Avis n° 144 (2020-2021) de Mme Muriel JOURDA et M. Philippe BONNECARRÈRE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 novembre 2020

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N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la c ommission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 ,

TOME II

ASILE, IMMIGRATION, INTÉGRATION ET NATIONALITÉ

Par Mme Muriel JOURDA et M. Philippe BONNECARRÈRE,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Mikaele Kulimoetoke, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Après avoir procédé à l'audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, et de Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté 1 ( * ) , la commission des lois a examiné, mercredi 25 novembre 2020, le rapport pour avis de Muriel Jourda et de Philippe Bonnecarrère sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits au projet de loi de finances pour 2021, et qui représente 1,76 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1,85 milliard d'euros en crédits de paiement (CP).

Cette mission comporte deux programmes (le programme 303 Immigration et asile et le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française ) et porte les crédits (hors dépenses de personnel) de la direction générale des étrangers en France (DGEF), au sein du ministère de l'Intérieur, qui met en oeuvre de cette politique avec l'appui de deux opérateurs , l' Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII, 251 M€, 1 168 emplois ETPT)  et l' Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA, 92 M€, 1 003 emplois ETPT).

Budgétairement, la prise en charge des demandeurs d'asile pendant l'instruction de leur demande (allocation et hébergement) représente près des deux-tiers des crédits.

Les moyens affectés à la mission « immigration, asile et intégration » par le projet de loi de finances pour 2021 sont en retrait de 170 millions d'euros en AE (- 8,8 %) et en progression de près de 37 millions d'euros en CP (+ 2 %) par rapport à ceux figurant dans la loi de finances initiale pour 2020.

Source : projet annuel de performance

Les rapporteurs relèvent que ces crédits s'inscrivent dans un contexte de pression migratoire toujours particulièrement intense , la France ayant délivré en 2019 un nombre record de titres de séjour aux étrangers primo-arrivants en situation régulière (274 676 titres, + 6,1 %) et accueilli un nombre également sans précédent de demandeurs d'asile (132 826 demandes à l'OFPRA, + 7,4 %).

Les différents services publics et acteurs de terrain ont été en outre particulièrement éprouvés dès le début 2020 par la crise sanitaire : fermeture de guichets d'accueil des préfectures, de l'OFII et de l'OFPRA ; suspension de la délivrance des titres de séjour et du dépôt des demandes d'asile - sauf cas urgents - pendant près de deux mois lors du premier confinement ; difficultés pour procéder aux éloignements et limitation des possibilités de placement en rétention administrative... À cet égard, les rapporteurs saluent les efforts entrepris (protocoles sanitaires, dématérialisation des procédures, priorisation, recours à la vidéo et au télétravail) pour que la seconde vague épidémique que connaît actuellement notre pays ne se traduise pas, comme en mars-avril derniers, par une interruption de ces services .

Les répercussions de l'épidémie sur les flux migratoires à l'horizon 2021 demeurent encore incertaines, et une reprise de la tendance décennale à la hausse des flux migratoires vers la France est fort probable. Si l'on a constaté, en effet, un brutal ralentissement des entrées tant régulières qu'irrégulières en raison des restrictions aux déplacements instaurés en France (fermeture des frontières internes et rétablissement des contrôles) et dans les pays de départ et de transit, ces obstacles ont un caractère temporaire et les flux reprendront si les contraintes sanitaires peuvent enfin être assouplies voire levées. La reprise dynamique des demandes d'asile en 2020 dès la fin du confinement au mois de mai en témoigne. De façon générale, selon plusieurs personnes entendues par les rapporteurs, les effets déstabilisant de la crise pour les économies et les sociétés de certains pays pourraient même au contraire relancer de plus belle des dynamiques d'émigration.

*

* *

I. L'INTÉGRATION : DES RÉSULTATS DÉCEVANTS DANS UN CONTEXTE PARTICULIER DE FORTE PRESSION MIGRATOIRE PUIS DE CRISE SANITAIRE

La gestion de l'immigration régulière et le financement des actions d'intégration reposent sur les crédits du programme 104 Intégration et accès à la nationalité française qui sont en quasi-stagnation (433 millions d'euros en AE et en CP, soit + 0,44 % par rapport à la loi de finances (LFI) pour 2020).

Dans un contexte de hausse constante et inédite en 2019 des flux d'étrangers primo-arrivants à intégrer, puis de crise sanitaire ayant interrompu et reporté les actions d'insertion, il est à craindre que cette enveloppe ne permette pas de financer correctement les besoins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et le renforcement des contrats d'intégration républicaine (CIR).

A. UNE HAUSSE CONSTANTE DES FLUX D'IMMIGRATION LÉGALE

La France n'a jamais accueilli un flux annuel d'étrangers en situation régulière aussi important qu'en 2019 : le nombre de titres de séjour accordés en 2019 aux primo-arrivants en métropole à des ressortissants de pays tiers à l'Union européenne affiche une progression pour la neuvième année consécutive et s'établit à un nouveau record de 274 676 titres (+ 6,1 % en 2019, après + 4,6 % en 2018).

Cette hausse est principalement due à l'augmentation des admissions pour motifs économique (+ 14,8 %) ou d'études (+ 7,5 %). L'immigration légale poursuit ainsi un mouvement progressif de rééquilibrage dans sa composition, les titres étudiants étant pour la première fois aussi nombreux que les titres familiaux.

S'établissant désormais à 3 412 233, le stock de titres valides au 31 décembre augmente de + 5,6 % en 2019 par rapport à 2018.

Pour ce qui est de l' origine des flux d'immigration régulière , on observe que les quatre premières nationalités ayant bénéficié d'un premier titre de séjour sont les mêmes que l'an dernier : nationalités marocaine (34 979), algérienne (27 405), tunisienne (19 615) et chinoise (15 376).

La délivrance des premiers titres de séjour par types de motifs
(métropole / pays tiers
)

Source : ministère de l'intérieur

Le dynamisme des chiffres de l'immigration régulière reste encore porté par les régularisations d'étrangers (« admissions au séjour pour motif exceptionnel ou humanitaire » régies par la « circulaire Valls » du 28 novembre 2012). En 2019, le nombre d'étrangers ayant bénéficié d'une régularisation s'établit à 32 142, et depuis la diffusion de cette circulaire, 224 199 admissions au séjour ont ainsi été prononcées à ce titre en France .

Les rapporteurs déplorent que le Gouvernement persiste à ignorer les appels du Sénat en faveur d'un durcissement de ces règles d'admission exceptionnelle au séjour , et rappellent la proposition de la commission des lois qu'une résidence depuis au moins cinq ans sur le territoire français ne puisse justifier, à elle seule, l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière.

B. DES MOYENS ET DES RÉSULTATS EN DÉCALAGE AVEC LES EFFETS D'ANNONCE

Comme leur prédécesseur, les rapporteurs regrettent cette année encore un décalage persistant entre les ambitions affichées en termes d'intégration et les réalisations concrètes sur le terrain.

1. Des objectifs d'intégration ambitieux qui incluent enfin une forte dimension linguistique et professionnelle

Exprimés à l'occasion du comité interministériel à l'immigration et à l'intégration du 5 juin 2018, à la suite de la remise du rapport « Taché », les objectifs du Gouvernement en matière d'intégration étaient ambitieux : l'année 2020 devait ainsi être la première de pleine d'application du contrat d'intégration républicaine (CIR) rénové, piloté par l'OFII (qui finance et contrôle les prestations en les contractualisant avec des acteurs associatifs ou sociétés tierces).

Dans sa version renforcée mise en place à compter du 1 er mars 2019 , le CIR prévoit notamment en faveur des étrangers primo-arrivants :

- une augmentation de la formation linguistique (doublement du nombre d'heures pour les trois parcours existants - jusqu'à 100 heures, 200 heures ou 400 heures de formation - et création d'un nouveau parcours de 600 heures pour les non-lecteurs, non-scripteurs) et de la certification du niveau de langue (test d'acquisition du niveau de langue A.1 du cadre européen commun de référence pour les langues en fin de parcours, ce qui correspond à l'usage et à la compréhension de quelques expressions familières et quotidiennes) ;

- le doublement de la formation civique (passée de 12 à 24 heures) et un meilleur étalement dans le temps ;

- un renforcement de l'insertion professionnelle (accompagnement des primo-arrivants dans les systèmes de reconnaissance de diplômes, de qualifications et de compétences professionnelles ; insertion des populations primo-arrivantes particulièrement éloignées de l'emploi, notamment les femmes).

2. Des moyens qui ne sont pas à la hauteur du défi

Dans un contexte d'augmentation constante des flux d'étrangers primo-arrivants et de multiplication des nouvelles tâches qui lui ont été confiées ces dernières années par le législateur, l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit assurer ces actions d'intégration sans renfort de moyens .

Ainsi, en termes de moyens financiers, la subvention versée à l'OFII en 2021 s'élèvera-t-elle à 251,4 millions d'euros, soit une baisse de - 1,57 % par rapport à 2020.

