Avis n° 145 (2019-2020) de M. Claude KERN , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 21 novembre 2019

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N° 145

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Par M. Claude KERN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly, présidente ; M. Max Brisson, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert, vice - présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, Marie-Thérèse Bruguière, Céline Brulin, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Jean-Marie Mizzon, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Damien Regnard, Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz, Mme Dominique Vérien.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission budgétaire « Action extérieure de l'État » 1 ( * ) , porte les crédits des actions de coopération culturelle, linguistique et universitaire , vecteurs de la politique d'influence de la France à propos de laquelle le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a rappelé, lors de la conférence des ambassadrices et ambassadeurs du 27 août 2019, qu'elle était « l'un des trois piliers fondamentaux de notre politique étrangère globale ».

L'avis de votre rapporteur pour avis n'englobe pas l'intégralité des crédits de ce programme puisqu'une partie d'entre eux est également destinée à la diplomatie économique et au développement du tourisme, thématiques qui n'entrent pas dans le champ de compétences de votre commission.

En 2020 , les crédits de paiement du programme 185 atteignent 718,1 millions d'euros , en hausse de 2,7 % par rapport à 2019, évolution qui témoigne de l'importance accordée à la diplomatie culturelle et d'influence .

Derrière cette progression globale du budget, se cachent toutefois des disparités importantes dans le traitement réservé aux opérateurs du programme. Ainsi, la politique d'influence culturelle du Gouvernement met l'accent, l'année prochaine, sur l'enseignement français à l'étranger et son agence dédiée, l'AEFE . En comparaison, la politique d'attractivité à destination des étudiants étrangers , mise en oeuvre par Campus France , et le réseau de coopération culturelle, piloté par l'Institut français, sont moins soutenus , laissant planer l'incertitude sur l'avenir de la stratégie « Bienvenue en France » et le « Plan Langue française et Plurilinguisme ».

Si la promotion de la langue française dans le monde et la valorisation du réseau d'enseignement français à l'étranger constituent une composante majeure de notre diplomatie , à laquelle votre commission est très attachée, votre rapporteur pour avis regrette que la priorité qui leur est accordée se traduise par un effet d'éviction sur les autres piliers de la politique d'influence et de rayonnement de la France que sont l'accueil des étudiants étrangers et la coopération culturelle .

I. LA PRIORITÉ ACCORDÉE À LA NOUVELLE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

A. L'AUGMENTATION BIENVENUE DE LA SUBVENTION À L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER (AEFE)

Le réseau de l'AEFE

À la rentrée 2019, l'AEFE comptait 522 établissements homologués par l'éducation nationale, dans 139 pays , accueillant 370 000 élèves , dont 125 000 Français.

Le réseau comprend trois catégories d'établissements , dont les liens avec l'Agence sont plus ou moins étroits :

- 71 établissements en gestion directe (EGD), souvent désignés sous le terme « lycées français » : l'Agence y affecte directement les personnels titulaires et effectue les recrutements locaux ;

- 156 établissements conventionnés , qui font l'objet d'une gestion privée : l'Agence met à leur disposition des équipes de direction et certains enseignants qui ont le statut de résident et sont détachés de l'éducation nationale ;

- 295 établissements partenaires , gérés de manière privée : ils se développent sans soutien de l'Agence, mais peuvent néanmoins bénéficier de certains de ses services.

• La subvention pour charges de service public de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) représente près de 57 % des crédits du programme 185.

En 2020, elle atteint 408,6 millions d'euros , soit une augmentation de 24,6 millions d'euros (+ 6,4 %) , expliquant une grande part de l'évolution à la hausse de la dotation du programme 185.

Techniquement, ces moyens supplémentaires prennent la forme d'un « rebasage » de la subvention, c'est-à-dire d'une augmentation destinée à financer les mesures d'expansion du réseau, évolution qui devrait être reconduite en 2021 et 2022.

Ce relèvement était très attendu depuis qu'en 2017, il avait été procédé à une réduction de 33 millions d'euros de son montant, mettant le réseau en grande difficulté budgétaire.

L'AEFE, fragilisée par la coupe budgétaire de 2017

L'annulation brutale de 33 millions d'euros (environ 10 % du montant de la subvention qui aurait dû être versé à l'AEFE au titre de 2017) au cours de l'été 2017 2 ( * ) a créé un traumatisme durable dans un réseau qui s'est senti fragilisé.

Pour faire face à cette décision inattendue, plusieurs mesures de trésorerie ont été mises en oeuvre :

- l'anticipation de la facture relative à la participation à la rémunération des enseignants résidents pour la dernière tranche de 2017 ;

- l'incitation à régler de manière anticipée la facturation 2018 pour les établissements qui le pouvaient ;

- le report du versement de certaines subventions à janvier ou février 2018 plutôt qu'en décembre 2017 comme prévu initialement.

Des mesures plus structurelles ont également été engagées par l'AEFE :

- des fermetures de postes pour 2018 (-180) et 2019 (-166) ;

- le rehaussement de la participation financière complémentaire (PFC) due par les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés de 6 % à 9 % des frais de scolarité en 2018, avant un retour à 7,5 % en 2019.

En 2018 et 2019, conformément à l'engagement pris par le Président de la République de « sanctuariser » les moyens de l'AEFE, celle-ci a retrouvé un niveau de subvention comparable à celui constaté avant l'annulation de crédits de 2017.

• Le rehaussement de la subvention vise à mettre en oeuvre le « Plan de développement de l'enseignement français à l'étranger » présenté conjointement le 3 octobre 2019 par le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères et le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse.

Sur les 24,6 millions d'euros supplémentaires attribués en 2020 :

? 12 millions d'euros permettront de financer la modernisation et l'extension des capacités des établissements en gestion directe et conventionnés existants , en abaissant à 6 % le taux de leur participation financière complémentaire (PFC).

? 5 millions d'euros seront consacrés aux formations pour les enseignants .

Le développement de l'enseignement français à l'étranger ne peut en effet pas reposer sur les seuls titulaires de l'éducation nationale, dont le gouvernement souhaite augmenter le nombre de 1 000 unités en dix ans. Ce sont essentiellement les personnels locaux qui porteront le développement du réseau ; ils doivent donc être formés . L'enveloppe de 5 millions d'euros sera ainsi consacrée à la transformation, à compter du 1 er janvier 2020, de 16 lycées dits « mutualisateurs » en « instituts régionaux de formation »(IRF), qui faciliteront la formation sur place d'enseignants locaux, ainsi qu'à la création de postes d'enseignants formateurs.

? 2,5 millions d'euros seront dédiés au renforcement des outils numériques du réseau.

? 1 million d'euros sera fléché sur les nouvelles demandes d'homologation .

L'accroissement du nombre d'établissements homologués est, comme l'a expliqué Olivier Brochet, directeur de l'AEFE, lors de son audition par votre commission, l'un des principaux leviers de développement du réseau . Ce choix du Gouvernement n'est toutefois pas sans soulever des inquiétudes . La fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (Fapée), dont votre rapporteur pour avis a reçu plusieurs représentants, a ainsi attiré son attention sur deux points. D'une part, la nécessité de maintenir une exigence de qualité de l'enseignement dispensé : l'excellence du réseau ne doit pas être sacrifiée sur l'autel de son élargissement. D'autre part, le risque que cette politique d'expansion , par l'homologation de nouvelles structures, entraîne une moindre attention à la situation des anciens établissements .

Votre rapporteur pour avis plaide donc pour qu'un juste équilibre soit trouvé entre essor du réseau et soutien aux structures existantes .

? Le solde des moyens supplémentaires accordés à l'AEFE, permettra de financer des projets immobiliers des établissements .

B. LE DOUBLEMENT DES EFFECTIFS SCOLARISÉS DANS LE RÉSEAU D'ICI 2030 : UN OBJECTIF ATTEIGNABLE ?

Lors de la présentation du « Plan Langue française et Plurilinguisme », le 20 mars 2018, le Président de la République a annoncé l'objectif du doublement des effectifs scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger d'ici 2030 . Ces effectifs devraient ainsi passer de 350 000 à 700 000 en douze ans.

Depuis 2015, le nombre d'élèves scolarisés a augmenté de 10 % et, à la rentrée 2019, cette dynamique s'est accélérée avec 15 000 élèves supplémentaires contre 13 000 les trois années précédentes.

La croissance des effectifs repose essentiellement sur les élèves étrangers qui intègrent le réseau . Les deux tiers des élèves aujourd'hui scolarisés dans des établissements d'enseignement français sont en effet de nationalité étrangère et leur nombre progresse plus fortement que celui des élèves français.

Cette évolution s'explique par une demande croissante d'une éducation internationale de qualité, notamment dans les pays émergents, soit à cause de défaillances des systèmes éducatifs locaux, soit en raison du souhait des classes moyennes de donner à leurs enfants une éducation plus ouverte sur l'international. Un marché éducatif mondial est ainsi apparu, dont la France, avec son système scolaire reconnu et performant, aurait tout intérêt à tirer profit.

Si l'enseignement français occupe une place très importante dans certains pays, comme le Maroc ou le Liban, où il bénéfice de par l'histoire d'une excellente image, dans d'autres pays, le réseau est moins connu et valorisé que le système éducatif anglo-saxon notamment. D'autres réseaux concurrents se développent aussi rapidement, à l'image du réseau turc en Afrique.

La nouvelle stratégie de l'AEFE consiste donc à s'adapter à ce nouveau contexte international pour renforcer l'attractivité de l'enseignement français et lui permettre de rester le premier réseau éducatif mondial en termes de nombre d'établissements et d'élèves . Comme l'a indiqué le directeur de l'AEFE devant votre commission, « nous devons faire en sorte que l'enseignement français devienne une référence éducative immédiate : chacun a entendu parler du système Montessori, et même si peu savent en quoi il consiste, le mot rime avec qualité. Il doit en aller de même pour l'enseignement français ».

Cette politique offensive, combinée à une évolution à la hausse de la subvention à l'AEFE, peut laisser espérer de bons résultats en termes d'accueil de nouveaux élèves.

Cependant, votre rapporteur pour avis tient à souligner que l'atteinte de l'objectif présidentiel nécessiterait une augmentation annuelle de 30 000 élèves , soit le double du nombre actuel d'entrants dans le réseau . La marche est donc encore haute pour voir cet objectif se concrétiser.

II. L'ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS : UNE STABILISATION DES MOYENS EN DÉCALAGE AVEC L'AMBITION DE LA STRATÉGIE « BIENVENUE EN FRANCE »

A. UN CONTEXTE DE CONCURRENCE MONDIALE POUR L'ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS

Les jeunes dans le monde sont de plus en plus nombreux à étudier à l'étranger. Ils sont désormais 5,1 millions à traverser les frontières pour obtenir un diplôme et vivre une expérience universitaire dans un autre pays que le leur.

Les grandes tendances de la mobilité étudiante mondiale se confirment d'année en année : l'attractivité grandissante des pays anglophones (États-Unis, Royaume-Uni, Australie et Canada), la première place de l'Europe en termes d'accueil et la moitié des étudiants en mobilité originaire d'Asie et d'Océanie (Chine et Inde en particulier).

On assiste cependant à la forte croissance de nouveaux pays de mobilité (Chine, Russie, Turquie, Arabie Saoudite), qui déploient des politiques ambitieuses et utilisent la mobilité étudiante comme un outil d'influence et de rayonnement . À des degrés divers, tous ces pays d'accueil versent des bourses, créent de nouveaux cursus, investissent dans des infrastructures et communiquent sur leurs atouts.

Dans ce contexte de concurrence mondiale accrue, la France occupait jusqu'alors la quatrième position en tant que pays d'accueil. Elle est récemment passée à la cinquième place , derrière l'Allemagne. Son système d'enseignement supérieur, dont la qualité est reconnue, continue de séduire un nombre important d'étudiants étrangers, qui plébiscitent aussi le cadre exceptionnel que constitue notre pays.

Cependant, comparativement à d'autres grands pays de mobilité, l'attractivité relative de la France s'affaiblit : la croissance du nombre d'étudiants accueillis en France a ainsi progressé moins vite que celle de la mobilité étudiante mondiale au cours des cinq dernières années (+ 19 % contre + 28 %). Les effectifs des étudiants chinois stagnent, alors qu'ils sont de plus en plus nombreux à partir à l'étranger. Les étudiants des pays d'Afrique anglophone, d'Inde, d'Indonésie ou du Brésil font, quant à eux, plutôt le choix d'un pays anglophone pour poursuivre leurs études.

Pour faire face à ces évolutions, une nouvelle stratégie d'attractivité intitulée « Bienvenue en France » a été présentée en novembre 2018. Elle fixe pour objectif d'accueillir 500 000 étudiants internationaux en France d'ici 2027 en diversifiant les origines géographiques. Plusieurs instruments ont été annoncés à cette fin : la simplification des procédures d'attribution de visa, le développement de cours de français pour permettre aux étudiants non francophones d'étudier en France et d'apprendre le français à l'occasion de leur séjour, l'amélioration de l'accueil et de l'accès au logement, l'application de frais de scolarité différenciés assortie d'une possibilité d'exonération 3 ( * ) (cf. encadré), le triplement des bourses d'études et des stages, ainsi que des exonérations de droits d'inscription 4 ( * ) .

Campus France est chargé de mettre en oeuvre cette politique via notamment un processus de labellisation des établissements français d'accueil et le lancement d'une campagne de communication mondiale.


L'instauration de frais de scolarité différenciés :
l'analyse de votre commission

À la suite de l'annonce, en novembre 2018, de l'augmentation des frais d'inscription à l'université pour les étudiants extra-communautaires, votre rapporteur pour avis et Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur, ont mené, en mars 2019, un travail d'analyse de cette mesure.

Ils ont souligné qu'il s'agissait d'une vraie rupture avec le modèle de quasi-gratuité des études supérieures en France , tout en indiquant que de très nombreux pays pratiquaient déjà des frais différenciés pour les étudiants étrangers (Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Afrique du Sud...) et que d'autres, comme le Danemark et la Suède, étaient eux aussi passés d'un système de quasi-gratuité de l'enseignement supérieur à un schéma intégrant des droits différenciés pour les étudiants étrangers.

