, afin d'éviter des redondances préjudiciables à une bonne utilisation des deniers publics, votre rapporteure rappelle cependant que le public suivi par la PJJ recoupe largement celui suivi par l'aide sociale à l'enfance (ASE), ainsi que les professionnels entendus au cours de ses auditions le lui ont confirmé. Les mineurs délinquants sont souvent en effet également des mineurs en danger, ayant fait l'objet de maltraitance ou de négligence.

Le deuxième levier sur lequel l'État est intervenu pour réaliser des économies budgétaires est celui de la réorganisation administrative :

- neuf directions interrégionales (DIR) ont été substituées aux quinze directions régionales précédentes, à compter du 1 er janvier 2009, en cohérence avec la carte de l'administration pénitentiaire. Identifiées comme le niveau pertinent de pilotage des missions à l'échelon déconcentré, les DIR sont désormais chargées de la mise en oeuvre des politiques définies par l'administration centrale de la PJJ au niveau de leur territoire de compétence. Elles assurent la coordination des différents acteurs de la PJJ ainsi que la gestion des moyens budgétaires et humains ;

- 54 directions territoriales (DT) ont été substituées aux directions départementales à compter de 2012. Ces directions territoriales, placées directement sous la responsabilité du directeur interrégional, sont chargées de mettre en oeuvre la politique de prise en charge de la jeunesse délinquante ou en danger et du contrôle de l'activité des services de leur ressort géographique.

Selon la Cour des comptes 2 ( * ) , cette réorganisation a permis d'absorber les deux tiers des allègements d'effectifs demandés dans le cadre de la RGPP. Elle a donc réduit l'impact de la RGPP sur les équipes d'éducateurs déployées sur le terrain.

2. Une tendance à la hausse qui se prolonge en 2019

À partir de 2011, les crédits de la PJJ sont repartis à la hausse, malgré un contexte général de rigueur budgétaire . Le budget de la PJJ a augmenté de 12 % depuis cette date, atteignant un montant de 851 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2018.

Pour 2019, le projet de loi de finances propose de poursuivre sur cette voie, avec une nouvelle hausse des crédits et des créations de postes .

Dans le texte déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale, le budget de la PJJ augmente de 3,96 % en autorisations d'engagement (AE) et de 2,85 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, pour s'établir, respectivement, à 903 millions d'euros et à 875 millions d'euros.

Cet accroissement s'explique d'abord par la hausse des dépenses de personnel (titre 2 ) , qui atteindraient en 2019 un montant de 528 millions d'euros (en AE comme en CP), soit 11 millions de plus qu'en 2018 (+ 2,2). Ces moyens supplémentaires sont notamment destinés à financer la création de nouveaux postes, principalement d'éducateurs (voir infra ). Les dépenses de personnel absorbent 60 % des crédits du programme.

Il résulte ensuite de la progression notable des dépenses du titre 6
- correspondant aux dépenses d'intervention - qui augmentent de 9,5 millions d'euros pour atteindre près de 248 millions (+ 4 %) en AE comme en CP. Ces crédits correspondent pour l'essentiel (239,1 millions) aux subventions versées au secteur associatif habilité .

Enfin, la hausse des crédits trouve son origine dans une augmentation de 3,5 millions d'euros des dépenses d'investissement (titre 5), qui atteindraient un peu plus de 18 millions d'euros en 2019 (+ 24 %). La progression est encore plus forte si l'on considère les autorisations d'engagement qui progressent de 88 % pour atteindre 38 millions d'euros.

En revanche, les dépenses de fonctionnement, hors personnel, sont contenues puisqu'elles reculeraient légèrement en 2019 par rapport à 2018
(- 0,16 %).

Crédits du programme « protection judiciaire de la jeunesse » (en euros)

Titre et catégorie

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2018

Demandées pour 2019

Évolution 2018/2019

Ouverts en LFI pour 2018

Demandés pour 2019

Évolution 2018/2019

Titre 2 - Dépenses de personnel

517 135 546

528 541 821

2,2 %

517 135 546

528 541 821

2,21 %

Autres dépenses

352 068 453

375 126 421

6,5 %

333 953 730

346 814 770

3,85 %

dont titre 3 - Dépenses de fonctionnement

93 549 388

89 361 335

- 4,48 %

81 103 487

80 967 942

- 0,17 %

dont titre 5 - Dépenses d'investissement

20 229 849

38 030 000

87,99 %

14 561 027

18 111 742

24,39 %

dont titre 6 - Dépenses d'intervention

238 289 216

247 735 086

3,96 %

238 289 216

247 735 086

3,96 %

Total

869 203 999

903 668 242

3,96 %

851 089 276

875 356 591

2,85 %

Source : projet annuel de performances pour 2019

Le tableau ci-dessus présente les crédits demandés dans le projet de loi de finances déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale. Comme cela a été indiqué à titre liminaire, l'Assemblée nationale a adopté, en seconde délibération, un amendement du Gouvernement qui majore les crédits de la mission « Justice ». Concernant le programme 182, cette majoration, qui porte sur les dépenses de personnel, s'élève à 113 523 euros (en AE comme en CP).

