C. UN EFFORT BUDGÉTAIRE ENCORE INSUFFISANT POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE

1. Des crédits budgétaires toujours très importants pour financer l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA)

Créée par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) est versée, pendant toute la durée de la procédure d'instruction, aux demandeurs d'asile ayant accepté les conditions matérielles d'accueil et dont les ressources financières mensuelles sont inférieures au RSA.

Son montant varie selon la composition familiale ainsi que selon les ressources dont dispose le demandeur d'asile (6,8 € par jour maximum pour une personne seule et 17 € par jour pour un couple avec deux enfants). Un montant additionnel est en outre versé aux allocataires ne réussissant pas à avoir un hébergement gratuit au sein du dispositif national d'accueil .

Les rapporteurs rappellent le régime particulièrement généreux de versement de l'ADA consenti lors du premier confinement : les réfugiés (étrangers ayant fait l'objet d'une décision définitive de protection notifiée à partir du 1 er février 2020) et les déboutés (destinataires d'une décision définitive négative notifiée après le 1 er mars 2020), qui devaient théoriquement cesser de recevoir les versements au terme du mois de mars 2020, ont été maintenus dans leur droit à l'ADA afin d'éviter de les laisser en fin de procédure sans ressources durant la crise sanitaire . 3 971 ménages au total ont pu bénéficier de cette mesure, pour un coût direct sur les dépenses ADA évalué à 3,2 millions d'euros (2 575 ménages dont le chef de famille a été reconnu réfugié, 1 396 ménages dont le chef de famille a été débouté).

Le PLF pour 2021 prévoit pour l'ADA une dotation de 459 millions d'euros, en hausse de 2,6 % par rapport à 2020 . Cette dotation se fonde sur l'hypothèse d'un retour de la demande d'asile au niveau observé en 2019 et d'une diminution de la durée moyenne de traitement des demandes d'asile. La création de places d'hébergement supplémentaires au sein du DNA devrait également permettre de réduire les versements du montant additionnel de l'ADA.

Cette projection semble prudente et témoigne d'une volonté de prévoir de façon plus sincère la dépense liée à l'ADA, chroniquement sous-évaluée ces dernières années. Elle reste toutefois très incertaine compte tenu de l'impossibilité de prévoir la dynamique de demande d'asile en sortie de crise sanitaire.

2. La création de 6 000 places d'hébergement : un effort budgétaire considérable, mais qui reste très loin d'être suffisant pour héberger convenablement les demandeurs d'asile

De nombreuses catégories d'hébergement réservées aux demandeurs d'asile coexistent encore aujourd'hui. Leur empilement juridico-financier complexe s'explique par le contexte de leur création, il s'agit pour la plupart de la pérennisation de réponse à des situations d'urgence (évacuations de campement dans le Pas-de-Calais ou à Paris).

En simplifiant, le parc d'hébergement est désormais organisé autour de trois niveaux gradués de prise en charge, à différentes étapes du parcours du demandeur d'asile :

- d'abord, les centres d'accueil et d'évaluation des situations (CAES) , pour une première mise à l'abri et une évaluation immédiate de la situation administrative des personnes souhaitant engager une démarche d'asile ;

- puis le parc d' hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) , plus particulièrement adapté aux personnes sous procédure « Dublin » ou soumises à la procédure d'instruction accélérée ;

- enfin les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) , hébergement de référence à vocation pérenne pour les demandeurs d'asile en procédure normale, en vue de préparer leur hébergement autonome futur.

Le PLF pour 2021 prévoit une dotation de 634,8 millions d'euros en AE et 729,3 millions d'euros en CP pour le financement de l'accueil et de l'hébergement des demandeurs d'asile .

Cette dotation a vocation à permettre le renforcement du dispositif national d'accueil (DNA) à travers la création de 6 000 nouvelles places d'hébergement des demandeurs d'asile (4 000 au titre de cette mission : 3 000 en CADA, 1 000 en CAES ; 2 000 autres places d'hébergement temporaire créées sur la mission « Relance » : 500 en CAES et 1 500 places au sein des dispositifs de préparation aux retours).

Au total, les augmentations projetées dans le PLF pour 2021 devraient porter le parc d'hébergement des demandeurs d'asile à un total de 103 064 places en 2021 , contre 98 500 places en 2020.

Les rapporteurs rappellent toutefois que bien qu'importante, cette capacité d'hébergement se révèle largement insuffisante aujourd'hui : le Gouvernement affichait en 2019 et en 2020 des objectifs d'hébergement des demandeurs d'asile manifestement hors de portée : alors ministre de l'intérieur, Christophe Castaner ne craignait pas d'affirmer ainsi dans la presse que « L'État veut héberger 86 % des demandeurs d'asile d'ici 2020 ». En réalité, et comme le redoutait la commission des lois, depuis 3 ans les chiffres n'ont pas varié : à peine un demandeur sur deux parvient à être hébergé en structure dédiée. Les autres demandeurs d'asile sont orientés vers les hébergements d'urgence normalement dédiés aux personnes sans-abri ou en détresse, ou bien vers des structures hôtelières, qui n'offrent pas le même accompagnement (pour les démarches sociales ou administratives par exemple).

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