Avis n° 144 (2020-2021) de Mme Catherine DI FOLCO , fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 novembre 2020

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N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la c ommission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 ,

TOME V

FONCTION PUBLIQUE

Par Mme Catherine DI FOLCO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Mikaele Kulimoetoke, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le 24 novembre 2020 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a examiné l'avis budgétaire « fonction publique » présenté par Catherine Di Folco (Apparentée Les Républicains - Rhône) .

Les 5,56 millions d'agents publics sont en première ligne pour assurer la continuité du service face à l'épidémie de covid-19 , que ce soit à l'hôpital (21 % des agents), dans les collectivités territoriales (35 %) ou dans l'administration de l'État (44 %).

La commission des lois salue leur engagement et leur réactivité face au bouleversement de leurs conditions de travail. Elle demande au Gouvernement d'évaluer le nombre d'agents publics touchés par le virus, information qui fait encore défaut.

Cette période difficile ne doit pas empêcher la mise en oeuvre de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique , qui donne de nouveaux outils aux employeurs pour moderniser la gestion de leurs ressources humaines (simplification du dialogue social, contrat de projet, rupture conventionnelle, etc .).

Près d'un an et demi après la promulgation de la loi, la commission déplore que des mesures d'application manquent encore à l'appel , notamment en ce qui concerne les autorisations spéciales d'absence, les commissions administratives paritaires et la détermination du centre des intérêts matériels et moraux de nos compatriotes ultramarins (CIMM).

Sur le plan budgétaire, le Gouvernement a renoncé à ses objectifs de réduction des effectifs de l'État, alors que sa masse salariale continue d'augmenter.

I. LES EFFECTIFS DE L'ÉTAT : STABILISATION DES EFFECTIFS ET AUGMENTATION DE LA MASSE SALARIALE

A. UNE STABILISATION DES EFFECTIFS, BIEN LOIN DES ENGAGEMENTS INITIAUX DU GOUVERNEMENT

Le PLF pour 2021 prévoit de supprimer 157 équivalents temps plein (ETP) dans la fonction publique de l'État, sur un total de 2,47 millions d'agents . L'effort porterait, une fois encore, sur les opérateurs (- 146 ETP), seuls 11 ETP étant supprimés dans les ministères.

Les secteurs régaliens et l'enseignement supérieur seraient préservés, les suppressions de postes portant principalement sur les finances (52 % de l'effort), la transition écologique (23 %) et le travail (12 %). Le ministère de la santé et ses opérateurs bénéficieraient de 76 ETP supplémentaires, ce qui peut paraître faible au regard de leur mobilisation pour faire face à la crise sanitaire.

Au total, seuls 2 065 ETP seraient donc supprimés dans l'administration de l'État depuis 2018 , bien loin des efforts nécessaires pour compenser la création de 26 883 ETP entre 2013 et 2017 et des 50 000 suppressions de postes annoncées en début de quinquennat 1 ( * ) . Même l'objectif fixé à l'issue du Grand débat national - supprimer 10 500 postes pendant le quinquennat - paraît hors d'atteinte : il faudrait supprimer 8 435 ETP en 2022, ce qui semble peu réaliste.

Évolution annuelle des effectifs de la fonction publique de l'État

(en ETP)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

PLF 2021

Effectifs de la FPE

- 5 475

- 813

+ 7 004

+ 14 005

+ 12 162

- 1 070

- 6 197

+ 5 359

- 157

TOTAL

Quinquennat précédent :

+ 26 883

Quinquennat en cours :

- 2 065

Source : commission des lois du Sénat

Selon le Gouvernement, c'est le « contexte sanitaire et économique qui fragilise les perspectives de tenue des objectifs des plans de transformation des ministères » 2 ( * ) . Cette explication peine toutefois à convaincre : les difficultés pour maîtriser les effectifs de l'État datent d'avant la crise . Annoncée en 2019 pour accompagner la réorganisation de l'administration, l'agence de reconversion des agents de l'État n'est toujours pas en place .

Le rapporteur déplore un manque de volonté du Gouvernement : lors de son audition, Amélie de Montchalin a d'ailleurs déclaré qu'elle n'était pas « la ministre des effectifs mais celle de la qualité du service public ».

S'agissant de l'organisation de l'État, le Gouvernement souhaite renforcer la déconcentration , un objectif déjà annoncé par les circulaires des 24 juillet 2018 et 5 juin 2019.

Comme s'y est engagé le Premier ministre, « toutes les créations d'emplois qui seront autorisées par le PLF pour 2021 seront affectées, sauf exception justifiée, dans les services départementaux de l'État, et aucune dans les administrations centrales » 3 ( * ) .

De nouvelles souplesses doivent aussi être apportées pour faciliter la gestion des ressources humaines dans les services déconcentrés .

B. UNE HAUSSE INÉLUCTABLE DE LA MASSE SALARIALE DE L'ÉTAT

La masse salariale de l'État atteint 91,20 milliards d'euros en PLF pour 2021 , ce qui représente près de 18 % du budget général. Malgré le gel du point d'indice, elle augmente de 1,45 milliard d'euros par rapport à la loi de finances pour 2020.

Les principaux facteurs expliquant l'augmentation de la masse salariale de l'État

- L'effet mécanique du glissement vieillesse-technicité ( GVT ) : + 450 millions d'euros ;

- Les mesures catégorielles : + 675 millions d'euros, dont 460 millions pour la revalorisation des primes dans l'éducation nationale et 78 millions pour l'achèvement de l'accord « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) ;

- Les mesures issues du rendez-vous salarial de juillet 2020 : + 200 millions d'euros, notamment pour harmoniser certains régimes indemnitaires ;

- Les effets de la création de postes : + 100 millions d'euros.

