Avis n° 141 (2019-2020) de Mme Annie GUILLEMOT , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 novembre 2019

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N° 141

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME VII

COHÉSION DES TERRITOIRES (POLITIQUE DE LA VILLE)

Par Mme Annie GUILLEMOT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas, présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool, vice - présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard, secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

L'ESSENTIEL

Il y a 18 mois, après avoir enterré le « rapport Borloo », le Gouvernement relançait la politique de la ville avec une augmentation substantielle des moyens, + 20 % en crédits de paiement. Aujourd'hui, pourtant, le coup d'arrêt qui a été donné se fait toujours sentir.

Plus encore peut-être que les moyens, c'est la philosophie même du projet qui manque cruellement. Jean-Louis Borloo avait intitulé son rapport « Vivre ensemble, pour une réconciliation nationale », le titre à lui seul résonne comme une prémonition alors que les revendications des gilets jaunes et les expressions identitaires apparaissent comme les deux rives d'une même fracture de la société française. Jean-Louis Borloo écrivait : « Si on ajoute les territoires ruraux délaissés et certaines villes ou bassins en grave déprise, ce sont plus de 10 millions de compatriotes qui sont éloignés du moteur de la réussite » et plus loin « À défaut, fermenteront loin des yeux, le recroquevillement identitaire et le repli communautaire si trop de nos concitoyens ont le sentiment de ne pas participer au rêve républicain ».

Dans ce contexte, le budget de la politique de la ville n'apparaît pas à la hauteur de l'enjeu. Les crédits de paiement baisseront en 2020 de 2,07 %, soit 10,5 millions d'euros en moins, alors que le Gouvernement ne respecte pas l'échéancier de ses versements à l'ANRU en les réduisant justement de 10 millions d'euros.

La commission des affaires économiques a pris acte de la stabilisation des moyens de la politique de la ville mais demande le rétablissement des crédits prévus au profit de l'ANRU. Elle a donc décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat concernant les crédits de ce programme.

UN EFFORT MAINTENU POUR LA JEUNESSE

En matière d'éducation , les crédits s'élèvent à 125 millions d'euros. Au sein de ceux-ci des redéploiements sont opérés pour financer les « cités éducatives » à hauteur de 31 millions d'euros. Il n'y a donc pas de crédits à proprement parler nouveaux pour ce programme qui a fait l'objet d'une importante communication. C'est une bonne initiative puisqu'il s'agit de généraliser une expérimentation qui a réussi. Le projet est de fédérer localement les différents acteurs autour de l'école, y impliquer les parents et assurer un suivi des jeunes jusqu'à leurs 25 ans. Ces cités éducatives concernent 80 quartiers qui ont reçu une dotation initiale de 100 000 €.

Les moyens dévolus au lien social et à la participation citoyenne sont stables à hauteur de 87,4 millions d'euros. Au sein de cette action, avaient été décidés l'an passé le doublement (760 à 1 520) et la revalorisation (5 068 € à 7 164 €) des postes Fonjep . On pouvait s'interroger sur la possibilité d'y parvenir puisque l'essentiel du coût de ces emplois restait à la charge des collectivités et des associations concernées. Les résultats 2019 sont encourageants. Tous les postes devraient être pourvus d'ici la fin de l'année. Cependant, pour une large part, il ne s'agira pas de postes nouveaux. Il n'y aura donc pas de présence supplémentaire dans les quartiers de ce seul fait et il faudra encore un an pour en percevoir tous les effets. Malgré cela, l'initiative est positive, les postes Fonjep sont des postes d'encadrant et d'animateur d'associations. Ils donnent un label de qualité, une reconnaissance et une aide, même limitée, à un tissu associatif qui en a le plus grand besoin.

49,3 millions d'euros sont consacrés à l'emploi , poursuivant sur la lancée de 2019. Parmi les actions menées, celle des Écoles de la 2 e chance mérite d'être mise en lumière. Un peu plus de 15 000 jeunes de 16 à 25 ans, sans emploi ni formation, sont pris en charge avec un taux de sortie positive vers l'emploi ou la formation de 60 %. Cet effort sera significativement amplifié d'ici 2022 avec la création de 2 000 places supplémentaires dans ce dispositif pour lequel les collectivités territoriales sont des partenaires clefs.

L'EPARECA UN OUTIL À PRÉSERVER AU SEIN DE L'ANCT

L'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) joue un rôle indispensable dans les opérations de revitalisation commerciale dans les quartiers comme dans le cadre d'Action coeur de ville. Or, au 1 er janvier 2020, il sera absorbé au sein de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT).

Il est à craindre que sa culture du terrain, du projet et du monde économique soit marginalisée.

Dans le cadre de la fusion, l'Epareca a été amputée d'une de ses deux jambes : les professionnels du commerce . Ils ne seront pas représentés au conseil d'administration de l'ANCT et pour l'instant aucune procédure n'est prévue pour les inclure dans le processus de décision.

Or, l'expérience prouve qu'en matière, par exemple, d'implantation des commerces dans les quartiers difficiles, les professionnels ont toujours été précieux et participaient étroitement aux décisions pour sélectionner les projets les plus pertinents.

Il est très important de sauvegarder cet outil et de s'assurer de la participation des acteurs économiques, sans quoi les maires se retrouveront en première ligne et sans appui.

GARANTIR LE PLAN DE FINANCEMENT DE L'ANRU

Dans son rapport, Jean-Louis Borloo l'écrivait crument : « Depuis quatre ans, la rénovation urbaine est à l'arrêt, l'ambition originelle s'est perdue. La bureaucratie a progressivement pris le pas sur la dynamique de projet ».

En juillet 2018, le Président de la République a réaffirmé l'engagement de l'État d'apporter un milliard d'euros d'ici à 2031 dans le cadre du doublement du NPNRU et a promis 200 millions d'euros durant son quinquennat .

L'ANRU s'est remise à travailler. En un an, sur les 450 quartiers concernés, 329 ont vu leur projet validé. Cela correspond à huit milliards d'engagements sur les dix milliards du programme. Concrètement, ce sont : 65 000 démolitions, 53 000 reconstructions, 85 000 réhabilitations et 650 équipements, dont 180 écoles rénovées. Ce résultat très encourageant est le fruit d'un travail considérable. Mais il est surprenant que de nouvelles études soient encore commandées dans des quartiers bien connus où les habitants attendent des réalisations.

Vu du terrain, très peu de choses ont été concrètement faites dans les quartiers pendant ce mandat municipal alors que la situation est extrêmement difficile.

Dans ce contexte, à la fois de relance de l'ANRU et d'énorme attente dans les quartiers , il est grave que l'État ne respecte pas l'échéancier fixé. Cette année, 35 millions d'euros auraient dû être inscrits, seuls 25 sont au rendez-vous. Au regard du programme c'est peu, mais le signal est extrêmement négatif. Comment imaginer que l'État rattrapera son retard et tiendra sa promesse l'an prochain d'apporter 50 millions d'euros puis 75 millions d'euros l'année suivante ?

La commission a donc voté un amendement rétablissant les crédits programmés .

EXAMEN DES CRÉDITS

I. UNE LÉGÈRE ÉROSION DES CRÉDITS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

En 2020, les crédits du programme 147 seront en diminution de 29,23 % en autorisations d'engagement et de 2,07 % en crédits de paiement, soit 10 millions d'euros environ en moins.

