Avis n° 144 (2020-2021) de M. Jean-Pierre SUEUR , fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 novembre 2020

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N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 ,

TOME X

POUVOIRS PUBLICS

Par M. Jean-Pierre SUEUR,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Mikaele Kulimoetoke, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 18 novembre 2020, sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône) , la commission des lois a examiné, sur le rapport pour avis de Jean-Pierre Sueur 1 ( * ) , les crédits de la mission « Pouvoirs publics » inscrits au projet de loi de finances pour 2021 .

Celui-ci a rappelé que le montant total des dotations de la mission s'établit à 993,9 millions d'euros, en quasi-stagnation (baisse d'environ 0,05 % par rapport à l'année précédente) :

- la dotation qu'il est prévu d'allouer à la présidence de la République s'élève à 105,3 millions d'euros , soit une très légère baisse de 0,02 %, après une hausse au cours des deux exercices précédents ;

- la dotation demandée par le Conseil constitutionnel s'élève à 12,02 millions d'euros ; en baisse d'environ 3,9 % par rapport à 2020, elle est en réalité stable si l'on tient compte de la non-reconduction du budget exceptionnel qui avait été alloué au contrôle de la première procédure de référendum dit « d'initiative partagée » ;

- la dotation sollicitée par la Cour de justice de la République s'élève à 871 500 euros , montant identique aux années précédentes, même si l'activité de la Cour connaît un regain d'activité considérable liée aux plaintes déposées contre les membres du Gouvernement à l'occasion de la pandémie de Covid-19.

Sur la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics » inscrits au projet de loi de finances pour 2021.

Eu égard à ses nouvelles fonctions de Questeur du Sénat, le rapporteur a concentré ses observations sur les budgets de la Présidence de la République, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République. Il renvoie pour les autres budgets relevant de la mission « Pouvoirs publics » (assemblées parlementaires et « La chaîne parlementaire ») au rapport très précis du rapporteur spécial de la commission des finances 2 ( * ) .

I. UNE AUTONOMIE DES POUVOIRS PUBLICS QUI N'ALTÈRE PAS LA PARTICIPATION À L'EFFORT NATIONAL

L'autonomie financière des institutions qui composent la mission « Pouvoirs publics », justifiée par « la sauvegarde du principe d'autonomie des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs » 3 ( * ) , ne saurait exempter ces dernières d'une juste contribution à l'effort national de redressement des finances publiques.

Au titre de l'exercice 2021, le montant total des crédits octroyés par le projet de loi de finances dans le cadre de la mission « Pouvoirs publics » s'élève à 993,9 millions d'euros , soit une légère baisse de 0,05 % par rapport à la précédente loi de finances initiale.

Après deux années consécutives de hausse de ses dépenses 4 ( * ) et de la dotation allouée, la présidence de la République parvient cette année à une plus grande maîtrise de son budget , la dotation sollicitée pouvant en conséquence être modestement réduite (de 16 000 euros). Le rapporteur y voit notamment l'effet positif de la création d'un poste de directeur général des services et la conséquence de l'application, depuis 2017, d'un nouveau cadre budgétaire et comptable.

La dotation du Conseil constitutionnel retrouve peu ou prou le niveau de ce qui avait été alloué en 2019, après une année 2020 au cours de laquelle un abondement spécifique de 765 000 euros avait été dédié à la première application du référendum dit « d'initiative partagée ». Le Conseil constitutionnel a en effet assuré le contrôle, avec le concours du ministère de l'intérieur, du recueil des soutiens apportés à cette initiative 5 ( * ) .

La dotation de la Cour de justice de la République sera reconduite pour 2021 , malgré une augmentation probable des frais de justice d'environ 200 000 euros, grâce au report du solde de la dotation non consommée au titre de l'année 2020 6 ( * ) .

Au total, les crédits de la mission pour 2021 équivalent au niveau médian des crédits annuels depuis 2012 :

Total des crédits de la mission pouvoirs publics depuis 2012

Ouverts en LFI pour 2012

Ouverts en LFI pour 2013

Ouverts en LFI pour 2014

Ouverts en LFI pour 2015

Ouverts en LFI pour 2016

Ouverts en LFI pour 2017

Ouverts en LFI pour 2018

Ouverts en LFI pour 2019

Ouverts en LFI pour 2020

Sollicités pour 2021

997 257 303

991 265 739

989 987 362

988 015 262

987 745 724

990 920 236

991 742 491

991 344 491

994 451 491

993 954 491

Source : rapports annuels de performances

Contrairement aux années précédentes, l'examen des crédits alloués à la mission « Pouvoirs publics » par la commission des lois s'effectuera dans une optique autant budgétaire qu'institutionnelle, puisque des travaux plus conséquents seront consacrés, lors de la session ordinaire en cours, à un thème en lien avec à l'activité des pouvoirs publics.

Enfin, le présent rapport ne comporte aucun développement spécifique à la dotation de la Haute Cour, à laquelle aucun crédit n'est alloué en l'absence de réunion prévisible, ni aux « indemnités des représentants français au Parlement européen ». Depuis les élections européennes de 2009, ces dernières sont en effet directement prises en charge par le Parlement européen et, de ce fait, aucun crédit n'a été ouvert à ce titre depuis 2010 sur cette dotation de la mission « Pouvoirs publics ». Le rapporteur s'interroge donc, comme il l'a fait au cours des précédentes lois de finances, sans pour autant que cela soit suivi d'effets, sur l'intérêt de maintenir l'existence d'une telle dotation qui est devenue purement formelle.

II. LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE EN 2021 : DES DÉPENSES CONTENUES

Le rapporteur tient à souligner à titre liminaire les conditions dans lesquelles le présent rapport a dû être élaboré. Comme l'année dernière, le directeur de cabinet de la présidence de la République a refusé de donner suite à ses demandes d'audition, se retranchant derrière l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, lequel confère aux commissions des finances de chaque assemblée un pouvoir d'audition dans le cadre de l'examen des projets de loi des finances.