Plusieurs raisons peuvent justifier une différenciation des droits :

- les étudiants étrangers concernés ne sont pas redevables de l'impôt en France (or les universités sont financées à 75-80 % par de l'argent public) ;

- les frais différenciés permettent de faire participer les étudiants qui en ont les moyens au coût de leur formation ;

- des frais plus proches du coût réel permettent d'envoyer un « signal prix » indicatif de la qualité des formations à certains publics étudiants, notamment les asiatiques ;

- la perception de ces droits constitue une ressource propre pour des établissements en quête de nouvelles sources de financement.

Sur le fond, vos rapporteurs pour avis se sont donc déclarés favorables à la différenciation des droits , tout en faisant valoir un risque d'éviction : certains étudiants risquent en effet d'être découragés de déposer leur candidature par crainte (réelle ou supposée) de ne pas pouvoir s'acquitter du coût des études envisagées. Ce phénomène a été observé au Danemark et en Suède dans les premières années d'application de la mesure, avant qu'un effet de rattrapage progressif soit constaté.

Vos rapporteurs pour avis ont cependant mis en avant le caractère brutal de l'annonce de la mesure , qui a été très mal ressentie par les candidats aux études en France. En témoignent les baisses drastiques de candidatures en provenance de certains pays (- 55 % pour le Brésil, - 41 % pour l'Algérie et la Guinée, - 28 % pour la Tunisie, - 27 % pour l'Égypte) , mais aussi les « montées au créneau » de nombreux ambassadeurs de pays étrangers et particulièrement de la zone francophone pour lesquels les études en France sont un débouché « naturel » d'une partie de leurs étudiants.

S'ils se sont déclarés résolument favorables à la définition d'une stratégie d'attractivité en direction des étudiants internationaux, dont l'instauration de droits différenciés peut constituer un des leviers , vos rapporteurs pour avis ont estimé que ce sujet aurait mérité un temps de réflexion plus approfondi et un champ de réflexion plus vaste (remise à plat du dispositif français des bourses à l'international, accompagnement des établissements dans l'élaboration de véritables politiques d'attractivité, déclinaison de la mesure par zone géographique prioritaire...).

Suivant leurs recommandations, votre commission s'est, au final, prononcée pour un moratoire sur cette mesure jusqu'en septembre 2020.

B. LA SUBVENTION À CAMPUS FRANCE : UNE STABILISATION PEU PROCIPE AU DÉPLOIEMENT DE LA STRATÉGIE « BIENVENUE EN FRANCE »

Étonnamment, l'impulsion stratégique que constitue « Bienvenue en France » ne donne pas lieu , au sein du projet de loi de finances pour 2020, à une augmentation de la subvention pour charges de service public allouée à Campus France .

L'opérateur voit en effet sa subvention maintenue à son niveau de 2018 et 2019 , soit 3,8 millions d'euros .

Votre rapporteur pour avis estime que cette stabilité est quelque peu contradictoire avec le lancement d'une nouvelle politique . La directrice générale de Campus France, avec laquelle il s'est entretenu, a d'ailleurs reconnu que les moyens octroyés en 2020 n'étaient clairement pas à la hauteur des missions qui sont confiées à l'opérateur . Ce contexte budgétaire atone l'oblige à augmenter la part de ses ressources propres émanant de mécènes (pays partenaires, fondations étrangères, entreprises françaises ou étrangères), lesquelles devraient atteindre 56 millions d'euros en 2019.

La seule bonne nouvelle pour Campus France l'année prochaine est le relèvement de son plafond d'emploi à 10 emplois temps plein . Ces effectifs supplémentaires devraient lui permettre de faire face à la hausse d'activité, liée notamment à un projet de formation de jeunes en Arabie Saoudite, à la campagne de labellisation des établissements participant à « Bienvenue en France », et au suivi de programmes européens.

Parmi les mesures annoncées lors du lancement de « Bienvenue en France », peu font l'objet d'informations précises permettant de tirer un premier bilan . Les services du ministère ont toutefois indiqué à votre rapporteur pour avis que la facilitation des procédures de visa était en cours et que, l'été dernier, deux conditions limitatives avaient été levées (l'obligation d'avoir un compte bancaire et de passer une visite médicale).

Par ailleurs, certains établissements d'enseignement supérieur commencent à mettre en place des stratégies d'accueil des étudiants étrangers .

En outre, s'agissant des frais d'inscription différenciés, à la rentrée 2019, seule une université 5 ( * ) sur 73 a appliqué de façon systématique la hausse des droits d'inscription pour les étudiants extra-communautaires, et six autres 6 ( * ) ont appliqué les droits de façon différenc i ée .

Il est également à noter que la récente décision du Conseil constitutionnel sur les droits d'inscription dans l'enseignement supérieur 7 ( * ) ouvre une période d'insécurité juridique peu propice à la lisibilité du système français , en particulier vu de l'étranger.

C. L'URGENCE À CLARIFIER L'UTILISATION DES CRÉDITS ALLOUÉS AUX BOURSES POUR LES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS

Les bourses versées aux étudiants étrangers représentent un levier majeur d'attractivité . Certains pays l'ont bien compris et mènent une politique très dynamique en la matière (Turquie, Arabie Saoudite, Malaisie...).

Bien que l'enveloppe qui leur est dédiée soit maintenue à 64,6 millions d'euros en 2020, votre rapporteur pour avis a appris, par la directrice générale de Campus France, que ce montant ne leur est, en pratique, pas entièrement alloué . Ainsi, en 2019, sur les 73 millions disponibles au titre des bourses prévues aux programmes 185 et 209, seuls 56 millions d'euros ont effectivement été distribués à ce titre. Il existe donc un décalage entre les crédits votés par la représentation nationale et l'utilisation qui en est faite en cours d'exercice.

Cette pratique, qui existerait depuis 2016, est vigoureusement dénoncée par la directrice générale de Campus France auprès de sa tutelle. Les services du ministère, que votre rapporteur pour avis a interrogés, reconnaissent qu'une partie de l'enveloppe des bourses sert effectivement au financement d'autres actions, sans être toutefois en mesure d'indiquer précisément lesquelles.

Un audit de l'inspection générale a été lancé pour éclaircir le circuit de financement et d'allocation de ces bourses . Votre rapporteur pour avis entend suivre de près ce dossier .

III. UN RÉSEAU DE COOPÉRATION CULTURELLE INSUFFISAMMENT SOUTENU

A. LA SUBVENTION EN BERNE DE L'INSTITUT FRANÇAIS : UN MAUVAIS SIGNAL POUR LA MISE EN oeUVRE DU « PLAN LANGUE FRANÇAISE ET PLURILINGUISME »

Après une baisse ininterrompue de sa subvention pour charges de service public entre 2012 et 2017, évolution dont votre commission s'était fortement émue, l'Institut français a vu ses moyens augmenter très légèrement en 2018 (100 000 euros au titre de la saison France-Israël) et de manière beaucoup plus conséquente en 2019.

L'année dernière , en effet, une enveloppe de 2 millions d'euros lui a été attribuée, à titre exceptionnel , dans le cadre du financement :

- du « Plan Langue française et Plurilinguisme » , dont l'Institut français est l'opérateur de référence en matière de promotion de la langue française et dont il est chargé de piloter une quinzaine des 33 mesures ;

- de la préparation de la saison « Africa 2020 » , qui durera six mois à compter du printemps 2020 avec des événements organisés sur le territoire métropolitain et ultra-marin et qui impliquera 54 pays (et qui constitue elle-même l'une des mesures du plan précité) ;

- de l'animation de la plateforme du dialogue de Trianon 8 ( * ) .

Ces moyens supplémentaires accordés en 2019 ne constituaient pas un « rebasage » de la subvention pour charges de service public de l'Institut (c'est-à-dire une augmentation structurelle liée à un changement de périmètre des actions à financer) : il s'agissait d'une simple subvention complémentaire non reconductible.

C'est pourquoi, en 2020, l'opérateur voit sa dotation retrouver son niveau de 2018, à savoir 28,8 millions d'euros .

La non-pérennisation de ces 2 millions d'euros, si elle était annoncée, constitue un repli par rapport aux objectifs du « Plan Langue française et Plurilinguisme » . La quinzaine d'actions dont l'Institut français a la charge a été engagée, mais toutes ne pourront pas bénéficier des financements nécessaires à leur déploiement. Comme l'a indiqué le président de l'Institut lors de son audition, il sera inévitablement procédé à des arbitrages . Aussi votre rapporteur pour avis est-il quelque peu dubitatif sur l'avenir de ce plan, dont la forte ambition aurait requis des moyens conséquents sur une programmation pluriannuelle .

Quelques-unes des mesures du « Plan Langue française et Plurilinguisme »
impliquant l'Institut français

Volet « Apprendre »

. Action 2 : Conforter le plurilinguisme au sein de l'espace francophone en soutenant l'introduction des langues africaines pour les premiers apprentissages.

. Action 9 : Accompagner la création de la « fabrique du numérique du plurilinguisme », premier incubateur dédié à l'apprentissage des langues.

Volet « Communiquer »

. Action 1 : Soutenir l'essor des cours en ligne massifs et ouverts (Cloms), réseaux sociaux et projets collaboratifs impliquant le français.

. Action 2 : Lancer un grand plan numérique pour mettre à dispositif des enseignants et des élèves les contenus pédagogiques dont ils ont besoin.

. Action 6 : Promouvoir l'usage du français dans les entreprises à l'étrange.

Volet « Créer »

. Action 1 : Donner un nouvel élan à notre diplomatie culturelle.

. Action 4 : Mettre en place un plan en faveur de la circulation des arts du spectacle.

. Action 6 : Organiser des États généraux de l'édition en français.

. Action 7 : Faciliter les mobilités culturelles, artistiques et universitaires.

. Action 11 : Organiser une Saison des cultures africaines en 2020.

Source : Plan Langue française et Plurilinguisme

Ce contexte budgétaire contraint oblige l'Institut français à rechercher activement d'autres formes de ressources . Le mécénat constitue un levier de financement particulièrement précieux pour l'organisation de certains types de manifestations comme les saisons thématiques. Ainsi, entre 2018 et 2019, les recettes de mécénat sont passées de 2,5 à près de 5,4 millions d'euros, en vue notamment de la préparation de la saison « Africa 2020 ». Cette opération culturelle, inédite par son format et son volume budgétaire, nécessite une levée de fonds d'environ 10 millions d'euros. À ce jour, près de 8 millions d'euros ont été actés, provenant à la fois de fonds publics et de mécènes français et africains.

L'Institut a également perçu davantage de financements de l'Union européenne après avoir remporté plusieurs appels d'offres et appels à projets de la commission européenne. Le montant de ces fonds atteint plus de 600 000 euros en 2019.

La coopération avec les collectivités territoriales (régions, grandes villes, métropoles), qui prend la forme de conventions de partenariat 9 ( * ) , constitue une troisième source de financement particulièrement importante. Ainsi, en 2019, près de 1,2 million d'euros ont été engagés par les collectivités partenaires.

Si votre rapporteur pour avis voit dans cette stratégie de diversification une source d'émulation et d'ouverture bénéfique, il insiste sur le fait que ces nouvelles formes de financements ne peuvent venir qu'en complément des dotations publiques , lesquelles doivent être à la hauteur des missions que le ministère assigne à l'Institut français .

B. LE RAPPROCHEMENT ENTRE L'INSTITUT FRANÇAIS ET LA FONDATION ALLIANCE FRANÇAISE : UNE AVANCÉE FONCTIONNELLE MAIS UN BLOCAGE MATÉRIEL

L'année 2019 a été marquée par le rapprochement entre l'Institut français et la Fondation Alliance Française , projet souhaité par le Président de la République et précisé dans un rapport de Pierre Vimont 10 ( * ) .

• Sur le plan fonctionnel , la procédure a bien avancé puisqu'une convention tripartite a été signée le 16 juillet 2019 entre les deux institutions et leur ministère de tutelle. Celle-ci clarifie le rôle de chacune des parties :

- à la Fondation Alliance Française, la promotion de la marque « Alliance française », l'animation du réseau et la labellisation des alliances ;

- à l'Institut français, les missions d'appui culturel, pédagogique et de formation aux réseaux des instituts et des alliances ;

- au ministère, la définition des axes politiques, la gestion des personnels détachés et le financement des réseaux.

Cette répartition des missions et la nécessaire coopération qui en découle semblent bien acceptées par les équipes sur le terrain. D'ores et déjà, des projets ont été menés en commun au cours de cette année :

- les deux institutions sont parvenues à éditer un référentiel commun en matière de « démarche qualité » ;

- l'Institut français a ouvert son catalogue de formation aux personnels des alliances françaises et travaille actuellement avec la Fondation sur la programmation des actions de formation de l'année prochaine ;

- en matière de programmation culturelle (tournées artistiques, activités des médiathèques, débats d'idées, etc.), l'Institut français a développé une offre particulière appelée « La Collection », qui permet aux deux réseaux - instituts français et alliances françaises - d'avoir un levier supplémentaire de programmations de qualité, issues des structures artistiques françaises de référence ;

- conformément à ce que prévoit la convention, la Fondation et l'Institut sont tenues de communiquer régulièrement avec les alliances, soit collectivement soit séparément, sur les matières relevant de leurs compétences spécifiques.

Au regard de ces avancées, la crainte exprimée, l'année dernière, par votre rapporteur pour avis d'un risque de « dévitalisation » des alliances s'est quelque peu estompée devant les garanties apportées en termes de préservation de leur modèle original et de reconnaissance de leur plus-value . Il restera toutefois vigilant à ce que, en pratique et sur le long terme, cela soit bien le cas .

Votre rapporteur pour avis est en revanche beaucoup plus sceptique quant à l'issue du projet de rapprochement physique des deux opérateurs dans les locaux du 101 boulevard Raspail détenus par la Fondation Alliance Française.

Le dossier est juridiquement très complexe car il fait intervenir d'autres acteurs (l'Alliance française de Paris Ile-de-France, les locataires installés dans le bâtiment) que les deux établissements principalement concernés. Devant votre commission, le président de la Fondation Alliance Française, est apparu très déterminé à faire valoir la position de son institution, parlant même de « fausse bonne idée » au sujet de ce projet de co-localisation.

Le ministère ne semblant pas vouloir jouer les arbitres, la situation semble aujourd'hui bloquée, ce que votre rapporteur pour avis trouve particulièrement regrettable .

