EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 25 NOVEMBRE 2020

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Pour la quatrième année consécutive, j'ai l'honneur de vous présenter un rapport pour avis sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». L'exercice prend néanmoins aujourd'hui une tournure différente, dans le contexte d'une année marquée par une crise sanitaire et économique d'ampleur. Celle-ci n'est évidemment pas sans conséquence sur la loi de finances et sur les relations entre les collectivités territoriales et l'État.

D'une part, l'effort de relance conduit par le pays se traduit notamment par la diminution du montant des impositions économiques dont bénéficient les collectivités territoriales et sa compensation par une part de TVA, modifiant à nouveau le panier de ressources des collectivités territoriales. Je sais votre vigilance concernant la composition de ce panier de ressources, dont disposent les collectivités pour exercer leurs compétences : l'examen et l'adoption récents des propositions de lois constitutionnelle et organique pour le plein exercice des libertés locales nous ont donné l'occasion de dire notre inquiétude quant à l'autonomie financière « en trompe-l'oeil » de collectivités territoriales toujours plus dépendantes, en réalité, d'impôts nationaux.

D'autre part, afin d'accompagner les collectivités territoriales dans la crise, l'État a prévu des dispositifs de compensation des pertes de recettes, mais également de soutien à l'investissement local. Ils suscitent néanmoins, par leur niveau ou les modalités de leur attribution, des appréciations plus ou moins positives sur lesquelles je vais revenir.

Dans ce contexte financier incertain, les transferts financiers de l'État vers les collectivités locales augmentent, à périmètre constant, de 1,4 milliard d'euros, pour atteindre 117,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE). Parmi ces transferts, l'enveloppe des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales représente 53,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), à périmètre constant, soit une hausse de l'ordre de 4,79 milliards d'euros par rapport à 2020. Cette hausse significative est due, pour partie, au dynamisme du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), en hausse de 546 millions d'euros, mais surtout aux mesures de compensation des diverses réformes de la fiscalité locale.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales », représentant 7,6 % de ces concours, connaît également une hausse des crédits. Mais celle-ci ne doit pas pour autant abolir notre vigilance : comme vous le savez, en matière budgétaire, le diable se cache dans les détails.

Pour 2021, les crédits de la mission s'élèvent ainsi à 4,09 milliards d'euros en AE, soit une augmentation de 261 millions d'euros, et de 3,9 milliards d'euros en CP, soit une augmentation de 446 millions d'euros. Pour rappel, ces crédits sont répartis en deux programmes d'inégale importance sur le plan budgétaire : d'une part, le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », doté de 3,9 milliards d'euros en AE et de 3,72 milliards d'euros en CP ; d'autre part, le programme 122 « Concours spécifiques et administration », doté de 194,1 millions d'euros en AE et de 195,8 millions d'euros en CP.

Le programme 119 vise, en premier lieu, à financer diverses dotations de fonctionnement ou d'investissement à destination des collectivités territoriales. Il a fait l'objet d'un abondement à hauteur d'un milliard d'euros en AE en troisième loi de finances rectificative, dans le cadre du plan de relance ; nous y reviendrons. Au sein du programme, deux principaux agrégats se dégagent : les dotations de compensation et les dotations de soutien à l'investissement.

Les dotations générales de décentralisation (DGD) ont pour objet de compenser financièrement les transferts, extensions ou créations de compétences de l'État vers les collectivités territoriales concernées. Elles représentent un total de 1,85 milliard d'euros, en hausse de 20 % par rapport à 2020. Cette hausse est, pour l'essentiel, due à la majoration de l'ordre de 292,7 millions d'euros de la DGD, dont bénéficient les conseils régionaux au titre de la formation professionnelle. Ne pouvant plus bénéficier du versement des frais de gestion de la taxe d'habitation, les régions se sont vues attribuer par l'article 16 de la loi de finances pour 2020, à compter du 1 er janvier 2021, une dotation d'un montant égal aux frais de gestion qui leur étaient versés en 2020. Prenant acte d'une compensation prévue en loi de finances pour 2020, cette hausse ne modifie donc en rien l'équilibre des DGD, qui restent gelées depuis 2012 à leur niveau de 2009, à l'exception de nouveaux transferts amenant de nouvelles compensations.