En termes de moyens humains , ses effectifs resteront quasi constants en 2021 (ramenés à 1 168 ETPT par suppression de 11 postes affectés à des missions désormais dématérialisées).

À cet égard, les rapporteurs rappellent que la gestion de ses ressources humaines reste particulièrement délicate : l'OFII doit faire face à une instabilité chronique de ses effectifs (notamment un taux de rotation très important et des agents aux trois quarts contractuels fin 2020).

Lors de son audition, M. Didier Leschi, directeur général de l'OFII, a fait part aux rapporteurs des possibilités enfin ouvertes grâce à la publication des décrets d'application de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui devrait permettre de remédier en partie à ce problème en autorisant l'OFII à recruter directement certains agents en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de longue durée.

3. Des résultats encore décevants et des actions d'intégration perturbées par la crise sanitaire

Le bilan du contrat d'intégration républicaine (CIR) reste difficile à tirer dans un contexte de crise sanitaire ayant fortement ralenti la mise en oeuvre du nouveau parcours d'intégration « renforcé ».

Alors que 107 455 étrangers primo-arrivants ont signé un CIR en 2019 (+ 9,7 %) , l'OFII table sur moins de 70 000 contrats conclus en 2020 . L'activité s'est interrompue lors du confinement de la mi-mars (aucun contrat n'a ainsi été signé au mois d'avril 2020), n'a pu reprendre que très progressivement en milieu d'année, et n'est revenue que fin septembre à son niveau habituel.

La suspension de l'accueil et des formations en présentiel ont freiné les parcours d'intégration, mais les rapporteurs notent avec intérêt que l'OFII a su se montrer particulièrement réactif :

- en priorisant certaines activités compatibles avec le confinement , comme les bilans de fin de CIR par téléphone, ce qui a permis aux agents de rattraper le retard pris sur cette activité ;

- en mettant rapidement en place des formations à distance « e-learning »), via des avenants aux marchés de formations linguistiques et civiques, et le déblocage de financements supplémentaires pour financer des équipements vidéo et compenser, au moins partiellement, l'arrêt des formations en présentiel.

Un plan de reprise d'activités diffusé début mai 2020 a permis le redémarrage des plateformes d'accueil CIR dans ses directions territoriales le 25 mai avec une activité réduite de moitié, le rythme de cette reprise augmentant peu à peu, en fonction des capacités de déplacement des usagers, du redéploiement des transports en commun et de la présence des agents.

Si les résultats du CIR doivent être interprétés à l'aune de ces importantes perturbations, ils n'en demeurent pas moins encore décevants par certains aspects :

- en termes de maîtrise de la langue française, s ur les 51 833 étrangers primo-arrivants ayant bénéficié d'une formation linguistique (soit 48,2 % des signataires d'un CIR), un quart n'a pas atteint le niveau A1 en fin de formation (niveau qui correspond à l'usage et à la compréhension de quelques expressions familières et quotidiennes) ; et concernant la mise en place d'une certification officielle de niveau, à peine 173 stagiaires se sont présentés en 2019 au test certifiant à la fin de leur parcours linguistique ;

- en termes d' orientation et d'insertion professionnelles , plus de deux ans après la promulgation de la loi « asile immigration intégration » de septembre 2018 qui en avait acté le renforcement, l'accord-cadre en faveur de l'insertion professionnelle des étrangers primo-arrivants n'est toujours pas signé (il doit associer l'État - ministères du travail et de l'intérieur -, l'OFII et les acteurs du service public de l'emploi, dont notamment Pôle emploi).

II. L'EXERCICE DU DROIT D'ASILE : DES MOYENS INSUFFISANTS FACE AU VOLUME TOUJOURS CROISSANT DES DEMANDES ET MALGRÉ LES INCERTITUDE LIÉES À LA CRISE SANITAIRE

Budgétairement, la prise en charge des demandeurs d'asile pendant l'instruction de leur demande représente ainsi près des deux-tiers des crédits de la mission . Les crédits de l'action n° 2 s'élèvent à 1,18 milliard d'euros en AE et 1,28 milliard d'euros en CP dans le PLF pour 2021, ce qui représente une baisse de 13,8 % en AE - qui s'explique par l'arrivée en fin de cycle pluriannuel du financement des places d'hébergement d'urgence - et une hausse de 2,37 % en CP par rapport à l'année 2020.

Les moyens consacrés à l'exercice du droit d'asile reflètent une volonté de réduire les délais de traitement des demandes d'asile et d'améliorer les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile , mais l'effort budgétaire demeure insuffisant pour faire face à une demande aussi soutenue.

A. UNE NOUVELLE HAUSSE DES DEMANDES D'ASILE EN 2019 QUI DEVRAIENT RESTER À UN NIVEAU ÉLEVÉ APRÈS LA CRISE SANITAIRE

La France est confrontée à une hausse continue du niveau de la demande d'asile depuis une dizaine années. Cette tendance s'est confirmée en 2019, avec une augmentation de + 7,4 % et un nombre record de 132 826 premières demandes enregistrées à l'OFPRA 2 ( * ) .

Cette hausse a résulté principalement, d'une part, des flux migratoires méditerranéens vers l'Europe et, d'autre part, des mouvements dits « secondaires » (c'est à dire de demandeurs ayant déjà transité par un pays tiers ayant pu les accueillir). Ainsi, environ un tiers des demandes d'asile déposées en préfectures en 2019 concernaient des demandes traitées en procédure « Dublin » (dont l'examen relève d'un autre État membre et ne passe normalement pas par l'OFPRA, le demandeur ayant vocation à y être transféré).

Sur l'année 2020, la France a connu une baisse du nombre de demandeurs d'asile de l'ordre de 30 % en raison de la crise sanitaire. Des diminutions du même ordre de grandeur ont été constatées dans les autres pays de l'Union européenne.

Cette baisse généralisée de la demande d'asile est liée, d'une part, à la limitation des déplacements provoquée par la fermeture des frontières et la réduction de l'offre de transports , et d'autre part, à l'interruption du traitement des demandes d'asile durant le confinement en raison de la fermeture de la quasi-totalité des guichets uniques en préfecture et de l'interruption des entretiens conduits par l'OFPRA.

Le PLF pour 2021 prévoit pour l'année prochaine une stabilisation du nombre de demandeurs d'asile autour du niveau constaté en 2019 . Cette hypothèse paraît crédible pour la plupart des acteurs, eu égard aux nombreuses incertitudes qui imposent une certaine prudence, ainsi qu'au nombre de nouvelles demandes d'asile enregistrées depuis le déconfinement. La demande a en effet retrouvé un rythme plutôt dynamique depuis le mois de mai, l'OFPRA enregistrant en moyenne de 8 000 à 9 000 demandes d'asile par mois , contre 11 000 demandes d'asile enregistrées par mois en 2019.

Si en 2019, la France demeurait un pays de destination privilégié pour les demandeurs originaires de pays en guerre (Afghanistan, Syrie), du Maghreb, de pays d'Afrique francophone (Côte d'Ivoire, Guinée, Mali...) et de pays d'origine sûre d'Europe de l'Est (Albanie, Géorgie), la répartition des demandeurs d'asile a quelque peu évolué en 2020. Les demandes en provenance d'Albanie et de Géorgie ont ainsi diminué assez fortement, tandis que les demandes en provenance de Turquie et du Bangladesh ont augmenté.

Comme en 2018, l'Afghanistan est demeuré le premier pays de provenance des demandeurs d'asile en 2019, avec un taux de protection d'environ 60 %, alors qu'il est moitié moins élevé en Allemagne. Les rapporteurs s'inquiètent de ces divergences persistantes de taux de protection entre pays pourtant comparables au sein de l'Union européenne , qui exposent encore plus les États les plus protecteurs à la pression des flux secondaires. À cet égard, ils notent avec intérêt la récente inflexion jurisprudentielle 3 ( * ) amorcée par la CNDA concernant les critères d'évaluation du niveau de violence en Afghanistan, qui tient pleinement compte des recommandations du Bureau européen d'appui en matière d'asile en la matière.

Le taux global de protection (demandes acceptées) devrait quant à lui rester plutôt stable en 2020. Pour mémoire, ce taux s'élevait en 2019 à 24 % auprès de l'OFPRA et à 38 % après recours devant la CNDA.

B. L'ÉCHEC DE LA RÉDUCTION DES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES DEMANDES D'ASILE EN RAISON DE LA CRISE SANITAIRE

Alors que la cible de délai moyen de traitement des demandes d'asile a été fixée à six mois par le Gouvernement dans son plan d'action « Garantir le droit d'asile, maîtriser les flux migratoires » adopté en Conseil des ministres le 12 juillet 2017, les délais de traitement ont été considérablement allongés en raison de la crise sanitaire .

