TRAVAUX EN COMMISSION

MERCREDI 2 DÉCEMBRE 2020

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M. Laurent Lafon, président . - Nous poursuivons notre matinée par l'examen de deux avis budgétaires respectivement consacrés aux crédits alloués au « Sport » d'une part et à la « Jeunesse et à la vie associative » d'autre part, au sein du projet de loi de finances pour 2021.

Je cède immédiatement la parole à notre collègue Jean-Jacques Lozach pour nous présenter son avis sur les crédits du « Sport ».

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du sport . - Monsieur le président, mes chers collègues, il aura fallu attendre huit mois pour que le Gouvernement prenne la pleine mesure du choc auquel le mouvement sportif a été confronté depuis le déclenchement de la crise sanitaire. Certes, le secteur du sport a pu pleinement bénéficier dès le printemps des dispositions générales mais ces mesures ne tenaient pas compte du caractère particulièrement préjudiciable de la crise sanitaire pour ce secteur.

Lors de la présentation de ses conclusions le 17 juin dernier, le groupe de travail « Covid-19 - sport » de la commission de la culture avait pourtant établi que « la crise que connaît le secteur du sport était profonde et durable » et constaté par ailleurs qu'à cette date « aucun plan de relance digne de ce nom n'a été présenté et mis en oeuvre ».

Je rappelle que le groupe de travail avait fait plusieurs propositions parmi lesquelles :

- la mise en place d'un plan global pour soutenir le secteur du sport à la rentrée de septembre 2020 ;

- des aides spécifiques financées par un déplafonnement de la « taxe Buffet » ;

- la création d'un crédit d'impôt dédié aux annonceurs dans le sport ;

- et la mise en place d'un « Pass Sport » pour encourager les 14-20 ans à pratiquer un sport en club.

Au lieu de présenter au printemps dernier un plan global pour le secteur du sport comme cela a été fait pour le secteur de la culture, le Gouvernement a réagi au travers d'annonces successives intervenues avec retard à mesure que la situation du secteur se détériorait.

Une première étape a consisté en la mise en place en juin 2020 d'un fonds de solidarité afin de soutenir les petites associations sportives. Ce fonds, opéré par l'Agence nationale du sport (ANS), a été doté d'une enveloppe initiale de 15 millions d'euros financée par redéploiements de crédits de l'agence pour 8 millions d'euros et du ministère des sports pour 7 millions d'euros. Face à l'épuisement rapide de ces crédits, le ministère a tout d'abord envisagé d'abonder le fonds de 4 M€ avant, finalement, d'opter pour sa reconduction en 2021 à hauteur de 15 millions d'euros également.

La présentation du projet de loi de finances (PLF) 2021 a constitué une deuxième étape significative avec d'une part, une hausse des moyens de l'ANS et, d'autre part, la mise en place d'un plan de soutien au secteur du sport.

La hausse de ces crédits reste certes limitée dans le cadre du programme 219 dont les crédits s'élèveront à 436 millions d'euros, soit une progression de 1,84 %. Cette hausse se traduira par un accroissement de 5 millions d'euros des moyens consacrés à la prévention par le sport et à la protection des sportifs.

L'essentiel de la hausse des crédits concerne en réalité le budget de l'ANS qui est alimenté d'une part, par une subvention du programme 219 en légère baisse à 133,2 millions d'euros et, d'autre part, par des ressources issues des taxes affectées à hauteur de 180,54 millions d'euros, contre 146,4 millions d'euros en 2020. En 2021, c'est la totalité du produit de la « taxe Buffet », soit 74,1 millions d'euros qui sera affectée à l'ANS ce qui représente une hausse globale de 34,1 millions d'euros.

On ne peut que se réjouir du déplafonnement de la « taxe Buffet » qui constituait une revendication ancienne de la commission de la culture lors de l'examen de chaque projet de loi de finances.