À nouveau, il doit être souligné que cette disposition organique ne confère nullement une exclusivité aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances comme interlocuteurs de la présidence de la République. Ce serait faire abstraction de la fonction d'« évaluation des politiques publiques » que l'article 24 de la Constitution confère au Parlement dans son ensemble et, en l'occurrence, à chaque commission saisie pour avis de la loi de finances. Une telle audition avait d'ailleurs été organisée sans aucune difficulté lors des années précédant l'année 2019. Certaines des données mentionnées dans le présent rapport à propos de la Présidence de la République sont donc issues des documents annexés au projet de loi de finances, d'autres des documents fournis à la commission des finances du Sénat.

Le rapporteur formule donc de nouveau le souhait qu'une telle situation ne se renouvelle pas à l'avenir, notamment pour permettre aux parlementaires de se prononcer en connaissance de cause sur le projet de loi de finances. Il aurait notamment semblé particulièrement utile de pouvoir recueillir, afin de les exposer aux membres de la commission des lois, les éléments d'explication sur la bonne application des règles de la commande publique par la Présidence de la République.

Les explications demandées sont d'autant plus légitimes, qu'elles concernent celui des budgets de la mission « Pouvoirs publics » dont la dotation a le plus augmenté, en valeur absolue, ces trois dernières années, en une période où des efforts importants sont demandés à chaque Français.

La présidence de la République applique depuis le 1 er janvier 2017 un règlement budgétaire et comptable , signé le 29 novembre 2016 et actualisé le 29 mars 2019, qui reprend en grande partie les normes applicables à la gestion publique et notamment les dispositions du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP).

Ce règlement fixe un cadre budgétaire et comptable formalisé tout en préservant le principe général d'autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels, rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 2001 précitée.

La présentation du budget décline les crédits sous la forme d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, s'appuyant sur la destination de la dépense qui peut emprunter deux orientations :

- l'action présidentielle , qui correspond aux crédits permettant d'assurer les fonctions de représentation ainsi que les missions militaires et diplomatiques attachées au Chef de l'État : déplacements internationaux et nationaux, organisation des réceptions au Palais de l'Élysée ;

- l'administration de la présidence , qui concerne la gestion des personnels, l'administration générale, la gestion immobilière, les moyens généraux, les télécommunications et l'informatique, la sécurité ainsi que l'action sociale interne.

A. UNE RÉORGANISATION DES SERVICES QUI PORTE SES FRUITS

Le budget de la présidence de la République pour 2021 s'élève à 109,2 millions d'euros en crédits de paiement , soit une légère diminution de 1,21 % par rapport à l'exercice 2020, après une hausse de 3,4 % entre la loi de finances initiale pour 2019 et celle pour 2020.

Évolution des dépenses de la présidence de la République
entre 2019 et 2021 (en euros)

Source : annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2021

1. Des dépenses de personnels contenues

Pour 2021, les dépenses de personnel représentent 64,1 % du budget et diminuent de 0,6 % par rapport à 2020. Cette diminution s'explique par une maîtrise des effectifs, autour d'un schéma d'emplois plafonné à 825 ETP , et de la politique salariale.

Depuis le 1 er avril 2019, les services de la Présidence de la République sont organisés autour de quatre directions, contre dix-sept auparavant :

- la direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR) , qui regroupe l'ensemble des services oeuvrant à la sécurité de la présidence, avec la mise en commun des effectifs du commandement militaire et du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), qui est chargé de la protection rapprochée du Président et de la sécurisation physique des sites présidentiels ;

- la direction des opérations (DIROP), qui organise l'ensemble des événements liés à l'agenda du Président de la République comme les réceptions, les cérémonies ou les déplacements ;

- la direction de la communication (DIRCOM) ;

- la direction des ressources et de la modernisation (DRM) qui supervise l'ensemble des fonctions support.

Un plan de performance est décliné au sein de chaque direction, qui doit identifier et mettre en oeuvre des leviers de performance. Le rapporteur partage le point de vue de la Cour des comptes, laquelle indique que « la présidence de la République a réussi à conduire dans des délais contenus une réforme d'ensemble de ses services sans dysfonctionnement notable et en obtenant de premiers résultats » 7 ( * ) . La création d'un poste de directeur général des services , également membre du cabinet, n'est sans doute pas étrangère au succès du nouveau dispositif, qui permet au directeur de cabinet de concentrer son activité sur d'autres aspects que le fonctionnement quotidien des services.

2. Des dépenses de fonctionnement qui devraient diminuer en 2021

Les dépenses de fonctionnement courant diminuent de 2,9 % en 2021 . Elles regroupent les dépenses rattachées à l'action présidentielle , soit principalement les réceptions organisées au palais de l'Élysée dans le cadre de l'activité diplomatique et nationale du Président de la République ainsi que les dépenses rattachées à l'administration de la présidence , incluant les frais inhérents au fonctionnement de chaque service, la gestion immobilière, les frais de télécommunications, les installations informatiques, l'action sociale interne et enfin la sécurité des personnes et des biens.

L e rapporteur souscrit pleinement au renforcement des moyens de sécurité de la présidence de la République depuis 2018, dans le contexte terroriste que nous connaissons , en particulier au regard de la vague de protestations contre la France depuis octobre 2020. Il note que ce renforcement n'a pas eu d'effet démesuré sur les frais de fonctionnement. En effet, les services de la présidence de la République sont partiellement parvenus à compenser les lourdes dépenses induites en la matière par des économies sur d'autres postes.

Au-delà de la sécurité des personnes et des biens, les risques portent également sur les systèmes de télécommunications et informatiques. La hausse, depuis 2018, des effectifs affectés à la sécurité s'accompagne donc d'un accroissement des moyens de contrôle et de prévention des risques à la présidence de la République lui aussi totalement justifié. Ce renforcement concerne les moyens de ce qui est devenu la DSPR : blindage des véhicules d'escorte 8 ( * ) , renouvellement du parc radio, des équipements voués à la géolocalisation et des équipements individuels d'entraînement et de protection, achat et maintenance de nouveaux matériels de sécurité, de protection périmétrique, de contrôle et de détection et mise à niveau du parc de vidéo-surveillance.