Évolution des crédits du programme 147 « Politique de la ville »

Actions

Autorisations d'engagement

en millions d'euros

Crédits de paiement

en millions d'euros

LFI 2018

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

LFI 2018

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

333,9

415,3

417,6

0,57 %

333,9

415,3

417,6

0,57 %

Revitalisation économique et emploi

50,3

44,2

36,9

- 16,67 %

50,3

44,2

36,9

- 16,67 %

Stratégie, ressources et évaluation

29,4

24,4

18,9

- 22,71 %

29,4

24,4

18, 9

- 22,71 %

Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

15

185

0

-

15

25

25

-

Total

428,6

668,9

473,4

- 29,23 %

428,6

508,9

498,4

- 2,07 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2020

En 2020, les crédits de la politique de la ville sont donc globalement stabilisés au regard de la loi de finances initiale pour 2019.

Le Gouvernement a eu la volonté de « sanctuariser » à hauteur de 77 millions d'euros le « Plan de mobilisation nationale pour les quartiers » et les crédits affectés aux contrats de ville.

La baisse des crédits s'explique par l'extinction progressive du dispositif des zones franches urbaines (ZFU), des ajustements et des changements de périmètres :

- la diminution de 6,5 millions d'euros de la compensation des exonérations de charges sociales accordées aux entreprises en ZFU ;

- le transfert de crédits de fonctionnement au profit de l'Agence nationale de cohésion des territoires pour 2,4 millions d'euros ;

- l'ajustement à la baisse de 800 000 euros de la subvention à l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE) compte tenu de la consommation des crédits et des économies de gestion réalisées ;

- la réduction de 600 000 euros en raison de la suppression de huit postes de délégué du préfet pour la politique de la ville sur 299 (- 2,7 % des effectifs, 2,8 % de la masse salariale).

A. ACTION 1 « ACTIONS TERRITORIALISÉES ET DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE »

L'action n° 1 rassemble l'essentiel des crédits du programme. Leur répartition générale entre ses différents « piliers » est restée identique entre 2019 et 2020 :

- 75 % cohésion sociale ;

- 17 % développement économique et emploie ;

- 3 % cadre de vie et renouvellement urbain ;

- 5 % ingénierie et équipes projets.

Le pilier cohésion sociale, qui pèse 250,6 millions d'euros , regroupe les actions en matière d'éducation, de santé et d'action aux soins, de parentalité, de culture, de participation citoyenne et de lutte contre les discriminations.

La principale novation est la création des cités éducatives pour lesquelles, par redéploiement de crédits au sein de ce pilier, 31 millions d'euros sont mobilisés. Il s'agit de généraliser une expérimentation qui a débuté à Grigny, à Clichy-sous-Bois et à Nîmes en 2017 et qui a donné de bons résultats. Cette généralisation figurait parmi les propositions du rapport Borloo. Cela consistera à fédérer les différents acteurs locaux autour de la réussite scolaire des élèves en les suivant jusqu'à l'âge de 25 ans, c'est-à-dire leur insertion professionnelle. L'objectif est de garantir une continuité éducative en impliquant les parents, les éducateurs et les travailleurs sociaux. 80 territoires ont été labellisés début septembre.
Ils recevront une première dotation de 100 000 euros pour amorcer le projet.

Les piliers développement économique (7,9 millions d'euros), cadre de vie et renouvellement urbain (10,3 millions d'euros) et pilotage et ingénierie des contrats de ville (16,5 millions d'euros) ne connaissent pas d'évolutions budgétaires notables excepté un transfert interne au programme d'un peu plus d'un million d'euros de la charge de la gestion du programme européen de coopération territoriale Urbact III qui est réalisée par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET).

Il est à noter enfin que le dispositif adulte-relais est ajusté . Le financement des postes diminue de 1,5 million d'euros et s'établit à 81,5 millions d'euros dont une partie sera consacrée à leur professionnalisation. Peu rémunérés et peu qualifiés, ces postes souffrent de difficultés récurrentes de recrutement et de fidélisation. Se pose aussi la question du devenir professionnel des personnes qui y ont été employées.
La moitié seulement aurait un emploi à l'issue, un sur dix serait en formation.

B. ACTION 2 « REVITALISATION ÉCONOMIQUE ET EMPLOIS »

Les crédits de l'action 2 « Revitalisation économique et emploi » diminuent de 7,38 millions d'euros par rapport à 2019 . Ils sont consacrés au financement partiel de l'EPIDE et des exonérations de charge pour les ZFU.

Les crédits dédiés au fonctionnement de l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) sont en décroissance, 28 millions d'euros en 2020 au lieu de 28,8 millions d'euros en 2019, en raison de l'anticipation d'un nombre de stagiaires intégrés moins élevé et de rationalisations budgétaires. On peut s'interroger sur cet ajustement à la baisse du nombre des stagiaires attendus alors que l'EPIDE doit assurer l'ouverture d'un vingtième centre d'ici fin 2020, près d'Alès, à la Grand-Combe dans le Gard.

Les crédits dédiés à la compensation des exonérations de charges sociales pour les entreprises installées en zone franche urbaine diminuent en raison de l'extinction progressive de cette exonération (8,8 millions d'euros contre 15,4 millions d'euros) depuis le 31 décembre 2014 et jusqu'en 2028. Pour mémoire, l'extinction a été décidée par la loi de finances pour 2012.

Le dispositif qui l'a remplacé, dit ZFU-Territoires d'entrepreneurs, à partir du 1 er janvier 2015, est de nature fiscale et ne comporte plus d'exonérations de charges sociales, car elles ont été incluses dans le Pacte de responsabilité

La dépense fiscale associée est de beaucoup plus grande ampleur. L'exonération plafonnée à 50 000 euros du bénéfice dans les ZFU-TE représentera 183 millions d'euros en 2020 et celle de 61 000 € dans les ZFU est encore de 15 millions d'euros.

C. ACTION 3 « STRATÉGIE, RESSOURCES ET ÉVALUATION »

Cette action porte la masse salariale des délégués des préfets pour la politique de la ville. Le programme 147 rembourse les structures d'origine des agents mis à disposition, soit 60 000 euros pour un agent de catégorie A, 45 000 euros pour un agent de catégorie B. Il inclut en outre leur prime spécifique de fonction, 3 700 euros par an, modulé de plus ou moins 40 % (2 200 euros à 5 180 euros).

En 2020, huit postes sont supprimés sur 299, soit - 2,7 % et 600 000 euros d'économies.

Cette diminution apparaît comme la traduction dans le budget de la ville de l'effort de maîtrise des effectifs de l'État. Elle reste regrettable car elle va à rebours des besoins et de la relance de la politique de ville voulue par le Gouvernement depuis l'été 2018.

Les crédits de cette action sont marqués par une seconde évolution, un transfert de crédits de fonctionnement vers le programme 112 et l'Agence de cohésion des territoires (ANCT) à hauteur de 2,4 millions d'euros . Cela comprend les missions d'études et les dépenses de communication afférentes aux publications de l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) ainsi que des crédits de développements informatiques.

Enfin, un transfert interne au programme, déjà évoqué, a été effectué.

Au total, la diminution de crédits est de 5,5 millions d'euros en 2020, sur un total de 18,9 millions d'euros .

D. ACTION 4 « RÉNOVATION URBAINE ET AMÉLIORATION DU CADRE DE VIE »

Cette partie du budget est le véhicule de la contribution apportée par l'État au financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU). C'est sans doute le point le plus important de ce budget .