Évolution de la masse salariale de l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des lois du Sénat

L'accord « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR)

PPCR est le fruit d'une négociation entre le précédent gouvernement et les organisations syndicales, ouverte le 7 octobre 2014 et clôturée le 17 juillet 2015.

Cet accord poursuit deux principaux objectifs : transformer une partie des primes des fonctionnaires en points d'indice pour augmenter la pension des futurs retraités 4 ( * ) et rénover les grilles indiciaires pour étendre l'amplitude entre le début et la fin de carrière. Il prendra fin en 2021 et non en 2020 comme initialement prévu 5 ( * ) .

Au total, PPCR aura coûté 3,59 milliards d'euros pour les trois versants de la fonction publique , dont 1,88 milliard pour l'État, 939 millions pour les collectivités territoriales et 773 millions pour les hôpitaux 6 ( * ) .

C. LE RIFSEEP : UN RÉGIME INDEMNITAIRE QUI MARQUE LE PAS

Pour harmoniser les primes des agents, l'État développe depuis 2014 le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel ( RIFSEEP ).

Le RIFSEEP s'articule autour de deux composantes :

- l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise ( IFSE ), fixée selon la nature des fonctions exercées par l'agent (technicité, encadrement, expérience requise, etc .) ;

- le complément indemnitaire annuel ( CIA ), qui valorise son engagement professionnel et peut représenter jusqu'à 25 % du total du RIFSEEP.

La généralisation du RIFSEEP dans les services de l'État était prévue en janvier 2017, avant d'être reportée en janvier 2020. Cet objectif n'est toutefois pas atteint : le nombre d'agents couverts « plafonne » à 360 000, ce qui représente moins de 15 % des effectifs de l'État. Si les négociations se poursuivent avec certains corps, de nombreux postes restent exclus, comme les directeurs d'administration centrale.

Le Gouvernement a d'ailleurs abandonné tout projet de planification . Il a abrogé le calendrier de déploiement du RIFSEEP - qui prévoyait des échéances annuelles pour l'adhésion de chaque corps - et supprimé l'indicateur budgétaire correspondant. Désormais, la décision d'adhésion pourrait, « le cas échéant, être prise au cas par cas, en fonction du contexte et de la politique RH des employeurs concernés » 7 ( * ) .

Le rapporteur s'inquiète du coup d'arrêt porté au déploiement du RIFSEEP, d'autant plus que ce régime n'intègre toujours pas les résultats du service comme le Sénat le réclame depuis 2018 .

Alors que le RIFSEEP valorise les résultats individuels des agents, le Sénat propose d'y inclure une approche collective , notamment pour les postes de catégorie B et C. Le RIFSEEP étant connu de tous, il s'agirait de l'outil le plus efficace pour valoriser les résultats collectifs obtenus par un service.

Le déploiement du RIFSEEP dans le versant territorial : une étape décisive a été franchie

Les employeurs territoriaux peuvent également mettre en oeuvre le RIFSEEP, sur la base du volontariat. D'après les réponses au questionnaire budgétaire, plus de 75 % des collectivités territoriales ont fait ce choix, dont 83 % des communes de 3 500 et 20 000 habitants et la totalité des régions.

Initialement, le déploiement du RIFSEEP dans la fonction publique territoriale (FPT) dépendait des choix de l'État : pour intégrer ce régime, les cadres d'emplois de la FPT devaient attendre l'adhésion des corps équivalents dans l'administration de l'État. Cet « arrimage » a provoqué de nombreux retards, notamment pour les ingénieurs et les techniciens territoriaux.

De manière opportune, cet obstacle a été levé par le décret du 27 février 2020 8 ( * ) : désormais, les collectivités territoriales peuvent utiliser un corps de référence « alternatif » pour mettre en place le RIFSEEP. À titre d'exemple, les techniciens territoriaux sont assimilés aux techniciens supérieurs du développement durable, qui ont déjà adhéré à ce régime indemnitaire.

À l'instar des agents de l'État, le RIFSEEP des collectivités territoriales n'intègre pas de dimension collective. Le Gouvernement a préféré simplifier la prime d'intéressement à la performance collective des services (PIPCS) 9 ( * ) , qui reste toutefois peu connue des employeurs.

D. LA PRIME « COVID-19 » : DE GRANDES DISPARITÉS ENTRE LES MINISTÈRES

Le RIFSEEP n'exclut pas l'attribution d'autres primes, comme la prime « covid-19 » versée aux agents ayant garanti la continuité des services publics pendant la crise sanitaire.

Au 30 septembre 2020, cette nouvelle prime a été versée à 162 852 agents de l'État 10 ( * ) , son montant pouvant être de 330, 660 ou 1 000 euros.

La prime a représenté un coût de 97,13 millions d'euros, avec des situations très hétérogènes en fonction des ministères : certains ont atteint ou dépassé le plafond qui leur était fixé (services du Premier ministre, justice, travail, armées), alors que d'autres ont procédé à des versements beaucoup plus limités (santé et intérieur).