3. Les déplacements présidentiels : un poste toujours important en 2021

Les crédits pour 2021 restent à un niveau presque identique à ceux prévus en 2020, malgré le report de déplacements dû à la crise sanitaire. Plusieurs déplacements coûteux, dont certains étaient planifiés en 2020, ont en effet vocation à être réalisés en 2021 (Jeux olympiques au Japon, déplacements outre-mer). Ces dépenses restent toutefois étroitement liées à l'activité diplomatique et à l'agenda politique du Président et sont donc, comme chaque année, susceptibles d'évoluer en cours d'exercice ; un recours accru à la visio-conférence constituerait une source d'économies.

L'impact de la crise sanitaire liée à la Covid-19
sur l'exécution du budget 2020

La crise sanitaire a de facto conduit à une baisse des déplacements présidentiels . La présidence de la République a ainsi, dans le cadre des entretiens de gestion intermédiaires, décidé de réorienter ces crédits pour financer des mesures sanitaires en interne, le léger surcoût des chantiers immobiliers dû à leur allongement de quelques mois ainsi que des dépenses d'investissement (informatiques, audiovisuelles, mobilières et immobilières).

L'exercice 2020 devrait néanmoins être légèrement excédentaire , selon la présidence de la République, et pour la seconde année consécutive sans prélèvement sur les fonds propres dont le niveau n'est pas altéré.

Source : Rapport spécial de la commission des finances du Sénat

4. La stabilité des dépenses d'investissement

Les dépenses d'investissement s'élèvent pour 2021 à 7,4 millions d'euros , contre 7,6 millions d'euros en 2020, soit une diminution de 2,6 %. Il s'agit d'un montant relativement stable, après une hausse conséquente entre 2019 et 2020 , qui permet de rattraper l'essentiel du retard pris ces dernières années. Malgré cette légère diminution, la mise en oeuvre du plan pluriannuel d'investissement se poursuit , notamment avec la modernisation des infrastructures informatiques, numériques et audiovisuelles (3,4 millions d'euros).

B. UNE BAISSE DE LA DOTATION MAIS UN RECOURS TOUJOURS NÉCESSAIRE AU PRÉLÈVEMENT SUR LA TRÉSORERIE

Évolution des recettes de la présidence de la République
entre 2019 et 2021 (en euros)

RECETTES

Exécuté 2019

BUDGET 2020

BUDGET 2021

VARIATION (2020-2021)

en euros

en pourcentage

Dotation

103 000 000

105 316 000

105 300 000

- 16 000

-0,02%

Produits divers

2 527 875

1 200 000

1 383 000

+ 183 000

15,25%

Prélèvements sur trésorerie

-133 920

4 000 000

2 500 000

- 1 500 000

-37,50%

TOTAL

105 527 875

110 516 000

109 183 000

-1 333 000

-1,21%

Source : annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances pour 2021

1. Une dotation en très légère diminution après plusieurs années de hausse

Il résulte du différentiel entre le prévisionnel des dépenses et des recettes pour 2021 un besoin de financement par la dotation consacrée à la présidence de la République d'un montant de 105,3 millions d'euros pour 2021 contre 105,316 millions d'euros lors de l'exercice précédent, soit une très légère baisse de 0,02 %.

Cette stabilisation de la dotation fait suite à une forte hausse des crédits entre 2017 et 2020. qui était certes due, pour partie, à un effet de périmètre, avec l'internalisation de la prise en charge des dépenses de fonctionnement et d'équipement des militaires, gendarmes et policiers affectés à la direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR) , liée à la réorganisation de la sécurité du Président de la République à laquelle le rapporteur souscrit .

Dotation annuelle demandée par la Présidence de la République
(en millions d'euros)

2017

2018

2019

2020

2021

Montant de la dotation sollicitée (projet de loi de finances initiale)

100

103

103

105,316

105, 3

Source : annexes budgétaires au projet de loi de finances

2. Un prélèvement sur trésorerie toujours indispensable pour équilibrer le budget

Outre la dotation, qui apporte l'essentiel de ses ressources , la Présidence de la République finance ses dépenses grâce aux produits divers 9 ( * ) , qui représentent 1,383 million d'euros en 2021 (contre 1,2 million d'euros en 2020) et à un prélèvement sur sa trésorerie.

Un prélèvement sur disponibilités constitue une des variables possibles d'ajustement d'un budget, apparaissant en « recettes » pour s'adapter à l'effectivité des dépenses. On comprend toutefois aisément que, s'il s'agit comptablement d'une « recette », la répétition d'un tel prélèvement, année après année, n'est pas tenable sans procéder à la reconstitution de ses disponibilités. Le budget de la Présidence de la République n'a ainsi pu être équilibré qu'après un prélèvement sur disponibilités de 2 124 608 euros en 2017, de 5 665 500 euros en 2018 (alors que 2,5 millions d'euros avaient été autorisés en loi de finances initiale), un prélèvement autorisé de 2,5 millions en 2019, de 4 millions sur le budget 2020 en cours d'exécution et un prélèvement prévu de 2,5 millions d'euros en 2021 qui devrait permettre de financer une partie de l'effort pluriannuel d'investissement .

Les disponibilités de la Présidence de la République s'élevaient, au 31 décembre 2018, à 17,1 millions d'euros. De tels montants de prélèvements au regard du niveau des disponibilités ne pourront donc être pérennes , préoccupation d'ailleurs partiellement prise en compte par la Présidence de la République puisque celle-ci cherche à reconstituer ses disponibilités en réduisant le rythme de ses prélèvements (le prélèvement envisagé pour 2022 est inférieur - 1 million d'euros) et en reconstituant progressivement sa trésorerie 10 ( * ) .

III. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL : DES MOYENS STABLES EN PARTIE TOURNÉS VERS UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DE LA QPC

Le budget du Conseil constitutionnel s'est réparti en 2020 entre cinq actions : le contrôle des normes , représentant une dépense de 6,5 millions d'euros, qui constitue logiquement sa principale action (soit 55 % de la dotation, hors dotation spéciale) ainsi que les élections , les relations extérieures , les entretiens et travaux , et les frais généraux .