1. La stabilisation des crédits de l'OFPRA ne permet pas d'espérer parvenir au respect du délai cible de traitement des demandes d'asile avant un horizon 2021-2023

Le PLF pour 2021 prévoit le versement à l'OFPRA d'une subvention pour charges de service public d'un montant de 92,8 millions d'euros, en hausse de 1,3 % par rapport à l'année 2020. Cette dotation a vocation à financer les dépenses de personnel et de fonctionnement. Le plafond d'emplois est quasi constant (1 003 ETPT pour l'année 2021).

Cette stabilisation de la dotation accordée à l'OPFRA fait suite à plusieurs années de forte croissance. En 2020 notamment, des moyens considérables avaient été accordés à l'OFPRA, qui avaient permis de financer la création de 200 ETPT , dont 150 ont été affectés à l'instruction de la demande d'asile.

Malgré ces moyens supplémentaires, qui devaient permettre de réduire à soixante jours le délai moyen de traitement des demandes d'asile , celui-ci a été allongé en raison de la crise sanitaire. Ainsi, ce délai moyen, qui s'élevait en 2019 à 166 jours, devrait passer en 2020 à 275 jours.

Durant la période du confinement de mars 2020, l'OFPRA a dû fermer l'accueil du public , sauf pour le traitement de dossiers urgents de demandeurs à la vulnérabilité particulièrement signalée. Les nouvelles demandes d'asile ont donc cessé d'être enregistrées. Par ailleurs, les entretiens ont été suspendus et n'ont été relancés qu'au mois de mai, conduisant à une augmentation du stock de dossiers et, mécaniquement, à une augmentation du délai moyen de traitement des demandes.

En outre, la crise sanitaire a provoqué un report des recrutements prévus par le PLF 2020. Seuls 150 des 200 nouveaux recrutements autorisés par le PLF 2020 ayant pu être réalisés.

Comme son directeur général, Julien Boucher, l'a confirmé aux rapporteurs lors de son audition, l'OFPRA doit, comme l'OFII, faire face à un fort taux de rotation de son personnel (19 % en 2019) : la plupart des contractuels recrutés ne restent pas travailler à l'OFPRA, et par ailleurs, le rattachement des officiers de protection au corps des attachés d'administration de l'État semble avoir provoqué de nombreux départs au titre de la mobilité.

Dans ces conditions, l 'objectif de réduction à 60 jours du délai moyen de traitement par l'OFPRA d'un dossier a été repoussé à 2023, avec un objectif intermédiaire de 112 jours en 2021.

2. Les délais de jugement de la CNDA ont également été allongés en 2020

La CNDA - qui relève budgétairement du programme 165 « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » - a également vu ses délais de jugement augmenter en 2020.

L e délai moyen de jugement avait été réduit difficilement de moitié en dix ans , passant de 13 mois en 2010 à 7 mois et 5 jours en 2019, malgré le doublement du nombre de recours enregistrés par la CNDA, au prix d'un renforcement considérable de ses moyens. En dépit de la grève des avocats et de la grève des transports à la fin de l'année 2019, ce délai avait été encore réduit à 5 mois et 18 jours en février 2020.

Le confinement devrait néanmoins faire augmenter à nouveau le délai moyen de jugement en 2020, la totalité des audiences ayant dû être annulée durant cette période.

Auditionnée par vos rapporteurs, la présidente de la Cour, table toutefois elle aussi sur une amélioration de la situation, les deux recrutements de juges vacataires organisés en 2020 ainsi que le recours à la vidéo-audience devant permettre de commencer à réduire à nouveau les délais de jugement dès de l'année 2021.

La vidéo-audience

L'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la possibilité pour la CNDA de recourir à la visio-conférence pour la tenue des audiences . Depuis l'adoption de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, la juridiction n'est plus tenue de recueillir le consentement du demandeur d'asile pour organiser des vidéo-audiences en métropole.

Si ce dispositif est déjà largement utilisé par la CNDA en outre-mer depuis 2014 en lieu et place des audiences foraines, son extension a en revanche fait l'objet d'une forte opposition de la profession d'avocat . Malgré les quatre salles vidéo dont est équipée la CNDA sur le site de Montreuil, la vidéo-audience n'a pas pu être généralisée pour le moment, alors même que son utilisation aurait permis de ne pas annuler la totalité des audiences durant la période du confinement.

Une médiation organisée en 2020 entre la juridiction et la profession d'avocat a toutefois permis d'aboutir à la signature d'un accord qui permettra de démarrer une généralisation expérimentale de ce dispositif à compter de l'année 2021 . S'ils se félicitent que les modalités concrètes adaptées à la particularité de ce contentieux aient été définies (qualité vidéo, droit des parties, etc.), les rapporteurs regrettent que, contre la volonté du législateur, cet accord rétablisse en pratique l'obligation de consentement du demandeur au recours pour tout recours à une vidéo-audience.

C. UN EFFORT BUDGÉTAIRE ENCORE INSUFFISANT POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE

1. Des crédits budgétaires toujours très importants pour financer l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA)

Créée par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) est versée, pendant toute la durée de la procédure d'instruction, aux demandeurs d'asile ayant accepté les conditions matérielles d'accueil et dont les ressources financières mensuelles sont inférieures au RSA.

Son montant varie selon la composition familiale ainsi que selon les ressources dont dispose le demandeur d'asile (6,8 € par jour maximum pour une personne seule et 17 € par jour pour un couple avec deux enfants). Un montant additionnel est en outre versé aux allocataires ne réussissant pas à avoir un hébergement gratuit au sein du dispositif national d'accueil .

Les rapporteurs rappellent le régime particulièrement généreux de versement de l'ADA consenti lors du premier confinement : les réfugiés (étrangers ayant fait l'objet d'une décision définitive de protection notifiée à partir du 1 er février 2020) et les déboutés (destinataires d'une décision définitive négative notifiée après le 1 er mars 2020), qui devaient théoriquement cesser de recevoir les versements au terme du mois de mars 2020, ont été maintenus dans leur droit à l'ADA afin d'éviter de les laisser en fin de procédure sans ressources durant la crise sanitaire . 3 971 ménages au total ont pu bénéficier de cette mesure, pour un coût direct sur les dépenses ADA évalué à 3,2 millions d'euros (2 575 ménages dont le chef de famille a été reconnu réfugié, 1 396 ménages dont le chef de famille a été débouté).

Le PLF pour 2021 prévoit pour l'ADA une dotation de 459 millions d'euros, en hausse de 2,6 % par rapport à 2020 . Cette dotation se fonde sur l'hypothèse d'un retour de la demande d'asile au niveau observé en 2019 et d'une diminution de la durée moyenne de traitement des demandes d'asile. La création de places d'hébergement supplémentaires au sein du DNA devrait également permettre de réduire les versements du montant additionnel de l'ADA.

Cette projection semble prudente et témoigne d'une volonté de prévoir de façon plus sincère la dépense liée à l'ADA, chroniquement sous-évaluée ces dernières années. Elle reste toutefois très incertaine compte tenu de l'impossibilité de prévoir la dynamique de demande d'asile en sortie de crise sanitaire.

2. La création de 6 000 places d'hébergement : un effort budgétaire considérable, mais qui reste très loin d'être suffisant pour héberger convenablement les demandeurs d'asile

De nombreuses catégories d'hébergement réservées aux demandeurs d'asile coexistent encore aujourd'hui. Leur empilement juridico-financier complexe s'explique par le contexte de leur création, il s'agit pour la plupart de la pérennisation de réponse à des situations d'urgence (évacuations de campement dans le Pas-de-Calais ou à Paris).

En simplifiant, le parc d'hébergement est désormais organisé autour de trois niveaux gradués de prise en charge, à différentes étapes du parcours du demandeur d'asile :

- d'abord, les centres d'accueil et d'évaluation des situations (CAES) , pour une première mise à l'abri et une évaluation immédiate de la situation administrative des personnes souhaitant engager une démarche d'asile ;

- puis le parc d' hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) , plus particulièrement adapté aux personnes sous procédure « Dublin » ou soumises à la procédure d'instruction accélérée ;

- enfin les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) , hébergement de référence à vocation pérenne pour les demandeurs d'asile en procédure normale, en vue de préparer leur hébergement autonome futur.

Le PLF pour 2021 prévoit une dotation de 634,8 millions d'euros en AE et 729,3 millions d'euros en CP pour le financement de l'accueil et de l'hébergement des demandeurs d'asile .

Cette dotation a vocation à permettre le renforcement du dispositif national d'accueil (DNA) à travers la création de 6 000 nouvelles places d'hébergement des demandeurs d'asile (4 000 au titre de cette mission : 3 000 en CADA, 1 000 en CAES ; 2 000 autres places d'hébergement temporaire créées sur la mission « Relance » : 500 en CAES et 1 500 places au sein des dispositifs de préparation aux retours).