Versement de la prime « covid-19 »

Ministères

Primes versées au 30 septembre 2020 (en euros)

Nombre de bénéficiaires

Plafond de la prime pour chaque ministère (en euros)

Primes versées / plafond de la prime

Économie, finances et comptes publics

16 288 627

31 608

21 318 050

76 %

Agriculture et alimentation

2 850 930

3 331

8 300 000

34 %

Armées

4 601 520

3 774

4 315 820

107 %

Cohésion des territoires

0

0

75 070

0 %

Culture

0

0

500 000

0 %

Éducation nationale et jeunesse

22 461 535

46 546

53 149 000

42 %

Enseignement supérieur, recherche et innovation

183 820

294

11 825 510

2 %

Europe et affaires étrangères

343 980

512

3 024 160

11 %

Intérieur

17 720 720

27 683

91 331 310

19 %

Justice

27 048 009

40 553

27 650 000

98 %

Services du Premier ministre

551 330

889

470 700

117 %

Solidarités et santé

1 664 180

2 309

7 397 000

22 %

Sport

0

0

30 070

0 %

Transition écologique et solidaire

1 513 090

2 428

6 103 830

25 %

Travail

1 713 940

2 634

1 730 000

99 %

Contrôle et exploitation aériens

192 980

291

NC

NC

TOTAL

97 134 662

162 852

237 220 520

41 %

Source : commission des lois du Sénat

Pour expliquer cette différence de traitement entre les ministères, la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) indique que certains attendraient la fin de l'année civile pour verser la prime « covid-19 », tandis que d'autres auraient privilégié des dispositifs indemnitaires plus classiques.

Ce sujet doit toutefois faire l'objet d'une vigilance extrême et d'un nouvel examen en début d'année prochaine. L'engagement des agents publics pendant la crise sanitaire et doit être valorisé à sa juste mesure, comme le Gouvernement s'y est engagé .

II. LE PROGRAMME 148 : RENFORCER LES CLASSES PRÉPARATOIRES INTÉGRÉES ET L'ACTION SOCIALE INTERMINISTÉRIELLE

Le programme 148 « Fonction publique » finance les actions interministérielles en matière de formation (39 % du programme), d'action sociale (58 %) et de gestion des ressources humaines (3 %). Malgré son intitulé générique, il n'intervient qu'à titre subsidiaire, en complément des initiatives de chaque ministère.

En PLF pour 2021, le programme intègre la nouvelle mission « Transformation et fonction publiques » , qui comprend quatre composantes supplémentaires 11 ( * ) .

Son montant s'établit à 224,37 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse notable de 6,87 % par rapport à l'exercice 2020 .

A. UN NOUVEL EFFORT POUR DÉVELOPPER LES CLASSES PRÉPARATOIRES INTÉGRÉES

Il existe aujourd'hui 27 classes préparatoires intégrées (CPI) , qui comptent 714 élèves. Ces classes accompagnent les étudiants et les demandeurs d'emploi de condition modeste dans la préparation des concours de l'État et des hôpitaux (ENA, IRA, Institut national du patrimoine, École des hautes études en santé publique, etc .). Le rapporteur défend ce modèle de méritocratie républicaine depuis de nombreuses années 12 ( * ) .

Le profil des élèves de CPI

- 46 % sont des demandeurs d'emploi, 48 % des étudiants et 6 % des personnes sans profession au moment de leur entrée dans le dispositif ;

- 74 % déclarent des revenus annuels inférieurs à 20 000 euros ;

- 90 % bénéficient de l'allocation pour la diversité, certaines CPI proposant également un logement à leurs étudiants ;

- 29 % sont issus des quartiers prioritaires de la politique la ville (QPV) mais seulement 6 % des zones de revitalisation rurale (ZRR).

Le Gouvernement propose trois mesures pour renforcer les classes préparatoires intégrées :

- Créer 1 000 places supplémentaires , pour un coût évalué à 7 millions d'euros en CP ;

- Doubler le montant de l'allocation pour la diversité , qui passerait de 2 000 à 4 000 euros par élève et par an 13 ( * ) ;

- Établir un cahier des charges commun à toutes les classes, prévoyant notamment que leurs formations deviennent « diplômantes ».

Le rapporteur regrette toutefois que le modèle des CPI ne soit pas étendu à la fonction publique territoriale, dans laquelle il convient pourtant d'encourager la diversification des profils . Le Gouvernement et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) envisagent ce projet depuis au moins deux ans, sans résultat pour l'instant.

B. LES CONSÉQUENCES DU RENDEZ-VOUS SALARIAL DE JUILLET 2020

Afin de financer les engagements pris par le Gouvernement, le budget de l'action sociale interministérielle augmente de 5,3 millions d'euros en PLF pour 2021. Seul le nombre de chèques-vacances diminuerait, sans doute en raison de la crise sanitaire.

L'action sociale interministérielle : les principales évolutions

Prestations

Nombre actuel de bénéficiaires

Cible pour 2021

Évolution

Chèques emploi-service universels (CESU) pour la garde des enfants de moins de 6 ans

63 000 parents

96 000 parents

+ 52,38 %

Réservation de places en crèche

3 600 berceaux

5 000 berceaux

+ 38,89 %

Aide à l'installation des personnels de l'État

10 500 agents

11 000 agents

+ 4,76 %

Chèques vacances

130 000 agents

124 000 agents

- 4,62 %

Source : commission des lois du Sénat

Les coûts de gestion de l'action sociale interministérielle restent toutefois très élevés : sur 100 euros d'aide, 5,26 euros servent à rémunérer les prestataires extérieurs de l'administration, pour un coût annuel de 6,85 millions d'euros. La cible annoncée lors de l'examen du PLF pour 2020 (4,3 %) n'a pas été respectée.

III. DES INQUIÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'APPRENTISSAGE DANS LA FONCTION PUBLIQUE

L'apprentissage reste sous-développé dans l'administration : en France, le secteur public emploie environ 5 % des apprentis, alors que l'État, les collectivités territoriales et les hôpitaux représentent près de 20 % des actifs .

Les problèmes de débouchés demeurent : à l'exception des agents de catégorie C, les apprentis doivent passer un concours pour être titularisés à leur poste. Seuls 10 % des apprentis du secteur public s'y insèrent dès l'obtention de leur diplôme, le plus souvent en CDD 14 ( * ) .