En second lieu, le programme 119 regroupe plusieurs dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales ; agrégées, elles représentent un total d'un peu plus de 2 milliards d'euros en AE, un montant stable en valeur par rapport à 2020, inégalement réparti entre les différents niveaux de collectivités. Les régions ne bénéficient ainsi d'aucun soutien, tandis que la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) ne représente que 212 millions d'euros, un montant lui aussi stable en valeur. Le bloc communal est donc affectataire de près de 90 % de ce soutien à travers quatre principales dotations : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation politique de la ville (DPV), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), ainsi que sa soeur jumelle, la DSIL « exceptionnelle ». C'est cette dernière dotation qui a fait l'objet d'une ouverture de crédits à hauteur d'un milliard d'euros en troisième loi de finances rectificative.

L'on s'étonnera ici de la clé de décaissement : seuls 100 millions d'euros de CP sont budgétés pour 2021 ; or, si la survenance d'un PLFR au printemps est probable - on l'annonce même pour janvier -, la programmation budgétaire au titre du PLF est censée refléter avec sincérité la consommation des crédits sur l'ensemble de l'année.

Le programme 122, quant à lui, connaît des évolutions contrastées. L'action n° 1, regroupant diverses aides exceptionnelles aux collectivités territoriales, connaît une forte baisse, quasi exclusivement due à l'extinction du protocole de soutien signé entre l'État et la collectivité de Saint-Martin, à la suite de l'ouragan Irma.

L'action n° 4, regroupant diverses dotations attribuées aux outre-mer, connaît à l'inverse une légère hausse de ses crédits en raison de l'augmentation mécanique de dotations de compensation attribuées respectivement à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.

Enfin, l'action n° 2, regroupant essentiellement les crédits finançant les dépenses de fonctionnement de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et des divers organismes dont elle assure le secrétariat, reste stable.

J'en viens aux articles rattachés à la mission. Pour 2021, plusieurs points me semblent devoir retenir notre attention.

En ce qui concerne l'automatisation du FCTVA : un consensus prédomine depuis plusieurs années sur la nécessité de mener à bien cette réforme, tant du côté de l'État que des collectivités concernées. En raison de sa technicité et pour en assurer la neutralité budgétaire, elle a néanmoins fait l'objet d'une mise en oeuvre heurtée, marquée par plusieurs reports. L'article 57 du PLF prévoit de procéder enfin à l'entrée en vigueur du dispositif, mais seulement de manière progressive. Je me permets donc de renouveler au sujet de cette réforme l'appel à la vigilance déjà émis l'année dernière : entre reports successifs et entrée en vigueur progressive, son acceptabilité par les collectivités territoriales s'en trouvera diminuée, d'autant que leur information sur les travaux d'automatisation semble pour le moins perfectible.

Concernant ensuite l'article 58, qui prévoit les modalités de répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF), je me permets d'attirer votre attention sur deux points distincts. Le renforcement du fonds de péréquation des régions, qui a fait l'objet de modifications lors de son examen à l'Assemblée nationale, ne saurait s'opérer sans une consultation attentive des régions et avec leur assentiment - ce que l'article 58, dans sa rédaction actuelle, ne semble pas nécessairement permettre. Par ailleurs, la neutralisation des effets des réformes de la fiscalité sur les indicateurs financiers est positive, mais laisse entière la question à terme de la pertinence du mode actuel de calcul des indicateurs financiers.

J'appelle votre attention sur deux articles ajoutés à l'Assemblée nationale. L'article 60, issu d'un amendement du Gouvernement, prévoit de prolonger le fonds d'aide pour le relogement d'urgence (FARU) pour cinq ans. Ce dispositif, représentant environ 1 million d'euros de crédits annuels, est très utilisé dans les situations de catastrophe naturelle et a déjà été prolongé deux fois en 2010 et 2015. Si un nouveau prolongement ne peut recueillir qu'un avis favorable de ma part, au regard des besoins des collectivités qui bénéficient du FARU, la question de sa pérennisation mériterait d'être posée.