A. UNE DOTATION STABLE (HORS BUDGET « RIP »)

La dotation budgétaire pour 2021 s'élève à 12 019 229 euros contre 12 504 229 euros en 2020. La baisse de la dotation n'est toutefois que purement optique puisqu'elle résulte d'un abondement spécifique de 765 000 euros qui avait été alloué, sur deux exercices, en vue du suivi de la première mise en oeuvre du « référendum d'initiative partagé » (RIP). Cette enveloppe spécifique a été versée en 2020, décomposée en 500 000 euros au titre de l'année 2019 et 285 000 euros au titre de l'année 2020. Pour la mise en oeuvre du RIP, le Conseil a également été conduit à louer temporairement une annexe située rue Cambon dans le premier arrondissement de Paris. Par ailleurs, il a été procédé à des recrutements temporaires d'agents.

Répartition, par type, des dépenses du Conseil constitutionnel
(en euros)

Source : Services du Conseil constitutionnel

Bilan de la première mise en oeuvre de la procédure relative
aux propositions de loi, mentionnée à l'article 11 de la Constitution

Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 9 mai 2019, a reconnu conforme à la Constitution la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris , déposée en application de l'article 11 de la Constitution. Cette décision avait ouvert une période de neuf mois de recueil de soutiens auprès des électeurs inscrits sur les listes électorales.

Conformément au chapitre VI bis de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel , ce dernier est compétent pour vérifier la validité de la procédure, veiller à la régularité des opérations de recueil des soutiens, examiner les éventuelles réclamations et enfin déclarer si la proposition de loi a obtenu le soutien d'au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales 11 ( * ) , comme requis par l'article 11 de la Constitution.

Dans sa décision du 26 mars 2020, le Conseil constitutionnel a constaté que cette proposition de loi, en recueillant 1 093 030 soutiens, n'avait pas obtenu le nombre nécessaire de soutiens pour permettre la poursuite de la procédure devant le Parlement.

Dans sa décision et un communiqué de presse du 18 juin 2020 12 ( * ) , le Conseil constitutionnel dresse le bilan de la mise en oeuvre de cette procédure. Il « confirme que la procédure, presque totalement électronique, de recueil des soutiens organisée par le législateur organique en 2013 a permis d'obtenir des résultats fiables ». En outre, les opérations de contrôle ont conduit à ne recenser que très peu de tentatives d'usurpation d'identité 13 ( * ) .

Il appelle néanmoins à des améliorations s'agissant du dispositif électronique , pointant un « manque d'ergonomie générale du site internet dédié ». Par ailleurs, le Conseil constitutionnel indique que certains électeurs peuvent être découragés d'apporter leur soutien par l'exigence d'un nombre de soutiens à atteindre élevé (environ 4,7 millions) et par le fait que, même dans ce cas, la tenue d'un référendum n'est qu'hypothétique (un examen du texte par chacune des deux assemblées dans un délai de six mois suffisant à mettre un terme à la procédure). Enfin, il estime qu'« une réflexion sur l'intérêt de définir un dispositif d'information du public mériterait (...) d'être menée ».

Le rapporteur souscrit assurément à ces remarques. Il considère que l'article 11 de la Constitution devrait donner lieu à une révision afin qu'il puisse être effectivement mis en application.

1. Des dépenses de fonctionnement en diminution

Les dépenses de fonctionnement s'élèvent globalement à 10,1 millions d'euros et sont en diminution par rapport à 2020. Les dépenses de personnel et relatives aux membres sont reconduites à l'identique.

Au 1 er janvier 2021, le Conseil constitutionnel comptera, hors membres, 77 collaborateurs rémunérés à titre principal par l'institution, représentant 68,7 ETP.

Cet effectif, qui fait du Conseil constitutionnel l'une des plus petites cours constitutionnelles d'Europe, est à comparer aux 300 personnes travaillant pour la Cour constitutionnelle fédérale allemande de Karlsruhe et aux 200 personnes du Tribunal constitutionnel espagnol, même si l'on ne peut totalement établir un parallèle avec l'activité de ces deux instances.

L'augmentation des dépenses de personnel lors des derniers exercices doit donc être largement relativisée et mise en perspective avec le nombre et la technicité des décisions rendues. En effet, depuis plusieurs années, est observée une augmentation de la proportion de personnels de catégorie A , qui pèsent aujourd'hui environ 60 % du total des personnels, et inversement une diminution des catégories B et C, cela en raison du niveau d'expertise et de qualification de plus en plus poussées nécessaires à l'activité du Conseil.

2. Des dépenses d'investissement légèrement plus importantes

La dotation demandée en 2021 pour financer les dépenses d'investissement est en augmentation , le fonds de roulement du Conseil devant également venir financer une partie d'entre elles.

Ces dépenses d'investissement comprennent principalement des investissements informatiques destinés notamment à garantir la sécurité du système d'information, mais également des dépenses dans le cadre du plan d'action d'économies d'énergie et de développement durable.

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs signé une convention d'occupation temporaire, pour 4 ans, avec le Centre des monuments nationaux pour la mise à disposition d'une boutique du Palais Royal dont l'objectif est de créer la boutique du Conseil constitutionnel et du Palais Royal avec une ouverture prévue à la fin 2020. Son coût annuel devrait être de l'ordre de 26 400 euros.

L'impact limité de la covid-19 sur l'activité du Conseil constitutionnel

La crise sanitaire résultant de la propagation de la covid-19 n'a pas interrompu l'activité du Conseil constitutionnel, qui continue à se réunir pour ses séances de délibéré et à tenir des audiences publiques.

Si la loi organique n° 2020-365 du 30 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a suspendu certains délais de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a jugé, par sa décision n° 2020-799 DC du 26 mars 2020, que ses dispositions ne remettent « pas en cause l'exercice de ce recours ni n'interdit qu'il soit statué sur une question prioritaire de constitutionnalité durant cette période ». Quoique l'activité des juridictions transmettant potentiellement les QPC ait été suspendue au cours de la dernière période, le Conseil constitutionnel poursuit l'instruction et le jugement des dossiers QPC.

Indépendamment même du fait que le Conseil constitutionnel se tient à même de juger toute QPC présentant un caractère d'urgence, il faut s'attendre à ce qu'avec la reprise de l'activité du Conseil d'État et de la Cour de cassation à l'issue de la période de confinement général, le flux de QPC entrantes reprenne à un rythme relativement soutenu. Il est possible, de la même manière, que le contrôle a priori connaisse une activité soutenue au cours de la présente session parlementaire.