À titre expérimental, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique permet aux employeurs de titulariser des apprentis en situation de handicap, après vérification de leur aptitude professionnelle. Cette expérimentation, qui se poursuit jusqu'en août 2025, devra être suivie avec la plus grande attention.

A. UNE BAISSE DU NOMBRE D'APPRENTIS DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE L'ÉTAT

L'État s'était fixé comme objectif d'employer 10 000 apprentis dès la rentrée 2016.

Quatre ans plus tard, cet objectif n'est toujours pas atteint : le nombre d'apprentis a même baissé de 25 % depuis deux ans, pour s'établir en 2019 à 7 078 apprentis dans les services de l'État .

Évolution de l'apprentissage dans la fonction publique de l'État (stock)

Source : commission des lois du Sénat

Alors que l'État emploie 44 % des agents publics, il ne représente que 35 % des recrutements d'apprentis dans l'administration.

Nombre de contrats d'apprentissage conclus en 2019 (flux)

État

Collectivités territoriales

Hôpitaux

Valeur absolue

4 944

8 535

826

Part dans le recrutement d'apprentis dans le secteur public

34,56 %

59,66 %

5,77 %

Source : commission des lois du Sénat

L'État a pris du retard sur l'apprentissage , alors même que la France n'a jamais compté autant d'apprentis : 491 000 contrats d'apprentissage étaient en cours à la fin de l'année 2019 (secteurs privé et public confondus), en hausse de 16 % par rapport à l'année précédente 15 ( * ) .

Le Premier ministre a publié une circulaire le 8 juillet 2019 afin de « relancer la dynamique des recrutements d'apprentis » 16 ( * ) . L'objectif de recruter 11 129 apprentis en 2020 reste toutefois largement hors d'atteinte .

Comme l'année dernière, le rapporteur regrette le manque de coordination entre les ministères . En l'absence de cadrage national, chaque ministère doit négocier les conditions de prise en charge de ses apprentis avec les centres de formation des apprentis (CFA) , ce qui constitue une perte d'efficacité.

Pour l'État, l'apprentissage représente aussi un enjeu financier, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ayant entraîné une forte augmentation des coûts de formation . Ces derniers sont passés de 5 000 euros par an et par apprenti en 2018 à 6 500 euros en 2019, en cohérence avec les « niveaux de prise en charge [...] déterminés par les branches professionnelles » du secteur privé et validés par le nouvel organisme France compétences 17 ( * ) .

En conséquence, la commission des lois propose un amendement pour créer une dotation interministérielle de 15 millions d'euros , sur l'exemple de ce que prévoyaient les lois de finances entre 2016 et 2018. Cette dotation aurait pour objectif d'inciter les ministères à recruter des apprentis en prenant en charge une partie de leur rémunération et de leurs frais de formation.

B. LE SOUTIEN AUX APPRENTIS DANS LE VERSANT TERRITORIAL

Les collectivités territoriales restent les premiers employeurs d'apprentis dans le secteur public , avec près de 60 % des contrats conclus.

La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique leur a apporté une nouvelle source de financement : le CNFPT finance 50 % des frais de formation des apprentis pour les contrats conclus après le 1 er janvier 2020 .

Un mécanisme de compensation partielle a été mis en place pour éviter des conséquences trop lourdes sur le budget de l'établissement : chaque année, le Gouvernement fixera un plafond de financement pour le CNFPT, les dépenses supplémentaires étant prises en charge par France compétences .

Ce mécanisme de compensation pourrait être activé dès 2021 afin de stabiliser l'apport annuel du CNFPT à 25 millions d'euros. À moyen terme, l'équilibre budgétaire de l'établissement n'est toutefois pas assuré : son déficit pourrait atteindre 6 millions d'euros en 2021, avec le risque d'une nouvelle dégradation au cours des années suivantes. Le CNFPT estime que ses réserves budgétaires seront consommées dès 2024, ce qui lui imposerait de recourir à l'emprunt.

La participation du CNFPT au financement de l'apprentissage

(CP, en millions d'euros)

2020

2021*

2022*

Coût de la prise en charge de 50 % des frais de formation

7,71

26,21

40

Plafond de prise en charge du CNFPT

25

25

(hypothèse)

25

(hypothèse)

Activation du mécanisme de compensation

NON

OUI

OUI

Contribution de France compétences

0

1,21

15

Coût pour le CNFPT

7,71

25

25

Source : commission des lois du Sénat.

* Les exercices 2021 et 2022 sont de simples projections, le plafond de prise en charge du CNFPT étant réévalué chaque année.

Sous réserve de l'adoption de son amendement, la commission des lois a émis un AVIS FAVORABLE à l'adoption des crédits du programme 148 « Fonction publique » inscrits au PLF pour 2021.

EXAMEN EN COMMISSION

Mardi 24 novembre 2020

Mme Catherine Di Folco , rapporteur pour avis . - À titre liminaire, je tiens à saluer l'engagement et la réactivité des agents publics : ils assurent la continuité du service alors que nous traversons une crise sanitaire sans précédent. Notre pays compte 5,56 millions d'agents publics, dont 21 % dans les hôpitaux, 35 % dans les collectivités territoriales et 44 % dans l'administration de l'État. Le Gouvernement ne sait pas combien d'entre eux ont été touchés par la covid-19. J'espère que nous aurons cette information prochainement.

Nous avons voté, à l'été 2019, la loi de transformation de la fonction publique. Or, si 95 % des décrets ont été publiés, il manque encore des textes d'application importants, en particulier sur la santé au travail, l'accès à la haute fonction publique et les autorisations spéciales d'absence.