Par ailleurs, l'article 59, ajouté par un amendement de notre collègue députée Christine Pirès Beaune, procède à un premier recentrage de la DETR sur les départements dont les territoires sont les plus ruraux. Bienvenu, ce premier pas doit se poursuivre par la prolongation de la réflexion sur les modalités de répartition de cette dotation.

Cela m'amène aux difficultés posées par les modalités de répartition des dotations d'investissement. Comme chaque année, je déplore l'insuffisante association des élus aux décisions de subvention.

C'est le cas pour la DETR, dont les modalités d'attribution par le préfet de département ont fait l'objet d'une proposition de loi déposée par notre collègue Hervé Maurey et dont le rapporteur était Bernard Delcros, récemment adoptée par le Sénat. Certaines des évolutions proposées tendent à renforcer le rôle des commissions DETR ; se fondant sur des constats que j'avais formulés, elles me semblent aller dans le bon sens.

Les modalités d'attribution de la DSIL pourraient également être révisées pour améliorer l'association et l'information des élus. Je vous présenterai à cette fin un amendement, déjà adopté par notre commission l'année dernière, qui entend « redescendre » au niveau des préfets de département l'attribution de 80 % du montant de la DSIL, les préfets de région gardant la main sur 20 % de l'enveloppe pour financer des projets structurants au niveau régional.

Enfin, en ce qui concerne la DSID, il est toujours difficilement compréhensible que son attribution ne fasse pas l'objet d'une consultation préalable des présidents de conseils départementaux ; ce serait pourtant une marque de considération élémentaire. Je vous proposerai donc à nouveau cette année un amendement rendant obligatoire cette consultation, mais également la publication des projets ayant bénéficié d'une dotation : cette information existe déjà pour la DETR et la DSIL et me semble d'intérêt public.

Sous réserve de ces quelques points de vigilance et pistes d'amélioration, je proposerai toutefois à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Didier Marie . - Je remercie Loïc Hervé pour la qualité du rapport et la convergence de nos vues, puisque nous avons partagé les auditions et entendu le scepticisme des associations d'élus concernant ce PLF.

Le montant de cette mission ne reflète pas - loin s'en faut - l'ensemble des relations entre l'État et les collectivités territoriales. Ces dernières ont été le premier rempart face à la crise sanitaire, et elles éprouvent aujourd'hui des regrets quant aux dispositions présentées dans le PLF, compte tenu de la faiblesse du dispositif de compensation des pertes de recettes, de la non-prise en compte des pertes tarifaires et, évidemment, du bouleversement de la fiscalité locale avec les effets persistants de la suppression de la taxe d'habitation - elle va quand même coûter 10 milliards d'euros sur trois ans et l'on pourrait s'interroger, a minima , sur la pertinence de son maintien cette année - et de la fiscalité sur les entreprises, qui représente un montant de 20 milliards d'euros pour les deux prochaines années.

Ce bouleversement de la fiscalité locale marque une véritable révolution dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales. Il s'agit, pour les collectivités, d'une perte d'autonomie financière. Nous sommes tous avertis de l'évolution des modalités de compensation, quand les impôts sont remplacés par des dotations. Souvenez-vous de la taxe professionnelle : les collectivités sont loin d'avoir retrouvé les montants supprimés. Cette perte du lien entre le citoyen, l'entreprise et les collectivités, via l'impôt, rompt avec un impératif démocratique.

Concernant les crédits régissant les relations entre l'État et les collectivités territoriales qui ne sont pas alloués à la mission, on assiste de nouveau au gel de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Sur les trois années du quinquennat, les collectivités ont connu une baisse de près de 10 % de leur pouvoir d'achat. Or, la péréquation n'est aujourd'hui supportée que par les collectivités. On peut se réjouir que la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) augmentent chacune de 90 millions d'euros, que la dotation d'aménagement des communes d'outre-mer (DACOM) augmente de 17 millions d'euros et que la dotation d'intercommunalité augmente de 30 millions d'euros ; en revanche, que tout cela soit financé par les collectivités témoigne d'une véritable difficulté.

On arrive parfois à des situations ubuesques, lorsque les collectivités sont contraintes de réduire leur autofinancement pour financer leur péréquation. Cela pose un vrai problème et m'amène à considérer que le système de la DGF est arrivé au bout de ses possibilités ; il conviendrait, au regard de son illisibilité, de sa complexité et de son caractère injuste, de lancer enfin la réforme attendue.