*

À l'issue d'un débat nourri, et malgré l'avis favorable formulé avec réserves par votre rapporteur pour avis, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2020.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 20 NOVEMBRE 2019

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je donne la parole à notre collègue, Monsieur Claude Kern, rapporteur pour avis des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Claude Kern, rapporteur pour avis du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » sur le projet de loi de finances pour 2020 . - La politique d'influence de la France a été réaffirmée par Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, lors de la conférence des ambassadrices et ambassadeurs du 27 août dernier comme « l'un des trois piliers fondamentaux de notre politique étrangère globale ». La hausse de 2,7 % en 2020 des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », dont la dotation s'élève à 718,1 millions d'euros en crédits de paiement (contre 699,6 millions en loi de finances initiale pour 2019), témoigne de cette priorité politique.

Derrière cette progression globale du budget, évolution que nous ne pouvons que saluer, se cachent toutefois des disparités importantes dans le traitement réservé aux opérateurs du programme. Ainsi, la politique d'influence culturelle du Gouvernement met l'accent, en 2020, sur l'enseignement français à l'étranger et son agence dédiée. L'attractivité universitaire de la France et son réseau de coopération culturelle semblent, en comparaison, moins prioritaires.

L'augmentation de la dotation du programme 185 résulte essentiellement de la hausse de 24,6 millions d'euros de la subvention pour charge de service public allouée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Techniquement, cette enveloppe supplémentaire prend la forme d'un « rebasage » et devrait donc être stabilisée à ce niveau en 2021 et 2022. Ce relèvement était très attendu, surtout qu'en 2017 il avait été procédé à une réduction de 33 millions d'euros de la subvention, ce qui avait contraint notre communauté scolaire à l'étranger à d'importants efforts. Le taux de la participation financière complémentaire versée par les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés était ainsi passé de 6 % à 9 % en 2018, puis à 7,5 % en 2019. Il redescendra à 6 % en 2020.

L'abaissement du taux de cette participation complémentaire, rendu possible par l'augmentation de la subvention, devrait se traduire par une économie de 12 millions d'euros pour les établissements. Cette somme pourra alors être investie ou utilisée pour modérer leurs droits d'écolage.

Les 12,6 millions d'euros restants d'augmentation du budget de l'AEFE doivent principalement permettre de financer des formations pour les enseignants, à hauteur de 5 millions d'euros. Le développement de l'enseignement français à l'étranger ne peut pas, et je dirais, ne doit pas reposer sur les seuls titulaires de l'Éducation nationale, même si l'objectif est d'augmenter leur nombre de 1 000 en dix ans. Ce sont essentiellement les personnels locaux qui porteront le développement du réseau ; ils doivent donc être formés. L'enveloppe de 5 millions d'euros sera consacrée à la transformation, à compter du 1 er janvier 2020, de 16 lycées mutualisateurs en instituts régionaux de formation, ainsi qu'à celle des postes de résidents en postes d'enseignants formateurs.

2,5 millions d'euros serviront ensuite à renforcer les outils numériques du réseau.

Un montant d'1 million d'euros sera également affecté aux nouvelles demandes d'homologation. L'accroissement du nombre d'établissements homologués est, comme nous l'a expliqué Olivier Brochet - directeur de l'AEFE - lors de son audition, l'un des principaux leviers de développement du réseau. Ce choix du Gouvernement n'est toutefois pas sans soulever des inquiétudes. La fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (Fapée), dont j'ai reçu plusieurs représentants, a ainsi attiré mon attention sur deux points. D'une part, la nécessité de maintenir une exigence de qualité de l'enseignement dispensé : l'excellence de notre réseau ne doit pas être sacrifiée sur l'autel de son élargissement. D'autre part, le risque que cette politique d'expansion, par l'homologation de nouveaux établissements, entraîne une moindre attention à la situation des anciens. À mon sens, un juste équilibre doit être trouvé entre essor du réseau et soutien aux structures existantes.

Enfin, le solde des moyens supplémentaires accordés à l'AEFE permettra de financer des projets immobiliers.

Globalement, d'après les différentes personnes auditionnées, l'évolution à la hausse de la subvention de l'Agence est cohérente avec l'objectif fixé par le Président de la République de doubler le nombre d'élèves scolarisés dans le réseau d'ici 2030. Cependant, le caractère très ambitieux de cette annonce me laisse quelque peu dubitatif sur le niveau des moyens qui permettraient de la rendre effective. Certes, la progression du nombre d'élèves scolarisés dans le réseau est actuellement de l'ordre de 15 000 par an, mais l'atteinte de l'objectif présidentiel nécessiterait une augmentation annuelle de 30 000 élèves, soit le double !

J'en viens maintenant à la nouvelle stratégie d'attractivité universitaire intitulée « Bienvenue en France » présentée en novembre 2018. Elle fixe l'objectif d'accueillir 500 000 étudiants étrangers en France d'ici 2027 en diversifiant les origines géographiques. Dans ce cadre, des frais de scolarité différenciés ont été institués pour les étudiants extra-communautaires, réforme sur laquelle notre éminent collègue Stéphane Piednoir et moi-même avions formulé, en mars dernier, les plus grandes réserves. Parallèlement, ont été annoncés le triplement des bourses d'études et des stages, ainsi que des exonérations de droits d'inscription.

Étonnamment, cette stratégie ne donne pas lieu, au sein du PLF pour 2020, à une augmentation de la subvention pour charge de service public allouée par le ministère à Campus France, qui la met en oeuvre et gère les bourses attribuées aux étudiants étrangers. La subvention est en effet maintenue à son niveau de 2019, soit 3,8 millions d'euros. Selon la directrice générale de Campus France, qui m'a tenu un discours de vérité, cette dotation n'est clairement pas à la hauteur des missions qui lui sont confiées. Le contexte international est, pourtant, de plus en plus concurrentiel : ainsi, la France est passée de la 4 ème à la 5 ème place, derrière l'Allemagne, en termes d'accueil des étudiants étrangers. Cette évolution imposerait donc d'avoir les moyens de nos ambitions !

En revanche, une bonne nouvelle pour Campus France en 2020 : son plafond d'emploi est relevé à 10 emplois temps plein. Ces effectifs supplémentaires doivent permettre de faire face à la hausse d'activité, liée notamment à un projet de formation de jeunes en Arabie Saoudite, à la campagne de labellisation des établissements participant à « Bienvenue en France », et au suivi de programmes européens.

Un dernier point d'alerte au sujet des bourses versées aux étudiants étrangers, qui représentent un enjeu majeur d'attractivité. Bien que l'enveloppe dédiée soit maintenue à 64,6 millions d'euros en 2020, ce montant ne leur est, en pratique, pas entièrement alloué. Ainsi, en 2019, sur les 73 millions disponibles au titre des bourses prévues aux programmes 185 et 209, seuls 56 millions d'euros ont effectivement été distribués à ce titre ! Il y a donc un décalage entre les crédits que nous votons et l'utilisation qui en est faite. Cette pratique, qui dure depuis 2016, est vigoureusement dénoncée par la directrice générale de Campus France auprès de sa tutelle. Les services du ministère, que j'ai interrogés, reconnaissent qu'une partie de l'enveloppe des bourses sert effectivement au financement d'autres actions, sans pouvoir préciser lesquelles. Un audit de l'inspection générale a été lancé pour éclaircir ce dossier... Je compte bien le suivre de près.

Le troisième opérateur du programme 185, l'Institut français, ne bénéficie pas d'un traitement favorable en 2020 : sa subvention de 28,8 millions d'euros retrouve son niveau de 2018, après une augmentation temporaire de 2 millions d'euros en 2019.

Ce coup de pouce de l'année dernière correspondait au lancement du « Plan pour la langue française et le Plurilinguisme », présenté en mars 2018 par le Président de la République, et dont 16 des 33 mesures sont pilotées par l'Institut français.

La non-reconduction de ces 2 millions d'euros constitue clairement un repli par rapport aux ambitions de ce plan. Le Président de l'Institut m'a d'ailleurs confié qu'il sera nécessairement procédé à des arbitrages : ainsi, certaines actions verront leur financement réduit. On peut dès lors avoir quelques doutes sur le devenir de ce Plan...

Ce contexte budgétaire contraint oblige l'Institut français à rechercher d'autres formes de ressources. Ses recettes de mécénat ont ainsi augmenté de 3 à 5 millions d'euros entre 2018 et 2019, à l'occasion notamment du financement de la saison Africa 2020, qui sera le grand événement du « Plan pour la langue française et le Plurilinguisme ». L'Institut a également reçu des crédits de l'Union européenne après avoir remporté plusieurs appels d'offres. La coopération avec les collectivités territoriales constitue une troisième source de financement particulièrement précieuse.

L'autre grande actualité de l'Institut français est bien sûr son rapprochement avec la Fondation Alliance Française. Sur le plan fonctionnel, la procédure est arrivée à son terme puisqu'une convention tripartite a été signée le 16 juillet dernier entre les deux institutions et leur ministère de tutelle. Celle-ci clarifie, théoriquement, le rôle de chacune des parties :

- à la Fondation Alliance Française, la promotion de la marque « Alliance française », l'animation du réseau et la labellisation des alliances ;

- à l'Institut français, les missions d'appui culturel, pédagogique et de formation au réseau des instituts et des alliances ;

- et, enfin, au ministère, la définition des axes politiques, la gestion des personnels détachés et le financement du réseau.

Aussi, ma crainte exprimée l'année dernière d'une « dévitalisation » des alliances s'est-elle quelque peu estompée devant les garanties apportées en termes de préservation de leur modèle original et de reconnaissance de leur plus-value.

Je suis en revanche beaucoup plus inquiet quant au rapprochement physique des deux opérateurs dans les locaux du 101 boulevard Raspail détenus par la Fondation Alliance Française. Vous vous souvenez sans doute de la position très déterminée défendue par son président, Alain-Pierre Degenne, lorsque nous l'avons auditionné. La procédure est juridiquement très compliquée et le ministère ne semble pas vouloir jouer les arbitres. De nouveaux rebondissements ne sont donc pas à exclure dans les prochains mois.

En résumé, mes chers collègues, je porte sur ce budget une appréciation en demi-teinte. La hausse des crédits est indéniable et permettra de valoriser notre réseau d'enseignement français à l'étranger auquel nous sommes tous très attachés. Je regrette néanmoins que cette priorité ait comme un effet d'éviction sur les autres piliers de notre politique d'influence que sont l'accueil d'étudiants étrangers et la coopération culturelle.

Sous les réserves que j'ai développées, je vous propose néanmoins d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence.

Je vous remercie de votre attention.

Mme Claudine Lepage . - Je remercie notre collègue pour la présentation de ce rapport, dont je partage globalement les constats même si j'en tire parfois des conclusions différentes.

Je comprends que la hausse du programme 185 ait été affectée en priorité à l'AEFE, mais je rappelle que ces 24,6 millions d'euros ne compensent pas la coupe drastique de 33 millions d'euros, faite en juillet 2017, qui a mené à la suppression de 512 postes sur trois ans. Vous pouvez imaginer pour cette agence la difficulté que cela a représenté.

Vous avez parlé de la participation financière complémentaire des établissements du réseau, qui va retrouver son niveau de 2017, 6 %. Mais il ne faut pas s'illusionner sur le fait que cela permette de faire baisser les frais de scolarité : un certain nombre d'établissements français à l'étranger ont des contraintes immobilières très fortes, surtout en termes de sécurisation. Ils sont souvent des cibles et pas seulement dans des pays en crise ; je pourrais citer le Lycée « Liberté » à Bamako, que j'ai connu comme une oasis au milieu des arbres et qui, aujourd'hui, est une véritable forteresse. Ces travaux ont un coût auquel l'AEFE doit faire face.

Vous avez mentionné les 1 000 détachements promis lors de l'annonce du plan de développement de l'enseignement français à l'étranger. Or, ces 1 000 détachements sont prévus sur dix ans, et ils serviront essentiellement aux nouveaux établissements financés par des investisseurs privés. Nos 500 établissements actuels n'en bénéficieront pas, d'où l'importance de la formation des recrutés locaux.

Je partage aussi l'inquiétude des parents d'élèves sur la qualité des établissements à la suite de l'annonce d'allègement des critères d'homologation. En effet, cela peut signifier que des établissements n'offrant pas un enseignement comparable à ce qui se fait en France pourraient malgré tout être homologués.

En ce qui concerne Campus France, il y a un paradoxe assez étonnant entre l'annonce du plan « Bienvenue en France » et le manque continuel de moyens attribués. Son budget n'est pas du tout à la hauteur des ambitions du Gouvernement et si l'on ajoute à cela les frais de scolarité différenciés que vous avez mentionnés, on peut s'inquiéter de l'évolution du nombre d'étudiants étrangers qui vont continuer de venir en France. Il a d'ailleurs baissé cette année.

Quant à l'Institut français, la somme de 2 millions d'euros attribuée l'année dernière n'était qu'une subvention exceptionnelle, donc non reconductible. Cela a d'ailleurs donné lieu à des tensions lors du dernier conseil d'administration auquel j'ai assisté. L'Institut français se trouve ainsi en difficulté pour mener à bien à la fois les nouveaux projets d'enseignement de la langue française et pour maintenir son niveau d'activité. L'augmentation du mécénat ne pourra pallier cela puisque ses recettes financent certaines manifestations, et non l'activité générale de l'Institut. Je partage enfin vos inquiétudes quant au rapprochement de la Fondation Alliance française et de l'Institut français.

En conclusion, mon groupe ne votera pas les crédits en question.

M. Jean-Pierre Leleux . - Je félicite notre rapporteur pour ce bon rapport qui reflète la baisse de l'intention politique et qui nous met chaque année dans une position délicate, voter contre pour sanctionner ou voter pour afin d'encourager.

Chaque année, la diffusion de la culture française à l'étranger s'affaiblit considérablement. Je partage les points d'inquiétude soulevés par notre collègue Claudine Lepage. En effet, la mise à niveau des crédits de l'AEFE est satisfaisante ainsi que l'objectif de développement du réseau, mais si cet accroissement va de pair avec un amoindrissement des critères d'homologation, cela comporte un risque d'affaiblissement du niveau, à l'instar de celui de notre baccalauréat d'aujourd'hui.

Quant au montant des bourses, j'apprends aujourd'hui que l'affectation des crédits votés est inconnue. Monsieur le rapporteur, je vous encourage vivement à suivre ce sujet particulièrement inquiétant.