Je crois que l'on peut dire désormais de façon certaine que le Gouvernement a renoncé à ses objectifs de réduction des effectifs de l'État, alors que l'objectif annoncé en 2017 était de supprimer 50 000 postes sur le quinquennat, puis 10 500 postes à l'issue du grand débat national. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 propose de supprimer 157 équivalents temps plein (ETP) ; compte tenu des 26 883 ETP créés depuis 2018, il faudrait, ne serait-ce que pour atteindre l'objectif le moins élevé du Gouvernement, supprimer près de 8 500 postes en 2022, ce qui n'est guère crédible.

L'effort devrait porter cette année, une fois encore, sur les opérateurs, seuls 11 ETP étant supprimés dans les ministères. Les secteurs régaliens et l'enseignement supérieur seraient préservés, les suppressions de postes portant principalement sur les finances, la transition écologique et le travail. Le ministère de la santé et ses opérateurs bénéficieraient de 76 ETP supplémentaires, ce qui peut paraître faible au regard de leur mobilisation pour faire face à la crise sanitaire.

Au total, seuls 2 065 ETP seraient supprimés dans l'administration de l'État depuis 2018. Les difficultés du Gouvernement pour maîtriser les effectifs ont donc commencé bien avant la crise sanitaire. En réalité, je vous en parle depuis trois ou quatre ans. Du reste, l'agence de reconversion des agents de l'État n'est toujours pas installée. Le Gouvernement a-t-il réellement l'intention de diminuer les effectifs dans la fonction publique ? Lors de son audition, Amélie de Montchalin nous a dit qu'elle n'était pas la ministre des effectifs, mais celle de la qualité du service au public...

S'agissant de l'organisation de l'État, le Gouvernement souhaite renforcer la déconcentration, un objectif confirmé par des circulaires en juillet 2018 et en juin 2019 : le Premier ministre s'est engagé à ce que toutes les créations d'emplois autorisées pour l'an prochain soient affectées, sauf exceptions justifiées, dans les services départementaux de l'État et aucune dans les administrations centrales.

La masse salariale de l'État atteint 91,20 milliards d'euros dans ce PLF pour 2021 : malgré le gel du point de l'indice de la fonction publique, elle augmente de 1,45 milliard d'euros par rapport à la loi de finances 2020, à cause du glissement vieillesse-technicité (GVT) et des mesures catégorielles. L'effet des créations de postes, lui, ne compte que pour 100 millions d'euros dans cette augmentation.

Depuis 2014, pour harmoniser les primes des agents, l'État développe le régime indemnitaire tenant des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), qui s'applique également aux collectivités territoriales. Ce régime s'articule autour de deux composantes : l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), fixée selon la nature des fonctions exercées par l'agent, et un complément indemnitaire annuel (CIA), qui valorise l'engagement professionnel.

La généralisation du RIFSEEP dans les services de l'État était prévue en 2017 ; nous sommes en 2020, l'objectif n'a pas été atteint et ne le sera pas, puisque le Gouvernement a abandonné tout projet de planification. Il a abrogé le calendrier de déploiement du régime et supprimé l'indicateur budgétaire correspondant. Il s'agit d'un coup d'arrêt regrettable, d'autant que le RIFSEEP n'intègre toujours pas la valorisation des résultats d'un service, qui me semble pourtant très importante pour assurer la cohésion des équipes.

Le RIFSEEP n'exclut pas l'attribution d'autres primes, notamment la prime « covid-19 » versée aux agents ayant garanti la continuité des services publics pendant la crise sanitaire. Cette nouvelle prime a été versée à 162 852 agents de l'État au 30 septembre 2020, ce qui représente un coût de 97,13 millions d'euros, avec des situations très hétérogènes en fonction des ministères : certains n'ont pas - du moins, pas encore - utilisé l'enveloppe ou ont préféré utiliser des primes déjà existantes ; d'autres, au contraire, ont dépassé le plafond. Nous serons vigilants sur le sujet et redemanderons, au début de l'année prochaine, des chiffres actualisés. L'engagement des agents publics doit être valorisé à sa juste mesure, comme le Gouvernement s'y est engagé.

Sur le plan budgétaire, le programme 148 « Fonction publique » finance les actions interministérielles en matière de formation à hauteur de 39 % du programme, d'action sociale à hauteur de 58 % et de gestion des ressources humaines, pour 3 %. Malgré son intitulé générique, il n'intervient qu'en complément des initiatives de chaque ministère.

En 2021, ce programme intègre une nouvelle mission « Transformation et fonction publiques ». Il s'établit à 224,37 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse notable de 6,87 % par rapport à l'exercice 2020.

Concernant le volet formation, plus de 80 % des crédits sont destinés aux instituts régionaux de formation (IRA) et à l'École nationale d'administration (ENA). Cette année, il convient de noter le nouvel effort pour développer les classes préparatoires intégrées (CPI). Il existe aujourd'hui 27 CPI, qui comptent 714 élèves et accompagnent les étudiants et les demandeurs d'emploi de condition modeste dans la préparation des concours administratifs.

Afin de renforcer les CPI, le Gouvernement propose de créer 1 000 places supplémentaires - pour un coût évalué à 7 millions d'euros en CP - et de doubler le montant de l'allocation pour la diversité. On peut toutefois regretter que le modèle des CPI ne soit pas étendu à la fonction publique territoriale, dans laquelle il conviendrait d'encourager la diversification des profils. Le Gouvernement et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) échangent depuis plusieurs années sur le sujet, sans résultat pour l'instant.