L'annonce d'une enveloppe de 122 millions d'euros sur deux années, portée à 132 millions d'euros à l'issue de l'examen du budget à l'Assemblée nationale, constitue la deuxième annonce importante concernant la politique en faveur du sport.

Cette enveloppe issue du plan de relance comprend :

- une aide de 40 millions d'euros afin de financer 2 500 emplois prioritairement pour les jeunes de moins de 25 ans dans les associations sportives locales d'ici 2022 ;

- une dotation de 12 millions d'euros afin de proposer aux jeunes les plus défavorisés - 1 500 en 2021 et 1 500 en 2022 - un parcours personnalisé vers une qualification en vue d'un emploi dans les métiers du sport ou de l'animation : c'est le dispositif SESAME ;

- des subventions à hauteur de 50 millions d'euros pour permettre aux collectivités territoriales et aux fédérations et associations sportives de conduire des opérations de rénovation énergétique d'équipements sportifs structurants ;

- une aide de 8 millions d'euros à la transformation numérique des fédérations sportives ;

- un soutien aux fédérations sportives à hauteur de 21 millions d'euros en 2021 pour financer en urgence des actions de soutien à la reprise sportive des clubs dans le cadre des projets sportifs fédéraux (PSF).

Nous avons été nombreux à partager le sentiment du mouvement sportif exprimé en octobre dernier selon lequel le plan de relance n'était pas équilibré puisque seulement 21 millions d'euros étaient destinés aux clubs et que l'essentiel des crédits était fléché vers l'emploi dans le secteur sportif et la transition écologique.

Afin de répondre aux conséquences du huis-clos dans les enceintes sportives, un premier ajustement a été opéré avec l'annonce de la création d'un « fonds de compensation billetterie » doté de 110 millions d'euros à destination des fédérations, des ligues professionnelles et des organisateurs de manifestations sportives qui ont subi des pertes de recettes de billetterie entre juillet et décembre 2020. J'aurais souhaité que ce fonds perdure au moins jusqu'à juin 2021 puisqu'il est peu probable qu'un fonctionnement normal soit rétabli d'ici là. Si cette prolongation n'est pas exclue par le Gouvernement, celui-ci se prononcera en janvier compte tenu de la possibilité annoncée de prévoir des jauges de 20 à 30 % dans les enceintes sportives.

La troisième étape a été marquée par plusieurs annonces faites par le Président de la République le 17 novembre dernier. Le chef de l'État a ainsi confirmé la création du « Pass sport ». Ce dispositif doté de 100 millions d'euros devrait voir le jour en 2021 afin d'aider les publics les plus fragilisés à accéder à des licences sportives.

J'avais proposé depuis deux ans, avec un collègue député, Régis Juanico, la création d'un dispositif similaire dont je rappelle qu'il ne trouvera sa pleine mesure que dans une étroite articulation avec les initiatives similaires des collectivités territoriales afin d'atteindre un montant d'environ 300 euros prenant en charge le coût de la licence mais également la cotisation au club. J'insiste également sur la nécessité de créer un dispositif pérenne et pas seulement conjoncturel, ainsi que sur l'intérêt de viser la classe d'âge des 14/20 ans et pas seulement des publics fragilisés. Le ministère des sports estime qu'un bilan devra être fait à l'issue de la première année d'application afin d'engager dans un second temps des mesures pérennes en faveur de la réduction des inégalités dans l'accès à la pratique sportive.

Par ailleurs, afin de répondre à la situation des clubs qui subissent une perte de chiffre d'affaires sans avoir été fermés administrativement, l'État a décidé de leur accorder des allègements de cotisations sociales patronales dans le cadre d'une enveloppe de 105 millions d'euros.

Concernant maintenant les autres aspects du budget et notamment la préparation des Jeux olympiques, une nouvelle hausse est prévue en 2021 pour doter le programme 350 de 234,1 millions d'euros en crédits de paiement dont 225,6 millions d'euros accordés à la Solidéo. La préparation des Jeux olympiques franchit aujourd'hui un nouveau cap avec, d'une part, une remise à plat de la carte des installations olympiques afin de réaliser des économies et, d'autre part, la fin des études et la préparation de la phase de construction compte tenu d'une livraison des équipements prévue en septembre 2023.