Au total, les augmentations projetées dans le PLF pour 2021 devraient porter le parc d'hébergement des demandeurs d'asile à un total de 103 064 places en 2021 , contre 98 500 places en 2020.

Les rapporteurs rappellent toutefois que bien qu'importante, cette capacité d'hébergement se révèle largement insuffisante aujourd'hui : le Gouvernement affichait en 2019 et en 2020 des objectifs d'hébergement des demandeurs d'asile manifestement hors de portée : alors ministre de l'intérieur, Christophe Castaner ne craignait pas d'affirmer ainsi dans la presse que « L'État veut héberger 86 % des demandeurs d'asile d'ici 2020 ». En réalité, et comme le redoutait la commission des lois, depuis 3 ans les chiffres n'ont pas varié : à peine un demandeur sur deux parvient à être hébergé en structure dédiée. Les autres demandeurs d'asile sont orientés vers les hébergements d'urgence normalement dédiés aux personnes sans-abri ou en détresse, ou bien vers des structures hôtelières, qui n'offrent pas le même accompagnement (pour les démarches sociales ou administratives par exemple).

III. LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE : DES RÉSULTATS TOUJOURS INSUFFISANTS

Les crédits dédiés à la lutte contre l'immigration irrégulière sont retracés au sein de l'action 03 (« Lutte contre l'immigration irrégulière ») du programme 303 (« Immigration et asile ») . Ils financent notamment les frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière et le fonctionnement des centres de rétention administrative, et représentent moins de 10 % de la mission.

Pour l'année 2021, les crédits alloués à cette politique augmenteront de 15,95 % en AE et de 4,05 % en CP, évolution qui s'explique surtout par l' effort d'investissement dans le parc immobilier des centres de rétention administrative (CRA).

A. UNE INCERTITUDE SUR L'AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE

Comme leur collègue rapporteur de la commission des finances le déplore chaque année, et alors que la France fait face à un phénomène d'immigration irrégulière important et persistant, les rapporteurs de la commission des lois regrettent l'absence d'effort pour disposer de données précises permettant d'évaluer le nombre d'étrangers présents en situation irrégulière sur le territoire français .

Le phénomène ne peut actuellement être appréhendé que de façon indirecte à travers plusieurs indicateurs qui révèlent des ordres de grandeurs et des évolutions toujours préoccupants .

L'indicateur tiré de l'évolution de la pression migratoire terrestre irrégulière n'est pas significatif en raison de facteurs conjoncturels exceptionnels tant pour 2019 (les mouvements sociaux relatifs à la réforme des retraites ayant entrainé une baisse du trafic ferroviaire et un prélèvement des forces mobiles chargées des contrôles) que pour les premiers mois de 2020 (avec une hausse inhabituelle des mesures de non-admissions pendant le premier confinement du fait des mesures de fermeture des frontières touchant même les ressortissants européens).

L' aide médicale d'État (AME) permet une première approche statistique du nombre de personnes en situation irrégulière sur le territoire, puisqu'elle autorise un accès gratuit aux soins médicaux et hospitaliers spécifique en faveur de ces étrangers. 334 546 personnes en bénéficiaient au 31 décembre 2019 , soit une hausse de 5 % par rapport à la même date l'an passé (318 106 bénéficiaires), et un doublement en quinze ans . Dans les faits, le nombre d'étrangers en situation irrégulière est probablement nettement supérieur, car cet indicateur ne prend pas en compte le taux de non recours à l'AME ni l'immigration irrégulière à caractère transitoire 4 ( * ) .

Nombre de bénéficiaires de l'aide médicale d'État (AME), au 31 décembre

Source : commission des lois du Sénat, à partir des documents budgétaires

B. DES INVESTISSEMENTS SIGNIFICATIFS POUR LES CENTRES DE RÉTENTION, TRÈS SOLLICITÉS AVANT LA CRISE SANITAIRE

40,45 millions d'euros en AE et 38,18 millions d'euros en CP sont destinés au fonctionnement du parc des centres de rétention administrative (CRA), constitué de 25 centres (dont 21 en métropole et 4 outre-mer), représentant une capacité immobilière théorique cumulée de 1 664 places en métropole et 227 outre-mer au 30 juin 2020 .

Le PLF pour 2021 prévoit les crédits permettant la poursuite de l'augmentation du nombre de places de rétention : 480 places créées, soit + 35 %, sur la période 2018-2020 , par la rénovation des structures existantes, leur extension ainsi que la création de nouveaux centres.

Sur le plan des ressources humaines, ces nouvelles créations de places posent la question du caractère suffisant de la dotation en personnel et du financement adéquat de l'encadrement des retenus par les agents des CRA (sachant que taux d'encadrement moyen oscille souvent autour de 1,5-1,7 agent par place occupée). S'ils ont reçu l'assurance d'une mobilisation suffisante d'effectifs fléchés vers ces postes par la direction générale de la police nationale (DGPN), une incertitude subsiste sur la rapidité suffisante de ces affectations pour permettre d'« armer » toutes les places nouvellement créées . À cet égard, les rapporteurs notent l'intention du ministère de généraliser l'externalisation de certaines tâches non régaliennes, sous réserve du bilan de l'expérimentation menée au CRA de Marseille et débutée le 1 er septembre (fonction chauffeur des diverses missions d'escortes, accueil du public dans les centres, gardiennage du site, encadrement des activités de loisirs).

Ces créations sont particulièrement bienvenues dans la mesure où le taux d'occupation des centres de rétention administrative a très fortement progressé depuis 2016, particulièrement depuis l'attaque commise à Marseille, gare Saint-Charles, par un étranger en situation irrégulière et les instructions d'extrême fermeté diffusées par le ministre de l'intérieur 5 ( * ) .

Taux d'occupation moyen et durée moyenne de la rétention
dans les centres de rétention administrative

Source : Ministère de l'intérieur

Le taux d'occupation s'établit ainsi à 87 % en moyenne en métropole en 2019 (contre 79 % en 2018) .

La crise sanitaire rend peu significatives les données statistiques pour le premier semestre 2020 : 11 des 21 CRA métropolitains ont en effet fermé durant le confinement, les autres ne conservant qu'une activité très réduite 6 ( * ) .

C. L'ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE : DES EFFORTS RENOUVELÉS MAIS DES RÉSULTATS DÉRISOIRES

Comme l'y invitait le Sénat depuis des années, le Gouvernement semble s'être enfin saisi du problème de la délivrance des « laissez-passer consulaires » (documents fournis par les autorités du pays d'origine et indispensables pour renvoyer un étranger en situation irrégulière en France).

Le taux moyen global de délivrance dans les délais utiles s'est ainsi amélioré, passant de 54 % en 2018 à 67 % en 2019 grâce notamment à la conclusion d'accords de réadmission ou d'arrangements sur les procédures de réadmission.

Cependant, dans le détail, certains pays d'origine ne délivrent toujours pas suffisamment de laissez-passer consulaires (pas de réponse, ou réponse hors délai utile) : la Mauritanie, la Bosnie Herzégovine, le Nigéria et le Congo Brazzaville ont un taux de délivrance qui oscille entre 20 et 33 %.

Ce taux est particulièrement faible pour certains pays du Maghreb, et vos rapporteurs saluent l'initiative du ministre de l'Intérieur qui s'est rendu au Maroc début octobre 2020 afin de tenter de fluidifier ces délivrances.

Délivrance des laissez-passer consulaires (2015 - 2020)

Laissez-passer :

2015

2016

2017

2018

2019

2020
(6 mois)

Demandés

6 647

5 859

5 811

7 499

8 356

2 492

Obtenus dans les délais utiles

2 859

2 707

2 966

4 028

5 610

1 413

Obtenus hors délai

200

170

147

243

164

83

Demandes laissées sans réponse

2 818

2 395

2 384

2 813

2345

996

Taux de délivrance dans délai

43,0%

46,2%

51,0%

53,7%

67,1%

56,6%

Source : ministère de l'intérieur

Malgré ces efforts, le taux d'exécution des décisions d'éloignement, en diminution constante depuis 2012, poursuit sa baisse inexorable . En particulier le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) a atteint en 2019 un niveau particulièrement dérisoire.

Source : ministère de l'intérieur
* hors départs spontanés

Un étranger sur deux placé en CRA en 2019 n'était pas éloigné à l'issue de sa rétention administrative , soit parce que son obligation de quitter le territoire français (OQTF) est annulée par le juge administratif, soit parce que l'administration n'a pas été en mesure d'organiser son éloignement dans les délais impartis.

En 2020, la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) a été capable de maintenir une capacité minimale, notamment pour les profils les plus sensibles (éloignements prononcés pour des motifs d'ordre public, sortants de prison), mais le nombre d'éloignements forcés et aidés en 2020 ont été fortement réduits en conséquence de la crise sanitaire (fermeture des services chargés de délivrer les laissez-passer consulaires ; raréfaction des vols commerciaux permettant le réacheminement ; limitation des moyens humains disponibles dans les centres de rétention et pour les escortes mobilisés par le renforcement du contrôle des frontières).