S'agissant du volet « action sociale » du programme 148, il finance neuf prestations dont l'objectif consiste à améliorer les conditions de vie des agents en matière de restauration, de logement, d'accès aux loisirs et de prise en charge de la petite enfance. Afin de financer les engagements pris par le Gouvernement lors du rendez-vous salarial de 2020, cette enveloppe augmente de 5,3 millions d'euros dans le PLF pour 2021. Seul le nombre de chèques-vacances diminuerait, sans doute en raison de la crise sanitaire.

Toutefois - chaque année, je vous dis la même chose -, les coûts de gestion de l'action sociale interministérielle restent élevés, à hauteur de 5,26 %. Pour rémunérer les prestataires extérieurs de cette administration, le coût total s'élève à 6,85 millions d'euros.

Je voudrais maintenant attirer votre attention sur l'apprentissage, qui reste encore sous-développé dans la fonction publique. L'administration emploie environ 5 % des apprentis, alors que l'État, les collectivités territoriales et les hôpitaux représentent près de 20 % des actifs. Les problèmes de débouchés demeurent : à l'exception des agents de catégorie C, les apprentis doivent passer un concours pour être titularisés à leur poste. Seuls 10 % des apprentis du secteur public intègrent l'administration après l'obtention de leur diplôme, le plus souvent en contrat à durée déterminée (CDD).

Pour rappel, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique permet aux employeurs de titulariser les apprentis en situation de handicap. Le Sénat avait adopté un amendement prévoyant cette expérimentation, qui doit se poursuivre jusqu'en 2025. Nous veillerons à en évaluer les résultats.

L'État s'était fixé comme objectif d'employer 10 000 apprentis dès la rentrée 2016. En 2017, nous avions presque atteint l'objectif et, aujourd'hui, le chiffre s'avère en net recul : en 2019, les ministères et leurs opérateurs ne comptaient que 7 078 apprentis.

L'État emploie 44 % des agents mais ne représente que 35 % des recrutements d'apprentis dans le secteur public. Les collectivités territoriales restent les premiers employeurs d'apprentis, avec près de 60 % des contrats conclus.

Pour mémoire, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a apporté une nouvelle source de financement aux collectivités territoriales : le CNFPT prend en charge 50 % des frais de formation des apprentis pour les contrats conclus après le 1 er janvier 2020. À l'époque, vous vous en souvenez peut-être, cela avait agacé le CNFPT, qui craignait de ne pas pouvoir financer cette nouvelle compétence. L'État s'est penché sur la question et un mécanisme de compensation partielle a été mis en place pour éviter des conséquences trop lourdes sur le budget de l'établissement : chaque année, le Gouvernement fixera un plafond de financement pour le CNFPT, les dépenses supplémentaires étant prises en charge par l'organisme France compétences. Sachant qu'un certain nombre d'apprentis n'intègrent pas la fonction publique et sont ensuite employés dans le secteur privé, cette prise en charge d'une partie de la formation des apprentis par le secteur privé n'est pas incohérente.

Ce mécanisme de compensation pourrait être activé dès 2021 afin de stabiliser l'apport annuel du CNFPT à hauteur de 25 millions d'euros. Ce dernier indique que son déficit pourrait atteindre 6 millions d'euros en 2021, avec le risque d'une nouvelle dégradation au cours des années suivantes ; il estime que ses réserves budgétaires seront consommées dès 2024, ce qui lui imposerait de recourir à l'emprunt.

Si les collectivités territoriales font figure de bons élèves, l'État, quant à lui, a pris du retard concernant l'apprentissage, alors même que la France n'a jamais compté autant d'apprentis : à la fin de l'année 2019, secteurs privé et public confondus, 491 000 contrats d'apprentissage étaient en cours, soit une hausse de 16 % par rapport à l'année 2018.

En juillet 2019, le Premier ministre a publié une circulaire afin de relancer la dynamique des recrutements d'apprentis dans la fonction publique de l'État. L'objectif - très largement hors d'atteinte - était alors de recruter 11 129 apprentis en 2020.

Comme l'année dernière, je tiens à pointer le manque de coordination entre les ministères. En l'absence de cadrage national, chaque ministère doit négocier les conditions de prise en charge de ses apprentis avec les centres de formation d'apprentis (CFA), ce qui constitue une perte d'efficacité notable.

Je regrette également la suppression de la dotation interministérielle pour le financement de l'apprentissage : depuis 2019, la rémunération et la formation des apprentis sont directement prises en charge par les budgets des ministères, ce qui nuit à la lisibilité et à la dynamique de cette politique.

Pour l'État, l'apprentissage représente aussi un enjeu financier. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a entraîné une forte augmentation du coût de formation. En cohérence avec les niveaux de prise en charge déterminés par les branches professionnelles du secteur privé, ce coût est passé de 5 000 euros par an et par apprenti en 2018 à 6 500 euros en 2019.

En conséquence, je vous propose un amendement pour créer une dotation interministérielle de 15 millions d'euros, sur l'exemple de ce que prévoyaient les lois de finances de 2016 à 2018. L'enveloppe était alors plus importante - elle atteignait les 30 millions d'euros - mais les règles de recevabilité financière des amendements nous empêchent d'aller au-delà. Cette dotation aurait pour objet d'inciter les ministères à recruter des apprentis en prenant en charge une partie de leur rémunération et de leurs frais de formation.

Au bénéfice de toutes ces explications, je vous propose d'émettre un avis favorable sur les crédits du programme 148 « Fonction publique ».

M. Alain Marc . - La diminution du nombre de fonctionnaires ne représente pas « l'alpha et l'oméga » d'une politique, mais j'aimerais disposer d'une étude comparative avec nos pays voisins, notamment en ce qui concerne le temps de travail. Si l'on augmente de 10 % le temps de travail, peut-être pourrait-on baisser de 10 % le nombre de fonctionnaires.