Le directeur général de la Solidéo estime que le calendrier est tenu avec l'achèvement de la phase de conception. Le premier trimestre 2021 marquera le début de la phase de construction. L'enveloppe financière définie en 2016 devrait être respectée.

L'abandon du projet de transfert obligatoire des conseillers techniques sportifs (CTS) aux fédérations sportives n'a pas mis un terme aux interrogations sur l'avenir de ces cadres indispensables. Le ministère des sports indique que l'arrêt de la réforme statutaire doit permettre d'engager une réforme managériale.

Cette réforme managériale devrait se traduire par une réorientation de certains CTS vers les politiques publiques prioritaires, des redéploiements en fonction des projets stratégiques des fédérations sportives, un repositionnement afin de permettre aux CTS de travailler sur des sujets transversaux, la mise en place d'une formation continue au sein d'une nouvelle « école des cadres » et une reprise des recrutements par concours. L'ensemble de ces actions doit permettre aux CTS d'apporter « un appui transversal » au monde du sport.

Le soutien aux fédérations sportives est maintenant opéré par l'ANS à travers des conventions d'objectifs et les projets de performances fédéraux (PPF). L'ANS bénéficiera d'une subvention de 90 millions d'euros - qui pourrait être augmentée compte tenu des annonces récentes - au titre de la haute performance et du haut niveau. Ces crédits seront utilisés notamment pour soutenir les athlètes via des bourses, développer la recherche sur les datas, favoriser l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau et financer des équipements structurants pour le haut niveau.

Les moyens de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) augmenteront en 2021 de près de 0,8 million d'euros à 23,7 millions d'euros en crédits de paiement. L'articulation entre l'Insep et l'ANS demeure un sujet de préoccupation compte tenu du fait que la stratégie du haut niveau relève maintenant de la compétence du manageur de la haute performance. L'ANS a présenté début octobre son plan de transformation pour la haute performance dénommée « Ambition bleue » préparé sans véritable coordination avec l'Insep. Une plus grande coordination entre ces deux instances me semblerait valoir la peine d'être recherchée.

L'enjeu de 2020 consistait pour les Creps à nouer une relation solide avec l'ANS. Il apparaît que cette relation pourrait prendre une forme institutionnelle, les Creps étant amenés à constituer les relais de l'agence sur le terrain.

Selon son directeur général, l'ANS prévoit de transférer des compétences aux Creps par voie de convention ce qui pose la question des régions dépourvues de Creps. Je rappelle le souhait ancien de la commission que chaque région puisse bénéficier d'un Creps.

Concernant la lutte contre le dopage, nous ne pouvons que constater, à nouveau, la situation financière tendue de l'Agence française de la lutte contre le dopage (AFLD) qui ne dispose toujours pas d'une dotation lui permettant de faire face à l'accroissement de ses missions ni d'atteindre l'objectif de 10 000 prélèvements annuels.

Le projet de nouveau laboratoire constitue par ailleurs une source de préoccupation. Le maintien à Châtenay-Malabry occasionnera, en effet, un loyer annuel de 250 000 euros en 2021 et 2022 payé au conseil régional d'Île-de-France, propriétaire du site. Quant aux études conduites pour le nouveau site en 2020 à hauteur de 695 000 € qui ne bénéficiaient d'aucun crédit de paiement dans le PLF 2020, elles feront l'objet d'un report de charges en 2021 et seront financées sur l'enveloppe de 5,4 millions d'euros prévue dans le cadre du programme 350.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, et notamment des nouvelles mesures décidées par l'État, je propose à la commission d'émettre un avis favorable sur l'adoption des crédits des programmes 219 et 350 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2021.