Enfin, la situation de l'Institut français représente une crainte. Quand vous parlez aux instituts français à l'étranger, ils font preuve de courage et de bonne volonté et ils travaillent beaucoup à élargir les dotations de mécénat pour compenser la faiblesse des budgets publics. Pendant ce temps, nos concurrents européens - le British council, l'Institut Goethe, l'Institut Cervantès, la Chine -, mettent au contraire la pression pour imposer leur culture dans l'ensemble des pays du monde.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra.

M. Claude Malhuret . - Le budget de la mission s'élèvera à 2,87 milliards d'euros en 2020 contre 2,72 milliards d'euros en 2019 ; il s'agit donc d'un budget en augmentation même si elle n'est pas extrêmement importante.

Nous portons une attention particulière à l'égard du programme 185 consacré à la diplomatie culturelle et d'influence, qui est en augmentation de 18 millions hors dépenses de personnel pour atteindre 643 millions d'euros. La France dispose de richesses culturelles et artistiques exceptionnelles qui sont des atouts incomparables pour notre politique d'influence, même si elle est parfois concurrencée et disputée. On peut donc tout de même saluer la hausse des moyens consacrés à ce programme.

Je voudrais également insister sur l'effort en direction de l'enseignement du français à l'étranger avec la hausse de la dotation de l'AEFE de 24,6 millions d'euros qui porte ses moyens à 408 millions d'euros. Nous disposons aujourd'hui d'un réseau que l'on peut nous envier : 492 établissements avec 350 000 élèves scolarisés dans 137 pays.

Bien entendu, dans les années à venir, il s'agira de mettre en oeuvre l'ambition annoncée par le Président de la République de doubler les effectifs d'ici à 2030, notamment en multipliant les partenariats, ce qui est loin d'être acquis.

Enfin, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a confirmé la préservation du budget consacré aux bourses scolaires qui s'élève à 105 millions d'euros. Compte tenu de l'augmentation tendancielle des frais de scolarité , ces investissements sont indispensables pour les familles détachées à l'étranger.

Dans l'ensemble, en tenant compte de l'avis de la commission, du rapporteur et des éventuelles évolutions proposées, nous voterons les crédits de cette mission.

M. Pierre Ouzoulias . - J'aimerais revenir sur la méthode gouvernementale. Cela fait deux ans que l'on nous explique que, sur un certain nombre de problématiques au sujet desquelles le Gouvernement a de l'ambition, d'autres moyens de financement permettent de faire plus. Il y a eu la contribution pour la vie étudiante, le loto du patrimoine, et maintenant il y a les droits différenciés, et l'on s'aperçoit qu'à chaque fois que le Gouvernement va chercher des ressources à l'extérieur, c'est pour diminuer le budget public de ces sujets !

Chers collègues, je crois qu'il faut réviser nos mathématiques et comprendre que lorsque la nouvelle arithmétique gouvernementale annonce plus, c'est moins à la fin.

Je suis navré de constater qu'au final, l'ambition portée par le Gouvernement pour un meilleur accueil des étudiants étrangers en France a été abandonnée. Par ailleurs, il faudra envisager toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et de la future décision du Conseil d'État sur l'arrêté instaurant des droits d'inscription différenciés pour l'accès aux établissements publics d'enseignement supérieur. Nous sommes tous persuadés que le juge administratif va aller dans le sens du juge constitutionnel et va obliger le Gouvernement à revoir la totalité des frais relatifs aux étudiants.

Pour nous, le constat est effectivement en demi-teinte et nous voterons donc contre ces crédits.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous rappelle que nous ne votons pas les crédits au sein de notre commission, je traduis donc que vous émettez un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

Mme Françoise Laborde . - Je rejoins les propos de notre collègue Claudine Lepage, qui est une spécialiste du sujet. Nous soutenons le développement du français à l'étranger, ce qui passe par des professeurs supplémentaires et une offre de formation au niveau local, mais l'on constate un phénomène de vase-communicants, et l'on a ainsi perdu quelques millions d'euros.

On ne peut que constater qu'une grande action comme Africa 2020 sera quasi intégralement financée par des mécènes.

Je rejoins la conclusion du rapport de sentiment en demi-teinte. Le groupe RDSE se concertera et votera en son âme et conscience les crédits dans l'hémicycle. En attendant, il approuve la publication du rapport présenté par notre collègue Claude Kern.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Le rapport sera publié quoi qu'il arrive. Ce qui vous sera demandé tout à l'heure, c'est de vous positionner quant à l'avis à émettre sur l'adoption des crédits : favorable, défavorable ou s'abstenir.

M. Antoine Karam . - Le budget est stable, voire en légère hausse, mais aussi contradictoire. S'agissant de la déclaration du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui ré-affirme l'influence de la France à l'extérieur, je peux témoigner que la réalité est toute autre.

Des disparités existent, concernant notamment l'enseignement français à l'étranger. Celui-ci ne devrait pas seulement reposer sur les seuls titulaires de l'éducation nationale et les personnels locaux doivent donc être formés. La France a la chance d'avoir des bases sur pratiquement tous les continents (Pacifique, Océan indien, Caraïbes, même en Amérique du Nord avec Saint-Pierre-et-Miquelon, jusqu'en Amérique latine, je pense notamment au Brésil). Il aurait été plus profitable d'utiliser ces compétences qui ne demandent qu'à aller travailler dans les pays voisins.

Par ailleurs, s'agissant de l'audit lancé sur les crédits destinés aux bourses, il ne faut pas se faire d'illusion : quand bien même un certain nombre d'étudiants bénéficie de bourses, sur nos territoires, 95 % des étudiants étrangers relèvent de l'immigration clandestine et sont donc sans papier. Faut-il pour cela les laisser devant l'entrée des universités ? Bien sûr, cette situation pose un certain nombre de problèmes, mais je préfère encore qu'ils soient accueillis.

Notre groupe va suivre la proposition du rapporteur.

Mme Sonia de la Provôté . - Ce constat budgétaire laisse perplexe même si on a envie de l'encourager parce que les crédits proposés ne sont pas en baisse.

Je souscris aux craintes réitérées s'agissant de l'Institut français. Cela va devenir un sujet rapidement préoccupant. Un énorme travail de mécénat, de restructuration et de recherches de nouveaux financements a eu lieu, mais on va arriver à un stade où on ne pourra pas faire tellement plus. Le budget public ne peut pas se fonder sur ce potentiel perçu comme infini pour accompagner nos politiques à l'extérieur.

Je souscris au fait que les structures, telles que Cervantes, Goethe, etc., très pro-actives voire invasives sur le terrain, mettent en grande difficulté la présence de la langue française et notre diplomatie culturelle.

Quant à l'ambition de doubler les effectifs en 2030 avec de nouveaux partenariats, on peut faire le voeu qu'elle se réalise, mais l'atteinte de cet objectif doit reposer sur une ambition nationale laquelle ne peut se traduire, jusqu'à preuve du contraire, que par l'intermédiaire des budgets de la Nation.

Le dernier sujet porte sur une question posée régulièrement : un certain nombre de structures dépendant de nombreux ministères travaillent indépendamment les unes des autres sur le sujet de la culture française à l'étranger. Le ministre avait été interrogé à ce sujet et nous lui avions demandé, si ce n'est une contribution des uns et des autres de façon concertée, au moins un plan stratégique commun - je pense notamment au centre national du cinéma (CNC). Il nous avait promis qu'il ferait cet effort de concertation, mais rien n'a encore été fait.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis . - Pour répondre à vos différentes remarques, je confirme qu'il y a eu une baisse drastique de 33 millions d'euros en 2017 et une hausse l'année prochaine de 24,6 millions d'euros pour l'AEFE. Cette hausse se répercutera en 2021 et en 2022, pour permettre le rééquilibrage, ce qui semble satisfaire le directeur de l'Agence. C'est notamment en raison de cette évolution positive, qui permettra le développement du français à l'étranger et l'indispensable formation des personnels locaux, que j'ai fait le choix de proposer de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

En ce qui concerne l'introduction de frais de scolarité différenciés, nous sommes dans l'attente de la décision du Conseil d'État.

S'agissant de l'utilisation des crédits alloués aux bourses étudiantes, là aussi, il faut attendre les résultats de l'audit de l'inspection générale ; vous pouvez compter sur moi pour suivre ce dossier. Je souligne le fait que le ministère est incapable aujourd'hui de nous dire comment ces crédits sont précisément fléchés, ce qui est inquiétant.

Quant à vos inquiétudes sur la perte de l'influence française à l'étranger, je les partage naturellement.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je souhaite donner quelques éléments de contexte quant à la trajectoire du budget de l'Institut français. Je rappelle que les crédits qui lui sont accordés, et plus globalement ceux qui sont dédiés à l'action extérieure de l'État, avaient très largement baissé lors du précédent quinquennat.

À l'époque, les collègues membres de cette commission avaient travaillé avec l'Institut à l'élaboration du nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM). Nous souhaitions émettre un avis défavorable, en lien d'ailleurs avec la commission des affaires étrangères, mais le président de l'Institut de l'époque, Bruno Foucher, nous en avait dissuadés, car cela aurait été un mauvais signal vis-à-vis des personnels qui accomplissement leurs missions à travers le monde. Depuis lors, les crédits se sont stabilisés et les montants antérieurs n'ont plus jamais été atteints. Mais de nombreuses inquiétudes demeurent, comme nous le constatons lors de nos déplacements à l'étranger.

Je précise que ce COM est en cours d'exécution puisqu'il couvre la période 2017-2019. Je vous proposerai donc qu'on auditionne l'actuel président, Pierre Buhler, au sujet de l'exécution de ce contrat et de l'avenir. Nous aurons en effet un avis à émettre très prochainement sur le futur COM.

Mme Catherine Dumas . - Je souhaite donner les raisons pour lesquelles je suis en phase avec l'abstention préconisée par mon collègue Jean-Pierre Leleux.

Ce budget manque en effet d'une grande ambition même si, comme vous l'avez rappelé, il était bien plus négatif encore les années précédentes. Vous avez également parlé de trajectoire et celle-ci me laisse très perplexe. Quelle est-elle ?

L'audition du président de la Fondation Alliance française, Alain-Pierre Degenne, au cours de laquelle nous avions évoqué le rapprochement entre son établissement et l'Institut français, m'avait également déçue, car il n'avait apporté aucun élément. Et nous n'en avons toujours aucun à ce jour. Je souscris donc aux propos de mes collègues quant au fait que le Gouvernement doive sortir avec courage de cette ambiguïté.

Enfin, sur l'accueil des étudiants en France, sujet qui revient très souvent dès que l'on discute avec des groupes d'amitiés d'autres pays, les moyens sont en deçà de la grande ambition affichée par le Président de la République, celle de faire du français la troisième langue dans le monde. On en est encore loin !

M. Damien Regnard . - J'ai eu l'occasion de me rendre dans six ou sept pays depuis début octobre et je tiens à apporter une note positive. Je dirais qu'il existe un besoin et une envie de France et de langue française.

J'étais en début de semaine à Dubaï où j'ai appris que les Émirats avaient signé un accord en faveur de l'insertion, dans leur système éducatif, de l'apprentissage du français. En revanche, une seule personne gère aujourd'hui cet enseignement, alors que les Chinois y consacrent 300 enseignants.

En Corée du Nord également, nous avons un seul enseignant détaché en permanence à Pyongyang qui donne des cours dans deux universités. Il avait un peu plus de 80 élèves jusqu'à cinq ans. Aujoud'hui il n'y en a plus que 30. L'Allemagne, elle, a implanté un Goethe Institut.

Il existe aussi un problème de lisibilité à l'étranger car il y a une concurrence directe entre les deux organisations que sont la Fondation Alliance française et l'Institut français. La Fondation accomplit un travail au-delà de sa mission d'enseignement depuis plusieurs dizaines d'années, avec des locaux magnifiques. Dans le même temps, l'Institut fait la même recherche de sponsors, sur les mêmes cibles.

Je suis assez sévère avec le budget proposé car il n'est absolument pas proportionnel aux attentes de nos partenaires. Je suivrai mon groupe en m'abstenant, mais je déplore cette situation parce que ce besoin de France est réel. On a pu le constater au Mexique récemment lors du déplacement de la commission. L'Institut français présent y est en décrépitude et saturé. Malgré cela, les enseignants, souvent sous-payés et exerçant dans de mauvaises conditions, restent dévoués.

Quant à l'argent qui disparaît de l'usage des bourses, ce fait n'est pas nouveau ; il serait temps de savoir où il passe !

Mme Claudine Lepage . - Je rappelle à Damien Regnard que la plupart des instituts français à l'étranger se trouvent en autonomie financière alors que nous débattons ici du budget de l'Institut français, c'est-à-dire de l'Epic parisien. Même remarque concernant la Fondation Alliance française et les alliances. Il n'y a pas de lien organique entre les institutions parisiennes et leurs antennes à l'étranger.

Quant à la « disparition » des bourses, je ne suis pas sûre que le terme soit tout à fait approprié. Il ne s'agit pas de toutes les bourses, mais de celles gérées par Campus France. Et elles ne disparaissent pas pour tous les services...

M. Claude Kern, rapporteur pour avis . - Par rapport aux propos de notre collègue Damien Regnard, je rappelle qu'il n'y a pas de diminution globale des crédits. Il y a une augmentation pour l'AEFE, une stabilisation pour Campus France et un retour au niveau de 2018 pour l'Institut français.

Pour faire face à la concurrence entre l'Institut français et la Fondation Alliance française, la nouvelle convention tripartite est là pour bien répartir les rôles. Sur le terrain, comme vient de l'expliquer notre collègue Claudine Lepage, les instituts et les alliances à l'étranger sont autonomes par rapport aux institutions parisiennes.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je soumets donc à votre avis l'adoption des crédits, qui sont par ailleurs examinés par la commission des finances, puis votés par chaque groupe dans l'hémicycle. Claude Kern nous invite à leur donner un avis favorable.

Y-a-t-il encore quelqu'un qui souhaiterait s'exprimer ?