La fonction publique territoriale est celle qui recrute le plus. Je m'interroge sur les conséquences de certaines lois que nous avons votées - je pense notamment à la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Ainsi, après avoir rassemblé la communauté de communes et le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM), on s'est aperçu que cela coûtait plus cher... En effet, lorsqu'il s'agit de ramasser les ordures ménagères en milieu rural, sur des étendues aussi grandes, il est nécessaire de disposer de cadres intermédiaires pour organiser et surveiller le travail. Sans même parler de l'agrandissement des régions. Quelles sont les conséquences de telles lois ? Et quelles sont également les conséquences, pour les conseils départementaux, de la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) ? Tout cela pèse sur les finances des départements, et ces dépenses ne sont jamais compensées par l'État...

M. Alain Richard . - Je suggère que la commission réalise, dans l'année, un panorama des modes de recrutement pratiqués dans la fonction publique.

Nous restons fidèles à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) : on n'accède aux offices publics qu'en fonction de son talent et de son mérite. Mais le concours me semble, en réalité, être devenu une exception. Il ne s'applique ainsi pratiquement pas pour la catégorie C, qui représente 60 % des recrutements dans la fonction publique. Il serait utile de connaître l'ampleur de ces modes rénovés de recrutement et aussi de vérifier qu'ils préservent les garanties élémentaires d'égal accès à la fonction publique et d'objectivité du choix.

M. Jean-Pierre Sueur . - Madame le rapporteur, quelle est votre réflexion sur la suspension du jour de carence au printemps dernier et sur « la suspension de cette suspension » pendant le deuxième confinement ?

Par ailleurs, l'augmentation des crédits favorisant la diversification des profils dans la fonction publique me semble bénéfique. Au regard du rapport rendu par Frédéric Thiriez, on observe toutefois des points de vue changeants de la part du Gouvernement. Il serait bien de parvenir à une stabilité, mais peut-être est-ce trop demander.

Mme Cécile Cukierman . - La question n'est pas d'être simplement une « ministre des effectifs ». Mais, dans les ministères comme dans la fonction publique territoriale, la qualité du travail et le bien-être des agents sont aussi liés au nombre de fonctionnaires pleinement disponibles.

Dans ce rapport, je relève également les enjeux de la formation. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne défend pas, par principe, la réduction des effectifs publics. Nous devons sans doute repenser les affectations pour un certain nombre de postes. Sans vouloir figer les méthodes de travail dans le temps, et au regard de l'évolution de la société ces dernières années, il apparaît nécessaire de maintenir un nombre important d'agents publics au plus près des territoires de la République.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur le coût de l'apprentissage pour les collectivités territoriales. Un certain nombre d'élus dans mon département m'ont alertée sur le fait qu'ils étaient obligés de réduire le nombre d'apprentis, notamment pour des raisons financières. Si les acteurs publics n'ont plus recours à l'apprentissage, beaucoup de jeunes seront privés de la possibilité de valider leur formation.

Mon groupe ne votera pas les crédits alloués à cette mission, qui, en l'état, nous semblent en deçà des besoins de la France.

Mme Marie Mercier . - Je félicite Mme le rapporteur pour la qualité de son travail. J'ai été frappée, comme Cécile Cukierman, par les propos de la ministre disant que la qualité du service rendu ne dépendait pas directement des effectifs. Ces propos doivent être, si j'ai bien compris, modulés en fonction du contexte.

Dans nos collectivités territoriales, nous connaissons bien les problèmes de coûts de fonctionnement. La contrainte suscitant l'imagination, nous arrivons à rendre des services et à réorganiser le travail.

Vous avez évoqué une augmentation du nombre de postes concernant les services sanitaires. Cela concerne-t-il des postes administratifs ou de soignants ? Nous savons, par exemple, que la principale comorbidité, s'agissant de la covid-19, est l'obésité. Pour un patient obèse, il faudra toujours deux aides-soignants afin de lui prodiguer des soins ; la qualité de soins dépend donc des effectifs du service...

Mme Catherine Di Folco , rapporteur pour avis . - Alain Marc propose une étude comparative avec les pays voisins ; cela peut être l'objet d'un travail complémentaire, sachant que des études ont déjà été demandées dans le cadre de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

Concernant l'impact de la prise en charge des mineurs non accompagnés sur les finances des conseils départementaux, je ne peux pas vous répondre ; le programme 148 ne traite que de la fonction publique de l'État. Peut-être faudra-t-il reposer la question au moment de la présentation du rapport de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Alain Richard propose la réalisation d'un panorama des modes de recrutement dans la fonction publique. Il s'agit, effectivement, de quelque chose d'intéressant. Vous avez raison de souligner que la voie des concours devient minoritaire. Vous avez évoqué la garantie élémentaire d'égalité d'accès : pour les agents contractuels, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique prévoit qu'une commission de recrutement évalue la valeur professionnelle des candidats.

Jean-Pierre Sueur, la suspension du jour de carence a été mise en place en raison de la crise sanitaire : il paraissait difficile de le maintenir pendant le premier confinement. En amont de la crise, le jour de carence a toutefois eu des effets sur l'absentéisme dans la fonction publique. Ne l'oublions pas.

Les préconisations du rapport de Frédéric Thiriez n'ont, pour l'instant, pas été mises en application. Nous attendons l'ordonnance sur la haute fonction publique pour le début de l'année prochaine.

Cécile Cukierman, je comprends votre lien entre le bien-être des agents et la qualité du service rendu. Là encore, nous attendons toujours une ordonnance sur la santé au travail.