Pour faire face à la crise sanitaire et organiser la continuité de son activité, le Conseil constitutionnel a pu s'appuyer sur les solutions de travail sécurisé à distance qu'il avait déployées au cours des années les plus récentes. La plupart des membres du Conseil et des agents du secrétariat général sont ainsi équipés de matériels leur permettant de travailler et d'échanger dans le cadre du télétravail.

Les coûts supplémentaires directement induits par la crise tiennent principalement à l'achat de matériels et produits de protection pour l'ensemble des personnes amenées à travailler au Conseil constitutionnel (gants, lingettes, gels hydroalcooliques, parois de protection pour les véhicules du Conseil, etc .). Quelques tablettes et licences d'exploitation ont également dû être acquises. Ce surcroît de dépenses semble compensé par le fléchissement des dépenses de fonctionnement courant lié à la baisse de l'activité hors de l'office juridictionnel stricto sensu .

Les dépenses du Conseil constitutionnel n'augmentent donc pas à raison de la crise sanitaire. Les projets provisoirement suspendus du fait de la crise (colloque des dix ans de la QPC, projet de boutique du Conseil, refonte des outils de gestion des décisions) sont gérés dans le cadre de contrats de commande publique qui ont pu être suspendus du fait des règles issues de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. Il est trop tôt pour apprécier si le total des dépenses liées à ces projets sera affecté.

B. LA MISE EN PLACE BIENVENUE D'UN DISPOSITIF DE SUIVI DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

L'activité et le fonctionnement du Conseil constitutionnel ont été profondément impactés par la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) . Entre la première décision rendue, le 28 mai 2010, et le 13 novembre 2020, 864 décisions issues d'une QPC ont été rendues, ce qui représente près de 80 % des décisions du Conseil .

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 14 ( * ) et la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ont rendu possible, à compter du 1 er mars 2010, la saisine a posteriori du Conseil constitutionnel par tout justiciable estimant qu'une disposition législative en vigueur porte atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis. Si l'on exclut les années 2010 et 2011 qui ont vu le lancement de la procédure et qui, à ce titre, ne peuvent être considérées comme représentatives, le Conseil constitutionnel rend depuis entre 60 et 80 décisions QPC chaque année. Le nombre de QPC rendues a même dépassé en 2019 le nombre de décisions a priori rendues en 60 ans, ce qui montre la vitalité du mécanisme.

Depuis le lancement de la procédure, le Conseil constitutionnel rend ses décisions QPC dans un délai moyen de 74 jours , inférieur au délai de trois mois fixé par la loi organique du 10 décembre 2009, malgré la hausse en parallèle, depuis dix ans, des décisions « DC » rendues à l'issue de saisines a priori . Ce délai peut être tenu grâce au respect scrupuleux d'un certain nombre de règles : délai maximal des plaidoiries de 15 minutes, refus systématique des reports d'audience, etc. Sur le plan statistique, le rapporteur constate 15 ( * ) qu'il n'existe plus d'écart significatif dans les transmissions des QPC selon qu'elles émanent du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Ces éléments révèlent sans aucun doute l'achèvement d'une période qui a permis le lancement, avec succès, d'un mécanisme ayant sensiblement contribué à l'amélioration de l'état de droit.

Délais moyens (en jours) entre les saisines et les décisions
(au 30 juin 2020)

Type de décisions

Délai moyen

Délai imparti

Contrôle de constitutionnalité

Délai moyen pour les DC

17

DC- (Traités)

41

DC- (Règlements)

16

DC- (Lois organiques)

16

DC- (Lois ordinaires)

16

30 16 ( * )

(Lois du pays)

57

90 17 ( * )

Question prioritaire de constitutionnalité

74

90 18 ( * )

Autres compétences

AN (élections législatives)

107

-

SEN (élections sénatoriales)

126

-

L (Déclassements)

18

30 19 ( * )

LOM (Déclassements outre-mer)

69

90 20 ( * )

I (Incompatibilités)

52

-

D (Déchéances)

38

-

Source : Services du Conseil constitutionnel

La QPC devrait entrer dans une nouvelle étape ainsi que l'a indiqué le président du Conseil constitutionnel, lors de son audition 21 ( * ) conduite par le rapporteur. Le Conseil constitutionnel souhaite ouvrir, en 2021, le chantier d'un véritable dispositif de suivi de la procédure de QPC à l'échelle nationale prenant en compte l'ensemble du processus depuis les premières juridictions saisies jusqu'au Conseil constitutionnel. Ce dispositif aurait dû être lancé plus tôt mais la pandémie ne l'a pas permis. L'année à venir doit permettre de définir ce projet et de lancer la sélection des prestataires qui interviendront pour le développement des outils correspondants. Une cellule dédiée au sein du secrétariat général sera constituée pour un coût estimé à 300 000 euros.

Le rapporteur soutient pleinement une telle initiative . En effet, le Conseil constitutionnel n'est pas le seul acteur à intervenir dans le mécanisme de la QPC : les juridictions des deux ordres juridictionnels, les avocats et bien sûr les justiciables se sont appropriés le mécanisme. Les prémices de ce travail considérable ont débuté avec le hors-série de la revue Titre VII 22 ( * ) consacré, au mois d'octobre 2020, à la QPC. D'un point de vue juridique, il est d'ores et déjà établi que la QPC, assortie d'un mécanisme de filtre limitant les manoeuvres dilatoires, permet aux justiciables de faire valoir leurs droits fondamentaux garantis par la Constitution. Le Conseil souhaite désormais aller plus loin en analysant de manière plus approfondie à cette occasion les caractéristiques au sens large de la QPC : dans quelle mesure les avocats encouragent-ils leurs clients à y recourir ? Existe-t-il des zones géographiques plus enclines à soulever des QPC ? Pourquoi le contentieux en matière fiscale donne-t-il lieu à un nombre de QPC si important alors que le droit du travail, par exemple, entraîne nettement moins de QPC 23 ( * ) ? Quelle est la typologie des QPC qui « n'atteignent pas » le Conseil constitutionnel ?

Il sera particulièrement bienvenu, pour le Conseil constitutionnel, de bénéficier de cette vue d'ensemble de la QPC, le cas échéant pour permettre au législateur de formuler des propositions.