Aucune autorisation d'engagement ne figure au profit de la rénovation urbaine et l'amélioration du cadre de vie, alors que 185 millions d'euros étaient inscrits en 2019. Cette évolution ne doit pas surprendre puisque le Gouvernement, suite aux annonces du Président de la République en juillet 2018, a confirmé le doublement de cinq à dix milliards d'euros du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU). Il a également indiqué que l'État y contribuerait à hauteur d'un milliard d'euros et de 200 millions d'euros sur le quinquennat.
Ce montant ayant d'ores et déjà été inscrit aux budgets 2018 et 2019, il est donc logique qu'aucune autorisation d'engagement ne figure à ce titre au projet de loi de finances pour 2020.

En revanche, le maintien des crédits de paiement au même niveau qu'en 2019, c'est-à-dire 25 millions d'euros, est lui problématique puisqu'il n'est pas conforme à l'échéancier qui a été arrêté, 35 millions d'euros étant prévus et alors que 10 millions d'euros d'économies ont été réalisés par ailleurs.

Il y sera revenu plus amplement dans la partie relative à l'ANRU.

II. UN SOUTIEN MAINTENU EN FAVEUR DE LA JEUNESSE, DE LA FORMATION ET DE L'INSERTION PROFESSIONNELLE

La rapporteure souhaite cette année mettre en lumière deux dispositifs d'aide au tissu associatif des quartiers et de formation et d'insertion professionnelle des jeunes.

A. LE FONJEP, UN ATOUT POUR LES QUARTIERS

Le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) est un organisme cogéré par l'État, les collectivités territoriales et les associations. Il a été créé en 1964. Il a pour mission de renforcer le développement des projets associatifs de jeunesse et d'éducation populaire.

Dans le cadre de la loi du 23 mai 2006, il assure la gestion, le versement et le suivi de subventions aux associations pour le compte et à la demande de l'État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

C'est-à-dire qu'il verse ces subventions pour le compte de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), du commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), du ministère de la culture, et de l'agence française de développement (AFD) déléguée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Les décisions relatives à l'attribution des subventions (associations bénéficiaires, montant de la subvention, procédure d'attribution...) relèvent de chaque financeur.

Les postes Fonjep sont des aides de 7 000 euros à 8 000 euros versées par l'intermédiaire du Fonjep pour le compte de l'État à des associations loi 1901 de jeunesse et d'éducation populaire. Ces aides viennent soutenir un projet qui nécessite l'emploi d'un salarié qualifié, et sont attribuées pour trois ans renouvelables deux fois.

En 2018, 5 301 postes Fonjep ont été financés, dont 207 par des collectivités territoriales, pour un montant total de près de 47 millions d'euros de subventions (76 % État, 24 % collectivités territoriales) selon le tableau ci-après :

Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (DJEPVA et CRIB)

26 557 344

Collectivités (toutes collectivités confondues)

10 974 839

Ministère de l'éducation nationale (DJEPVA-DGCS)

4 722 188

Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET)

3 851 680

Ministère de la culture

417 240

Agence française de développement

360 000

Total

46 883 291

En 2019, dans le cadre de la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers, un soutien aux acteurs de terrain et à la vie associative a été apporté par le doublement du nombre de postes Fonjep de coordonnateurs associatifs dans les quartiers prioritaires, soit 1 520 postes au lieu de 760. Par ailleurs, la subvention de chaque poste a été portée de 5 068 à 7 164 euros.

Dans son avis budgétaire pour 2019, la rapporteure s'interrogeait sur le réalisme de cet objectif, malgré sa modestie, car la subvention Fonjep ne couvre qu'une petite partie du coût qui oscille entre 40 000 et 80 000 euros, charges comprises, selon la qualification du poste. Il s'agit en effet d'emplois d'encadrants dont la finalité est de structurer le tissu associatif. Le titulaire d'un poste Fonjep a en moyenne 41 ans et est une femme dans 58 % des cas.

Lors de son audition, la présidente du Fonjep, Mme Nadine Dussert, a indiqué que ces postes allaient être pourvus d'ici à la fin de l'année, ce qui est une très bonne chose. Au 28 juin dernier, 386 postes ont été créés, 1 146 sur les 1 520 (75,4 % de la cible). Leur répartition géographique est la suivante :

Territoires concernés

Création de postes
au 31 décembre 2019

Guadeloupe

6 postes

Mayotte

11 postes

La Réunion

7 postes

Polynésie

10 postes

Haut de France

53 postes

Auvergne-Rhône-Alpes

56 postes

Ile de France

6 postes

Normandie

22 postes

PACA

41 postes

Pays de la Loire

11 postes

Franche-Comté

28 postes

Bretagne

10 postes

Corse

1 poste

Occitanie

57 postes

Centre

23 postes

Nouvelle-Aquitaine

32 postes

Leur mise en place prend inévitablement du temps car il convient de mobiliser les différents financeurs, d'identifier les postes, puis d'opérer les recrutements.

Toutefois, dans bien des cas, les nouveaux postes ne correspondront pas à de nouveaux emplois mais l'objectif d'aider le tissu associatif sera bien atteint. Un poste Fonjep va au-delà de l'aide financière sur un poste donné. C'est un label, une reconnaissance et permet à l'association de s'inscrire dans une perspective de long terme puisque le poste est attribué pour trois années renouvelables deux fois, soit neuf ans.

La rapporteure se félicite donc de la bonne exécution de ce projet et souligne qu'il serait possible d'aller encore plus loin pour aider le tissu associatif des quartiers, d'autant que peu de personnes nouvelles seront au contact des populations du seul fait de ces financements.

B. DES ÉCOLES DE LA 2E CHANCE À DÉVELOPPER

Les Écoles de la 2 e Chance (E2C) ont été créées à la suite de la publication du livre blanc « Enseigner et apprendre - Vers la société cognitive », présenté à l'initiative d'Édith Cresson, alors commissaire européenne chargée de la science, de la recherche et du développement, lors du sommet des chefs d'État de Madrid en décembre 1995, puis adopté par les ministres de l'éducation des États membres de l'Union européenne. Les E2C figuraient dans un des cinq objectifs transversaux identifiés, « Lutter contre l'exclusion ».

Dix E2C ont ainsi été créées en Europe entre 1997 et 2000, dont la première en France, à Marseille. Après cette première expérience, des écoles ont été implantées à Mulhouse en 2000, puis en Champagne-Ardenne et en Seine-Saint-Denis en 2002.

En 2004, ces écoles ont signé aux côtés d'Édith Cresson et de sa fondation dédiée une Charte et créé l'association « Réseau des Écoles de la 2 e Chance ».

En 2007-2008, les écoles ont été dotées d'un cadre législatif et réglementaire (article L 214-14 du Code de l'Éducation issu de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 et son décret d'application n° 2007-1756 du 13 décembre 2007)

Les Écoles de la 2 e Chance (E2C) sont des structures privées résultant d'un partenariat entre les chambres de commerce et les collectivités territoriales. Leur objectif est de permettre l'insertion professionnelle de jeunes de 16 à 25 ans, sans diplôme, qualification professionnelle ni emploi et sortis du système scolaire. La pédagogie est centrée sur un triptyque : l'acquisition des savoirs de base, l'alternance alors que 83 % des jeunes accueillis n'ont aucune expérience de l'entreprise, et l'accompagnement social. La durée moyenne de formation est de six mois auquel s'ajoute un suivi sur les douze mois suivants, soit un parcours de 18 mois au total.