Mme Sonia de la Provôté . - On vote sur des crédits en légère augmentation par rapport à l'année dernière ; il est donc difficile de s'y opposer. En revanche, il y a un décalage entre les objectifs affichés par le Président de la République et les crédits proposés.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous aurons bien sûr un débat intense dans l'hémicycle car ce budget pose question depuis des années. Ce n'est pas faute d'avoir alerté le Gouvernement. Je vous rappelle que l'on avait provoqué il y a deux ans, à la veille du budget, un débat sur les crédits de l'Institut français et de la Fondation Alliance française. On a de même alerté maintes fois sur la diminution constante des crédits à l'audiovisuel extérieur.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 2 octobre 2019 - Cf. compte rendu infra

- Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) : M. Olivier Brochet , directeur général

- Fondation Alliance française : M. Alain-Pierre Degenne , président

Mardi 15 octobre 2019

- Campus France : Mme Béatrice KHAIAT , directrice générale

- Institut français : M. Pierre BÜHLER , président

- Fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger : M. François NORMANT , président, Mme Virginie ROYER , vice-présidente, Mme Catherine TERRAZ , secrétaire générale

Jeudi 7 novembre 2019

- Ministère de l'Europe et des affaires étrangères : Mme Laurence AUER , directrice de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau

ANNEXES

Audition de M. Olivier Brochet, directeur général
de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

MERCREDI 2 OCTOBRE 2019

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous auditionnons ce matin, pour la première fois, M. Olivier Brochet, qui a été nommé directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) le 4 mars dernier. Vous avez été précédemment consul de France à Milan et vous nous aviez accueillis admirablement bien lors d'un déplacement. Votre nomination est intervenue à un moment charnière puisqu'il y a un an et demi le Président de la République a fixé l'objectif ambitieux de doubler le nombre d'élèves scolarisés dans le réseau homologué d'ici 2030.

Pour parvenir à cet objectif, le ministre des affaires étrangères a annoncé, il y a quelques semaines, lors de la conférence des ambassadeurs de France, les premières mesures du « plan de développement de l'enseignement français à l'étranger » : déblocage de 25 millions d'euros supplémentaires pour le budget de l'AEFE dès 2020, détachement de 1 000 nouveaux enseignants titulaires et ouverture de l'homologation à de nouveaux partenaires.

Nous sommes très intéressés de recueillir votre éclairage sur ces annonces. Après votre intervention liminaire, notre rapporteur des crédits de l'action extérieure de l'État, M. Claude Kern, vous interrogera, puis Mme Claudine Lepage qui est présidente du groupe d'études sur la Francophonie. Je donnerai enfin la parole à nos autres collègues.

M. Olivier Brochet, directeur général de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger . - Je suis très heureux d'être auditionné par votre commission, pour vous présenter l'action de l'AEFE. Le 20 mars 2018, à l'occasion de la Journée de la Francophonie, le Président de la République a annoncé son ambition de redonner à la langue française sa place et son rôle dans le monde, dans le respect du plurilinguisme. Les ministères des affaires étrangères et de l'éducation nationale ont ensuite mené un vaste travail de réflexion et de concertation. La députée Samantha Cazebonne a également été missionnée pour rédiger un rapport. Ce travail est sur le point d'aboutir. Le Président de la République en a validé les grandes lignes. Le 27 août dernier, des annonces ont été faites lors de la conférence des ambassadeurs de France, et, demain, MM. Le Drian et Blanquer présenteront les grands axes de ce plan de développement de l'enseignement du français à l'étranger.

L'AEFE anime un réseau vaste et varié d'établissements communément appelés « lycées français » mais qui, en réalité, ont des statuts divers : 71 établissements sont gérés directement par l'agence ; 156 lycées sont des établissements scolaires de droit local privé qui ont passé une convention avec nous : l'agence met à disposition des équipes de direction et certains enseignants qui ont le statut de résident, statut fixé par notre organisation, et qui sont détachés de l'éducation nationale ; enfin, la grande majorité des établissements, environ 300, sont des établissements partenaires : ils sont homologués par le ministère de l'éducation nationale, suivent ses programmes sous notre contrôle, mais se développent sans soutien de l'agence ; ils bénéficient toutefois de l'adhésion à notre réseau, premier réseau éducatif mondial, et de nos programmes de formation des enseignants.

La mission de l'agence est complexe : nous assurons la gestion en direct de nos 71 établissements, pilotons les 156 établissements conventionnés, assurons l'animation d'un réseau qui comporte des établissements aux statuts divers. Nous veillons au contrôle de la qualité grâce à notre corps d'inspection, composé d'inspecteurs de l'éducation nationale répartis dans le monde entier, et grâce au service pédagogique assuré par des inspecteurs d'académie qui travaillent à l'agence et qui suivent les établissements. L'enjeu pour nous est de parvenir à faire réseau. La spécificité de l'enseignement français à l'étranger est son organisation dans un ensemble unique, qui respecte les critères en vigueur en France. Il existe d'autres systèmes éducatifs internationaux. Certains sont organisés en réseaux, comme les réseaux allemands ou italiens, mais sont beaucoup plus petits. D'autres sont constitués d'établissements franchisés, la plus connue étant l'organisation du baccalauréat international, fondation privée installée en Suisse, qui labellise des établissements partout dans le monde et qui revendique un million d'élèves, soit trois fois plus que l'AEFE, mais chacun de ces établissements est indépendant.

L'AEFE a, depuis sa création en 1990, une triple mission. Tout d'abord, scolariser les enfants français à l'étranger ; nous accueillons ainsi un tiers des enfants français qui résident à l'étranger. Ensuite, contribuer indirectement à l'internationalisation de nos entreprises ; la présence d'un lycée français est souvent une condition importante posée par les cadres avant de s'expatrier. Les entreprises peuvent aussi recruter leurs futurs cadres parmi nos anciens élèves qui ont la nationalité du pays d'accueil tout en ayant suivi une formation à la française. Enfin, faire rayonner la France. M. Le Drian a reconnu, dans son intervention du 27 août dernier, que l'enseignement français à l'étranger constituait un outil d'influence pour notre diplomatie, un instrument essentiel de soft power , qui contribue à assurer l'influence française dans les décennies à venir en scolarisant des élèves étrangers : en effet, les deux tiers de nos élèves ne sont pas de nationalité française et leur nombre progresse plus fortement que celui des élèves français - une hausse de 15 % entre 2013 et 2017 contre une hausse de 4 % pour les élèves français. Ainsi, nous disposons d'un système éducatif performant, attractif et qui constitue un atout formidable pour notre pays.

Le Président de la République a souhaité que la France investisse davantage dans l'enseignement français à l'étranger. On constate en effet une demande croissante d'une éducation internationale de qualité, notamment dans les pays émergents, soit à cause de défaillances des systèmes éducatifs locaux, soit parce que les classes moyennes recherchent une éducation plus ouverte à l'international. Un marché éducatif mondial est apparu qui modifie l'environnement dans lequel nous évoluons. Il convient de faire en sorte que la France en profite. Si nous sommes très présents dans certains pays, comme le Maroc, avec 40 000 élèves scolarisés, ou le Liban, avec 60 000 élèves, où nous jouissons d'une bonne image de marque, dans d'autres pays notre réseau est connu par le bouche à oreille, par les familles de ceux qui ont eux-mêmes été scolarisés dans le réseau, mais il n'est pas nécessairement connu des nouvelles catégories socio-culturelles qui émergent et qui se tournent plus spontanément vers le système éducatif anglo-saxon. D'autres réseaux se développent aussi rapidement, à l'image du réseau turc en Afrique. Nous devons donc tirer parti de cet appétit croissant pour une éducation internationale, en évitant d'être déclassés par d'autres modèles. C'est pourquoi le Président de la République a fixé des objectifs ambitieux, de doublement des effectifs scolarisés à l'horizon 2030, en passant de 360 000 élèves à 700 000.

Notre réseau jouit d'une bonne image. Le baccalauréat français est reconnu au niveau international et par les meilleures universités anglo-saxonnes. Cette année, notre réseau a formé plus de 17 000 bacheliers, avec un taux de réussite de plus de 97 % et un taux de mention bien et très bien supérieur à 50 %, preuve de l'excellence de notre système. La croissance du réseau se poursuit, puisque cette année nous accueillons 15 000 élèves supplémentaires, tandis que 31 nouveaux établissements ont rejoint le réseau. Les zones de croissance sont le Maghreb, où les effectifs ont augmenté de 7,5 % à la rentrée, le Moyen-Orient et le Proche-Orient - plus 5 % -, l'Asie, - plus 2,6 % -, l'Afrique, - plus 2,3 %. En revanche, la croissance en Europe, plus 0,8 %, est plus faible mais il s'agit d'un marché mature. Sur le continent américain, les effectifs progressent de 0,7 %. Le potentiel de croissance est plus fort en Amérique latine.

Jusque-là, nous nous contentions d'accompagner la croissance spontanée des effectifs. Désormais, nous devons la solliciter, convaincre de nouvelles familles, attirer de nouveaux investisseurs. C'est dans cette perspective que le plan de développement de l'enseignement français à l'étranger a été conçu. Il sera présenté plus en détail demain. Il s'agit de renforcer l'attractivité de notre système et de le valoriser auprès de publics divers, en tenant un discours qui n'est pas institutionnel, ce qui n'est pas naturel pour des administrations comme les nôtres. Nous avons donc une acculturation à accomplir pour être capables de parler aux familles de ce qui les intéresse et de ce qu'elles attendent pour leurs enfants. Nous devons aider les établissements à mieux communiquer, mieux faire connaître ce qu'ils font, mieux répondre aux attentes locales. En un mot, nous devons faire en sorte que l'enseignement français devienne une référence éducative immédiate : chacun a entendu parler du système Montessori, et même si peu savent en quoi il consiste, le mot rime avec qualité. Il doit en aller de même pour l'enseignement français.

Pour cela, nous avons deux atouts. Le premier est la maternelle, point d'entrée de notre système. La maternelle est essentielle d'un point de vue pédagogique, notamment pour intégrer des enfants non francophones. Elle continue d'attirer, mais on constate un fléchissement dans certains pays à cause de la concurrence de jardins d'enfants, du développement de la scolarisation à la maternelle et de la concurrence des systèmes publics alors que notre système est payant. Nous devons donc expliquer les mérites de notre système. Notre deuxième atout est le baccalauréat. Sa nouvelle formule constitue un atout pour l'avenir car il répond bien aux attentes des familles étrangères, mais l'enjeu est de convaincre les établissements d'enseignement supérieur qu'il est aussi bon que le précédent. Les familles sont intéressées mais ont des inquiétudes sur les débouchés.

Doubler le nombre d'élèves implique évidemment de recruter de nouveaux professeurs. Le ministre a annoncé 1 000 détachements supplémentaires d'enseignants de l'éducation nationale au cours de la prochaine décennie, mais cela ne suffira pas. Comme nous manquons déjà de professeurs en France, nous ne parvenons actuellement pas à renouveler tous les postes dans le primaire. Si la présence de professeurs titulaires dans le réseau est indispensable pour diffuser une culture, l'enjeu est de développer un vivier de ressources humaines complémentaire. À partir de la rentrée 2020, un certificat d'aptitude à l'enseignement français à l'étranger sera créé dans le cadre du master « métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF), de formation au professorat, qui permettra aux étudiants de se préparer à l'exercice de fonctions à l'étranger. Ainsi, on incitera peut-être des étudiants à commencer leur carrière à l'étranger. Ce certificat devrait être particulièrement utile dans l'Union européenne où la liberté de circulation est garantie ; cela sera plus compliqué dans les pays où un visa de travail est exigé et où il faut prouver, avant d'employer un professeur français, que l'on n'a pas pu trouver une personne compétente sur place.

L'autre axe est la formation de ressources humaines locales. D'ores et déjà, la majorité des enseignants du réseau sont des recrutés locaux. Nous devons veiller à conserver un volant de personnels bien formés pour renouveler les personnes qui partiront à la retraite - au Liban, par exemple, la moitié des recrutés locaux partira à la retraite au cours de la prochaine décennie - tout en augmentant le nombre de personnes susceptibles de travailler dans nos établissements. Le 1 er janvier prochain, nous ouvrirons 16 instituts régionaux de formation qui remplaceront les lycées mutualisateurs destinés à assurer la formation continue des enseignants. Ces structures auront des instructions précises quant à nos attentes sur la formation des personnels qui enseignent dans les établissements étrangers.

Le troisième axe de travail concerne l'immobilier. L'immobilier des établissements en gestion directe est du ressort de l'agence, qui travaille dans le cadre d'un schéma pluriannuel. Le schéma actuel se terminera en 2020 et nous commençons à préparer le prochain. L'agence, établissement public administratif, n'a pas la capacité d'emprunter, ce qui constitue un handicap important pour piloter des projets immobiliers. Nous bénéficions en retour d'une aide par le biais des avances de l'Agence France Trésor mais cette aide est irrégulière, ses montants varient d'une année sur l'autre. Cette année, nous avons perçu 11 millions d'euros contre 4 millions l'an passé. On ne sait jamais le montant que l'on aura d'une année sur l'autre et cela rend les prévisions difficiles. Les avances doivent être consommées au cours de l'année sinon elles sont perdues, or il n'est pas rare que des retards surviennent sur des chantiers immobiliers. Du coup, une grande part de l'effort immobilier repose sur les familles qui scolarisent leurs enfants. L'emprunt permettrait de mieux lisser l'effort dans la durée. A minim a, il conviendrait de disposer d'une prévisibilité pluriannuelle sur le montant des avances.

L'immobilier concerne aussi les autres établissements, privés, conventionnés ou partenaires. Jusque-là existait un dispositif que vous connaissez bien, l'Association Nationale des Écoles Françaises de l'Étranger (Anefe), qui était présidée par M. Ferrand et qui a permis de financer le développement immobilier de dizaines d'établissements dans le monde. Elle fonctionnait bien mais est bloquée depuis un an et ne peut plus travailler. Bercy et le ministère des affaires étrangères réfléchissent à un mécanisme alternatif. Nous en avons grand besoin. Nous avons identifié une quinzaine de projets, pour un montant d'environ 120 millions d'euros, qui ne peuvent pas être financés sans la garantie de l'État. Par exemple, le lycée de Conakry a un projet de huit millions d'euros. Sur le marché local, il ne trouve rien de mieux que des emprunts avec un taux d'intérêt de plus de 20 %... La garantie de l'État est indispensable. Le système de l'Anefe fonctionnait très bien et la garantie de l'État n'a jamais été activée pendant 40 ans.

Par ailleurs, nous avons créé, au début de cette année, un service d'appui au développement du réseau qui a pour vocation d'aller rencontrer les porteurs de projets, qui souhaitent être homologués par nous. Lorsqu'une ambassade identifie un projet, le service prend rendez-vous avec ses porteurs, établit une convention d'accompagnement et nous fournissons, moyennant une rémunération, une prestation de conseil pour permettre à l'établissement de remplir le plus rapidement possible les conditions d'homologation. On a beaucoup parlé d'un assouplissement des critères mais il ne s'agit que de critères administratifs. L'homologation est prononcée non par l'agence mais par le ministère de l'éducation nationale. Tous les cinq ans, les établissements sont contrôlés.