Ainsi alors que 65 630 mesures d'éloignement ont été prononcées sur les 7 premiers mois de 2020, seules 6 831 ont été exécutées, soit à peine 10 %

*

* *

Malgré le caractère bienvenu des rattrapages budgétaires au regard des besoins immenses de nos services et des personnes à protéger, les rapporteurs estiment que ces hausses de crédits ne permettront en rien de répondre aux défis migratoires auxquels la France est confrontée, faute de volonté de s'attaquer à la source de la pression migratoire et aux facteurs qui favorisent le dévoiement de nos procédures.

Concernant le droit d'asile , ils partagent bien sûr la volonté de réduire les délais de traitement pour répondre aux demandes de protection des plus vulnérables, ne pas laisser de faux espoirs à ceux qui n'ont pas vocation à être accueillis sur notre territoire, et diminuer le coût de l'accueil des demandeurs.

Mais ils s'inquiètent aussi que les demandes d'asile en France aient quasiment triplé en dix ans , qu'elles obéissent désormais à des motifs plus socio-économiques que véritablement politiques, et que figurent parmi les principaux pays d'origine des pays considérés comme sûrs voire des États candidats à l'Union Européenne. Faute de s'attaquer aux causes de ces évolutions inquiétantes, c'est l'acceptabilité sociale du principe même de l'asile qui risque d'être remise en cause chez bon nombre de nos concitoyens.

Pays de transit et de destination particulièrement exposé aux « flux de rebonds », la France voit année après année son système d'asile particulièrement généreux menacé par l'absence de coordination européenne : en témoignent les divergences encore caricaturales entre pays européens en termes de taux de protection de certaines nationalités, comme les ressortissants afghans. Les rapporteurs insistent sur la nécessité d'aboutir rapidement à des solutions coordonnées à l'échelle européenne, sur la base des réformes proposées par le nouveau « pacte sur la migration et l'asile » présenté par la Commission européenne et en cours de discussion.

Concernant les politiques d'intégration , malgré une intention louable et partagée par les rapporteurs de renforcement des volets linguistique et professionnel du contrat d'intégration républicaine, l'OFII peine à remplir ses missions faute de moyens et ses résultats sont encore bien en deçà des attentes (un quart des bénéficiaires de cours de langues n'atteint pas le niveau de maitrise rudimentaire A.1).

Concernant la lutte contre l'immigration irrégulière , les rapporteurs comprennent naturellement le besoin d'augmenter le nombre de centres et de places de rétention (+ 480 places de CRA entre 2018 et 2020). Mais ils ne peuvent se satisfaire de ces augmentations si, en aval, aucun progrès significatif n'est accompli en matière d''éloignement : neuf obligations de quitter le territoire sur dix ne sont pas exécutées .

C'est donc à de véritables réformes de fond de nos politiques migratoires plutôt qu'à une micro-gestion budgétaire de la pénurie que vos rapporteurs appellent le Gouvernement, comme le Sénat le propose d'ailleurs régulièrement lors de l'examen des textes relatif à ces sujets :

- une conditionnalité des aides et restrictions de la délivrance des visas envers les pays non coopératifs qui ne délivrent pas de laissez-passer consulaires ;

- la simplification du contentieux de l'éloignement ;

- le durcissement des conditions du regroupement familial ;

- la systématisation des peines d'interdiction du territoire, etc.

Dans ces conditions, et suivant la proposition de ses rapporteurs, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits au projet de loi de finances pour 2021 .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 25 NOVEMBRE 2020

Mme Muriel Jourda , rapporteur pour avis . - J'interviendrai spécifiquement sur les volets de l'immigration régulière et l'intégration, d'une part, puis de la lutte contre l'immigration irrégulière, d'autre part.

Précisons d'abord que la mission « Immigration, asile et intégration » ne recouvre pas l'intégralité des sommes affectées dans le budget de l'État en la matière. En réalité, le financement des politiques migratoires relève de 13 missions, pour un montant de 6,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), si l'on en croit le document de politique transversale relatif à cette thématique. La mission qui nous intéresse rassemble, quant à elle, 1,84 milliard d'euros en CP, et 1,76 en autorisations d'engagement (AE). Ces crédits sont pilotés par la direction générale des étrangers en France, qui dépend du ministère de l'intérieur. Il s'agit donc d'apprécier ce budget et l'action au Gouvernement, en prenant en compte l'intervention de la pandémie dans les flux d'immigration et d'éloignement.

Concentrons-nous d'abord sur l'immigration régulière, en rappelant quelques faits. Celle-ci est en hausse, de 4,6 % en 2018, et de 6,1 % en 2019. Les chiffres pour 2020 ne sont pas encore disponibles, notamment en raison de la pandémie. Environ 275 000 titres de séjours ont été délivrés en 2019. Le stock en cours, c'est-à-dire les titres de séjour en cours de validité, était de 3,4 millions au 31 décembre 2019. On peut observer une évolution des motifs de délivrance de ces titres : les titres de séjour étudiants ont augmenté de 7,5 %, atteignant ainsi pour la première fois le niveau des demandes au titre du regroupement familial, et l'immigration économique a augmenté de 14,8 %. Environ 224 000 immigrés au total ont été régularisés sur le fondement de la circulaire Valls depuis 2012, dont nous déplorons tous les ans le manque de fermeté à l'égard des personnes entrées irrégulièrement sur le territoire. Les trois premières nationalités des personnes qui immigrent régulièrement sur notre territoire sont les nationalités marocaine, algérienne et tunisienne.

Le sujet de l'intégration est essentiel lorsqu'on parle d'immigration légale. Or, nonobstant l'activité de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et indépendamment de la crise de la covid-19, les résultats sont relativement décevants. À compter de mars 2019, un contrat d'intégration républicaine (CIR) renforcé avait pourtant été mis en place. Celui-ci prévoyait une formation linguistique et civique, ainsi que des possibilités d'insertion professionnelle. Il n'a pas donné les résultats attendus : sur près de 52 000 primo-arrivants qui bénéficiaient de la formation linguistique, un quart n'atteint pas le niveau de langue requis, pourtant rudimentaire. De plus, seules 173 personnes se sont présentées pour obtenir la certification de niveau de langue qui était proposée. S'agissant de la formation professionnelle, un nouvel accord-cadre doit être conclu depuis plus de deux ans, notamment avec Pôle emploi, il se fait attendre. Surtout, les moyens accordés à l'OFII n'évoluent pas, et en décalage avec la pression migratoire qui augmente d'année en année.

Il est beaucoup plus difficile de donner des chiffres sur l'immigration irrégulière. Le Sénat a déjà alerté à plusieurs reprises le Gouvernement sur le fait qu'aucune donnée ne semble à même de pouvoir chiffrer précisément ce type d'immigration. Nous en sommes donc réduits à évoquer le chiffre de l'aide médicale de l'État (AME), qui correspond à la sécurité sociale des immigrés en situation irrégulière sur le territoire, dans la mesure où ils s'y trouvent depuis au moins trois mois sans bénéficier d'aucun revenu. Cet indicateur a été multiplié par deux en quinze ans, et a augmenté de 5 % en 2019. Ce sont ainsi 334 546 personnes qui en bénéficient, mais ces chiffres sous-estiment sans doute de beaucoup la réalité de l'immigration irrégulière.

L'immigration irrégulière a vocation à engendrer des départs de France, ce devrait être une priorité de notre politique. Nous en sommes loin.

Premièrement, concernant les centres de rétention administratifs (CRA) - lieux où sont maintenus les étrangers qui font l'objet d'une décision d'éloignement, dans l'attente d'un renvoi forcé, et qui sont 25 en France - des places supplémentaires sont certes en cours de création : le plan 2018-2020 se poursuit, avec 480 nouvelles places. Mais il faut rappeler que ces centres font l'objet d'un taux d'occupation extrêmement important, à hauteur de 87 % en 2019. L'année 2020 est, à cet égard, une exception, du fait des mesures sanitaires. La question du personnel qui sera affecté pour « armer » ces nouvelles places revêt une grande importance. Le taux d'encadrement requis est conséquent, de l'ordre d'1,5 à 1,7 agent nécessaire par personne en situation de rétention. Des incertitudes demeurent sur l'affectation de personnel en temps et en heure pour l'ouverture des places.