Enfin, s'agissant des autres crédits, la DETR reste stable. Son recentrage sur les communes rurales est une bonne chose. On peut toutefois s'interroger sur le niveau de consommation des crédits ; quelques millions d'euros semblent parfois traîner dans les préfectures, sans que nous connaissions exactement les modalités de leur exécution.

Concernant la DSIL, je partage l'interrogation du rapporteur : 1 milliard d'euros supplémentaire, c'est très bien ; mais les 100 millions d'euros en CP sont insuffisants au regard des prochaines opérations. Le fait de déléguer la gestion de la DSIL aux préfets de département permettrait aux élus d'émettre des avis et de veiller à la possibilité de cumuler DSIL et DETR.

La dotation « politique de la ville » (DPV), quant à elle, est constante depuis 2017 et atteint 150 millions d'euros. Pour rappel, en 2017, le nombre de communes éligibles avait été accru et a augmenté depuis ; elles sont donc aujourd'hui plus nombreuses à se partager le même montant.

Pour certains départements, les compensations des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et le système de péréquation seront problématiques, eu égard à la baisse du montant des DMTO. Et puis, le Gouvernement a retiré plus de 1 milliard d'euros de TVA aux départements, ce qui paraît inacceptable au regard de l'augmentation des dépenses de solidarité, en particulier du revenu de solidarité active (RSA).

Enfin, un dernier élément de vigilance : l'automatisation du FCTVA doit s'établir à périmètre budgétaire constant. Cela signifie que certaines communes ne déclareront pas leurs travaux et ne feront pas appel aux remboursements. Il s'agit donc d'être vigilant, afin que l'assiette ne soit pas remise en cause. Sur la DGF, je relève également une inquiétude concernant le fonds de péréquation des régions, avec la nécessité pour Régions de France d'être associée à son renforcement.

Mme Françoise Gatel . - Si l'on comparait la relation entre l'État et les collectivités à un gâteau, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » en serait la cerise ! En effet, nous n'avons évoqué que les choses les plus plaisantes pour le Gouvernement. Certes, la DGF ne baisse pas, alors que sous le quinquennat précédent, cela fut régulièrement le cas. Les crédits alloués à la DSIL et la DETR sont également stables, mais les appels à projets proposés par le Gouvernement ont également augmenté, ce qui, au final, signifie du point de vue des collectivités une baisse relative de l'enveloppe. Je suis très favorable, pour ces subventions sur des thématiques imposées par l'État, à l'idée que les collectivités administrent librement leurs projets.

Je souhaiterais que s'impose rapidement l'exigence d'un débat annuel sur la relation entre l'État et les collectivités. Aujourd'hui, une vision d'ensemble fait défaut.

Concernant le FCTVA, ce n'est pas une dotation. L'État récupère auprès des collectivités de l'argent qu'il doit leur rembourser. Je milite pour revoir le calendrier de récupération de la TVA. L'État étoffe sa trésorerie, alors que, en période de crise sanitaire, nos collectivités devront participer à la réparation sociale et au rebond par la relance économique.

Il faut revoir le principe des appels à projets financés au travers de la DETR et de la DSIL : ils sont trop nombreux, et peu de dossiers sont retenus. Par ailleurs, les collectivités n'ont pas toujours les moyens en ingénierie pour y prétendre.

Concernant le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), l'État est d'une générosité remarquable avec l'argent des autres. Il prône à juste titre la solidarité et donc la péréquation. Au nom de la péréquation à laquelle participent les collectivités, le FPIC est devenu - je pèse mes mots - une sorte d'hérésie historique, pour ne pas dire une monstruosité : il a été créé dans le cadre d'un écosystème particulier. Or la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a contraint toute commune à faire partie d'une intercommunalité. L'État a décidé de maintenir les crédits prélevés sur les collectivités à hauteur de 1 milliard d'euros, mais le nombre de contributeurs a régulièrement diminué. Je peux prendre l'exemple d'une intercommunalité « standard », dont le prélèvement est passé de 35 000 euros la première année à 800 000 euros. Pour filer la métaphore, en l'espèce, il n'y a même plus de cerise. Il faut en finir à un moment donné avec ces situations ubuesques.