L'intervention de l'État consiste traditionnellement en une aide au démarrage de 100 000 euros pour une école nouvelle ou de 50 000 euros pour une nouvelle antenne à partir d'une école existante. À cet amorçage s'ajoute une subvention pour le parcours des jeunes issus des quartiers prioritaires à hauteur de 625 euros par stagiaire. Elle est portée par le budget de la politique de la ville

Les E2C se développent rapidement depuis 2010. En 2018, les 130 sites ont accueilli 15 009 jeunes âgés de 20,5 ans en moyenne (+ 2 % par rapport à 2017), répartis dans 57 départements et cinq régions ultrapériphériques. Le nombre de sites a légèrement augmenté. Il y en avait 124 en 2016.

La part des bénéficiaires issus de QPV est de 30 % dans l'hexagone.
Les sorties « positives » s'élèvent à 60 % dont 22 % en formation et 38 % en emploi.

Les E2C ont bénéficié en 2018 d'un financement de 3,31 millions d'euros du ministère de la ville sur un coût total est de 81,1 millions d'euros.

De plus, pour accompagner le réseau national, 150 000 euros du programme 147 ont été attribués à l'association Réseau E2C France .

Le coût par jeune accueilli s'élève à 5 340 euros. Il est inchangé depuis 2009, ce qui témoigne d'importants efforts de gestion. Les financeurs sont les régions (32 %), l'État (29 %), l'Europe - Fonds social européen - FSE (14 %), les autres collectivités (10 %) et la taxe d'apprentissage (6 %). L'un des enjeux est d'accroître la part des fonds FSE. Les collectivités et les gestionnaires des écoles doivent se coordonner pour faire face à la lourdeur de la gestion des dossiers de demande, de suivi et des contrôles.

Par ailleurs, comme annoncé par la ministre du travail le 28 juin 2018, le Plan d'investissement dans les compétences (PIC) permettra le financement de 2 000 parcours supplémentaires en E2C d'ici 2022 .
Il prend ainsi en charge depuis 2019, pour ces parcours supplémentaires uniquement, l'intégralité des coûts d'aide au démarrage et d'accompagnement assumés par l'État et actuellement répartis entre le CGET et la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

Le potentiel de développement des E2C est encore très important pour la prise en charge des jeunes des ruralités comme des quartiers.

La création de nouvelles écoles et leur localisation dépend pour l'essentiel des collectivités locales qui attribuent les locaux en fonction des disponibilités.
Les meilleurs emplacements sont en centre-ville là où les transports et la mixité est la plus importante. Il n'est pas souhaitable que les écoles soient implantées dans les quartiers prioritaires car sortir les jeunes de leur ghetto et du regard des autres est essentiel au parcours vers la réussite.

L'un des défis que relèvent actuellement les écoles est leur ouverture aux mineurs. Il y a seulement trois ans, trois écoles les accueillaient. C'est le cas dans trois quarts des cas désormais. Les mineurs étaient 6 % en 2013, ils sont 13 % des stagiaires en 2018. Cela a nécessité des évolutions pédagogiques (groupes séparés ou mixité limitée avec les adultes) et des précautions compte tenu des règles particulières s'imposant à la prise en charge des mineurs en formation et en entreprise.

Par ailleurs, chaque jeune percevant une rémunération d'environ 300 euros par mois, le recrutement des E2C peut-être concurrencé par d'autres dispositifs s'adressant à la jeunesse, notamment si ceux-ci sont plus rémunérateurs et/ou moins exigeants. Une logique d'assistanat peut prendre le pas sur celle de la réinsertion professionnelle si l'articulation des propositions n'est pas réfléchie et si les missions locales qui restent les principales prescriptrices (60 % des stagiaires des E2C ont été adressés par elles) ne le prennent pas pleinement en compte dans l'orientation des jeunes.

III. L'EPARECA, UN OUTIL À PRÉSERVER AU SEIN DE L'ANCT

A. LA CRÉATION DE L'ANCT

La loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 a créé l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) , qui sera effective au 1 er janvier 2020.
Elle regroupera :

• le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ;

• l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) ;

• l'Agence du numérique.

L'ANCT poursuivra la plupart des missions qui ont été confiées à ces opérateurs. Les territoires couverts par la politique de la ville continueront de percevoir les crédits qu'ils reçoivent aujourd'hui et les outils de la politique publique en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville sont tous maintenus. L'ANCT continuera de mettre en oeuvre ou d'accompagner les mesures annoncées par le Président de la République le 17 juillet 2018, dont notamment le déploiement des emplois francs, le développement des équipements sportifs dans les 50 quartiers les plus carencés et en outre-mer, le développement et l'approfondissement des cités éducatives, le doublement du nombre d'apprentis issus des quartiers, la prévention des discriminations par le testing lors des embauches dans les grandes entreprises, le PaQte entreprises, etc.

L'ANCT interviendra également spécifiquement en appui aux collectivités territoriales qui sont en difficulté en matière démographique, économique et en termes d'accès aux services publics, qu'elles relèvent de la géographie prioritaire ou non.

L'ANRU coordonnera son action avec l'ANCT à partir de la convention qui sera conclue entre ces deux établissements publics et dont les modalités restent à définir.

La création de l'ANCT résulte d'une volonté de simplification mais aussi du souhait de fédérer les moyens de l'État et de ses opérateurs en permettant une relation plus fluide avec les collectivités territoriales.

L'ANCT résulte également de la prise de conscience qu'une action doit être entreprise pour combler les fractures territoriales dans les métropoles comme dans les ruralités en prenant en compte leurs spécificités. La nouvelle agence nourrit l'ambition d'apporter une aide sur mesure en s'appuyant sur les préfets de département qui seront ses délégués territoriaux.

C'est dans cette perspective que se pose la question de la place des savoir-faire et des missions de l'Epareca dans le nouveau dispositif.

B. L'EPARECA, UN OUTIL SPÉCIFIQUE ET EFFICACE

1. L'action en faveur de la revitalisation commerciale de quartiers

L'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) a été créé par la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du Pacte de relance pour la ville.

C'est un instrument original de la politique de la ville. Il a vocation à se substituer directement aux acteurs privés . Son intervention est transitoire, les centres commerciaux concernés devant revenir dans le domaine privé une fois leur vitalité et rentabilité retrouvées. Par rapport à un établissement public, l'Epareca a des métiers et savoir-faire spécifiques liés à la promotion immobilière, l'investissement, l'exploitation, la revente d'espaces commerciaux et de gestionnaire d'actifs.

L'activité de l'Epareca est encadrée par un contrat d'objectifs et de performance (COP), qui constituait, jusque-là, la feuille de route de l'établissement pour la période 2016-2020 . Il a été signé par les trois ministres de tutelle (artisanat et commerce, urbanisme et politique de la ville) de l'établissement le 13 juillet 2016. Le COP précise les objectifs stratégiques et opérationnels pour permettre la mise en oeuvre de nouveaux projets de restructuration commerciale, à hauteur de 80 millions d'euros .

Depuis 2016, 14 nouvelles opérations ont été validées par le Conseil d'administration pour un montant de 48 millions d'euros d'investissement .

À fin 2018, le taux de vacance des locaux s'élève à 16 %. Le taux de cessation d'activité des commerces pour raison économique est de 4 %.
Les loyers sont modérés (79 €/m² pour les boutiques, 47 €/m² pour les moyennes surfaces alimentaires) et les impayés limités à 8,5 % dans les baux commerciaux.