IV. LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE : UNE DOTATION IDENTIQUE MALGRÉ UNE HAUSSE D'ACTIVITÉ LIÉE À LA CRISE SANITAIRE

A. UNE JURIDICTION CHARGÉE DE JUGER LES CRIMES ET DÉLITS COMMIS PAR LES MEMBRES DU GOUVERNEMENT DANS L'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS

Instaurée par la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993, la Cour de justice de la République (CJR) est compétente, sur le fondement de l'article 68-1 de la Constitution, pour juger les crimes et délits commis par les membres du Gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions. Composée de 15 juges, elle comprend 12 parlementaires (6 députés, 6 sénateurs et autant de suppléants désignés par leurs assemblées respectives, lors de chaque renouvellement) et 3 magistrats du siège de la Cour de cassation, et est présidée par l'un de ces magistrats.

Une commission des requêtes, composée de 3 magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation, de 2 conseillers d'État et de 2 conseillers maîtres à la Cour des comptes, reçoit les plaintes des personnes s'estimant lésées par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions. Elle peut classer la plainte ou la transmettre au procureur général près la Cour de cassation pour saisine de la CJR. Le procureur général près la Cour de cassation peut également saisir directement la CJR après avis conforme de la commission des requêtes.

La commission d'instruction, composée de 3 membres titulaires et de 3 membres suppléants, tous conseillers à la Cour de cassation, procède à toutes les mesures d'investigation jugées utiles. Elle peut requalifier les faits. À l'issue de son instruction, elle peut décider qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou décider le renvoi devant la CJR. Sa décision peut faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation.

La Cour de justice de la République vote sur la culpabilité, à la majorité absolue, par bulletins secrets. Sa décision peut également faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation qui doit alors statuer dans un délai de trois mois.

B. UNE RECONDUCTION DE LA DOTATION ALLOUÉE LORS DES PRÉCÉDENTS EXERCICES

La dotation sollicitée pour 2021 s'élève à 871 500 euros, comme en 2020, et correspond à l'intégralité des recettes de la CJR.

Le budget de la Cour de justice de la République
(en euros)

Source : Cour de justice de la République

La location de locaux, rue de Constantine dans le VII e arrondissement de Paris, constitue la charge principale de la CJR (le loyer annuel et les charges afférentes s'élèvent respectivement à 468 000 euros et 9 000 euros). Au vu du montant des loyers et de l'incertitude pesant sur l'existence même de la Cour de justice de la République 24 ( * ) , le rapporteur encourage les démarches entreprises par les présidents successifs pour rejoindre les locaux de l'île de la Cité laissés vacants par le tribunal judiciaire aujourd'hui implanté aux Batignolles. Le contrat de bail en cours prévoit heureusement la possibilité de dénoncer la location à tout moment en respectant un préavis de six mois. Durant ce délai, pourraient être réalisées toutes les formalités afférentes à la suppression (restitutions au Mobilier national, au Fonds national d'art contemporain et aux services des domaines, résiliation des contrats et abonnements).

Les indemnités des magistrats sont évaluées à 135 000 euros, comme l'année précédente.

Par ailleurs, la Cour évalue à 71 500 euros le coût inhérent à la tenue d'un procès. Ce montant couvre principalement les frais de justice, les indemnités dues aux assesseurs et aux magistrats parlementaires, l'installation des systèmes de sécurité, les divers aménagements matériels, les frais de location de robe et les frais de restauration sur place pour éviter tout contact pendant le procès entre la formation de jugement et l'extérieur. Cette évaluation s'est révélée pertinente lors du déroulement du dernier procès en septembre 2019.

En janvier et février 2021, la formation de jugement de la Cour devrait se réunir pour juger M. Édouard Balladur, ancien premier Ministre et M. François Léotard, ancien ministre de la Défense, dans le volet financier lié à l'attentat de Karachi en 2002.

C. LE LOURD IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE SUR L'ACTIVITÉ DE LA COUR

La tendance constatée par votre rapporteur pour avis lors des exercices précédents s'est amplifiée en 2020 : la hausse des saisines depuis 2013, en particulier en 2016, est probablement pour partie liée à la volonté de déplacer des différends du terrain de l'opportunité politique vers le terrain judiciaire . Cela explique que les requêtes visant des membres du Gouvernement en fonction ont considérablement augmenté de 2013 à 2016, puis de nouveau depuis l'an dernier. Plusieurs requêtes avaient visé le Premier ministre et le ministre de l'intérieur concernant les conditions de travail des fonctionnaires de police et également les consignes qui leur sont données, lors de la crise dite des « gilets jaunes ». Pour 2020, le nombre de plaintes reçues est en nette augmentation par rapport aux années précédentes, en raison de la crise sanitaire.

Au 12 novembre 2020, sur les 178 plaintes dont la Cour a été saisie, 113 plaintes ont été déposées en rapport avec la Covid-19 et 13 affaires étaient en cours d'instruction . Selon la Cour de justice de la République, ces plaintes instruites vont engendrer de nombreux frais de justice en 2021, la plupart des plaignants à entendre résidant hors de la région parisienne. Mme Bernadette Verdeil, secrétaire générale de la CJR, évalue à environ 200 000 euros la hausse des frais de justice afférente pour l'année 2021. Cette augmentation sera financée par le report du solde de la dotation non consommée au titre de l'année 2020, report qui a été autorisé par la direction du budget. La CJR est ainsi le seul des pouvoirs publics relevant de la présente mission dont le budget est négativement altéré, au global, par la crise sanitaire.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics » inscrits au projet de loi de finances pour 2021.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 18 NOVEMBRE 2020

M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - J'aborderai successivement, dans le cadre de ce rapport pour avis sur les crédits alloués aux pouvoirs publics par le projet de loi de finances pour 2021, les budgets de la Présidence de la République, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République. Ces crédits sont globalement très stables puisqu'ils s'élèvent à 993,9 millions d'euros, soit une baisse d'environ 0,05 % par rapport à l'année précédente.

Concernant la Présidence de la République, je ferai à nouveau une remarque liminaire : j'ai sollicité un entretien avec le directeur de cabinet de la Présidence de la République, lequel m'avait reçu à trois reprises avant 2019. Il a refusé de me recevoir pour la deuxième année consécutive, ce qui ne me semble pas conforme aux usages.