M. Mathieu Darnaud . - Je fais miens les propos de Françoise Gatel sur le FCTVA. Quant au FPIC, il devient dangereux pour les collectivités : c'est un bateau ivre. C'est tout le problème avec les fonds qui sont créés à l'instant T, avec une carte communale et intercommunale figée. Dès lors que l'on veut modifier le curseur, plus rien ne fonctionne. Il y a là un véritable sujet de fond. La péréquation est fondamentale pour l'avenir de nos territoires. Si l'on n'y prend pas garde, nous allons nous retrouver avec des outils obsolètes, voire dangereux eu égard à l'instabilité financière qu'ils créent pour nos collectivités.

Je veux remercier Loïc Hervé pour son rapport exhaustif particulièrement intéressant, qui a pointé le rôle primordial que vont jouer les collectivités en cette période de crise. Elles doivent jouir du maximum d'agilité. Comme mes collègues l'ont dit, toutes les petites dotations sont noyées alors qu'elles pourraient produire des effets plus productifs si elles venaient s'additionner aux dotations essentielles que sont notamment la DETR et la DSIL. Les élus doivent être au maximum associés, car ils ont une bonne lecture des projets sur leur territoire. Il y a encore trop d'inertie, s'agissant de la DSIL.

Je ne suis pas un défenseur des dotations de fonctionnement. Mais cette période est particulièrement douloureuse pour nos collectivités, qui sont à l'os. Je crains qu'elles ne soient dans l'incapacité à continuer à faire fonctionner certains équipements. Il aurait été bienvenu que les préfets puissent bénéficier sur cet exercice, de façon encadrée, de la possibilité d'attribuer des dotations de fonctionnement. Les piscines, par exemple, sont, structurellement, des établissements déficitaires. Avec la perte de recettes liée à la crise sanitaire, inutile de vous faire un dessin : les collectivités n'auront pas la capacité d'augmenter leur participation, qu'elle soit communale ou intercommunale.

Mme Cécile Cukierman . - Je rejoins les propos de Mathieu Darnaud sur la situation de plus en plus difficile à laquelle vont être confrontées certaines communes. Cette nuit, j'ai reçu le courriel d'un maire d'une commune de 400 habitants qui fait état d'un manque de 37 500 euros pour équilibrer le budget de l'année 2020, alors même qu'il gère de manière rigoureuse depuis dix-neuf ans les finances de sa collectivité. Ce manque à gagner est principalement dû aux non-recettes - les communes peuvent d'ordinaire s'en sortir grâce à ces recettes face à la baisse des dotations - et aux dépenses supplémentaires - même si la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, a évoqué hier le report sur cinq ans des dépenses liées à la covid-19. À l'heure de la transparence - certains pourront lire le compte rendu de notre réunion -, je veux préciser que l'équipe municipale de cette commune avait fait le choix, à l'instar de nombreux maires, de ne pas percevoir la totalité de ses indemnités. Quand on dit que les communes sont à l'os, elles y sont totalement. Les élus ont toujours retroussé leurs manches pour répondre aux besoins de la population. J'entends ce qui peut être fait dans le cadre du plan de relance, par le biais de l'abondement de la DETR et de la DSIL pour ce qui concerne l'État, ou par le département ou la région, en appui aux collectivités pour soutenir l'investissement. Cependant, un nombre non négligeable de communes échappe aujourd'hui à toutes ces aides parce qu'elles n'ont pas la capacité de financer la part restante de 20 %.

La décision sur les masques est révélatrice : une prise en charge en deux temps. Comme l'a dit la ministre hier, la somme envisagée a explosé tellement les collectivités ont répondu présent pour assurer la sécurité de leur population. À l'heure où l'on veut renforcer le lien entre l'État et les collectivités territoriales, y compris, si j'ai bien compris, dans le projet de loi contre le séparatisme que nous examinerons dans quelques mois, il convient que le Gouvernement ne fasse pas preuve de mesquinerie envers les collectivités les plus en difficulté actuellement.