Il nous appartient aussi de faire vivre le réseau. Nous avons créé une plateforme, Agora, qui met en relation tous les élèves à partir de la classe de seconde avec les anciens élèves pour contribuer à faciliter les orientations. Un mécanisme d'échanges entre élèves de seconde des lycées français a été créé. Un enfant de Chicago ou New Delhi pourra ainsi partir pendant un trimestre dans un autre lycée français, à l'étranger ou en France. Cette année, 500 enfants ont bénéficié de ce dispositif unique ; ils seront 1 000 l'an prochain.

Nous cherchons aussi à améliorer la place des parents dans le dispositif et la gouvernance. Ils financent 60 % des coûts de scolarité à l'étranger. Leur demande de transparence et d'information est donc légitime.

Enfin, l'agence est en train de finaliser avec le ministère le nouveau contrat d'objectifs et de moyens qui couvrira la période 2020-2022. Nous espérons pouvoir le communiquer au Parlement avant la fin de l'année et le signer l'année prochaine. Celle-ci sera aussi marquée par le 30 e anniversaire de l'agence.

M. Claude Kern . - Merci pour cette présentation très complète. Rapporteur pour avis des crédits de l'action extérieure de l'État, je souhaite d'abord vous interroger sur le plan de développement de l'enseignement français à l'étranger. Si son annonce est une bonne nouvelle, beaucoup de flou demeure sur les mesures. Ainsi, les 25 millions d'euros supplémentaires seront-ils attribués chaque année ou seulement l'année prochaine ? D'où viendront les 1 000 nouveaux professeurs ? Quand seront-ils en poste ? Et sur quel budget seront-ils rémunérés ?

M. Olivier Brochet . - Le ministère de tutelle serait plus compétent pour vous répondre. J'ai compris qu'il s'agissait d'un rebasage budgétaire. Cette décision a été prise à partir du rapport des inspections générales des affaires étrangères et de l'éducation nationale qui avait identifié un sous-financement public manifeste estimé à 31 millions d'euros. Je comprends donc l'effort de 25 millions comme un rebasage budgétaire ayant vocation à être pluriannuel. Cette enveloppe est destinée à soutenir le plan de développement de l'enseignement français à l'étranger, non à rafistoler le budget de l'agence. L'agence a fait de gros efforts ces trois dernières années avec un schéma d'emploi rigoureux. Entre 2018 et 2020, nous avons supprimé 512 équivalents temps plein pour rétablir l'équilibre du budget qui avait été sérieusement ébranlé en 2017. Sur ces 25 millions d'euros, 12 millions d'euros permettront de ramener la participation forfaitaire complémentaire des établissements à 6 % au 1 er janvier prochain, contre 9 % en 2018 et 7,5 % cette année. À charge ensuite aux établissements de voir comment utiliser cette somme : pour réduire les écolages, investir par exemple dans l'immobilier ou le pédagogique. Ensuite, 5 millions d'euros seront utilisés pour soutenir le développement de notre système de formation, un million d'euros sera consacré à l'accompagnement de l'homologation, 2 millions seront destinés à l'école numérique et j'espère pouvoir consacrer 5 millions d'euros au développement immobilier.

Les 1 000 nouveaux postes en détachement sont constitués pour l'essentiel d'enseignants mais ils comportent aussi des personnels de direction ou des inspecteurs. Ils ne seront pas affectés à l'agence directement car notre plafond d'emploi n'augmentera pas, mais ils iront dans les établissements homologués qui peuvent employer des professeurs de l'éducation nationale sous le statut du détachement direct. L'enjeu sera de répartir cette ressource humaine rare pour éviter qu'elle ne se concentre dans certains endroits comme les établissements américains.

M. Claude Kern . - Je voulais aussi vous interroger sur les risques de l'ouverture de l'homologation en termes de qualité de l'enseignement, mais vous nous avez rassurés sur ce point. Seulement un tiers des enfants français à l'étranger sont scolarisés dans le réseau de l'AEFE ; comment l'expliquez-vous ? Par ailleurs, la hausse continue des frais de scolarité a-t-elle pénalisé certains Français établis à l'étranger et empêché des élèves locaux d'avoir accès au réseau ?

M. Olivier Brochet . - Les frais de scolarité sont en moyenne de 4 600 euros dans les établissements en gestion directe, de 5 660 euros dans les établissements conventionnés et de 5 500 euros dans les établissements partenaires. Il s'agit évidemment de chiffres moyens qui masquent de grandes disparités entre des frais de 500 euros à Madagascar et de 37 000 euros au lycée français de San Francisco, même si partout ces sommes représentent un investissement important pour les familles. Toutefois, parmi les réseaux dispensant un enseignement de qualité, notre réseau est le moins cher : les frais y sont inférieurs de moitié au moins à ceux pratiqués dans les établissements anglo-saxons. Il y a quinze ans, le coût de la scolarité était assuré à 60 % par l'État et à 40 % par les familles. C'est désormais l'inverse et le Président de la République souhaite stabiliser ce ratio.

Pourquoi un tiers seulement des enfants français à l'étranger sont-ils scolarisés dans le réseau de l'AEFE ? Il faut noter qu'il n'y a pas d'établissement dans toutes les villes. Beaucoup de Français sont éloignés d'un établissement. Nous espérons que la croissance du réseau, tirée par la demande des élèves locaux, profitera par ricochet aux élèves français en permettant l'ouverture de nouveaux établissements dans des villes moyennes.

Il est difficile de mesurer l'effet des frais de scolarité. Nous possédons un système de bourses exceptionnel. Le programme 151 nous accorde 105 millions par an pour scolariser des enfants français à l'étranger ; nous avons relevé cette année le plafond de ressources des familles à 23 000 euros pour être éligible. Toutefois, le nombre de demandes de bourses stagne. On perçoit, sans pouvoir réellement le mesurer, une éviction des classes moyennes françaises à l'étranger, qui n'ont pas le statut d'expatriés mais celui de droit local, avec des revenus trop élevés pour être éligibles à une bourse et trop faibles pour acquitter les frais de scolarité demandés. En outre, dans certains pays, les parents préfèrent scolariser leurs enfants dans le système éducatif local : c'est notamment le cas dans les pays anglo-saxons pour que les enfants apprennent l'anglais.

M. Claude Kern . - Le 20 mars 2018, le Président de la République avait annoncé la création d'un baccalauréat international afin de renforcer l'attractivité des lycées français à l'étranger. Qu'en est-il à ce jour ?

M. Olivier Brochet . - Nous avons engagé une réflexion avec le ministère de l'éducation nationale. L'idée est de s'appuyer sur le nouveau baccalauréat et d'adapter notre système des sections internationales pour définir un diplôme bien adapté aux besoins des élèves à l'étranger. Le chantier s'ouvre juste. Cette réflexion est indispensable car nous subissons la concurrence très forte du baccalauréat international ( International Baccalaureate ) : ainsi, au Liban, celui-ci est désormais reconnu par les autorités libanaises. Nous devons offrir un diplôme adapté aux attentes des familles libanaises pour les séduire. Malgré la reconnaissance du baccalauréat français, beaucoup d'universités continuent d'exiger la détention d'un baccalauréat libanais pour garantir la maîtrise de l'arabe. Nous devons donc renforcer notre diplôme en ce sens au Liban.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je donne maintenant la parole à Mme Claudine Lepage, présidente du groupe d'études sur la Francophonie.

Mme Claudine Lepage . - Merci de votre présentation qui explicite les annonces du ministre des affaires étrangères lors de la conférence des ambassadeurs de France. Le premier objectif est de doubler les effectifs d'ici à 2030 en préservant les valeurs de l'enseignement à la française. Mais comment peut-on en même temps vouloir une « homologation simplifiée » et préserver les valeurs de l'enseignement français à l'étranger ? L'homologation garantit le respect des programmes français.

Il s'agit aussi d'élargir le cercle des partenaires en attirant de nouveaux investisseurs, mais qui dit investisseur dit retour sur investissement. Comment garantir un retour sur investissement sans augmenter encore les frais de scolarité ?

Ensuite, le nombre d'enseignants augmentera, avec 1 000 détachements supplémentaires et surtout le recours accru à des enseignants recrutés localement et qui auront suivi une formation. L'inconvénient est que l'on crée ainsi, au sein des établissements, une catégorie supplémentaire d'enseignants puisque cohabiteront des expatriés, des résidents, des titulaires non-résidents, des enseignants qui auront suivi le nouveau master spécialisé et des recrutés locaux qui n'auront pas bénéficié de cette formation. Tous font pourtant le même travail.

Enfin, l'enveloppe de 25 millions d'euros supplémentaires qui est annoncée ne compense pas les 33 millions d'euros qui ont été supprimés à la rentrée 2017 et qui ont entrainé la suppression de 512 postes.

M. Olivier Brochet . - Avec la simplification de l'homologation, nous supprimons certains critères, comme, par exemple, l'obligation d'accueillir des élèves français dans l'établissement ou l'obligation d'avoir un personnel titulaire de l'éducation nationale pour fonctionner. D'ores et déjà, comme au Liban, des établissements fonctionnent sans titulaires : au Liban, seuls 7 % des professeurs sont titulaires de l'éducation nationale. Il y avait donc un décalage entre les critères et la réalité. La simplification porte sur ces aspects ou procède à des assouplissements administratifs, mais ne concernera pas le fond ni les valeurs de notre système.

De même, en ce qui concerne la participation d'investisseurs et l'exigence d'un retour sur investissement, je souligne que nous ne contrôlons déjà pas le niveau des droits d'écolage dans les établissements partenaires. Le développement du réseau passera par l'intégration de nouveaux investisseurs, français ou locaux, mais aussi par le développement du réseau actuel où les droits d'écolage sont contrôlés. Je ne peux pas, en revanche, m'engager sur le niveau des écolages qui sera appliqué aux nouvelles populations que nous voulons attirer grâce à de nouveaux investissements.

Nous ne reconnaissons que trois catégories de personnels : les expatriés, les personnels résidents, les personnels locaux. Cela ne changera pas même si cette dernière catégorie est amenée à se développer.

Enfin, l'effort mené depuis 2018 a permis de rétablir l'équilibre budgétaire de l'agence. L'enveloppe de 25 millions d'euros permettra de mettre en oeuvre le nouveau plan.

M. Damien Regnard . - On vous demande de doubler les effectifs d'ici à 2030. Avez-vous les moyens de cette ambition ? J'ai l'impression, comme je l'ai dit à Mme Cazebonne, que l'on vous demande de faire un carré avec trois baguettes...

La pression financière sur les familles est de plus en plus importante, en particulier dans les établissements conventionnés. Ces frais ne devraient-ils pas être soumis au contrôle du Parlement ?

La situation est tendue dans certains établissements conventionnés qui souhaitent passer sous le statut d'établissement partenaire. C'est le cas à Hong-Kong, en Espagne, ou du lycée Rochambeau à Washington. Quelles seraient les conséquences pour l'agence en cas de déconventionnement ?

En ce qui concerne le financement de l'immobilier, où en est-on ? Quelles sont les relations avec l'Anefe ?

Dans beaucoup de pays, on manque d'enseignants, en dépit de programmes de formation d'enseignants locaux, notamment dans les pays francophones comme la Tunisie ou l'Égypte, qui ne convainquent pas toujours les parents français. Surtout, les familles locales mettent leurs enfants dans les lycées français pour que leurs enfants aient des professeurs français, et non des professeurs locaux formés à la française. Je suis un grand défenseur de l'AEFE, élément important de notre rayonnement.

Où en sont les partenariats avec les services publics dans les pays d'accueil ? Lors d'un déplacement de la commission au Mexique en septembre, l'ambassadrice m'a demandé de l'aider pour nouer un partenariat avec le service public de Mexico. Le lycée français de Mexico compte 4 000 élèves et refuse beaucoup d'élèves, faute de places.

M. Christian Manable . - Je voulais vous interroger sur les frais de scolarité et les bourses, mais vous avez déjà répondu.

M. Antoine Karam . - Je suis élu de Guyane. L'Amérique du Sud est à la fois hispanophone et lusophone. Pour les enseignants guyanais en portugais ou en espagnol, qui ont le Capes ou l'agrégation, et qui veulent aller enseigner en Argentine ou au Brésil, c'est le parcours du combattant. Ils ne savent pas à quel saint se vouer. Ils interpellent leurs parlementaires, le ministère, souvent en vain.

Le Nord du Brésil compte beaucoup de Franco-brésiliens. Les parents sont prêts à payer pour scolariser leurs enfants dans le réseau français, car ils savent que l'enseignement est de qualité, mais il n'y a pas de lycée à proximité.

M. Pierre Ouzoulias . - L'apprentissage du français permet d'acquérir, outre la langue, une certaine forme d'esprit critique, une capacité de réflexion, une connaissance des humanités. Dans un système d'éducation mondialisé, le français peut être un moyen de se distinguer et d'accéder à d'autres carrières. Les entreprises vont rechercher ces profils pour éviter la standardisation.

Lorsque les parents choisissent un lycée, ils sont attentifs aux possibilités d'accès à l'enseignement supérieur. Vous n'avez rien dit sur la relation entre les lycées français et l'université. Notre commission s'était saisie de la question de la hausse des frais d'inscriptions à l'université pour les étudiants étrangers, craignant que la mesure n'ait été prise un peu rapidement sans mesurer les effets pour l'enseignement français à l'étranger. Il serait légitime d'accorder des droits préférentiels aux étudiants étrangers qui ont choisi d'être scolarisés dans le réseau.

Comment les ressortissants français sont-ils traités dans Parcoursup ?

Je suis sénateur des Hauts-de-Seine, dans une académie où il existe une forte tension sur les postes, à tel point que les détachements de professeurs du secondaire vers l'université sont bloqués. Je crains que le problème ne soit le même pour les détachements vers des lycées à l'étranger.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Cette question de la continuité entre le lycée français et l'université a aussi été soulevée par le conseiller culturel de l'ambassade de France à Mexico lors de notre déplacement le mois dernier.