À l'été 2019, 65 interventions sont achevées et parmi celles-ci 23 opérations sont sorties du patrimoine de l'Epareca ou de ses filiales.
On compte 41 polarités commerciales ou artisanales en exploitation , 29 en production et 90 dossiers font l'objet d'études préalables (avant une éventuelle mise en investissement).

Sur l'ensemble des sites commerciaux en exploitation, une moyenne surface alimentaire a pu être implantée dans 47 % des cas. Cette proportion atteint les 76 % si on considère l'ensemble de l'offre alimentaire présente (petite épicerie, boucherie traiteur, etc.). La pharmacie est également présente dans 76 % des opérations. Les cinq commerces de base (boulanger, pharmacie, tabac presse, épicerie superette, bar brasserie) sont présents dans 18 % des cas. Le taux monte à 37 % si on considère les quatre commerces essentiels (manquent alors le tabac presse ou la restauration).

L'Epareca a par ailleurs engagé une politique active de partenariat afin de développer son réseau, d'améliorer sa notoriété et la visibilité de ses interventions sur tout le territoire (y compris les départements d'outre-mer).

2. L'élargissement expérimental de son champ de compétence à « Action coeur de ville »

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) élargit à titre expérimental pour trois ans le périmètre d'intervention de l'Epareca aux futures opérations de revitalisation de territoires du programme « Action coeur de ville ». Les 222 villes concernées peuvent saisir l'Epareca pour les accompagner dans la revitalisation des commerces de leurs centres-villes.

Sur ces 222 communes , 41 présentent d'ores et déjà un coeur de ville situé dans un périmètre précédemment éligible, parmi lesquelles 24 communes dans le cadre du NPNRU ou dans le cadre de la politique de la ville hors NPNRU , et 15 communes au titre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) ; trois de ces communes étant inscrites aux deux programmes. Par ailleurs, 108 des 222 communes ont sur leur territoire un ou plusieurs quartiers périphériques inscrits au NPNRU (huit d'entre elles ayant le centre et un ou plusieurs quartiers en périphérie).

Ainsi, l' Epareca a d'ores et déjà fait l'objet d'une saisine de « centre-ville » pour 15 des 222 communes , et près d'une centaine d'entre elles ont été ou sont accompagnées par l'établissement sur l'un de leurs quartiers périphériques. L'établissement est par conséquent déjà mobilisé sur les questions particulières que peuvent soulever une intervention en centre ancien.

D'un point de vue financier et sur ses fonds propres, l'Epareca intervient à deux titres auprès des collectivités :

• en tant qu'investisseur, sur la base des estimations du montant de revente à terme de l'actif immobilier restructuré ;

• en tant qu'établissement public, via des subventions, sur la base des capacités financières de la commune.

C. UN OUTIL À PRÉSERVER

La création de l'ANCT induit la poursuite de cette dynamique d'élargissement du périmètre d'action de l'Epareca. On pourrait s'en réjouir dès lors que les moyens financiers pour porter des investissements lourds de restructurations sur le long terme seraient au rendez-vous, ce qui n'est pas le cas.

Plus encore que les moyens, ce qu'il convient de préserver, c'est ce qui fait la spécificité de l'Epareca : les savoir-faire des équipes et la participation aux décisions des professionnels du commerce . Or, on peut nourrir des craintes sur ces deux sujets.

L'Epareca est un établissement public et commercial (EPIC) doté d'une certaine souplesse financière et en matière de recrutement pour assurer ses missions, là où l'ANCT sera un établissement public administratif (EPA). Les personnels de l'Epareca sont pour beaucoup des personnels sous contrats privés. Ils doivent pouvoir être intégrés à l'ANCT à conditions équivalentes, ce qui devrait être le cas. Les difficultés devraient apparaître dans la durée car les cultures de travail sont très différentes entre l'Epareca et le CGET notamment. L'Epareca a une vision commerciale et entrepreneuriale de ses projets et doit agir au plus proche du terrain. Cette vision de l'action publique est assez différente de celle d'une administration centrale ayant des fonctions de réglementation et de régulation.

Le second enjeu est de préserver le lien avec les professionnels du commerce qui étaient membres du conseil d'administration de l'Epareca et prenaient une part active aux décisions, n'hésitant pas à faire entendre leur expérience pour faire évoluer un projet d'investissement, voire s'opposer à une décision. Or, aucun professionnel du commerce ne sera parmi les 33 membres du conseil d'administration de l'ANCT. Le conseil d'administration de l'ANCT ne devrait d'ailleurs qu'approuver les principes généraux des investissements commerciaux, ceux-ci relevant de la seule décision du futur directeur général. Serait actuellement en discussion la création d'un comité opérationnel qui serait placé auprès de la direction de l'ANCT pour examiner les opérations de revitalisation.

Si, bien entendu, la création de l'ANCT perdrait de son sens si chaque entité était maintenue dans un silo séparé, ne pas reconnaître les spécificités opérationnelles et partenariales de l'Epareca confinerait à une forme de déni de réalité. Si l'on souhaite, comme cela a été dit, que la culture du projet et du terrain de l'Epareca irrigue l'ensemble de l'ANCT, il convient de préserver les équipes et leurs moyens d'agir et de ne pas couper l'ANCT des professionnels du secteur commercial. Bien plus qu'une question de « casting » du conseil d'administration, cela pourrait devenir une erreur stratégique.

IV. GARANTIR LE PLAN DE FINANCEMENT DE L'ANRU

L'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) a été créée par la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine pour mettre en oeuvre le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU). Il s'agit d'un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) qui a été installé par un décret du 9 février 2004.

Bilan du Programme national de rénovation urbaine (PNRU)

Au 30 avril 2019, 145 conventions du PNRU, soit 36 %, sont clôturées.

Sur les 29 500 opérations engagées, 92 % sont désormais soldées. On dénombre 2 483 opérations restant à solder.

En volume, 10,6 milliards d'euros ont été payés par l'ANRU et le reste à payer sur la totalité du programme s'élève désormais à 0,9 milliard d'euros.

Selon les données disponibles à fin 2018, le PNRU aura généré 45 milliards d'euros d'investissements, soit :

- 157 080 démolitions engagées et 148 090 livrées (94 %) ;

- 137 370 constructions engagées et 125 490 livrées (91 %) ;

- 336 310 réhabilitations engagées et 322 080 livrées (96 %) ;

- 345 430 résidentialisations engagées, et 321 670 livrées (93 %).

Puis l'ANRU a été chargée par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 de la réalisation du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) visant en priorité les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants.
Ces deux programmes constituent le coeur de métier de l'agence.

Malheureusement, depuis 2014, la politique de rénovation urbaine était à l'arrêt comme le soulignait le rapport Borloo : « L'ambition originelle s'est perdue. La bureaucratie a progressivement pris le pas sur la dynamique de projet ». Le règlement interne de l'ANRU avait créé de multiples obstacles à la réalisation des projets et les moyens humains avaient été diminués.

Depuis juillet 2018 l'Agence a été relancée mais le projet de loi de finances fait peser le doute sur l'engagement financier de l'État dans la politique de rénovation urbaine .

A. UNE AGENCE RELANCÉE

Mi-2018, le Président de la République, puis le Gouvernement dans le cadre du Pacte de Dijon, ont décidé de relancer la politique de rénovation urbaine.

Le doublement du NPNRU, qui avait été décidé en 2017, puis suspendu, a été confirmé à hauteur de 10 milliards d'euros d'équivalent subvention (8,7 milliards d'euros de subventions directes et 3,3 milliards d'euros de prêts bonifiés par Action Logement). L'État y participera pour un milliard d'euros dont 200 millions sur le quinquennat.