M. Michel Savin. - Jean-Jacques Lozach vient de nous brosser un tableau tout à fait réaliste de la situation du sport amateur et du sport professionnel dans notre pays.

Je limiterai mon propos au sport, même s'il faut dire combien il est difficile de se positionner cette année vis-à-vis de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » au regard de la diversité de ses programmes budgétaires. Le programme 350 enregistre une hausse substantielle, mais celle-ci est liée à la perspective des Jeux olympiques de 2024, puisque ce programme finance quasi exclusivement la Solidéo. Le programme 219, qui concerne la politique du sport stricto sensu , ne progresse pas dans les mêmes proportions, avec une légère hausse de 8 millions d'euros. Entre les sommes résultant des taxes affectées et la revalorisation des crédits votée par l'Assemblée nationale, le budget « Sport » progresse, au final, de 42 millions d'euros.

Je regrette la suppression des 38 postes de CTS dans la perspective des différentes échéances olympiques à venir et je m'inquiète du devenir de ces professionnels. Je déplore la situation budgétaire de l'INSEP qui, faute de moyens, rogne sur ses dépenses, que ce soit l'entretien de ses équipements ou l'investissement, au risque de conséquences regrettables pour la préparation de nos athlètes pour Paris 2024. Je considère également la situation financière de l'AFLD inquiétante dans cette période préolympique. Je tiens toutefois à saluer l'augmentation des crédits de l'ANS, même si ce n'est pas encore suffisant, pour le soutien au développement des pratiques sportives et l'accompagnement de la haute-performance. Par contre, il serait important qu'il y ait un effort significatif en direction des fédérations, mais aussi en direction des collectivités territoriales dans le cadre des investissements qui, je le rappelle, ont subi une baisse de 10 millions d'euros en 2020. Je salue la mesure nouvelle de 3,5 millions d'euros visant au financement des maisons sport-santé. Il demeure toutefois la question de la formation des encadrants et surtout du remboursement des séances de pratique.

Si nous étions dans une période normale, nous pourrions nous satisfaire de ce budget. Mais nous sommes dans une période de crise sans précédent, où le sport, qu'il s'agisse du sport amateur, du sport de haut niveau ou du sport professionnel, est en grande souffrance. Les annonces faites par le Président de la République et le Gouvernement ne se traduisent pas dans le budget du sport pour 2021. Le Président a annoncé 400 millions d'euros en faveur du sport, mais nous savons que ces chiffres ne reflètent pas la réalité. Le budget ne comporte aucune mesure concernant la mise en oeuvre du « Pass sport ».

Nous avons pris nos responsabilités au Sénat en votant 130 millions d'euros de crédits supplémentaires pour l'ANS en première partie, répartis entre le lancement du « Pass sport » pour 30 millions d'euros, le soutien au sport amateur pour 50 millions d'euros, et l'aide au sport professionnel touché par les pertes de billetterie pour 50 autres millions d'euros.

Dans ces conditions, le groupe Les Républicains s'abstiendra sur l'avis proposé par notre rapporteur, en attendant de connaître la position de la ministre en séance sur les avancées votées par le Sénat en première lecture.

M. Claude Kern. - Un budget est généralement la traduction de priorités politiques. Nous regrettons que ce budget ne démontre pas une approche plus pragmatique et pérenne. Certes le budget est en hausse, mais dans le contexte de la crise sanitaire, le Gouvernement aurait dû s'engager davantage en faveur du sport, qui a un rôle plus que jamais crucial en faveur de l'éducation, de la cohésion sociale, de l'insertion, de la santé et du développement durable. Nous estimons que les collectivités territoriales restent insuffisamment soutenues, alors que ce sont dans les territoires que s'entraînent les champions de demain. Les crédits pour le sport amateur nous paraissent en deçà des besoins nécessaires pour assurer son avenir. Les équipements sportifs sont aujourd'hui vieillissants et inadaptés. Le sport professionnel est également en souffrance du fait de l'arrêt des compétitions et des rencontres à huis-clos, qui lui font perdre une bonne partie de ses recettes. Je tiens à saluer les récentes annonces concernant des mesures de compensation ou des mesures de soutien. Mais, ces annonces n'ont pas de traduction budgétaire à ce stade. Ce sont 158 millions d'euros promis qui ne sont pas financés. Malgré ces réserves, le groupe Union centriste suivra l'avis du rapporteur.