Deuxièmement, concernant l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, se pose d'abord la question des laissez-passer consulaires. Ce document doit être délivré par le pays d'origine pour qu'il reprenne son ressortissant. Sur ce point, on constate une amélioration du taux de délivrance, passé de 54 à 67 %, ainsi que du délai de réponse. Malgré tout, le taux d'exécution des décisions d'éloignement reste extrêmement faible : il est de l'ordre de 13,6 % en 2017, de 12,6 % en 2018 et de 12,2 % en 2019. Ce résultat se dégrade d'année en année, et dans les faits, un étranger sur deux se trouvant en CRA ne quitte pas le territoire. La situation est donc meilleure du point de vue de la délivrance des laissez-passer consulaires, mais mauvaise du point de vue de l'exécution des mesures d'éloignement, avec un budget qui reste, là encore, constant.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur pour avis. - Je poursuis sur le droit d'asile, qui représente 1,18 milliard d'euros en AE et 1,28 milliard en CP. On constate une baisse des AE, qui apparaît logique dans le contexte de la fin d'un cycle important de création de places d'hébergement. Les CP augmentent, quant à eux, de 2,37 %. Depuis plusieurs années, notre pays engage deux types de démarches : d'une part, la réduction du délai de traitement des demandes d'asile, et d'autre part, l'amélioration des conditions matérielles d'accueil des demandeurs.

Le nombre de demandes d'asile accuse une hausse continue depuis une dizaine d'années. En 2019, les demandes enregistrées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ont atteint le nombre record de 132 826, soit une augmentation de 7,4 %. La masse des demandes effectuées dans le cadre des procédures dites « Dublin », - un tiers du total des demandes déposées - démontre à nouveau l'échec de ce mécanisme. En 2020, la limitation des déplacements à la suite de la crise sanitaire a abouti à une baisse des demandes d'environ 30 %, chiffre en conformité avec ce que l'on peut observer ailleurs en Europe. Il ne s'agit toutefois pas d'un phénomène durable, car, dès la fin du premier confinement, on a pu constater une remontée du nombre des demandes d'asile, et cela nous conduit à penser que la progression a vocation à continuer. Le PLF 2021 est bâti sur l'hypothèse d'une stabilisation du nombre de demandeurs autour du niveau constaté en 2019, qui nous paraît crédible.

L'analyse de l'origine des demandeurs d'asile met en lumière une prédominance des pays du Maghreb et des pays d'Afrique francophones, sous l'effet des différents conflits. On constate une diminution du nombre de demandeurs venant de pays d'origine considérés comme sûrs, notamment l'Albanie et la Géorgie. Les efforts menés d'abord par M. Collomb, et aujourd'hui par M. Darmanin, peuvent donc être considérés comme des réussites. Depuis trois ans, le premier pays d'origine des demandes est l'Afghanistan. La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) vient d'ailleurs d'infléchir sa jurisprudence dans ce domaine, en précisant les critères d'attribution de la protection subsidiaire. Ce sujet n'est pas négligeable, car les Afghans représentent une grande partie des personnes effectuant leur demande en France après un passage ou l'échec d'une première demande dans un autre État européen. À titre d'exemple, le taux de rejet des demandes afghanes en Allemagne représente un peu plus du double du nôtre.

Sur les deux objectifs du Gouvernement en matière d'asile - réduction du délai de traitement, amélioration des conditions d'accueil -, nous ne pouvons faire qu'un constat d'échec.

Concernant la réduction des délais de traitement, l'exercice est un peu désespérant. Pourtant, les moyens alloués à l'Ofpra avaient été fortement augmentés, notamment avec la création de 200 équivalents temps plein (ETP) l'an dernier. La plupart des recrutements ont été réalisés, mais l'épidémie de la covid a abouti à la fermeture de l'Ofpra pendant le premier confinement, et, malgré les efforts, à une semi-fermeture dans la période actuelle. Ainsi, l'examen des dossiers et les auditions ont été ralentis, aboutissant pour 2020 à un délai moyen de traitement de l'Ofpra de 275 jours. L'objectif fixé par notre pays, à savoir la réduction du délai de traitement à 60 jours, est donc repoussé à 2023. Pour 2021, l'objectif dit « intermédiaire » serait de 112 jours, ce qui reste élevé. La situation est similaire pour la CNDA : malgré un effort budgétaire de recrutement important en 2020, avec des juges vacataires, de nouveaux rapporteurs, ou encore la création de chambres spécialisées, on peut conclure au même échec. Celui-ci a une double origine : d'une part, la grève des avocats début janvier, et d'autre part, l'effet de la covid-19, puisque la totalité des audiences a été annulée pendant la période de confinement. Les délais sont de nouveau importants et nous n'arrivons pas à mettre en place l'utilisation de la vidéo en audience, qui était une solution envisagée. L'expérimentation dans ce domaine existe, mais se heurte au fait qu'elle ne peut avoir lieu sans l'accord des parties. L'accord conclu avec les avocats fait ainsi fi de la volonté du législateur...

Concernant les conditions matérielles d'accueil, notre pays présente des niveaux élevés de dépenses sur l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), correspondant à 459 millions d'euros. Dans le cadre du « quoi qu'il en coûte » présidentiel, notre pays a par ailleurs prorogé automatiquement l'ADA jusqu'à la fin de la crise sanitaire, même pour les personnes déboutées de l'asile. En outre, l'effort considérable mené sur les conditions d'hébergement se poursuit. En 2021, 6 000 places d'hébergement supplémentaires seront créées, ce qui correspond à une augmentation de 6 %. Ces chiffres sont particulièrement importants, et sont le résultat de cet exercice budgétaire particulièrement marquant. Mais malgré ces moyens budgétaires, la situation ne donne pas satisfaction, puisque la moitié seulement des demandeurs d'asile sont hébergés.

Le droit d'asile est un échec en France, et il ne s'agit pas d'un sujet de nature budgétaire. Aujourd'hui se pose la question de sauver le droit d'asile de lui-même. Ce droit est né après-guerre, il est aujourd'hui devenu un élément beaucoup plus mondialisé que ce qui avait été envisagé. Peut-il être sauvé ? Oui, mais sous réserve que les délais de traitement soient raisonnables, d'une part, et que soient éloignées les personnes qui ne bénéficient pas de la protection, d'autre part. À l'origine, le droit d'asile s'adresse aux combattants de la liberté, mais nous avons quitté ce registre depuis bien longtemps. La question des délais ne relève pas de mauvaise volonté ou d'insuffisance de moyens budgétaires. Concernant l'éloignement, c'est une catastrophe totale : nous n'éloignons en réalité quasiment pas. Certaines situations sont même totalement imparables. Sur les 25 CRA, la moitié est fermée pour des raisons liées à la covid-19, et la moitié restante fonctionne à demi-effectif. De plus, l'éloignement est soumis à l'accord des pays concernés, qui demandent l'assurance que l'intéressé ne soit pas atteint de la covid-19, et le refus d'être testé est un droit protégé. Ainsi, il faut faire preuve de beaucoup de bonne volonté pour se trouver en situation d'éloignement...

Il y a toutefois des points positifs, le premier étant porté par l'Union européenne, avec des projets de réforme importants. Ensuite, un travail intéressant de croisement des informations administratives est aujourd'hui effectué, afin de permettre à l'autorité judiciaire de communiquer à l'Ofpra les situations qui posent problème en termes d'ordre public. En outre, l'attribution du statut du réfugié ne vaut pas carte blanche, car le bénéficiaire du droit d'asile ou de la protection subsidiaire présentant un risque pour l'ordre public peut se voir retirer ce statut, ce qui se produit assez régulièrement. La modification de jurisprudence de la CNDA vis-à-vis de l'Afghanistan est également un élément positif. De la même manière, le ministre de l'intérieur est très engagé sur l'obtention des laissez-passer consulaires, et il faut également saluer le travail de l'Union européenne sur ce sujet. Lors de l'audition de Mme Johansson par la commission des affaires européennes, celle-ci nous a assuré que la Commission européenne disposait d'une palette d'arguments pour négocier une augmentation de nombre de ces laissez-passer. Enfin, je souhaite que nous trouvions des solutions pour éviter que des personnes en situation de migration ne s'opposent à la prise en compte de leurs empreintes.

Mme Muriel Jourda , rapporteur pour avis . - Vous l'avez compris, ce budget a été abondé tous les ans par à-coup, plutôt au bénéfice de l'immigration régulière et de l'intégration en 2018, de l'asile en 2019, et de l'hébergement en 2020. Les efforts financiers sont indéniables. Mais ce budget est surtout un tonneau des Danaïdes : on passe son temps à courir après la réalité qui s'impose à nous, à savoir celle d'une immigration toujours en hausse, et d'un nombre toujours plus important de personnes en situation irrégulière. Il nous faut désormais vraisemblablement adopter une législation différente : cela passe à la fois par l'Europe, mais aussi par le niveau national. On ne peut pas à la fois constater que cette immigration ne cesse d'augmenter, et voter parallèlement un regroupement familial toujours plus facile, comme cela a été fait - contre l'avis du Sénat - dans la loi de 2018 pour une immigration maîtrisée. Il faut tirer des conséquences de la réalité : nous n'appliquons pas nos lois sur l'immigration irrégulière correctement, et ce n'est pas de bonne politique.

Malgré les efforts financiers, la politique migratoire n'est pas efficace, et par conséquent, nous vous proposons d'émettre un avis défavorable sur ce budget.