Les remarques que nous avions faites l'an dernier ont été prises en compte, ce qui montre l'utilité de nos rapports. La dotation annuelle allouée à la Présidence de la République est passée de 100 millions d'euros en 2017 à 103 millions en 2018 et 2019, puis à 105,316 millions en 2020. Pour 2021, la dotation devrait être de 105,3 millions d'euros, soit une très légère baisse de seize mille euros par rapport à l'année précédente, d'autant plus facile à réaliser que le budget annuel est plus élevé de cinq millions d'euros depuis deux ans . Pour ce qui est du contenu du budget de fonctionnement, de très sérieux efforts ont été faits. Les dépenses de personnels, comme les dépenses de déplacements - même si pour ces dernières c'est sans doute lié à la conjoncture sanitaire - sont davantage maitrisées.

Cette maitrise des dépenses doit d'autant plus être soulignée qu'elle n'a pas freiné la nécessaire hausse des dépenses liées à la sécurité. Pratiquement, la fusion entre le Groupe de sécurité de la Présidence de la République (GSPR) et ce qui relevait du commandement militaire a été effectuée. Cette rationalisation est d'autant plus légitime que tous ces personnels sont gérés par les ministères de l'intérieur et de la défense. La hausse des dépenses de sécurité apparaissait d'autant plus nécessaire que les vagues de contestations depuis deux mois contre la France et contre la personne du Président de la République se sont multipliées. Il serait donc irresponsable de ne pas consacrer ces sommes, que je qualifierais même d'indispensables, à la sécurité physique du Chef de l'État et à la protection contre les attaques informatiques.

S'agissant du Conseil constitutionnel, le budget pour 2021 est en baisse en raison de la non-reconduction de la dotation exceptionnelle qui avait été ouverte en 2020 pour assurer le suivi de la première initiative prise dans le cadre du « référendum d'initiative partagée », mécanisme prévu à l'article 11 de la Constitution. Si l'on fait abstraction des 765 000 euros qui ont été nécessaires pour suivre le recueil des soutiens, le budget du Conseil constitutionnel est en réalité presque reconduit à l'identique.

Ce rapport est ainsi l'occasion de revenir sur la rédaction de l'article 11 qui n'est pas satisfaisante. Je soupçonne même que sa rédaction vise volontairement à ne jamais permettre l'application du mécanisme. Je vous en parle d'autant plus librement que j'avais été rapporteur de la loi organique relative à l'article 11 de la Constitution, laquelle est certes parfaitement conforme à notre norme suprême mais ne permet pas, pas plus que le texte constitutionnel en tout cas, de voir un jour le mécanisme aboutir à la tenue d'un référendum : d'abord le seuil exigé de 4,7 millions de soutiens est trop élevé ; ensuite, si ce seuil était par extraordinaire atteint, il n'aurait aucune chance de déboucher sur un référendum, puisqu'il faudrait pour cela qu'aucune des deux assemblées parlementaires n'examine le texte dans un délai de six mois. Autrement dit, il suffit à tout groupe d'une des deux assemblées parlementaires d'utiliser son droit de tirage et d'inscrire le texte à l'ordre du jour d'une chambre pour que le référendum n'ait jamais lieu. Je souhaite donc inscrire dans le rapport qu'on peut, à tout le moins, réfléchir au devenir de ce mécanisme. Le président du Conseil constitutionnel, M. Laurent Fabius, et son secrétaire général, M. Jean Maïa, ont évoqué cette question lorsqu'ils m'ont reçu : ils estiment que le site Internet sur lequel le recueil des soutiens s'opère manque d'ergonomie. Par ailleurs, une réflexion devrait être engagée sur une meilleure publicité autour du mécanisme lorsqu'il est utilisé. La proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris avait tout de même recueilli 1 093 030 soutiens, alors qu'on en a très peu parlé.

Le deuxième point important relatif au Conseil constitutionnel touche au dixième anniversaire de la QPC, à laquelle le Conseil constitutionnel a consacré le dernier hors-série de sa revue « titre VII » le mois dernier : le Conseil constitutionnel souhaite ouvrir, en 2021, le chantier d'un véritable dispositif de suivi de la procédure de QPC à l'échelle nationale, prenant en compte l'ensemble du processus, depuis les premières juridictions saisies jusqu'à lui. Une cellule dédiée au sein du secrétariat général sera constituée pour un coût estimé à 300 000 euros. Je soutiens pleinement une telle initiative. En effet, le Conseil constitutionnel n'est pas le seul acteur à intervenir dans le mécanisme de la QPC : les juridictions des deux ordres juridictionnels, les avocats et bien sûr les justiciables se sont appropriés le mécanisme. Le Conseil souhaite désormais aller plus loin en analysant de manière plus approfondie à cette occasion les caractéristiques au sens large de la QPC : dans quelle mesure les avocats encouragent-ils leurs clients à y recourir ? Existe-t-il des zones géographiques plus enclines à soulever des QPC ? Pourquoi le contentieux en matière fiscale donne-t-il lieu à un nombre de QPC si important alors que le droit du travail, par exemple, entraîne nettement moins de QPC ? Quelle est la typologie des QPC qui « n'atteignent pas » le Conseil constitutionnel ? Il sera particulièrement bienvenu, pour le Conseil constitutionnel, de bénéficier de cette vue d'ensemble de la QPC, le cas échéant pour suggérer au législateur de formuler des propositions.

J'ai également eu l'occasion de m'entretenir avec le président Fabius de la question des irrecevabilités des amendements parlementaires, dont les critères ont varié dans le temps.

Enfin, en janvier et février 2021, la formation de jugement de la Cour de justice de la République (CJR) devrait se réunir pour juger M. Édouard Balladur, ancien premier ministre, et M. François Léotard, ancien ministre de la Défense, dans le volet financier lié à l'attentat de Karachi en 2002. Comme tous les procès devant la CJR, cela devrait entrainer un coût approximatif de 71 500 euros.