M. Jean-Pierre Sueur . - Tout a déjà été excellemment dit, en particulier par Didier Marie, mais je voudrais intervenir sur deux points. Tout d'abord sur le coût de la covid-19 pour les collectivités territoriales : l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) l'a chiffré à 6 milliards pour les communes ; pour l'ensemble des collectivités territoriales, on peut estimer qu'il s'établit à 8 milliards. Ces surcoûts ne sont pas couverts par la petite dotation prévue par le troisième projet de loi de finances rectificative.

Ensuite, il faut noter que nous assistons à une révolution copernicienne en matière de fiscalité locale. La Révolution française avait fondé notre système d'impôt local sur l'accord des élus locaux, libres de décider des dépenses et des recettes de leur commune. Ce système a fonctionné pendant plusieurs Républiques. Or, aujourd'hui, la taxe professionnelle a été supprimée et remplacée par une dotation. Il en va de même pour la taxe d'habitation et les impôts économiques. Les dotations se multiplient. Elles sont calculées sur une base qui perd peu à peu de sa pertinence et, finalement, elles deviennent des variables d'ajustement. Les représentants de l'AMF, dans leur diversité, disent que l'on assiste à une nationalisation des ressources des collectivités. On se rapproche du système allemand où l'État attribue aux collectivités des ressources sous la forme de dotations. C'est une question importante pour la démocratie.

Sera-t-il possible de revenir en arrière ? Je suis très sceptique. J'imagine mal un gouvernement rendre aux collectivités territoriales le pouvoir de prélever des impôts et réduire d'autant les impôts prélevés par l'État. Nos dirigeants successifs ont créé une sorte de ticket sans retour.

Mme Cécile Cukierman . - Ces mesures ont bien été votées par les majorités successives. Ce n'est pas la faute seulement des différents gouvernements !

M. Jean-Pierre Sueur . - J'ai dit que c'était un processus assez général. Toutefois, dans les trois exemples que j'ai cités, le gouvernement avait une certaine couleur...

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Un consensus se dégage sur le diagnostic, qui est aussi partagé, d'ailleurs, par la ministre. Mais, en réalité, notre manière de réformer « en silos » nous empêche d'avoir une vision globale. Nous devons insister pour qu'un débat sur les finances locales et les concours de l'État aux collectivités territoriales ait lieu lors de l'examen des projets de loi de finances. C'est l'une des propositions majeures du rapport pour le plein exercice des libertés locales, rédigé par MM. Bas et Bockel, dans le cadre du groupe de travail présidé par Gérard Larcher.

En ce qui concerne le FCTVA, la réforme de l'automatisation ne modifie en rien ni le mode de calcul, ni les montants perçus par les collectivités. Il s'agit uniquement d'une modification des modalités de versement, même si on peut craindre quelques effets de bord auxquels nous devrons rester attentifs.

La question de la cohérence entre la DSIL et la DETR est importante. On constate que les pratiques varient en fonction des usages locaux et des préfectures. Certains préfets considèrent que les deux sont compatibles, d'autres non, alors qu'elles sont en principe cumulables. Il est donc judicieux de prévoir que la même commission d'élus sera consultée sur la DETR et une part départementale de DSIL. Cela aura l'avantage de forcer l'État à un effort de cohérence.

Le témoignage du maire que vous évoquez, madame Cukierman, est révélateur. Nous recevons tous des témoignages similaires. Les inquiétudes sont fortes pour cette année et les suivantes. Même dans des collectivités considérées comme bien gérées, voire riches, les prévisions sont préoccupantes.

Articles additionnels après l'article 59

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-609 tend à associer les présidents de conseils départementaux aux attributions de la dotation de soutien à l'investissement des départements.

L'amendement n° II-611 est adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-610 prévoit une scission de la DSIL en deux parts, l'une attribuée par le préfet de région, l'autre - à hauteur de 80 % - attribuée par le préfet de département ; l'attribution de cette seconde part aurait lieu dans les mêmes conditions que la DETR, la même commission étant compétente.

L'amendement n° II-610 est adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-611 est un amendement de repli qui vise à favoriser l'association et l'information des élus locaux pour l'attribution des dotations.

L'amendement II-609 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Avant de conclure, je voudrais répondre à une question qui a été posée hier à Mme Di Folco : le coût de la prise en charge des mineurs non accompagnés par les départements est estimé à 2 milliards d'euros.

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