Le NPNRU : financement et objectif

D'un montant de 10 milliards d'euros d'équivalent subvention, le NPNRU est financé par Action Logement, le mouvement HLM et l'État de la façon suivante :

- 6,6 milliards d'euros d'équivalent subvention apportés par Action logement : le financement d'Action logement, fixé par la convention du 18 janvier 2018 signée par l'État et Action logement et sa convention d'application entre l'État, l'ANRU et Action logement signée le 11 juillet 2018, se répartit entre une enveloppe de 4,8 milliards d'euros de subventions, une enveloppe de 3,3 milliards d'euros de prêts bonifiés (ayant pour objectif de générer 1,2 milliard d'euros d'équivalent subvention) et 600 millions d'euros de reliquat de l'actuel PNRU ;

- 2,4 milliards d'euros apportés par la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) comprenant les 400 millions d'euros de contributions au titre des engagements antérieurs et complétés par 2 milliards d'euros prévus par le protocole du 4 avril 2018 conclu par le ministère de la cohésion des territoires et l'Union Sociale pour l'Habitat ;

- 1 milliard d'euros de l'État (article 132 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018) sur la durée du programme.

Le NPNRU devrait permettre de financer environ :

- 80 000 démolitions ;

- 72 000 reconstructions ;

- 130 000 requalifications.

Le NPNRU a également vocation à financer des opérations de résidentialisation, de diversification de l'habitat, d'aménagements, ainsi que des équipements publics et de l'immobilier à vocation économique.

Des freins techniques ont été levés. Sur le plan législatif deux réformes ont été votées dans la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) : le passage à une comptabilité industrielle et commerciale au 1 er janvier 2021 et la suppression du plafond d'emploi qui était précédemment voté chaque année dans le projet de loi de finances. Il appartient désormais au conseil d'administration de l'ANRU d'approuver le volume des effectifs (131 en 2019).

En effet, le plafond d'emploi dédié au coeur de métier de l'ANRU avait été réduit en 2013 alors que le NPNRU était lancé en 2014 et que le PNRU était en cours d'exécution. Douze ETP ont ainsi été supprimés sur la période. À noter que 3 renforts hors plafond dédiés au NPNRU avaient cependant été validés en 2017. En mars 2018, pour y remédier avait été accepté le principe d'un recrutement complémentaire sur la base de six mises à disposition et d'externalisations supplémentaires pour gérer l'important pic d'activité conjoncturel lié à la contractualisation du NPNRU et renforcer de façon structurelle le pilotage des programmes. Mais ils se sont avérés difficiles à mettre en place et à fin juin 2018 aucun renfort n'était effectif.

Le point décisif reste le volume de projets validés . Sur ce point un travail considérable a été accompli depuis un an. L'ANRU est véritablement sortie de la léthargie dans laquelle elle se trouvait, comme le montre le graphique ci-dessous, l'encéphalogramme n'est plus plat !

Selon les derniers chiffres de l'ANRU, au 13 novembre, sur les 450 quartiers éligibles au NPNRU, 329 ont ainsi déjà vu leur projet de transformation examiné et validé. Cela correspond à plus de 8 milliards d'euros d'engagements à disposition des collectivités et des bailleurs. Ces concours financiers vont permettre la réalisation de projets estimés à près de 28 milliards d'euros tous financeurs confondus.

Concrètement, cet investissement va notamment permettre de réaliser :

• 65 600 démolitions de logements sociaux ;

• 53 100 reconstructions de logements sociaux ;

• 84 800 réhabilitations de logements sociaux ;

• plus de 650 équipements, dont 180 écoles.

B. UN PLAN DE FINANCEMENT REMIS EN QUESTION ?

Si l'ANRU semble enfin relancée, il y a lieu de s'inquiéter sur l'engagement de l'État dans le financement du NPNRU.

En 2018, le plan de financement arrêté entre l'État, les bailleurs sociaux et Action logement était le suivant sur le quinquennat :

De fait, en 2018 puis 2019, la programmation prévue a bien été respectée par l'État. 200 millions d'euros d'autorisations de programme ont été inscrits en deux fois, 15 puis 185 millions d'euros et 15 puis 25 millions d'euros en crédits de paiement.

C'est une véritable déception que de constater cette année que seuls 25 millions d'euros sont inscrits en crédits de paiement faisant peser le doute sur la volonté du Gouvernement de respecter la croissance de sa contribution sur le quinquennat et d'atteindre effectivement 200 millions en 2022.

A contrario , les bailleurs sociaux et Action logement respectent les décaissements prévus, fort heureusement pour l'ANRU, mais s'inquiètent de ce qui pourrait rapidement apparaître comme un désengagement de l'État.

C'est d'autant plus vrai que dans les réponses au questionnaire budgétaire, il a été indiqué « Les arbitrages rendus dans le cadre de la préparation du triennal 2020-2022 ont prévu la stabilisation de la contribution de l'État au financement du NPNRU au niveau inscrit en loi de finances initiale 2019, soit 25 millions d'euros par an sur la période 2020-2022 » .

Ainsi, si rien n'était changé, la contribution de l'État sur le quinquennat plafonnerait à 115 millions d'euros au lieu des 200 millions d'euros promis. À ce rythme, l'État mettrait 40 ans pour verser le milliard d'euros prévu pour le NPNRU !

Le Gouvernement a vraisemblablement décidé de remettre à après 2022 le gros de ses versements et la réalisation de ses engagements .

L'effort devrait être porté par les autres financeurs de l'ANRU.

Selon les informations fournies, Action logement devrait être mis une nouvelle fois à contribution . En effet, la convention tripartite État-ANRU-Action logement renégociée au 1 er semestre 2018 indique que le montant minimum à décaisser par Action logement en 2020 au titre du financement des subventions s'élève à 450 millions d'euros mais une partie de la marge pluriannuelle pourrait être appelée dès cette année à hauteur de 96 millions d'euros sur les 220 prévus sur le quinquennat , pour un total de 546 millions d'euros. La contribution des bailleurs s'élèverait quant à elle à 184 millions d'euros, au même niveau qu'en 2019.

En termes de dépenses, l'ANRU devra faire face à l'achèvement du PNRU (416 millions d'euros) et au début des décaissements au profit du NPNRU (339 millions d'euros).

Si les leviers destinés à accélérer le déploiement du NPNRU sont maintenant en place, cela ne se traduit pas encore en termes d'exécution budgétaire. Une tendance dynamique a commencé à être constatée à partir de mai 2019 mais les dépenses liées au NPNRU ne devraient pas dépasser celle du PNRU avant 2021.

Le Gouvernement justifie également le non-versement des montants prévus par le niveau de trésorerie de l'ANRU qui devrait être positive de 343 millions d'euros fin 2019 et le rester jusqu'en 2022 à hauteur de 333 millions d'euros.

La rapporteure s'oppose pourtant à cette logique comptable . Dans bien des quartiers, rien ne s'est fait au cours du mandat municipal.
Les espoirs ont été déçus, les équipes se démobilisent et l'attente des citoyens s'accroît.

