II. FACE À UNE DEMANDE SOUTENUE ET MAL ANTICIPÉE, UN RATTRAPPAGE TARDIF ET INSUFFISANT DES MOYENS CONSACRÉS À L'EXERCICE DU DROIT D'ASILE

La prise en charge des frais afférents à l'exercice du droit d'asile représente toujours près des trois quarts des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (soit 1,5 milliard d'euros en AE et 1,4 milliard d'euros en CP dans le PLF pour 2020). 14 ( * )

Les crédits consacrés à l'asile au sein de la mission continuent ainsi à progresser, de 10 % en AE et de 13 % en CP (alors que, pour mémoire, ils avaient très fortement augmenté l'an dernier : + 36 % en AE et + 18 % en CP).

A. UNE DEMANDE D'ASILE TOUJOURS SOUTENUE, SPÉCIFICITÉ DE LA FRANCE EN EUROPE

La France reste confrontée à un niveau de demandes d'asile inédit et en constante augmentation : en 2018 , l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ( OFPRA ) a enregistré 123 625 demandes 15 ( * ) , soit + 22,7 % par rapport à 2018. Ce nombre constitue un record historique, et place la France au deuxième rang européen (derrière l'Allemagne, avec 184 000 demandes).

Pour mémoire, la hausse des demandes avait déjà été particulièrement élevée l'année dernière (100 613 demandes, soit + 17,4 %). Ainsi, malgré la baisse de la demande d'asile globale en Europe 16 ( * ) après le pic de la crise migratoire en 2015, la France connaît, à rebours de cette tendance, un mouvement de hausse quasi ininterrompu depuis dix ans et particulièrement accentué depuis deux ans.

Cette hausse se poursuivra encore en 2019 , quoique à un niveau probablement moins fort ; les neuf premiers mois de l'année 2019 se caractérisant par une poursuite de la croissance de la demande d'asile déposée en GUDA (+ 16 %) et à l'OFPRA (+ 7,4 %).

Nombre total 17 ( * ) de demandes d'asile (OFPRA)

Source : commission des lois du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

La France demeure un pays de destination privilégié pour les demandeurs originaires de certains pays en guerre ou ayant connu des conflits armés (Syrie, Afghanistan), du Maghreb, de certains pays d'Afrique, notamment francophones (Côte d'Ivoire, Guinée, RDC, Congo, Mali...) et, pour une part non négligeable, de pays d'origine sûrs d'Europe de l'Est (Albanie, Géorgie). Il reste par ailleurs un pays de transit privilégié pour les migrants (à destination du Royaume-Uni, notamment).

La situation de la France en la matière présente plusieurs singularités qui la distinguent de ses voisins européens :

- une proportion importante de demandeurs d'asile placés sous procédure « Dublin » (dont l'examen ressort normalement d'autres États européens vers lesquels ils ont vocation à être transférés pour l'étude de leur demande). Comme l'an dernier, près de 36 % des demandes d'asile déposées aux guichets uniques des préfectures en 2018 relevaient du régime « Dublin », ce qui constitue un nouveau record : au nombre de 41 439 en 2017, ces procédures ont atteint 46 133 en 2018 et, confirmant cette tendance, elles représentent déjà 24 978 lors du seul premier semestre 2019 ;

- une part élevée de demandeurs ressortissants de pays d'origine sûrs 18 ( * ) . En 2018, environ 20 % des demandes d'asile ont été déposées auprès de l'OFPRA par des ressortissants provenant de pays d'origine sûrs.

En 2018, le statut de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire 19 ( * ) ont été accordés à plus de 46 700 personnes (+ 7 % par rapport à 2017).

Très variable en fonction des nationalités, le taux global d'acceptation demeure comme l'an dernier à 27 % auprès de l'OFPRA et à 36 % après recours devant la CNDA. Au 31 décembre 2018, le nombre total de personnes placées sous la protection de l'OFPRA est estimé à 278 765 personnes.


* 14 Ces crédits sont répartis entre l'action 02 (« Garantie de l'exercice du droit d'asile ») du programme 303 et l'action 15 (« Accompagnement des réfugiés ») du programme 104.

* 15 Chiffre total incluant : premières demandes d'asile, demandes de réexamen, demandes de réouverture et mineurs accompagnants inclus. En revanche, ce nombre n'inclut pas les demandes d'asile formulées aux frontières.

* 16 Selon Eurostat, 580 800 primo-demandeurs d'asile ont introduit une demande de protection internationale dans les États membres de l'Union européenne en 2018, un chiffre en baisse de 11 % par rapport à 2017 (654 600) et qui représente moins de la moitié du pic de 2015, lorsque 1 265 600 primo-demandeurs d'asile ont été enregistrés.

* 17 La demande globale s'obtient en additionnant les premières demandes devant l'OFPRA, les demandes réexaminées et les mineurs accompagnés d'au moins l'un de leurs parents demandeur d'asile. Initialement, ces mineurs sont inscrits dans le dossier de leurs parents ; une fois majeurs, ils peuvent faire une demande d'asile à titre individuel.

* 18 La liste des pays d'origine sûrs est déterminée par le conseil d'administration de l'OFPRA. Elle résulte actuellement d'une décision du 9 octobre 2015 et comprend 16 pays. Aux termes de l'article L. 722-1 du CESEDA, « un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne ».

* 19 La protection subsidiaire est accordée à « toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir des atteintes graves » (article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Une carte de séjour d'une durée d'un an renouvelable est octroyée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire (contre une carte de résident d'une durée de dix ans renouvelables pour les réfugiés).

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