Mme Sabine Van Heghe. - Le groupe socialiste, écologiste et républicain suivra l'avis du rapporteur sur les crédits du sport, avec plusieurs réserves. Les clubs sportifs ont des besoins de financement, en particulier en milieu rural, après la cessation d'activité de plus de 4 000 clubs. Le manque de professeurs d'éducation physique est aujourd'hui une source d'affaiblissement pour le sport à l'école. Le sport amateur et le sport professionnel ne sont pas suffisamment considérés, comme l'a d'ailleurs indiqué le CNOSF dans un récent courrier adressé au Président de la République. De nombreuses inégalités d'accès au sport demeurent, en particulier pour les jeunes filles. Le « Pass sport » pourra-t-il les résorber ? J'ai le sentiment que nous avons perdu beaucoup de temps sur cette question et que cet outil aurait pu être mis en place plus tôt.

Mme Céline Brulin. - Comme notre rapporteur, je regrette que le Gouvernement ait mis huit mois à réaliser l'ampleur de la crise dans le domaine sportif. C'est tout notre modèle sportif qui est aujourd'hui encore plus affaibli. D'où un avis en demi-teinte, surtout si l'on exclut les crédits du programme 350, lié aux Jeux olympiques, dans la mesure où il s'agit d'un programme conjoncturel. Le déplafonnement de la taxe Buffet est positif. Mais, les annonces qui ont été faites ces dernières semaines en faveur du sport ne se traduisent pas dans le projet de loi de finances, dans la mesure où elles sont arrivées trop tardivement. Il en résulte des frustrations, parfaitement compréhensibles, dans le mouvement sportif. Je crois, pour ma part, que la crise sanitaire renforce pourtant encore davantage l'importance du sport dans les années à venir, que ce soit en termes de santé ou de cohésion sociale. C'est ce qui nourrit mes inquiétudes autour du sport amateur, insuffisamment doté, en comparaison du sport de haute performance. Les collectivités territoriales ont besoin d'être soutenues.

M. Jacques Grosperrin . - J'aurai deux questions relatives aux mesures annoncées par le Président de la République en novembre dernier. Les 100 millions d'euros pour la création du « Pass sport » ne sont apparemment pas financés : pourriez-vous nous préciser cela ? Il est prévu d'attribuer 5 000 services civiques au secteur « sport ». Or on a l'impression qu'il y a une cavalerie de trésorerie ; les associations sont inquiètes et n'ont pas la visibilité suffisante pour s'engager dans de nouveaux projets.

M. Laurent Lafon, président . - Je précise que ces deux mesures relèvent, pour la première, de l'avis budgétaire « sport », pour la seconde, de l'avis budgétaire « jeunesse et vie associative », que nous allons examiner juste après.

M. Pierre Ouzoulias . - M. Jean Castex, alors délégué interministériel en charge des Jeux olympiques, avait évoqué devant notre commission la question des aménagements de transport nécessaires à l'accueil de cet évènement. Aujourd'hui, un certain nombre d'entre eux sont fortement compromis par la crise. Il serait utile de faire le point sur ce dossier. Nous nous orientons vers une situation peu satisfaisante pour les usagers. Or il y a une question de fond derrière : si nous ne parvenons pas à faire accepter les Jeux olympiques par la population, il y aura de moins en moins de villes candidates. Il faut s'en soucier dès maintenant.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis . - Sur ce budget 2021, nous partageons avec mes collègues Michel Savin et Claude Kern le même état des lieux.