Si l'on doit saluer la relance active de l'ANRU pour rattraper le temps perdu, la manière dont l'État semble vouloir étaler sa participation financière est un signal très négatif. Ne contribuant déjà qu'à un dixième du programme, il est incompréhensible de le voir demander à ses partenaires d'anticiper leur participation quand il reporte la sienne. Il devrait au contraire être moteur, avancer de lui-même les financements et anticiper les programmes de l'ANRU pour permettre le début des rénovations en avance de phase. Ces avances sont possibles et ont déjà été réalisées par le passé. Au contraire, malheureusement, comme votre rapporteure l'avait déjà regretté dans son rapport d'information avec Mme Valérie Létard 1 ( * ) , on constate que des études coûteuses peuvent encore être commandées dans des quartiers où l'ANRU est présente depuis sa création aux regrets des élus et des habitants.

C'est pourquoi, la commission a approuvé un amendement de principe rétablissant les versements de l'État au niveau attendu .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 2019, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits relatifs à la politique de la ville du projet de loi de finances pour 2020.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous abordons maintenant le budget de la politique de la ville (programme 147). Je passe la parole à Mme Annie Guillemot, rapporteure pour avis.

Mme Annie Guillemot , rapporteure pour avis . - Madame la Présidente, Mes Chers Collègues, il me revient de vous présenter les crédits du programme 147 « Politique de la ville » de la mission cohésion des territoires.

Si je voulais être lapidaire dans cette présentation, je pourrais vous dire que les crédits sont reconduits de 2019 à 2020 dans leur globalité à l'exception des crédits pour l'ANRU aux sujets desquels, malgré ses dénégations, le Gouvernement ne tient pas ses engagements. C'est le point principal de ce budget. Je l'ai dit à Julien Denormandie lors de son audition. Cela me conduira à vous proposer un amendement de principe.

Évidemment, vous vous en doutez, les choses sont un peu plus compliquées. Derrière cette apparente continuité se cache un changement de paysage qu'on pourrait facilement oublier si on n'avait pas un peu de mémoire. Souvenons-nous qu'il y a 18 mois, le rapport Borloo était enterré, le Gouvernement relançait néanmoins la politique de la ville avec une augmentation substantielle des moyens, + 20 % en crédits de paiement et + 57 % en autorisations d'engagement. Mais, un an après, nous subissons toujours le coup d'arrêt qui a été donné à cette politique. Plus encore peut-être que les moyens, c'est la philosophie même du projet qui manque cruellement. Jean-Louis Borloo avait intitulé son rapport « Vivre ensemble, pour une réconciliation nationale ». Il écrivait : « si on ajoute les territoires ruraux délaissés et certaines villes ou bassins en grave déprise, ce sont plus de 10 millions de compatriotes qui sont éloignés du moteur de la réussite » et plus loin « à défaut, fermenteront loin des yeux, le recroquevillement identitaire et le repli communautaire si trop de nos concitoyens ont le sentiment de ne pas participer au rêve républicain ». Entre les expressions identitaires et les revendications des Gilets jaunes, nous sommes, je crois, au coeur du sujet, notamment dans les quartiers où la tension est forte.

Selon moi, le budget que nous examinons n'est pas à la hauteur de cet enjeu.

Je vais vous présenter les grandes lignes des crédits et vous faire part de deux remarques principales sur l'Epareca et l'ANRU.

Les crédits sont en légère diminution. Les crédits de paiement baissent de 2,07 %. Les autorisations de programme connaissent une évolution plus marquée de - 29,23 % mais cela est dû au fait que toutes les autorisations du quinquennat pour l'ANRU ont été inscrites en 2018 et surtout 2019 (185 millions d'euros) et qu'aucune autorisation n'est prévue cette année. Les crédits sont donc en légère baisse avec des ajustements à la marge.

En matière d'éducation, les crédits s'élèvent à 125 millions d'euros. Au sein de ceux-ci des redéploiements sont opérés pour financer les cités éducatives à hauteur de 31 millions d'euros. Il n'y a donc pas de crédits à proprement parler nouveaux pour ce programme. C'est bien entendu une bonne initiative puisqu'il s'agit de généraliser une expérimentation qui avait réussi à Clichy-sous-Bois notamment et qui figurait dans le rapport Borloo.
Il s'agit de construire un projet local pour fédérer les différents acteurs autour de l'école, y impliquer les parents et suivre les enfants jusqu'à 25 ans et leur insertion professionnelle.

Les moyens dévolus au lien social et à la participation citoyenne sont stables à hauteur de 87,4 millions d'euros. Au sein de cette action, j'avais relevé l'an passé le doublement et la revalorisation des postes Fonjep. J'avais exprimé mes doutes sur la possibilité d'y parvenir puisque l'essentiel du coût de ces postes restait à la charge des collectivités et des associations concernées. J'ai eu toutefois des informations encourageantes à l'occasion de mes auditions. Tous les postes devraient être pourvus d'ici la fin de l'année. Cependant, pour une large part, il ne s'agira pas de postes nouveaux. Mais il ne faut pour autant pas voir les choses négativement. Les postes Fonjep sont des postes d'encadrant et d'animateur d'associations. Ils donnent un label de qualité, une reconnaissance et une aide, même limitée, à un tissu associatif qui en a le plus grand besoin.

Concernant l'emploi, ce sont 49,3 millions d'euros qui y sont consacrés, là aussi stables par rapport à 2019. Parmi les actions menées, je voudrais mettre le projecteur sur les Écoles de la deuxième chance. Un peu plus de 15 000 jeunes de 16 à 25 ans, sans emploi ni formation, sont pris en charge avec un taux de sortie positive vers l'emploi ou la formation de 60 %. Cet effort sera significativement amplifié d'ici 2022 avec la création de 2 000 places supplémentaires. C'est un dispositif à développer.

Je regrette, enfin, la suppression de huit postes de délégué du préfet pour la politique de la ville. Cela me paraît aller à l'encontre de ce que nous vivons sur le terrain.

Je voudrais aborder maintenant deux points qui me semblent importants : le sort de l'Epareca et celui de l'ANRU.

Concernant l'Epareca, comme ce n'est pas un sujet budgétaire, je ne veux pas m'y étendre trop longuement mais je souhaite vous sensibiliser aux conséquences de l'absorption de cet établissement au sein de l'ANCT à partir du 1 er janvier. L'Epareca insufflera, paraît-il, à la nouvelle agence sa culture du terrain, du projet et du monde économique. Je voudrais y croire ! Ceci étant les professionnels du commerce ne seront pas représentés au conseil d'administration de l'ANCT et pour l'instant aucune procédure n'est prévue pour les inclure dans le processus de décision. Or, je peux témoigner, en tant qu'ancienne présidente de l'Epareca mais aussi avec toute mon expérience des quartiers, qu'en matière d'implantation des commerces dans les quartiers difficiles, les professionnels ont toujours été précieux dans la conduite des projets et participaient étroitement aux décisions de l'Epareca pour sélectionner les projets les plus pertinents. Si on n'y porte pas remède, ce sont les maires qui se retrouveront en première ligne, sans aucun appui.

Enfin sur la situation de l'ANRU comme l'écrivait crument Jean-Louis Borloo en 2018 : « depuis quatre ans, la rénovation urbaine est à l'arrêt, l'ambition originelle s'est perdue. La bureaucratie a progressivement pris le pas sur la dynamique de projet ». C'est vrai que depuis juillet 2018, beaucoup d'efforts ont été déployés pour relancer la machine. L'ANRU s'est remise à travailler. Sur les 450 quartiers concernés, 329 ont vu leur projet validé. Cela correspond à huit milliards d'engagements sur les dix milliards du programme. Concrètement, ce sont : 65 000 démolitions, 53 000 reconstructions, 85 000 réhabilitations et 650 équipements, dont 180 écoles rénovées. Je salue bien volontiers ce résultat et le travail considérable qui a été accompli pour rattraper le temps perdu. Cependant, très peu de choses auront été concrètement faites dans les quartiers pendant ce mandat municipal alors que la situation est extrêmement difficile. On finance encore de nouvelles études dans des quartiers où l'ANRU intervient depuis plus de quinze ans alors que les habitants attendent des réalisations. C'est un sujet sur lequel Mme Valérie Létard se souviendra que nous avions déjà attiré l'attention.

