B. DES HYPOTHÈQUES À LEVER

Le plan de développement de l'enseignement français à l'étranger a impulsé une nouvelle dynamique très positive dans un contexte de concurrence accru. Il vise à valoriser l'un des meilleurs atouts de la France dans le domaine de la diplomatie culturelle et d'influence, la qualité des écoles et lycées français étant internationalement reconnue.

Cette dynamique devra néanmoins être confirmée dans la durée, ce qui implique de lever rapidement plusieurs hypothèques.

1. Faciliter l'accès de la communauté française à l'EFE

Comme indiqué précédemment, la croissance du réseau repose principalement sur le dynamisme des effectifs des élèves nationaux du pays d'implantation et des étrangers tiers, même si les élèves français représentent toujours 35 % des effectifs (contre 38 % en 2014-2015) .

L'accès de nos compatriotes au réseau de l'enseignement français à l'étranger est essentiel au maintien du lien avec la France, et ce notamment pour favoriser leur retour, qui sera facilité si les enfants ont pu suivre les programmes d'enseignement français. C'est, plus généralement aussi un vecteur de transmission de la francophonie, de notre identité et de nos valeurs aux nouvelles générations, même dans les familles qui ne reviendront pas s'installer en France dans un avenir proche.

Afin de faciliter l'accès des familles françaises à l'EFE, il convient bien sûr de privilégier les régions d'implantation de ces familles et de mener une politique d'aides à la scolarité qui soit à la hauteur de la dynamique de progression du réseau et des effectifs.

Les frais de scolarité sont en augmentation constante. Ainsi, entre 2012/2013 et 2018/2019, la moyenne mondiale des frais de scolarité est passée de 4 130 € à 5 563 € dans les établissements du rythme sud et de 4 269 € à 5 569 € dans les établissements du rythme nord.

Les droits de scolarité appelés par les établissements en gestion directe (EGD) du rythme nord sont inférieurs de 30 % par rapport aux établissements conventionnés et de 26 % à ceux des autres établissements partenaires. La progression des tarifs dans les EGD est en effet contrôlée par l'AEFE et ne peut excéder, sauf situation particulière, le taux d'inflation constaté dans le pays.

En 2018, les parents participent à hauteur d'environ 63,5 %, au financement direct des EGD.

La réforme du dispositif d'aide à la scolarité (programme 151) entrée en vigueur en 2013/2014 a eu peu d'effet sur le nombre global de boursiers dont le nombre total se maintient autour de 24 500 élèves , avec une légère érosion de 4 % en 5 ans (de 25 675 à 24 660). La proportion d'élèves boursiers par rapport au nombre d'élèves français est plus importante dans les postes du rythme sud, 33,6 % contre 20,1 % pour le rythme nord. Sur l'ensemble du monde , la part des élèves boursiers (20,7 %) par rapport au nombre d'élèves français est en légère diminution.

Montant des aides à la scolarité (programme 151)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

PLF 2020

Dotation en LFI (en M€)

118,8

125,5

115,5

110

110

105

105

Source : MEAE

La dotation consacrée aux aides à la scolarité est stabilisée à 105 M€ en 2020. Il est néanmoins regrettable que le plan de développement de l'enseignement français à l'étranger ne soit accompagné d'aucun effort supplémentaire en matière de bourses scolaires.

2. Les liens avec le ministère de l'éducation nationale : un nouveau départ ?

Le plan de développement de l'EFE comporte l'annonce de 1 000 détachements supplémentaires de personnels titulaires de l'éducation nationale dans le réseau à l'horizon 2030 , et d'une amélioration de la formation des enseignants du réseau, ce qui constitue un effort appréciable.

L'ampleur de cet effort paraît toutefois insuffisant puisque l'on vise un doublement du nombre d'élèves avec seulement 11 % de détachements supplémentaires (« 1000 détachements supplémentaires d'ici 2030 pour atteindre 10 000 personnes au total »).

La croissance du réseau reposera donc essentiellement sur l'emploi de recrutés locaux , formés au sein des 16 nouveaux instituts régionaux de formation. Une véritable transformation de la nature de l'EFE s'annonce donc. La qualité de cet enseignement, qui en fait l'excellence et l'attractivité, ne risque-t-elle pas d'en pâtir ?