Mme Nathalie Goulet . - Ce sujet est un irritant, qui fait le jeu les extrêmes et du Rassemblement national. Il est de la responsabilité de la représentation nationale de trouver des solutions. Je partage le constat des rapporteurs sur l'échec de la politique migratoire. Il faudrait accueillir moins, mais accueillir mieux.

A-t-il été fait état de la situation des outre-mer au regard de la situation migratoire, ces territoires étant particulièrement poreux ?

Qu'en est-il des interprètes afghans de l'armée française ? Ces personnes mériteraient l'asile, et ont été traitées de façon inacceptable. Ils ont besoin d'un hébergement et sont aujourd'hui complètement à la charge des bénévoles. Cette situation est un vrai scandale pour la France.

La situation en milieu carcéral a-t-elle été étudiée ? Que deviennent les détenus en situation irrégulière à l'issue de leur incarcération ?

M. Jean-Yves Leconte . - Je ne pense pas qu'il y aura un jour une solution parfaite sur ce sujet, qui est complexe. Il faut donc s'exprimer avec nuance.

Premièrement, l'année 2020 sera particulière. Le premier motif de délivrance d'un titre de séjour est d'être conjoint ou futur conjoint de Français. Compte tenu de la situation aux frontières, beaucoup de personnes ne pourront pas se marier cette année. Deuxièmement, nous délivrons à peu près trois fois moins de titres de séjour que la Pologne. Il faut donc relativiser l'idée que nous les délivrons à tout-va. Troisièmement, la circulaire Valls se contente d'établir des critères objectifs en matière d'intégration, de travail et de scolarisation des enfants qui conditionnent l'obtention du titre de séjour. Enfin, notre pays a été plusieurs fois condamné cette année par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), à propos de la manière dont les personnes sont traitées. C'est le cas pour la situation des enfants à Mayotte, ou encore sur les traitements inhumains et dégradants que la France a fait subir à certains demandeurs d'asile. Je rappelle aussi la lettre très argumentée du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) sur la situation des CRA dans le contexte sanitaire. Et quid des contrôles aux frontières ?

Concernant l'asile, nous sommes chanceux par rapport à la plupart des pays européens. Les demandes d'asile ont suivi une courbe progressive, qui n'a jamais présenté les à-coups de celle nos voisins. On peut constater deux échecs : le premier est l'hébergement, en particulier de ceux qui obtiennent la protection ; le second, la difficulté d'accès au guichet en préfecture. Les seuls points positifs viennent de l'Europe. Il s'agit notamment de la réforme du pacte migratoire, notamment via le renforcement de la base de données Eurodac et le développement du système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (Etias) pour les ressortissants non soumis à l'obligation de visa. Pour le reste, la politique actuelle ne préserve pas la dignité des personnes. Nous ne voterons donc pas ce budget.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Les rapporteurs pourraient-ils évoquer la situation des outre-mer ? Ces territoires concentrent en effet à eux seuls plus de la moitié de la problématique de l'immigration illégale, et plus de la moitié des reconduites à la frontière de notre pays. Ils sont également fortement concernés par la problématique du droit d'asile. Lors d'une visite en Guyane l'année dernière sous la conduite de Philippe Bas, nous avons pu nous apercevoir de cette réalité.

M. Jean-Pierre Sueur . - On considère toujours qu'il y a une sorte de « trop-plein » d'immigration, qui serait préjudiciable. Or, je crois que l'état économique du monde et d'un certain nombre de pays fait qu'il y aura toujours une pression migratoire. Je salue le fait qu'il y ait deux rapporteurs, puisque l'immigration est une politique, alors que l'asile est un droit, par lequel nous sommes liés au travers de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

Je ne partage par la conception de Philippe Bonnecarrère, selon laquelle le droit d'asile serait né à partir de l'après-guerre. Les conditions de violence et de souffrance existantes dans certains pays font que l'asile sera toujours là. Il n'y a donc d'autre solution que de faire en sorte que les choses se passent le mieux possible. S'agissant de l'asile, il est intéressant de voir qu'en dépit des moyens importants affectés à l'Ofpra et à la CNDA, il n'y a pas eu d'effet. Si l'examen d'une demande d'asile dure un an et demi, les personnes finissent par rester. Réduire ces délais est donc un véritable enjeu, y compris dans la perspective de raccompagner les personnes en situation irrégulière. C'est la seule chose que nous pouvons faire. Il faut être réaliste, et ce sujet suscite des questionnements idéologiques, même si je reconnais la présence de problèmes concrets.

Mme Éliane Assassi . - Le droit d'asile est un droit fondamental en France, profondément ancré dans notre tradition républicaine. Il est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, et c'est une obligation internationale qui repose sur la convention de Genève de 1951. C'est pourquoi il ne peut pas être soumis aux vicissitudes de la politique de la migration. Si je partage l'avis défavorable des rapporteurs, ce n'est pas pour les mêmes raisons. Il s'agit d'une mission compliquée, dont on ne peut pas avoir qu'une lecture chiffrée. La place de l'humain est importante. Or, votre analyse porte exclusivement sur les conséquences : les causes de l'immigration et de l'accroissement des demandes d'asile ne sont évoquées à aucun moment. Tant que l'on ne s'affranchira pas de cette réflexion, on restera dans une discussion binaire. La question n'est donc pas d'être pour ou contre, mais de faire des propositions. Une fois que nous parviendrons à cette analyse sincère, nous pourrons être plus sereins sur ces questions.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Il s'agit d'un débat très clivant. Personne ne remet en cause le droit d'asile, mais aujourd'hui, celui-ci est complètement détourné à la faveur de la migration économique. Effectivement, il faut un vrai débat sur le sujet. Il n'y a rien de glorieux pour un pays comme la France à créer des ghettos sur les trottoirs parisiens. Il faut donc être réaliste ; d'ailleurs, les régions ne sont pas toutes concernées de la même manière. L'aide au développement est, en outre, un élément majeur, et il faudrait poser la question de l'immigration en ces termes. Moins on en parle, plus on favorise les partis populistes.

Mme Muriel Jourda , rapporteur pour avis . - Il y a un clivage, mais celui-ci ne porte pas sur les constats. Chacun est d'accord pour dire que l'immigration n'est pas bien intégrée, que le droit d'asile n'est pas bien exercé, et qu'il ne faut toutefois pas le remettre en cause. Mais deux politiques différentes se font face. D'une part, celle du Gouvernement, partagée par certains de nos collègues, selon laquelle il faudrait mettre les moyens à la hauteur de la demande. D'autre part, celle que vos rapporteurs soutiennent, qui consiste plutôt à vouloir juguler la demande pour pouvoir exercer correctement le droit d'asile, et ainsi avoir une politique d'immigration véritablement intégratrice, contraire à une simple juxtaposition de communautés sur le territoire.

Selon Mme Assassi, nous ne nous interrogerions pas assez sur les causes de l'immigration et les motifs de ceux qui émigrent. Mais on peut aussi s'interroger sur la volonté des peuples qui accueillent à intégrer. La position de ceux qui accueillent doit être prise en compte. On voit donc bien la ligne de partage qu'il y a ici.

Sur l'outre-mer, le format du rapport ne nous permet malheureusement pas de développements spécifiques, même si nous avons interrogé le ministère de l'intérieur et obtenu plusieurs réponses écrites. Je peux toutefois vous indiquer un chiffre : en 2019, plus de 24 000 personnes ont été placées dans les CRA en métropole, contre plus de 26 000 en outre-mer. On se rend compte que l'outre-mer, notamment Mayotte, concentre une forte immigration dans une situation déjà extrêmement difficile. Effectivement, un plan a été mis en place, mais la difficulté perdure.

Sur la situation en milieu carcéral, du fait de la pandémie, il a été difficile de remplir les CRA, mais les personnes sortant de prison faisant l'objet d'une mesure de départ du territoire ont, par principe, été retenues dans ces CRA.

M. Philippe Bonnecarrère , rapporteur pour avis . - Nous comprenons très bien que ces sujets soient traités de manière nuancée.

Madame Goulet, concernant le sujet des interprètes afghans de l'armée française, le ministre des affaires étrangères vous a répondu en séance, et nous n'avons pas eu d'alerte particulière sur ce sujet. Lorsque nous revenons au droit classique de l'asile, toute personne persécutée en raison de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques bénéficie de la protection. Si l'Ofpra est saisi d'une demande d'un interprète de l'armée française pouvant justifier de sa coopération, nous comprendrons que cette personne puisse être en danger en restant en Afghanistan dans les conditions d'une prise de pouvoir des talibans. Nos procédures classiques doivent permettre de traiter ces cas.

Monsieur Mohamed Soilihi, s'agissant de l'outre-mer, j'espère que nous aurons l'occasion d'échanger pour avoir votre lecture de ce qui reste encore à faire en la matière. La moitié des quelques éloignements réalisés le sont en outre-mer. Est-ce une réponse satisfaisante aux préoccupations de l'outre-mer ?