Elle vise à financer des mesures décidées lors du « rendez-vous salarial » qui a réuni les neuf organisations syndicales représentatives de la fonction publique et les employeurs publics le 18 juin 2018. Il a été décidé à cette occasion une revalorisation des frais de mission des agents publics : les frais de nuitée seront ainsi augmentés, en les distinguant selon la zone géographique (de 110 euros pour Paris intra-muros à 70 euros pour les petites communes où les coûts d'hébergement sont plus réduits) ; et l'indemnité kilométrique sera revalorisée pour la première fois depuis 2006, à hauteur de 17 % ce qui correspond au cumul de l'inflation depuis douze ans.

S'agissant de la répartition des crédits de paiement par action 3 ( * ) , la hausse du budget se répercute essentiellement sur l'action relative à la mise en oeuvre des décisions judiciaires. Cette action regroupe les crédits nécessaires aux mesures de prise en charge des mineurs délinquants et aux mesures d'investigation. Elle rassemble à elle seule 85 % des crédits du programme et verrait, en 2019, sa dotation progresser de 25,5 millions d'euros, soit une augmentation de 3,5 %.

Évolution de la répartition des crédits de paiement par action
entre 2018 et 2019 (en euros)

Crédits de paiement

Ouverts en LFI pour 2018

Demandés
pour 2019

Évolution
2018-2019

Mise en oeuvre des décisions judiciaires (Action 01)

717 660 796

743 223 726

3,5 %

Soutien (Action 03)

97 871 137

95 343 810

-2,6 %

Formation (Action 04)

35 557 343

36 789 055

3,46 %

Total

851 089 276

875 356 591

2,85 %

Source : projet annuel de performances pour 2019

Les crédits affectés au soutien et à la formation initiale et continue connaissent des évolutions divergentes en 2019 :

- l'action « Soutien » , qui regroupe les crédits nécessaires à la fonction support de pilotage, de gestion, d'animation et de coordination avec les partenaires voit ses crédits diminuer de 2,6 % ;

- l'action « Formation » , qui concerne la formation assurée par l'École nationale de la PJJ (ENPJJ) dans son site principal à Roubaix et dans ses onze pôles territoriaux de formation (PTF) connait une croissance de 3,46 %.

L'École nationale de la protection judiciaire de la judiciaire (ENPJJ)

Implantée depuis dix ans à Roubaix, l'ENPJJ est devenue en 2017 un service à compétence nationale, afin de mieux répondre aux besoins des professionnels sur l'ensemble du territoire national.

En 2018, le service de la formation a été réorganisé : aux deux pôles de formation statutaire et de formation continue ont été substitués un pôle dédié aux personnels éducatifs intervenant directement auprès des mineurs et un pôle dédié aux métiers de la gouvernance, cadres et personnels mobilisés dans les fonctions support.

En 2018 comme en 2019, les crédits de fonctionnement (hors personnel) s'élèvent à 7,4 millions d'euros. L'école emploie, en 2018 comme en 2019, un total de 163,9 ETPT, auxquels s'ajoutent les stagiaires qui perçoivent une rémunération au cours de leur scolarité. En 2018, le nombre de stagiaires correspond à 283 ETPT ; en 2019, il devrait passer à 228,3 ETPT, en raison d'un changement comptable (prise en charge de la pré-affectation des éducateurs stagiaires par les directions interrégionales et non plus par l'ENPJJ).

Depuis 2015, l'école est mobilisée sur les questions de lutte contre la radicalisation : 10 750 personnes ont reçu une formation de sensibilisation ou de prévention de la radicalisation. En 2018, l'école s'est attachée à développer un module dédié à l'accompagnement des mineurs de retour de la zone irako-syrienne. Dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme, elle a bénéficié de crédits à hauteur de 0,24 million d'euros pour couvrir les dépenses liées à la sécurité de son site de Roubaix (portique de sécurité et gardiennage).


* 2 Cour des comptes, rapport sur la protection judiciaire de la jeunesse réalisé à la demande de la commission des finances du Sénat (octobre 2014).

* 3 Le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » se décompose en trois actions : 01/ Mise en oeuvre des décisions judiciaires ; 03/ Soutien, 04/ Formation.

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