Par ailleurs, le pilotage de ces détachements, conjointement par les deux ministères, est un enjeu important. Il faut sortir d'une gestion « au fil de l'eau » pour les orienter selon une politique de développement harmonieuse, correspondant aux priorités identifiées par les postes . Les détachements devront donc être pilotés par les 2 ministères (affaires étrangères et éducation nationale) pour parvenir à un développement équilibré et qualitatif du réseau.

3. La politique immobilière : des questions non résolues

Le développement du réseau, sur le plan immobilier, est freiné par des obstacles à l'emprunt par l'AEFE et par les établissements.

Le transfert par l'État à l'AEFE de la gestion des biens domaniaux occupés par des EGD a été acté en 2013.

En 2016, l'AEFE a procédé à l'élaboration de son nouveau schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) 2016-2020 pour les EGD et les services centraux. A partir d'un état des lieux complet de son patrimoine et d'objectifs de gestion actualisés, cette étude a conduit à proposer une programmation des investissements immobiliers pour les années 2016 à 2020 comprenant une vingtaine d'opérations pour un montant total estimé à 110 M€ ainsi que des travaux de gros entretien pour un montant de 26 M€.

Pour 2019, la dépense prévisionnelle est de 44,27 M€ (29,38 M€ pour les opérations du SPSI votées en CA et 14,92 M€ pour les opérations de gros entretien). Au cours de l'année scolaire 2018-2019, le Conseil d'Administration de l'AEFE a approuvé l'engagement de nouveaux projets immobiliers pour un montant total de 19,10 M€ (à Lisbonne, Le Caire, Madrid et Meknès).

Le financement des opérations immobilières est majoritairement assuré par une participation de l'établissement sur ses fonds propres et par un recours aux avances de l'Agence France Trésor .

Opérations immobilières de l'année scolaire 2018-2019

Ville

Opération

Montant total

Part lycée

Part AEFE

Part AFT

Lisbonne

Rénovation du lycée

8,3 M€

6,5 M€

1,8 M€

Meknès

Construction d'un internat

1,8 M€

1,4 M€

0,4 M€

Madrid

Extension du site du secondaire

3 M€

3 M€

Le Caire

Restructuration du site de Maadi

6 M€

6 M€

-

TOTAL

19,1 M€

16,9 M€

2,2 M€

Source : MEAE

Concernant les établissements conventionnés, l'AEFE n'a pas été en mesure de soutenir de nouveaux projets immobiliers . En effet, l'enveloppe de subvention n'a pu être reconduite en 2019 du fait des restrictions budgétaires imposées à l'Agence en 2017. Seuls les projets pour lesquels l'AEFE s'était engagée dans les années antérieures continuent à être financés (Séoul, Sydney, Washington).

Jusqu'à l'été 2018, les établissements conventionnés et partenaires pouvaient bénéficier d'un emprunt garanti par l'Etat par l'intermédiaire de l'ANEFE (association nationale pour les écoles françaises à l'étranger) pour financer leurs travaux immobiliers (160 projets garantis dans 110 établissements en 40 ans). La suspension du dispositif par la Direction du budget (à l'exception de deux projets à Panama et Mascate par arrêtés du 7 juillet 2019) empêche actuellement une quinzaine de projets d'être financés .

Le rebasage de la subvention attribuée à l'AEFE (+24,6 M€) doit permettre le financement d'investissements immobiliers sur fonds propres.

Le système actuel reste néanmoins insatisfaisant :

- En tant qu' « organisme divers d'administration centrale », l'AEFE ne peut pas emprunter auprès d'établissements de crédit 8 ( * ) . La limitation du recours à l'emprunt de certains organismes publics est une mesure de portée générale visant à limiter le gonflement de la dette publique. L'AEFE fait donc appel à des avances de l'agence France Trésor, ce qui présente de nombreux inconvénients : ces avances sont irrégulières, doivent être consommées dans l'année, et sont remboursées sur des durées plus courtes que ce qui pourrait être obtenu par emprunt. Il est donc nécessaire de permettre à l'AEFE de recourir à l'emprunt auprès d'établissements de crédit.

- Par ailleurs, un dispositif alternatif à l'ANEFE doit être mis en place dans les meilleurs délais pour permettre le recours à la garantie de l'État afin de financer le développement du réseau. Lors de son audition, M. François Delattre, Secrétaire général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a fait part d'avancées récentes dans les discussions avec Bercy à ce sujet.


* 8 Article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années (LPFP) 2011 à 2014 modifié par l'article 25 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

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