M. Max Brisson . - Quelles seront les conséquences pour l'organisation des lycées de la réforme du baccalauréat ? Les petits établissements pourront-ils offrir un panel de spécialités permettant une orientation vers l'enseignement supérieur dans de bonnes conditions ? L'enseignement à distance pourrait peut-être leur permettre de proposer davantage de spécialités.

Vous avez évoqué l'effort mis sur la formation des maîtres dans les instituts régionaux. Comment essayez-vous de développer une formation plus innovante ? Votre expérience pourrait servir de laboratoire et de modèle pour nos instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation.

M. Olivier Brochet . - Avons-nous les moyens de nos ambitions ? Il est difficile pour le directeur d'un établissement public de dire qu'il a tous les moyens nécessaires à sa disposition. Sans doute avec davantage de moyens, pourrions-nous faire davantage. Je crois néanmoins que l'effort budgétaire de 25 millions d'euros, important vu le contexte budgétaire, nous donne les moyens indispensables dont nous avions besoin pour lancer le nouveau plan. Nous allons utiliser cette enveloppe pour créer les fondements qui permettront de servir de base au développement du réseau.

J'ai conscience de la pression financière qui s'exerce sur les familles. Toutefois, hormis les établissements en gestion directe, les autres établissements sont privés. La mise à disposition de personnels rémunérés totalement ou partiellement par l'agence permettra indirectement de modérer les écolages dans les 156 établissements conventionnés. En revanche, nous n'avons aucun moyen de modérer les frais d'écolage dans les établissements partenaires.

Les relations avec les établissements conventionnés sont, dans la grande majorité des cas, excellentes. Quelques difficultés peuvent parfois apparaître avec des établissements qui disposent d'une grande autonomie financière et où la culture managériale est éloignée de notre conception, dans la mesure où nous agissons comme représentants de l'État. Vous avez cité le cas de Hong-Kong, qui a choisi d'être déconventionné et qui deviendra un établissement homologué partenaire à partir de la rentrée prochaine. Je m'y rendrai la semaine prochaine pour rencontrer le comité de gestion. Nous avons veillé à ce que cette période de transition se passe le mieux possible, après une période où les relations étaient assez détestables. Concrètement, nous retirerons 7 personnels de direction dont nous assurions la rémunération et 45 personnels sous statut de résident. Il appartiendra à l'établissement de recruter ses nouveaux enseignants. Il a proposé à certains professeurs titulaires de rester sur place. Nous veillerons à ce que la qualité demeure et que les critères de l'homologation soient bien respectés. En ce qui concerne le lycée Rochambeau, nous ferons le point dans deux ans à l'occasion du renouvellement de la convention.

Au sujet de l'Anefe, aucune solution n'apparaît encore mais les discussions se poursuivent entre les ministères.

Vous avez évoqué le manque d'enseignants français. L'un des enjeux pour nous est de parvenir à un rééquilibrage au sein du réseau grâce à l'arrivée de personnels titulaires de l'éducation nationale. De grandes disparités existent. Au Maghreb ou en Europe, le taux de professeurs titulaires est de plus de 70 % tandis qu'en Amérique latine, le taux est inférieur à 25 %. Nous voulons parvenir à un rééquilibrage.

Vous posez la question du partenariat avec les services publics dans les pays d'accueil. Il est vrai que les établissements français constituent parfois des îlots, toutefois le statut de l'AEFE de 1990 prévoit une mission de coopération éducative qui n'a pas été beaucoup développée. Notre principal travail intervient dans le cadre de la labellisation FrancÉducation : l'AEFE sera chargée de l'animation de ce réseau, pour l'arrimer au réseau des établissements homologués afin que les enfants scolarisés dans ces établissements qui suivent des cours de français puissent bénéficier de nos actions. Par exemple, il serait simple d'ouvrir les événements sportifs que nous organisons à tous les établissements qui ont une section bilingue francophone.

Monsieur Karam, cette année la croissance en Amérique du Sud est faible, 0,7 %, mais le potentiel de croissance est important. Certains établissements peuvent s'étendre. Dans certaines zones, il doit être possible de créer de nouveaux établissements ou d'homologuer des sections francophones ; le chantier est ouvert. Notre objectif est de renforcer le réseau par des personnels titulaires. Beaucoup d'enseignants de Guyane souhaitent aller travailler dans le réseau. Il n'y a pas de problème pour les enseignants du secondaire, mais c'est plus difficile pour les enseignants du primaire, qui dépendent du département, à cause du manque d'enseignants. Le directeur académique des services de l'éducation nationale de Guyane n'est pas très enclin à les laisser partir.

Parcoursup s'applique à l'étranger. Cette année 11 000 élèves français ou étrangers de nos lycées s'y sont inscrits, et le dispositif a bien fonctionné. Ils n'ont pas rencontré de problème particulier. Ils bénéficient d'un suivi particulier, puisqu'un service d'orientation au sein de l'agence les accompagne très attentivement.

Vous évoquez le continuum avec l'enseignement supérieur français. Les bourses Excellence-Major, pour une enveloppe de sept millions d'euros, permettent aux meilleurs lycéens étrangers d'accéder aux filières d'excellence en France, dans les grandes écoles ou dans les universités. Actuellement, 800 étudiants en bénéficient. Nous cherchons à élargir le dispositif en faisant appel à des entreprises privées. J'ai été très heureux de signer un partenariat avec Total qui financera cinq bourses pendant cinq ans.

Nos établissements mettent en oeuvre la réforme du baccalauréat et développent les enseignements de spécialités. Pour aider les petits établissements, nous avons noué un partenariat avec le Centre national d'éducation à distance (CNED) afin de compléter l'offre de spécialités.

En ce qui concerne la formation des enseignants, l'objectif est de veiller à ce que les personnels résidents sous contrat local acquièrent une professionnalisation rapide lors des deux premières années. Jusque-là, on recrutait des professeurs qui avaient les compétences universitaires mais pas toujours de formation pédagogique. L'objectif est que tout recruté local dans tous nos établissements, qu'ils soient en gestion directe, partenaires ou conventionnés, suive pendant deux ans un parcours que nous sommes en train de définir, à l'issue duquel il rejoindra le dispositif de formation continue classique. En ce qui concerne les enseignants français qui partent dans le réseau, nous avons des enseignants formateurs qui ont le statut d'expatrié et nous souhaitons que les enseignants au statut de résident deviennent davantage des enseignants accompagnateurs. Nous avons engagé des discussions avec les syndicats pour faire évoluer la perception de ce que peuvent faire ces personnels. Nous souhaitons aussi que l'engagement des personnels à l'étranger dans la formation directe ou l'accompagnement soit mieux reconnu par l'éducation nationale, par un diplôme par exemple. Nous avons ainsi lancé une expérimentation cette année sur le certificat d'aptitude aux fonctions de formateur (CAFA) et avons obtenu l'autorisation de la généraliser dans le réseau. Il convient aussi que cette expérience figure dans le dossier des personnels afin qu'à leur retour en France leurs compétences soient mieux reconnues et valorisées. Malheureusement, on a parfois un peu tendance à considérer que les années d'enseignement passées à l'étranger sont des années au Club Med et à pénaliser les enseignants à leur retour. Ce n'est pas justifié.

Audition de M. Alain-Pierre Degenne,
président de la Fondation Alliance française

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous poursuivons nos auditions relatives à l'action extérieure de l'État, en recevant M. Alain-Pierre Degenne, président de la Fondation Alliance française, et M. Marc Cerdan, secrétaire général.

Monsieur le président, vous le savez, notre commission est très attachée aux alliances françaises et nous avons naturellement eu connaissance des turbulences qui les ont secouées ces dernières années.

En 2018, sur la base du rapport Vimont, le Président de la République a annoncé le rapprochement entre la Fondation et l'Institut français. Nous aimerions en savoir plus à ce sujet. Comment les choses s'organisent-elles concrètement ? Quelle est la répartition des rôles entre les deux organismes ? Comment est envisagée la « colocalisation » du bâtiment situé au 101 boulevard Raspail ?

M. Alain-Pierre Degenne, président de la Fondation Alliance française . - Madame la présidente, je suis très heureux d'être avec vous aujourd'hui. Il est vrai que nous avons connu des turbulences, mais je crois pouvoir dire que nous en sommes sortis. Il reste cependant deux grands dossiers en suspens, dont la réponse sera politique. Élu président le 6 mars dernier, je me suis attaché à gérer un héritage qui n'était, en effet, pas facile.

Que s'est-il passé ? La Fondation Alliance française a été créée en 2007 et le bâtiment situé au 101 boulevard Raspail lui a été affecté, ce qui a créé des problèmes avec l'Alliance française Paris Ile-de-France. Celle-ci n'a pas réagi tout de suite, mais elle a ensuite décidé de porter l'affaire en justice et a cessé de payer ses loyers. Son objectif était de récupérer les trois immeubles qui constituent le bâtiment du 101. Le conflit portait aussi sur d'autres aspects comme celui de la marque « Alliance française ». Le climat était délétère.

Mon premier objectif a été de rétablir une relation de confiance pour arriver le plus vite possible à une solution. Pendant cette période, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a mis du temps à prendre une décision. Finalement, un protocole d'accord a été proposé aux deux parties pour rétablir une coopération sereine et durable ; signé par les deux conseils d'administration, il prévoit, d'une part, l'affectation de l'immeuble A, l'un des trois de l'ensemble du bâtiment, à l'Alliance française Paris Ile-de-France, d'autre part, une clause de retour qui pose encore des problèmes pour certains de ses responsables. En effet, alors que l'Alliance française Paris Ile-de-France avait pour objectif la dissolution de la Fondation, ce qui lui aurait permis de récupérer l'ensemble du bâtiment, le protocole prévoit qu'elle renonce à ce retour - je suis d'ailleurs heureux que le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères ait tenu ferme sur ce point.

La signature officielle de la donation de l'immeuble A est prévue pour le 14 octobre, nous adopterons aussi à cette occasion de nouveaux statuts. Nous devrons être attentifs à ce que tout se passe correctement à cette date. Je souhaite que la donation se réalise afin que l'Alliance française Paris Ile-de-France dispose bien de l'immeuble A. Nous pourrons ainsi, je l'espère, repartir sur des bases saines et solides.

M. Claude Kern . - Tout cela n'est pas une mince affaire, en effet, et nous attendons donc le 14 octobre pour voir comment les choses évoluent.

Je voudrais vous poser une question plus générale. Les décisions prises par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères à l'égard du réseau des alliances françaises - suppression des mandats de délégués régionaux de la Fondation, réduction des effectifs, modification du système d'allocation des subventions accordées à la Fondation - ne sont-elles pas le signe d'une certaine dévitalisation de la Fondation ?

M. Alain-Pierre Degenne . - L'un de mes prédécesseurs, Jérôme Clément, avait une ambition forte pour la Fondation, il a voulu aller vite et a lourdement lesté notre budget, notamment en termes de dépenses de personnel. Nous avons dans le même temps connu le conflit dont je viens de parler avec l'Alliance française Paris Ile-de-France et les décisions ont tardé à être prises.

La suppression des mandats des délégués régionaux constitue certainement une erreur, parce que ces agents permettaient de faire vivre la relation privilégiée que nous avons avec le réseau, mais elle s'inscrit dans le contexte que je viens de décrire. J'approuve par ailleurs les réductions de personnels qui ont été décidées.

M. Marc Cerdan, secrétaire général de la Fondation Alliance française . - Autant on peut comprendre que le reversement de subventions par les délégués régionaux posait des problèmes techniques et juridiques - la Cour des comptes avait d'ailleurs mis en avant les aspects insatisfaisants du dispositif -, autant la suppression des mandats exercés par ces agents est préoccupante. L'existence de ce mandat créait un lien organique et donnait à ces délégués une légitimité forte vis-à-vis des alliances pour relayer l'action de la Fondation. Ils sont dorénavant sous l'autorité de l'ambassadeur, ce qui change la nature du lien avec la Fondation et nous pose problème.

Le rapprochement avec l'Institut français a pu inquiéter les alliances, même si le spectre de la fusion a été écarté. Vous le savez, les alliances françaises sont très attachées à leur indépendance et c'est, au fond, la concomitance entre ce processus de rapprochement et les nouvelles modalités de coordination locale qui a pu laisser penser qu'il y avait une volonté de « mettre la main » sur le réseau. Il nous semble que ces nouvelles modalités de coordination locale ont été prises dans l'urgence, sans véritable analyse stratégique et pour répondre à la situation de trouble dont nous avons déjà parlé. En ce sens, je crois qu'elles devront être reconsidérées à l'aune du nouveau contexte.

M. Alain-Pierre Degenne . - Le réseau des alliances françaises est très attaché à son autonomie et ne souhaite pas être placé sous la tutelle des ambassades. Je rappelle d'ailleurs que les alliances s'autofinancent à hauteur de 90 %. L'objectif de la Fondation est de défendre cette liberté.

M. Claude Kern . - Où en est-on en ce qui concerne la réorganisation des missions entre la Fondation et l'Institut français ?

M. Alain-Pierre Degenne . - Je me réjouis de constater que les équipes de la Fondation et de l'Institut français travaillent de manière sereine.

M. Marc Cerdan . - L'ambition de ce projet de rapprochement, outre les économies attendues, est de donner de la clarté au dispositif français à l'étranger. Pour autant, la nature des deux réseaux est très différente. Comme je le disais, l'hypothèse de la fusion a été écartée et le projet vise d'abord à réaffirmer la complémentarité des deux institutions. L'Institut français est un opérateur public relevant du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères qui apporte son concours tant aux instituts français dans le monde, une centaine, qu'aux alliances - elles sont plus de huit cents. L'Institut français n'a donc pas de fonction de « tête de réseau ». Je note d'ailleurs que, jusqu'à présent, les alliances françaises ne bénéficiaient qu'insuffisamment des actions et projets de l'Institut français.

La Fondation Alliance française, elle, est une tête de réseau : elle a pour mission d'animer, de réguler et de développer le réseau autour de ses cadres communs. Or il s'agit d'un réseau très particulier, qui n'a ni lien hiérarchique ou juridique. Il faut donc « tenir » cette communauté mondiale et lui donner de la substance, notamment en renforçant la logique de partenariat. C'est une façon moderne de travailler avec la société civile et de respecter le modèle de l'Alliance française.

M. Alain-Pierre Degenne . - J'en viens à la colocalisation. Le rapprochement physique entre la Fondation Alliance française et l'Institut français répond à un souhait du Président de la République.

