EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 2 décembre 2020, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » de la mission «  Défense ».

M. Olivier Cigolotti, co-rapporteur. - Monsieur le Président, chers collègues, la LPM consacre un effort en hausse de 17 % à la préparation des forces et à l'activité opérationnelles.

Si les crédits d'entretien programmé du matériel, l'EPM, bénéficient de 39 % des crédits du programme, soit 4,12 Md€, l'amélioration de l'activité opérationnelle n'apparaît pas comme une réelle priorité du budget 2021.

Les niveaux d'activité et de disponibilité technique opérationnelle sont en dessous des normes. Leur remontée est trop faible. Les contrats verticalités donnent quant à eux des résultats plutôt satisfaisants. Les détails figurent dans le rapport écrit qui vous a été envoyé hier. J'insisterai donc sur quelques constats qui me semblent devoir attirer notre attention et qui seront l'enjeu de l'actualisation de la LPM.

La situation de l'activité opérationnelle et de la disponibilité technique opérationnelle-DTO n'est pas satisfaisante.

La remontée de l'activité opérationnelle aux normes d'activité de l'OTAN a été repoussée à 2025. En clair cela veut dire que nos soldats ne sont pas assez entrainés par rapport aux standards internationaux, et qu'ils ne le seront pas avant au mieux 2025.

Cela n'est plus compatible avec le constat que nous faisons de la multiplication des tensions et des affrontements et du durcissement rapide des conflits.

Les capacités industrielles des acteurs en charge de la maintenance, la résilience et la persistance des chaînes d'entretien des équipements ainsi que la capacité de montée en puissance de ces chaînes et des sous-traitants associés doivent faire l'objet d'une grande vigilance.

Pour respecter les objectifs définis, et en supposant un effort identique pendant chaque annuité de la LPM, les crédits consacrés à l'entretien programmé du matériel, l'EPM devraient s'établir à 4,4 Md€ par an. Nous n'y sommes pas : ce sont 900 millions d'euros qui manquent aux cours des trois premières années d'exécution de la LPM ; il ne sera de même pour les annuités suivantes. D'autres facteurs s'ajoutent encore pour accroître les besoins en EPM. Certains sont conjoncturels, tels que le coût de réparation de la Perle pour 70 millions d'euros et le surcoût lié à l'utilisation d'aéronefs vieillissants du fait de la livraison des 12 Rafale destinés à la Grèce. D'autres facteurs sont structurels et découlent de la mise en oeuvre de la politique de verticalisation des contrats d'EPM, notamment dans le domaine aéronautique. Ces contrats verticalisés se traduisent paradoxalement dans un premier temps par des surcoûts : mise en oeuvre de nouvelles chaînes industrielles d'EPM, remise à niveau des stocks de pièces de rechange étatiques, transférés lors de la mise en oeuvre du contrat verticalisé à l'industriel.

Tous ces facteurs s'ajoutent aux causes qui avaient conduit à l'inscription de 500 M€ supplémentaires pour les deux dernières annuités de la précédente LPM, notamment la projection de nos troupes sur de multiples théâtres d'OPEX et la sur-exécution des contrats opérationnels. L'EPM pour répondre à ces défis devra bénéficier d'au moins 2 Mds supplémentaires lors de l'actualisation de la LPM !

Mes chers collègues, sous réserve de ces observations et en recommandant une grande vigilance en vue de l'actualisation de la LPM, je vous propose d'adopter les crédits du programme 178.

Mme Michelle Gréaume, co-rapporteure. - Monsieur le Président, chers collègues, le modèle de soutien des forces armées, réformé pour accentuer son caractère interarmées il y a une dizaine d'années, a souffert du double effet de la révision générale des politiques publiques et de la précédente LPM 2014-2019, porteuses de fortes attritions des ressources humaines des services de soutien. Les rapports de la commission ont d'ailleurs estimé qu'il y avait un décalage entre les moyens alloués et l'impératif d'efficacité pesant de façon renouvelée sur les services de soutien dans un contexte de plus en plus exigeant, marqué par l'accroissement de la population soutenue avec la remontée de la force opérationnelle terrestre (FOT), le réinvestissement du territoire national avec Sentinelle et Résilience, la multiplicité des théâtres extérieurs et désormais une haute intensité sanitaire.

S'agissant du commissariat des armées (SCA) dont les effectifs ont diminué de 30 % ces 6 dernières années, l'adéquation entre les ressources humaines et les objectifs poursuivis devra faire l'objet d'un suivi attentif tout au long de la LPM afin de s'assurer que la direction centrale n'est pas de nouveau confrontée à une pénurie de moyens humains, comme ce fut le cas lors de la précédente période de programmation. De même, il conviendrait de bâtir des parcours et des carrières permettant la professionnalisation des filières du SCA. À ce jour, le directeur du SCA doit faire face à un défi majeur : le niveau de qualification des personnels affectés, souvent d'un grade inférieur aux profils de poste.

S'agissant du service de santé des armées, durant la précédente LPM, le SSA a perdu 8 % de ses effectifs, soit 1 600 personnels. La LPM 2019-2025 prévoit la stabilisation des effectifs jusqu'en 2023, puis leur remontée modérée au-delà.

La mise en oeuvre du nouveau modèle hospitalier militaire sera l'un des axes de la stratégie SSA 2030 en cours de définition. Les cartes ont été rebattues par la pandémie. Les 8 hôpitaux d'instruction des armées participent à l'offre de soins à l'échelle d'un territoire. Les élus locaux doivent donc être étroitement associés à la définition cette offre de soins.

La difficulté centrale du SSA tient à la trop lente remontée en puissance de la médecine des forces. Faute d'effectifs suffisants, les mêmes personnels supportent la charge de projection du service. Le taux de projection des équipes médicales est supérieur à 100 %, malgré l'apport des réservistes, et il atteint 200 % pour les équipes chirurgicales. Cette sur-sollicitation a des conséquences néfastes sur la fidélisation des professionnels de santé militaires. Pour faire face aux besoins de recrutement, notamment de praticiens contractuels des mesures sont mises en oeuvre : communication ciblée, mesures financières, recrutement en cours de 3e cycle des études médicales pour 36 postes, ouverture de 15 postes d'élèves médecins et 10 postes d'élèves infirmiers supplémentaires chaque année à compter de 2019 au titre de la formation ab initio. Les conclusions du Ségur de la santé vont peser sur l'attractivité du SSA et devront sans doute être compensées dans le cadre de l'actualisation de la LPM.

Enfin, les recommandations relatives à la vaccination contre la Covid en France ne visent pas les militaires. On ne sait pas si cette vaccination sera intégrée aux recommandations vaccinales adressées aux militaires Pourtant, les militaires embarqués ou déployés en OPEX doivent absolument bénéficier de mesures de protection adéquate face à la pandémie. Ce sujet fera l'objet d'un suivi très attentif. Notre commission avait obtenu le dépistage systématique des militaires déployés, si la vaccination ne devait pas être rendue obligatoire, les mesures sanitaires adéquates pour continuer de faire face à la pandémie devront être définies par le SSA. Je me propose d'interroger le gouvernement en séance à ce sujet.

M. Cédric Perrin. - Serait-il possible de donner des précisions sur la diminution prévue de la disponibilité technique du Charles de Gaulle, à l'horizon 2023 ?

M. Olivier Cigolotti, co-rapporteur. - Une adaptation des hangars de munitions sera à prévoir, à cette échéance, notamment.

À l'issue de sa réunion du 2 décembre 2020, la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense.

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