D'autant que je trouve grave que l'État ne respecte pas son engagement de financement de l'ANRU. Le Président de la République avait affirmé que l'État apporterait un milliard d'euros d'ici à 2031 dans le cadre du doublement du NPNRU et a promis 200 millions d'euros durant son quinquennat. Cette année, l'État aurait dû inscrire 35 millions d'euros, seuls 25 sont au rendez-vous. Au regard du programme c'est peu, mais le signal est extrêmement négatif. Comment imaginer que l'État rattrapera son retard et tiendra sa promesse l'an prochain d'apporter 50 millions d'euros puis 75 millions d'euros l'année suivante ?

À titre personnel, je pense que c'est un véritable plan d'urgence en faveur des quartiers qui serait nécessaire pour améliorer le cadre de vie et rénover des écoles, des collèges ou des centres sociaux. L'État se devrait d'être moteur en avançant sa participation financière. Cela avait été fait par le Président Sarkozy lors du plan de relance.

Dans le cadre de notre commission, je vous propose un amendement moins ambitieux consistant à réinscrire au budget les 10 millions d'euros manquants.

En conclusion, je vous propose de donner un avis de sagesse sur les crédits du programme 147 assorti de l'amendement proposé.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci Mme Annie Guillemot pour ce rapport très engagé. J'ai été choquée de lire dans la presse que le Président de la République avait enfin demandé au Gouvernement d'agir au profit des quartiers après avoir vu le film Les Misérables . Mais il y a des centaines de personnes qui travaillent sur ces sujets et je ressens une exaspération certaine sur la méthode.

Mme Valérie Létard . - Je suis complètement d'accord avec l'analyse de la rapporteure sur le nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU). Il faut mettre en oeuvre une vision comme celle qu'avait proposée Jean-Louis Borloo, prendre les quartiers dans leur globalité et à travers l'ensemble de leurs interactions avec la ville qui les environne en matière de logement, de sport ou de transport. Il faut avoir une vision équilibrée, ne pas financer que du logement mais également des infrastructures publiques, grâce au financement de l'État, et en même temps soutenir le tissu associatif et être présente auprès des populations, car on ne le sait que trop, la nature a horreur du vide. Ce n'est donc pas normal que l'investissement de l'État soit aussi faible.

M. Marc Daunis . - Je rejoins tout à fait l'approche globale qui est proposée. Malgré nos divergences politiques, un consensus se dégage autour de cette vision globale, des crédits d'investissement et d'accompagnement et de la dimension humaine comme clef du succès. Je souhaiterais que notre commission fasse des propositions fortes. Il me semble que l'amendement proposé est trop raisonnable. Des moyens plus élevés permettraient d'ouvrir une perspective de moyen terme.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Notre groupe ne votera pas cet avis car c'est une véritable alerte politique qu'il faudrait lancer. Je voudrais insister sur l'importance de l'accompagnement humain et du travail avec les institutions républicaines en faveur de la formation, de l'emploi et de l'éducation populaire pour lutter contre le communautarisme et porter une offre d'émancipation. On constate une grave inconséquence du Président de la République et du Gouvernement à ce sujet sur lequel pourtant des maires ou la commission Borloo ont fait des propositions. Je souhaiterais que soit créée sur ce thème une mission d'information ou un groupe de travail au sein de la commission.

Mme Viviane Artigalas . - La question du logement est très importante pour la qualité de vie. Quel est l'impact de la baisse des crédits du logement sur la politique de la ville ?

M. Franck Montaugé . - Le processus de l'ANRU est d'une grande complexité. On ne voit pas l'intérêt de ces trop nombreuses études. Souvent, trois ans après l'annonce de l'entrée dans un programme de la politique de la ville, rien ne s'est passé. Cela nous décrédibilise, c'est pourquoi j'ai refusé de relayé des demandes de communication de l'État parce qu'il n'y avait pas de visibilité sur la réalisation de ce qui était annoncé. Arrêtons de complexifier les processus et cela coûte très cher !

Mme Sophie Primas , présidente . - Effectivement, on sait faire des exceptions pour les JO de 2024, pourquoi pas pour les quartiers prioritaires ? Cela le mériterait.

Mme Catherine Conconne . - Je souscris pleinement à la proposition de Mme Marie-Noëlle Lienemann. Faire de la politique, c'est changer la vie des gens. Nous avons besoin pour les quartiers de politiques plus ambitieuses avec des propositions qui ne soient pas des gadgets.

Mme Annie Guillemot , rapporteure pour avis . - Madame la Présidente, au sujet de votre observation de méthode à propos du film Les Misérables , je crois en effet que le problème est que les élus et les maires expérimentés ne sont pas écoutés voire bafoués.

Sur l'impact de la réduction du budget du logement dans les quartiers, il est très direct. Les bailleurs ont été obligés de reculer les réhabilitations, de baisser l'entretien et de réduire les personnels.

Je voudrais aussi vous alerter sur l'impact de la réforme de la taxe d'habitation car elle va perturber le calcul des dotations de solidarité au profit des villes les plus pauvres. Je me demande quelle commune aura dès lors intérêt à construire des logements sociaux.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je mets aux voix l'amendement proposé afin de rétablir la participation de l'État au budget de l'ANRU à hauteur de 35 millions d'euros.

Il est adopté à l'unanimité.

Lors de sa réunion du 27 novembre, la commission a donné un avis favorable aux crédits du programme 147.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 5 novembre 2019

- Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux : Mme Valérie LASEK , directrice générale.

- Commissariat général à l'égalité des territoires : M. François-Antoine MARIANI , commissaire général (par intérim) - commissaire général délégué - directeur de la ville et de la cohésion urbaine.

- Agence nationale pour la rénovation urbaine : MM. Nicolas GRIVEL , directeur général, Damien RANGER , directeur des relations institutionnelles.

- Action Logement : MM. Bruno ARCADIPANE , président, J ean-Baptiste DOLCI , vice-président, Bruno ARBOUET , directeur général, Mme Valérie JARRY , directrice des relations institutionnelles.

Mercredi 6 novembre 2019

- Table ronde des associations d'élus : MM. Marc GOUA , maire de Trélazé, représentant Ville&Banlieue, Emmanuel HEYRAUD , directeur de la cohésion sociale et du développement urbain - France urbaine.

Mardi 12 novembre 2019

- Union sociale pour l'habitat : Mme Marianne LOUIS , directrice générale, M. Thierry ASSELIN , directeur Politiques urbaines et sociales, Mme Francine ALBERT , conseillère pour les relations avec le Parlement.

- Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire : Mmes Nadine DUSSERT , présidente, Nouria DUTHOIT-MESSAOUDI , déléguée générale.

- Réseau Écoles de la 2 e Chance : MM. Alexandre SCHAJER , président, Cyrille COHAS-BOGEY , directeur général.


* 1 Rapport d'information « Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens », n° 662, 19 juillet 2017, p. 64.

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