En raison du coût très élevé qu'engendrerait une installation de nos équipes à l'Institut français, faire venir son personnel dans notre immeuble a été envisagé comme la meilleure solution. En fait, c'est une fausse bonne idée. Le rapprochement est avant tout dans les esprits ; il doit se faire, sur le terrain, entre les équipes des instituts et celles des alliances. Pour cela, on a besoin de la Fondation Alliance française !

Mettre la main sur le réseau des alliances françaises serait une erreur ; c'est une levée de boucliers assurée !

Les études montrent que faire venir le personnel de l'Institut français dans nos locaux sera une opération coûteuse. En effet, la Fondation Alliance française devra engager une procédure pour faire partir les locataires actuels et entreprendre des travaux. J'en profite pour rappeler que cela fait deux ans que le ministère nous interdit de louer notre immeuble, car il était question que l'Institut français s'y installe, et que nous sommes par conséquent privés de ressources.

Ma première décision en tant que président a été de chercher malgré tout de nouveaux locataires.

Il faut des conditions acceptables pour accueillir l'Institut français dans nos locaux. J'en ai parlé au Président de la République. Si le 14 octobre je n'ai pas de réponse, j'aurai le courage de prendre mes responsabilités.

M. Claude Kern . - Le plan Langue française et plurilinguisme prévoyait l'expansion du réseau des alliances avec dix ouvertures par an, à partir de 2019. Cet objectif est-il atteignable dans le contexte budgétaire contraint ?

M. Alain-Pierre Degenne . - Est-ce à Paris de dire combien il faut d'ouvertures par an ? Je ne le pense pas. Cela s'envisage sur place, et c'est d'ailleurs le rôle des postes diplomatiques. Il faut aussi les moyens de créer ces alliances françaises. On en revient toujours à cette question.

Mme Claudine Lepage . - Un représentant de la Fondation Alliance française siège au conseil d'administration de l'Institut français. La réciproque est-elle vraie ?

M. Alain-Pierre Degenne . - Je suis content que vous me posiez cette question ! Cela fait un an et demi que le président de l'Institut français siège au conseil d'administration de la Fondation Alliance française. La réciproque devait s'exercer. Or ce n'était toujours pas le cas au moment de mon élection. J'ai demandé à Pierre Buhler, le président de l'Institut français, de faire le nécessaire.

J'ai appris la semaine dernière, par le Bulletin officiel, que j'étais nommé membre du conseil d'administration de l'Institut français.

Mme Claudine Lepage . - Dans le contexte actuel, le réseau des alliances françaises locales ne souffre-t-il pas de la concurrence d'autres réseaux culturels (Cervantès, Confucius) ?

Quid de la mutualisation des implantations culturelles et linguistiques avec d'autres pays francophones ?

Sur notre territoire, quel rôle jouent les alliances françaises dans la défense et la diffusion de la langue française auprès des jeunes souffrant d'illettrisme, des migrants, etc. ?

M. Alain-Pierre Degenne . - Les alliances françaises ne souffrent pas de la concurrence avec les instituts étrangers. Au contraire !

À Bordeaux par exemple, où j'étais président de l'alliance française, on travaillait en étroite collaboration avec les alliances étrangères. C'est un atout supplémentaire et cela permet de monter des événements culturels.

À l'étranger, la mutualisation se fait. Il existe même des colocalisations, par exemple à Bologne ou en Angleterre : le Goethe Institut et l'Alliance française sont logés dans le même immeuble. D'autres regroupements de ce type sont envisagés au Portugal notamment.

Quand j'étais président des alliances françaises de France, un rapport a été rédigé sur la façon dont elles pouvaient aider les publics en difficulté. Une convention existe avec le ministère de la culture, qui a justement cet objectif. Aujourd'hui, sept ou huit alliances françaises de France ont un projet en faveur de ce public défavorisé. En outre, une déléguée géographique a été nommée grâce à la subvention du ministère de la culture.

M. Marc Cerdan . - Il n'y a pas de mutualisation formelle à l'étranger entre les alliances françaises et les instituts des pays francophones. Toutefois, la dimension francophone est très présente au sein des alliances françaises. À ce titre, la Semaine de la francophonie est un rendez-vous majeur. Souvent, dans les pays en question, les ambassades des pays francophones se tournent vers l'alliance française, qu'elles identifient comme l'interlocuteur pouvant s'associer à leurs projets.

Mme Catherine Dumas . - Monsieur le président, votre intervention m'a rassurée et inquiétée tout à la fois !

En tant que sénatrice de Paris, je suis au fait des problèmes de l'Alliance française Paris Ile-de-France, notamment autour de son patrimoine immobilier. Je suis rassurée de savoir qu'une solution est en passe d'être trouvée.

Pour les parlementaires que nous sommes, le premier souci porte sur la cohérence de l'action linguistique et culturelle de la France. De ce point de vue, vos propos m'ont plutôt inquiétée. Si la mission Vimont avait pour objet de recentrer, rationaliser et simplifier la Fondation Alliance française, je n'ai pas l'impression que l'on en prenne le chemin !

La colocalisation n'est pas pertinente, selon vous. Pourtant, la localisation commune est présentée comme un atout dans le rapport Vimont. Comment le rapprochement entre la Fondation Alliance française et l'Institut français peut-il se faire si tout le monde veut rester à sa place ? Dans ces conditions, comment peut se faire la mutualisation des actions et des projets ? Comment le Sénat peut-il se saisir de ce sujet ?

Mme Annick Billon . - Monsieur le président, la logique d'indépendance forte dont vous avez parlé peut-elle cohabiter avec un autofinancement et une remise à niveau des établissements à l'étranger ? Nous savons tous que les conditions d'accueil sont parfois surprenantes et ne correspondent pas à l'image que l'on se fait du rayonnement de la France à l'étranger.

Les investissements sont importants et nécessitent une planification. Au regard de cette logique d'indépendance, peut-on les assurer à moyen et long terme ? À Mexico, où une délégation de la commission s'est récemment déplacée, il a été question de montages et de jeux d'écriture pour faire passer des investissements concernant l'Institut français.

M. Jacques Grosperrin . - Monsieur le président, vous avez évoqué les difficultés économiques auxquelles peuvent être confrontées les alliances françaises. Quelle incidence le Brexit peut-il avoir sur leur réseau au Royaume-Uni, en particulier en Irlande ?

Mme Sonia de la Provôté . - Nous avons déjà eu un débat sur le rapprochement entre la Fondation et l'Institut en séance publique. Je note que les choses sont apaisées, à défaut d'être réglées.

Votre modèle économique repose beaucoup sur le mécénat. Constate-t-on une évolution positive ? Les discussions actuelles fragilisent-elles la situation de la Fondation ?

J'en viens aux structures liées au ministère de la culture. Quelles sont vos relations avec les bureaux culture à l'exportation qui dépendent du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ? Travaillez-vous avec ces structures pour mettre en place des politiques concertées ? Le soft power passe par là.

En outre, la dispersion des budgets est sans doute préjudiciable à l'efficacité de notre action à l'étranger.

Enfin, une dernière question : quel est le statut de l'occupation du futur bâtiment A ? Est-ce une mise à disposition ?

M. Marc Cerdan. - Il s'agit d'une donation.

Mme Sonia de la Provôté. - Compte tenu des potentiels problèmes que pourrait soulever l'occupation commune des locaux, avez-vous anticipé ces questions dans votre convention ?

M. Alain-Pierre Degenne. - Madame la sénatrice de Paris, je n'ai jamais dit que le rapprochement ne servait à rien. Au contraire, j'ai dit que j'y étais favorable, mais pas à n'importe quelle condition. Alors que le prix moyen du loyer est de 550 euros le mètre carré, l'Institut ne pourra donner que 440 euros. Je ne peux pas monter mon budget sur ces bases-là.

Ensuite, il y a 162 personnes à installer. Nous n'avons pas la place, un étage étant déjà loué. Faire partir les locataires nous exposerait à des contentieux.

Au départ, ce projet était intéressant, mais quand on regarde les conditions de faisabilité technique, on se rend compte que c'est impossible, ou alors la facture risque d'être lourde. D'ailleurs, je crois savoir que le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères freine des deux pieds.

Si le ministère me dit, avant le 14 octobre, que le budget de la Fondation est garanti pendant les deux ans qui précèdent l'installation, je veux bien, mais, pour l'instant, je n'ai pas de réponse claire.

À ce sujet, nous tenons à votre disposition la note que nous avons adressée au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et au ministère de l'Intérieur.

M. Marc Cerdan. - Nous avons tous la même analyse technique, il n'y a pas assez de place et l'opération est trop coûteuse. En revanche, le rapprochement fonctionnel est bien engagé. Nous avons signé avec l'Institut une convention portant sur trois domaines de collaboration : le suivi et la mise en oeuvre de la démarche qualité dans le réseau ; la professionnalisation des agents du réseau ; les projets culturels et de médiathèques dans le réseau. Sur ces sujets, la Fondation vient en appui de l'Institut, qui est l'opérateur, pour l'aider à mener une action ciblée et efficace.

M. Alain-Pierre Degenne. - S'agissant de la compatibilité entre la logique d'indépendance et les conditions d'accueil, Mme Billon a fait référence à Mexico, mais il faut savoir qu'il y a des cas très différents. Aux États-Unis, par exemple, ils ne veulent pas de l'ambassade, car ils ont des moyens suffisants pour gérer correctement les alliances. À Madagascar, il est évident que la problématique n'est pas la même.

M. Marc Cerdan. - Il se trouve que je connais bien le cas de Mexico. C'est l'institut français qui a des soucis d'investissement, pas l'alliance. Celle-ci a un très beau patrimoine, qui lui permet d'être autosuffisante. La gouvernance, c'est une autre question.

M. Alain-Pierre Degenne. - Monsieur Grosperrin, sur les conséquences du Brexit, je n'ai pas la réponse actuellement. Je vous relaterai simplement une anecdote : il y a quelques années, à Bordeaux, j'ai eu l'occasion d'assister à un entretien entre Alain Juppé et l'ambassadeur britannique, qui réaffirmait la force des liens unissant les deux peuples par-delà cet épisode à venir.

M. Marc Cerdan. - Au contraire, les alliances françaises ont vocation à dépasser les péripéties politiques et institutionnelles.

M. Alain-Pierre Degenne. - À Soweto, pendant l'apartheid, l'alliance française était un lieu où les Sud-Africains pouvaient parler de liberté. Les alliances françaises sont indépendantes politiquement. C'est une force formidable dont il ne faut pas se priver. Nos amis étrangers nous envient ce dispositif d'influence.

Sur le mécénat, M. Clément avait lancé une opération pour le dynamiser. Je dois avouer que les retombées sont très minimes. Il faut relancer cela, mais, pour l'instant, je suis plus préoccupé par les problèmes que nous venons d'évoquer.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Les alliances sont autosuffisantes, certes, mais les situations sont disparates selon les continents et les pays. Nous avons visité, par exemple, l'alliance de Bethléem, qui est très démunie. Il faut être attentif à tout le réseau.

M. Alain-Pierre Degenne. - J'y serai attentif, soyez rassurée. Il existe aussi des alliances dites culturelles, qui ne reçoivent pas d'étudiants, mais qui font un travail de promotion culturelle formidable.

M. Jean-Marie Mizzon . - Vous avez évoqué les dons. Dans votre rapport 2018, j'ai lu le chiffre de 392 000 euros. Je m'attendais à plus, puisqu'il était évoqué une importante collecte de dons. Qu'est-ce que cela devait être dans le passé ?

M. Marc Cerdan. - Notre modèle économique est essentiellement assis sur nos ressources locatives.

Nous avons récemment reçu un legs de 150 000 euros, mais, pour le mécénat, c'est plus compliqué, à cause de la période troublée qu'a traversée la Fondation, mais également de la forte concurrence avec le secteur culturel, sportif, social.

Il faut savoir, enfin, que les dons sont plus facilement mobilisables au plan local, pour le financement de manifestations ponctuelles.


* 1 La mission est composée de trois programmes permanents : le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » qui regroupe les moyens que le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères consacre au fonctionnement de son réseau diplomatique, de son administration centrale, ainsi qu'aux contributions de la France à des organisations internationales, le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » qui finance le réseau consulaire français et le programme 185 relatif à la diplomatie culturelle. En 2019, un programme temporaire 347 avait été introduit pour financer les dépenses liées à la présidence française du G7.

* 2 Décret du 20 juillet 2017, portant ouverture et annulation de crédits.

* 3 Les établissements peuvent, de leur propre chef, exonérer les étudiants extra-communautaires de frais de scolarité, dans la limite de 10 % de leurs effectifs.

* 4 Pour éviter un trop fort effet d'éviction sur les étudiants étrangers qui ne disposeraient pas de ressources suffisantes pour s'acquitter des nouveaux droits d'inscription, le Gouvernement a annoncé le triplement des bourses offertes aux étudiants étrangers. Seraient concernées par cette mesure les 7 000 bourses actuellement distribuées par le ministère des affaires étrangères, les 14 000 bourses d'exonération créées dans le cadre de la réforme qui seront également accordées par le ministère des affaires étrangères, et les 6 000 bourses d'établissement annoncées en sus.

* 5 Université Paris II- Panthéon Assas.

* 6 Notamment les universités de Lille, d'Orléans, de Rennes-I, Clermont-Auvergne.

* 7 Dans sa décision n° 2019-809 QPC du 11 octobre 2019, le Conseil constitutionnel a estimé que l'exigence constitutionnelle de gratuité, affirmée au treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, s'appliquait à l'enseignement supérieur public. Il a toutefois indiqué que cette exigence ne faisait pas obstacle, « pour ce degré d'enseignement, à ce que des droits d'inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants ».

* 8 Lancé le 9 février 2018, le Dialogue de Trianon ou « forum franco-russe des sociétés civiles », vise à renforcer les liens entre les sociétés civiles russes et françaises, en développant de nouvelles opportunités d'échanges (plateformes numériques en ligne, rencontres physiques autour de thématiques...).

* 9 À ce jour, 21 conventions bipartites voire tripartites, fixant des objectifs partagés (travail sur des zones géographiques et des axes privilégiés) et dotées d'un fonds commun financé à parité (un euro de la collectivité = un euro de l'Institut français), permettent d'accompagner les projets internationaux de structures et /ou acteurs culturels et artistiques présents sur ces territoires.

* 10 Rapport présenté le 20 mars 2018 devant l'Institut français.

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