Concernant le coût de l'apprentissage pour les collectivités territoriales, je suis d'accord avec vous. Toutes les communes ne sont peut-être pas informées du fait que la moitié du coût de formation est prise en charge par le CNFPT. Cela dit, le coût de rémunération des apprentis demeure, sans compter l'investissement par rapport aux maîtres d'apprentissage.

Enfin, Marie Mercier, l'augmentation du nombre de postes dont je parlais dans le secteur sanitaire concerne 76 ETP supplémentaires pour le ministère de la santé et ses opérateurs, qui relèvent de la fonction publique de l'État. Nous n'avons pas encore les chiffres pour la fonction publique hospitalière.

M. François-Noël Buffet , président . - Nous devons maintenant statuer sur l'amendement présenté par notre rapporteur.

Mme Catherine Di Folco , rapporteur pour avis . - Comme évoqué lors de ma présentation liminaire, l'amendement II-329 propose de créer une dotation interministérielle de 15 millions d'euros pour développer l'apprentissage dans la fonction publique de l'État. Ce dispositif s'inspire de ce que prévoyaient les lois de finances de 2016 à 2018.

L'amendement II-329 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », sous réserve de l'adoption de son amendement.

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Article 33 (Crédits de la mission)

(État B)

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants

Fonds pour la transformation de l'action publique
dont titre 2

10 000 000

10 000 000

Fonds d'accompagnement interministériel Ressources humaines
dont titre 2

Innovation et transformation numériques
dont titre 2

5 000 000

5 000 000

Fonction publique
dont titre 2

15 000 000

15 000 000

TOTAL

15 000 000

15 000 000

15 000 000

15 000 000

SOLDE

0

0

Objet

Les ministères ont pris du retard sur l'apprentissage : l'objectif fixé pour la rentrée 2016 - employer 10 000 apprentis dans la fonction publique de l'État - n'est toujours pas atteint.

Depuis deux ans, le nombre d'apprentis dans les services de l'État a même baissé de 25 % : il s'établit en 2019 à 7 079 apprentis, contre 9 481 apprentis en 2017. Dans ce contexte, l'objectif d'employer 11 129 apprentis en 2020 est largement hors d'atteinte.

Cette situation est regrettable, alors que l'apprentissage constitue une filière d'excellence et que notre pays n'a jamais compté autant d'apprentis : 491 000 contrats d'apprentissage étaient en cours à la fin de l'année 209 (secteurs privé et public confondus), en hausse de 16 % par rapport à l'année précédente.

La commission des lois souligne et déplore, une fois encore, le manque de coordination entre les ministères. En l'absence de cadrage national, chaque ministère doit négocier les conditions de prise en charge de ses apprentis avec les centres de formation des apprentis (CFA), ce qui constitue une perte d'efficacité.

Pour l'État, l'apprentissage représente aussi un enjeu financier, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ayant entraîné une forte augmentation des coûts de formation. Ces derniers sont passés de 5 000 euros par an et par apprenti en 2018 à 6 500 euros en 2019, en cohérence avec les « niveaux de prise en charge [...] déterminés par les branches professionnelles » du secteur privé et validés par le nouvel organisme France compétences.

En conséquence, cet amendement propose de créer une dotation interministérielle de 15 millions d'euros pour développer l'apprentissage dans la fonction publique de l'État.

Cette dotation vise à inciter les ministères à recruter des apprentis en prenant en charge une partie de leur rémunération et de leurs frais de formation. Ce dispositif s'inspire de ce que prévoyaient les lois de finances entre 2016 et 2018.

Sur le plan technique, il abonderait l'action 03 « Appui et innovation » du programme 148 « Fonction publique ».

Pour respecter les règles de recevabilité financière prévues par l'article 40 de la Constitution, l'amendement réduit les montants en AE et en CP de deux programmes de la mission « Transformation et fonction publiques ». Pour le programme 352, la somme serait prélevée sur l'action 01. Le programme 349 quant à lui ne comporte qu'une seule action. Il reviendra au Gouvernement de lever ce « gage ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mme Amélie de Montchalin , ministre de la transformation et de la fonction publiques 18 ( * )

Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP)

Mme Nathalie Colin , directrice générale


* 1 Cet objectif figurant toujours à l'article 10 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 2 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 3 Compte rendu de l'Assemblée nationale, première séance du 15 juillet 2020.

* 4 Accroître l'indice des fonctionnaires permet de rehausser leur pension de retraite, qui est calculée à partir du traitement indiciaire et non des primes.

* 5 L'année 2018 a constitué une « année blanche », l'actuel Gouvernement ayant reporté d'un an la mise en oeuvre de l'accord PPCR afin de garantir sa soutenabilité financière.

* 6 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 7 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 8 Décret relatif au régime indemnitaire des agents de la fonction publique territoriale.

* 9 Depuis novembre 2019, la PIPCS peut être versée sur la base d'objectifs semestriels et pas uniquement annuels. Son plafond a été doublé, passant de 300 à 600 euros.

* 10 Hors les versants hospitalier et territorial, pour lesquels ce chiffre n'est pas encore disponible.

* 11 Rénovation des cités administratives, fonds pour la transformation de l'action publique (FATP), fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines (FAIRH), innovation et transformation numériques.

* 12 Voir, notamment, l'avis « Fonction publique » n° 170 (2015-2016) fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2016.

* 13 Pour les autres bénéficiaires de l'allocation pour la diversité, qui n'étudient pas en CPI, son montant serait maintenu à 2 000 euros par an.

* 14 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 15 Source : projet annuel de performance de la mission « Plan de relance », annexé au PLF pour 2021.

* 16 Circulaire relative à la campagne 2019/2020 de recrutement d'apprentis au sein de la fonction publique de l'État.

* 17 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 18 Audition organisée par les rapporteurs spéciaux de la commission des finances.

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