La situation de la politique du sport et de son financement devient, au-delà du contexte sanitaire actuel, très complexe. Si le montant du budget était à la hauteur de cette complexité, il ne se limiterait pas à 0,14 % du budget de l'État ! Mais cela n'est pas nouveau.

Les 3 milliards d'euros présentés dans le bleu budgétaire concernent essentiellement le sport professionnel de haut niveau : les secteurs fédéré et associatif passent sous les radars.

Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, 132 millions seront consacrés au sport sur deux ans. Mais nous ne voyons pas encore aujourd'hui leur traduction budgétaire. Un « Pass sport », doté de 100 millions d'euros, a été annoncé, l'ANS a été mandatée pour le mettre en oeuvre. Mais son directeur, lors d'une récente réunion de pilotage, a indiqué que le sujet de son financement serait traité dans un projet de loi de finances rectificative en mai ou juin 2021. Beaucoup d'annonces n'ont donc pas été suivies d'effet en termes budgétaires.

Quelques mesures sectorielles ont toutefois été prises pendant la crise ; je pense notamment au secteur hippique et à la filière équine.

Le rôle central joué par l'ANS participe de cette complexité accrue. Je rappelle que, dans une décision récente, le Conseil d'État a annulé l'arrêté portant approbation de la convention constitutive du groupement d'intérêt public (GIP), statut sous lequel a été créée l'ANS. Sur les 436 millions de crédits du programme 219, 304 millions, soit les trois quarts, sont fléchés sur l'Agence. C'est désormais un GIP, dont l'État n'est qu'une des quatre composantes, qui définit la politique sportive du pays ! Le périmètre du ministère se limite désormais à : une action normative - arrêter la liste des sportifs professionnels -, une action internationale - contribuer à la préparation des grands évènements sportifs internationaux -, une action interministérielle : « sport et santé » ; « sport et handicap » -, et à une action en faveur de l'éthique du sport.

À cela s'ajoute la nouvelle configuration ministérielle, le sport étant intégré à un grand ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Une restructuration est aussi en cours au niveau de nos territoires avec les nouvelles directions régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et au sport (DRAJES). Il devient très compliqué de se retrouver dans ce paysage administratif.

S'agissant des CTS, le projet de transfert aux fédérations sportives a été abandonné, ce qui a permis un certain apaisement. Mais la situation demeure très perfectible en termes de formation et de répartition entre les différentes fédérations. On est toujours sur un rythme de 40 suppressions de postes de CTS par an, par non remplacement de départs en retraite. Pourtant, on sollicite de plus en plus le secteur du sport, par exemple dans le cadre des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), où un volet sportif est imposé. Les CTS interviennent aussi à ce niveau. Or, dans une récente lettre ouverte, des maires de ces quartiers dénoncent l'absence d'avancée en termes d'équipement et d'animation.

Concernant l'AFLD, la situation financière est tendue : elle a puisé depuis des années dans ses réserves de trésorerie. On est loin de l'objectif de 10 000 prélèvements annuels. Je rappelle qu'il s'agit d'une autorité administrative indépendante (AAI), pas d'un opérateur national. Elle reproche au ministère l'absence de perspective. Celui-ci lui demande en effet de faire toujours plus avec les mêmes moyens !

La souffrance du monde sportif concerne tous les secteurs, professionnel, amateur, associatif. Des dizaines de fédérations sportives sont aujourd'hui en grande difficulté pour boucler leur budget. Le nombre de licenciés pourrait baisser de 25 % voire de 35 % s'agissant de la natation. Un autre secteur est particulièrement éprouvé, celui des loisirs sportifs marchands, qui comprend les salles de sport, de fitness, d'escalade, de stretching, etc. Ces structures ne rouvriront pas avant le 15 janvier prochain. Selon les chiffres qu'on nous a transmis, leurs pertes s'élèveraient à un milliard d'euros.