Par ailleurs, la volonté de déplacer des différends du terrain de l'opportunité politique vers le terrain judiciaire s'est amplifiée, ce qui conduit à une hausse considérable de l'activité de la CJR. Au 12 novembre 2020, la Cour était saisie de 178 plaintes, dont 113 plaintes ont été déposées en rapport avec la Covid-19 et 13 affaires étaient en cours d'instruction. Pour 2021, la CJR estime à environ 200 000 euros la hausse des frais de justice afférente pour l'année 2021. Cette augmentation sera financée par le report du solde de la dotation non consommée au titre de l'année 2020, report qui a été autorisé par la direction du budget. La CJR est ainsi le seul des pouvoirs publics relevant de la présente mission dont le budget est négativement altéré, au global, par la crise sanitaire et la stabilité de sa dotation pour 2021 n'est possible que grâce à la bonne gestion des années passées.

Je vous propose donc, nonobstant certaines remarques formulées à titre liminaire, d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « pouvoirs publics ».

M. Patrick Kanner . - Nous partageons le point de vue de Jean-Pierre Sueur lorsqu'il propose un avis favorable sur l'adoption de ces crédits, par ailleurs très stables.

Je souhaite juste formuler une remarque de forme sur le caractère désobligeant de la non-réception du rapporteur désigné par notre commission par le directeur de cabinet de la Présidence de la république. Chacun connaît le différend qui a conduit à cette situation il y a maintenant plus d'un an et dont le caractère épidermique aurait pu se résoudre à l'occasion d'un tel entretien. Je le regrette et je pense que cette situation mériterait d'être signalée au président du Sénat afin de trouver une issue.

Sur la forme, notre rapporteur, par ailleurs Questeur du Sénat, n'a pas abordé le budget des assemblées parlementaires et de « la Chaîne parlementaire ». La dotation des deux assemblées est gelée depuis 2012, ce qui représente un effort considérable. Les deux assemblées parlementaires coûtent au total moins d'un milliard d'euros, ce qui par habitant et en comparaison des autres démocraties est peu élevé. La dotation de « La Chaîne parlementaire » est, elle-aussi, stable, alors qu'en parallèle l'audimat ne cesse d'augmenter, cela grâce à des programmes de qualité tant sur Public Sénat que sur LCP-Assemblée nationale.

M. François-Noël Buffet , président . - J'adresserai au nom de notre commission un courrier afin de faire part de notre insatisfaction au regard de cette situation : le rapporteur pour avis au nom de notre commission doit être reçu par le directeur de cabinet du Président de la République s'il le demande. Après tout, il ne fait que son travail.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2021 à la mission « pouvoirs publics ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DÉPLACEMENT EFFECTUÉ

Conseil constitutionnel (déplacement effectué le 12 novembre 2020)

M. Laurent Fabius , président

M. Jean Maia , secrétaire général

CONTRIBUTION ÉCRITE

Cour de justice de la République

M. Dominique Pauthe , président

Mme Bernadette Verdeil , secrétaire générale


* 1 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante :

http://senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html

* 2 Les rapports spéciaux sur le projet de loi de finances pour 2021 sont accessibles à l'adresse :

http://www.senat.fr/rapports-classes/crfinc.html

* 3 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, LOLF.

* 4 Les dépenses de l'Élysée en loi de finances initiale étaient passées de 106 780 000 euros à 110 516 000 euros (+ 3,5 %) entre 2019 et 2020, après une hausse de 2,48 % entre 2018 et 2019.

* 5 Conformément aux articles 3 à 8 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution.

* 6 Tout éventuel excédent de la Cour de justice de la République doit être reversé au budget général de l'État. Le report de l'excédent 2020 sur le budget 2021 a donc fait l'objet d'une autorisation spécifique par la direction du budget du ministère des finances.

* 7 Rapport de la Cour des Comptes, sur « les comptes et la gestion des services de la Présidence de la République » pour l'exercice 2019, rendu public le 21 juillet 2020.

* 8 Lorsqu'il acceptait encore le principe d'une audition par votre rapporteur, M. Patrick Strzoda, préfet, directeur de cabinet du Président de la République, avait souligné que le blindage d'un véhicule revenait à environ 800 000 euros, en plus du coût d'acquisition dudit véhicule.

* 9 Il s'agit par exemple des recettes liées à la restauration (0,54 million d'euros) ou tirées de la redevance appliquée sur la vente des produits portant la marque « Présidence de la République » (0,11 million d'euros).

* 10 Dans son rapport précité, la Cour des comptes indique que « les disponibilités augmentent, passant de 17,2 millions d'euros en 2018 à 20,56 millions d'euros en 2019. ».

* 11 En l'espèce, il aurait fallu recueillir le soutien de 4 717 396 électeurs.

* 12 Communiqué de presse relatif à la décision n° 2019-1-9 RIP du 18 juin 2020.

* 13 L'une de ces tentatives d'usurpation d'identité concernait grossièrement le Chef de l'État et n'a évidemment pas prospéré.

* 14 L'article 61-1 de la Constitution dispose que « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

* 15 Sur le fondement du rapport annuel d'activité du Conseil d'État, du rapport annuel d'activité de la Cour de cassation et des éléments fournis à votre rapporteur par les services du Conseil constitutionnel.

* 16 Alinéa 3 de l'article 61 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « (...) le Conseil Constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours. »

* 17 Article 105 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : « Le Conseil constitutionnel se prononce dans les trois mois de sa saisine. »

* 18 Article 23-10 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le Conseil constitutionnel statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine (...) »

* 19 Article 25 de l'ordonnance précitée : « Le Conseil constitutionnel se prononce dans le délai d'un mois. Ce délai est réduit à huit jours quand le Gouvernement déclare l'urgence. »

* 20 Article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : « Le Conseil constitutionnel statue dans un délai de trois mois. »

* 21 Audition de M. Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, le jeudi 12 novembre 2020.

* 22 M. Jean Maïa, secrétaire général du Conseil constitutionnel est par ailleurs directeur de la rédaction de la revue.

* 23 22 % des décisions QPC rendues depuis la création du mécanisme concernent la matière fiscale, davantage que la matière pénale (21 %) d'après les statistiques publiées par le hors-série de Titre VII en octobre 2020.

* 24 Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique déposé à l'Assemblée nationale à l'été 2019, dans la lignée du précédent projet de loi constitutionnelle, prévoyait en son article 8 la suppression de la Cour de justice de la République afin que les ministres soient jugés par une juridiction judiciaire de droit commun, la cour d'appel de Paris.

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