Monsieur Leconte, je partage surtout votre conclusion : la réforme de la politique migratoire se fera forcément à l'échelle européenne.

Monsieur Sueur, s'agissant de la différence entre l'immigration et l'asile, vous nous appelez à considérer les choses dans la durée, et je retrouve, dans l'intervention d'Éliane Assassi, une même logique d'analyse générale.

Tout droit doit être socialement accepté. Notre pays a pris des engagements et il n'est dans l'esprit de personne de renoncer au droit d'asile, mais il n'est pas scandaleux d'examiner dans quelles conditions ce droit peut être socialement acceptable. Je constate une montée en puissance des interventions sur le thème : ne faut-il pas changer la Constitution ? Avant de se poser ce type de question douloureuse, il faudrait déjà faire fonctionner le système. Ce n'est pas la bonne volonté du Gouvernement qui est en cause, ni les moyens déployés dans notre pays ; on songe au rocher de Sisyphe.

Madame Eustache-Brinio a évoqué l'idée d'un détournement avec l'immigration économique ; cela fait effectivement partie du sujet.

Mme Françoise Gatel . - Un pays souverain définit sa politique d'accueil et nous devons pouvoir en parler de manière rationnelle et démocratique. Je suis frappée par l'augmentation de nos budgets et par notre incapacité à appliquer la loi, d'une part, et à apporter une réponse humaine aux personnes accueillies, d'autre part. Je partage l'avis d'Éliane Assassi quant à la nécessité de s'interroger sur les causes. Comment, par exemple, pouvons-nous laisser à penser que nous pourrions accueillir l'ensemble des personnes souhaitant émigrer, alors que les pays d'origine ont besoin de cette richesse humaine pour assureur leur développement ? Le rapport présenté aujourd'hui, à mon sens, est à corréler avec l'aide au développement que nous apportons.

Un pays doit s'assurer de l'application de la loi. En période de crise sanitaire, l'obligation du consentement aux tests avant tout éloignement me laisse interrogative.

Mme Valérie Boyer . - Le sujet est douloureux pour tout le monde, et en premier lieu pour les personnes jetées sur les routes de l'immigration. Ces personnes sont, le plus souvent, victimes du trafic d'êtres humains. Voilà une des causes dont on ne parle pas assez et que l'on ne sanctionne pas suffisamment : le trafic d'êtres humains. En tant que députée, j'ai voulu que ce trafic soit pénalisé de manière plus forte, mais cela a été refusé dans la dernière loi Asile et immigration. Nous savons aujourd'hui que ce trafic rapporte davantage que le trafic de drogues ou que tout autre trafic, et notre législation ne nous permet pas de lutter contre cela.

Je pense à la souffrance de ces personnes sur les routes ou entassées dans des bidonvilles ou des campements - on emploie même le mot atroce de « camp » -, souvent « utilisées » à des fins partisanes par des associations, et je pense également à la souffrance des Français qui n'ont jamais été directement interrogés sur le sujet. Le chaos migratoire dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui doit nous conduire à nous interroger sur la possibilité de consulter les personnes qui accueillent.

Dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, des personnes venant majoritairement de Tunisie - un pays qui n'est pas en guerre - se font passer pour des mineurs et s'entassent à la frontière entre l'Italie et la France, avec l'idée d'enfreindre notre législation. Parmi elles, beaucoup, en outre, sont infectées par le virus de la covid-19.

Dans cette situation de chaos migratoire, il n'y a que des perdants : les pays qui se cotisent pour envoyer des personnes attirées par notre législation et par le regroupement familial très élargi, malheureusement, en 2018 ; et aussi, les Français qui souffrent et ne comprennent pas pourquoi nous n'arrivons pas à appliquer nos propres règles. Parmi les endroits les plus difficiles, je pense évidemment aux départements d'outre-mer, notamment à la situation dramatique à Mayotte.

M. François-Noël Buffet , président . - Nous arrivons aujourd'hui à partager le constat. Il s'agit d'une première étape.

Nous connaissons un problème structurel - et non budgétaire. Les choix de politique migratoire doivent être formulés par le Gouvernement, quel qu'il soit. Cela touche l'immigration régulière - sur laquelle il faut être parfaitement clair - et l'immigration irrégulière - dans la manière de procéder aux éloignements. Et nous avons également affaire à un problème de droit, conjoncturel. L'asile, c'est un droit ; personne ne le remettra en cause, même si la situation peut varier selon les conjonctures internationales, ce qui oblige à s'adapter.

En revanche, nous devons être vigilants sur le détournement des procédures. Le problème de fond n'est pas d'accueillir, ni de protéger, mais d'éviter qu'un certain nombre de personnes ou de réseaux profitent du système et le détournent au détriment de ceux qui mériteraient un traitement plus rapide de leur dossier.

Le sujet, très complexe, dépend aussi beaucoup des relations internationales, de la capacité à obtenir des laissez-passer consulaires... Tout cela n'obéit pas simplement à la règle de droit elle-même, mais à d'autres critères.

Je voudrais saluer le travail précis et clair effectué par les rapporteurs. Nous aurons sans doute d'autres débats. Sur des sujets comme celui-ci, je vous ferai peut-être des propositions à l'avenir.

La commission décide de réserver son avis sur la mission « Immigration, asile et intégration » .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'intérieur

Direction centrale de la police aux frontières (DCPAF)

M. Fernand Gontier , directeur central de la police aux frontières

Mme Brigitte Lafourcade , directrice centrale adjointe de la police aux frontières et de la contrôleuse générale

Mme Lydie Aragnouet , sous-directrice de l'immigration et de l'éloignement

Direction générale des étrangers en France (DGEF)

M. Ludovic Pacaud , sous-directeur du pilotage et des systèmes d'information

M. David Massias , chef du bureau du pilotage et de la synthèse budgétaire et financière

M. Olivier Marmion , sous-directeur de la lutte contre l'immigration irrégulière

Mme Céline Dusautoir , adjointe à la cheffe du département de l'animation et du financement de la politique de l'asile

Mme Agnès Fontana , directrice de l'accueil de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité

M. David Myard , sous-directeur de l'accueil de l'accompagnement des étrangers

Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

M. Julien Boucher , directeur général

Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

M. Didier Leschi , directeur général

Cour nationale du droit d'asile (CNDA)

Mme Dominique Kimmerlin , présidente

M. Philippe Caillol , secrétaire général

Table ronde des associations d'aide aux étrangers

France Terre d'Asile

Mme Delphine Rouilleault , directrice générale

Forum réfugiés-Cosi

M. Jean-François Ploquin , directeur général

M. Laurent Delbos , chef de mission plaidoyer

ASSFAM-groupe SOS solidarités

Mme Céline Guyot , responsable du pôle juridique

La Cimade

M. Gérard Sadik , responsable national des questions asile

M. David Rohi , responsable national rétention


* 1 Le compte rendu de cette audition est disponible à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html

* 2 Sous la pression des instances européennes, les indicateurs statistiques de demande d'asile ont fait l'objet d'un changement de méthode de calcul en 2020. Le système d'information asile (SI-Asile) a succédé à la source OFPRA et une nouvelle méthodologie permet désormais de dénombrer, outre les demandes passant par l'OFPRA, les demandes en procédure « Dublin » et les demandes déposées en guichet unique (GUDA) qui échappaient à l'OFPRA. La nouvelle source SI-Asile ne permettant pas de remonter au-delà de 2018, les demandes d'asile mentionnées ici sont celles issues du système d'information de l'OFPRA comme lors des précédents avis budgétaires.

* 3 CNDA Grande formation, 19 novembre 2020, M. N. n° 19009476 R et M. M. n° 18054661 R.

* 4 Notamment parce que l'AME est attribuée sous condition de résidence stable et ininterrompue en France pendant trois mois.

* 5 Instruction n° NORINTK17018905 du 16 octobre 2017 relative à l'éloignement des personnes représentant une menace pour l'ordre public et des sortants de prison. À la suite de l'attentat de Marseille du 1 er octobre 2017, le ministre de l'intérieur a rappelé aux agents de l'État la nécessité de contacter « le centre de rétention administrative le plus proche afin de vérifier ses disponibilités » lorsqu'un étranger en situation irrégulière ne présente pas suffisamment de garanties de représentation. De même, « si le placement dans (ce centre) n'est pas possible, vous rechercherez les possibilités de placement dans d'autres CRA en sollicitant à cet effet le référent régulation rétention de la direction zonale de la police aux frontières ».

* 6 Sur ce point, il est renvoyé aux développements consacrés aux CRA dans la partie thématique « Lieux de privation de liberté » au sein du rapport d'information n° 609 (2019-2020) du 8 juillet 2020 « Mieux organiser la Nation en temps de crise ».

http://www.senat.fr/rap/r19-609/r19-609_mono.html#toc236

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