Et quand on y regarde de plus près, on constate qu'il y a des disparités en termes de taux de TVA : alors que les parcs de loisir, les accrobranches, les salles de trampoline bénéficient d'un taux réduit, les salles de sport se voient appliquer le taux normal. Ces inégalités sont à supprimer.

Le foot professionnel, dont il est beaucoup question dans les médias, accuse, quant à lui, 700 millions d'euros de pertes, soit un quart du chiffre d'affaires des clubs.

Face au projet de budget présenté par le Gouvernement, le Sénat a pris ses responsabilités en adoptant des amendements prévoyant des financements supplémentaires. Ce que nous attendons maintenant, c'est le financement du « Pass sport ». J'estime, pour ma part, que ce nouvel outil devrait cibler la tranche des 14-20 ans ; l'on sait en effet que la rupture dans la pratique sportive se situe à la sortie du collège, à la sortie du lycée et à la fin de la première année d'études supérieures. Un besoin de financement complémentaire venant des collectivités territoriales sera aussi nécessaire ; certaines ont d'ailleurs déjà mis en place des dispositifs similaires. Surtout, ce « Pass sport » devrait avoir vocation à devenir un élément structurel, et non pas seulement conjoncturel, de notre politique sportive. Il faut être plus ambitieux : passer son montant de 50 euros à 300 euros et viser plus loin que la seule aide à la reprise d'une licence sportive. C'est un dossier à suivre...

Sur la question des équipements sportifs, notre parc est aujourd'hui très vétuste. Un cinquième a plus de cinquante ans. Selon un rapport de la Cour des Comptes, 21 milliards d'euros seraient nécessaires pour le rénover ! Dans le plan de relance, 50 millions d'euros y sont consacrés, autant dire qu'on est loin du compte...

Le sujet du sport à l'école me préoccupe aussi. Le ministère en fait l'une de ses priorités. Mais son document programmatique m'est apparu confus à la lecture : dans quel cadre se déploie cette priorité ? Qui la finance ? Qui l'organise ? Je crains que tout cela ne se termine en expérimentation... Seuls deux volets sont précisés et financés, le programme « aisance aquatique » et le plan « savoir rouler à vélo » à l'entrée au collège. Je rappelle qu'un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) classe la France 119 ème sur 146 pays en matière d'éducation physique. En primaire, trois heures par semaine devraient être consacrées à la pratique sportive, on en est loin.

S'agissant du sport féminin, la Conférence permanente créée en 2017 est en panne. Le ministère le reconnaît. Elle doit être relancée.

Concernant les infrastructures de transport pour la préparation des Jeux olympiques, il y a clairement une volonté de rationaliser les dépenses. Dans le dossier de candidature de Paris, 70 millions d'euros étaient prévus pour le Stade de France. Seuls 50 millions d'euros sont aujourd'hui inscrits. Cette enveloppe, qui intègre aussi la périphérie du stade, ne porte pas sur les équipements sportifs à proprement parler.

M. Jean-Raymond Hugonet . - C'est le troisième débat budgétaire sur le sport auquel je participe où j'ai l'impression qu'on se laisse mener en bateau. Le sport reste peu considéré. C'est pourquoi je crois qu'il faudra à un moment poser un acte fort. Les Jeux olympiques sont l'arbre qui cache la forêt. Il y a un retard considérable sur les équipements. Il faut savoir qu'il ne pourrait pas y avoir de sport dans les écoles sans la participation des communes.

M. Michel Savin . - Il faut envoyer un signal sur le fait que les crédits budgétaires ne sont pas en phase avec les annonces du Gouvernement. Plusieurs dispositifs annoncés par le Président de la République ne font pas l'objet d'inscriptions de crédits dans ce budget.

Mme Céline Brulin . - Nous nous abstenons sur l'avis mais nous voterons contre les crédits lors du débat en séance publique.

M. Laurent Lafon, président . - Je vous remercie.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 219 consacré au sport et 350 consacré aux équipements olympiques au sein du projet de loi de finances pour 2021.

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