II. LE VOLET CONSOMMATION : DES MESURES AMBITIEUSES, UNE DÉMARCHE SOUVENT ÉLOIGNÉE DES RÉALITÉS DU TERRAIN

A. UN VOLET QUI COMPORTAIT INITIALEMENT CERTAINES MESURES AMBITIEUSES, MAIS ENRICHI DE DISPOSITIONS DOGMATIQUES

1. L'affichage environnemental semi-obligatoire : une mesure bienvenue, mais rendue inutilement complexe, floue, et sans garantie d'effectivité

La commission partage le constat que l'information du consommateur au sujet de l'impact environnemental des produits est un levier majeur de modification des comportements au service de la transition écologique. Loin de ne bénéficier qu'aux seuls consommateurs, elle peut en outre être à l'origine d'une concurrence vertueuse, qui s'exprimera par l'innovation en matière de conception, de transport ou de gestion des déchets, et sera créatrice d'emplois dans ces secteurs.

C'est la raison pour laquelle elle souscrit à l'objectif de mise en place d'un affichage environnemental obligatoire, prévue à l' article 1 er , bien que cela implique déjà de modifier, un an après sa promulgation, certaines dispositions de la loi AGEC. Plusieurs secteurs sont en effet particulièrement avancés dans ce processus (le textile, l'ameublement, l'alimentaire, l'hôtellerie, etc.), et la France est à l'avant-garde internationale de cette démarche.

Pour autant, l'article 1 er tel qu'adopté à l'Assemblée nationale présente plusieurs écueils qui fragilisent son effectivité :

• les expérimentations peuvent durer jusqu'à cinq ans à compter de l'adoption de la loi, sans que ne soit prévue de date butoir de lancement, ce qui risque d'entraîner un immobilisme (notamment compte tenu des échéances électorales à venir), alors que trop d'années ont déjà été perdues dans la recherche d'une transition écologique créatrice de valeurs et d'emplois ;

• aucun dispositif de sanction n'est prévu, diminuant de fait la portée effective de cet affichage ;

• seules les externalités environnementales des secteurs de l'agriculture, de la sylviculture et de l'alimentaire devront être évaluées scientifiquement. Rien ne semble justifier ce deux poids deux mesures, tous les secteurs concernés par les expérimentations devant être astreints à cette même exigence.

2. L'objectif de 20 % de vrac dans les commerces : une intention louable, mais déconnectée des réalités du commerce

L' article 11 du projet de loi vise à rendre obligatoire d'ici 2030, dans les commerces de détail vendant des produits de grande consommation, le fait de consacrer 20 % de la surface dédiée à la commercialisation de ces produits à la vente de produits présentés sans emballage primaire. Si la commission souscrit à l'objectif de développement du vrac, elle relève toutefois que la rédaction retenue pose d'importantes difficultés de compréhension et porte donc atteinte à la sécurité juridique des entreprises.

En effet, outre le critère de 20 % de la surface de vente, l'article prévoit que les commerces pourront opter pour un dispositif d'effet équivalent exprimé en nombre de références ou en proportion du chiffre d'affaires. Or non seulement l'ambition environnementale de cette mesure est amoindrie du fait que le nombre de références ne dit rien du développement effectif de la vente en vrac (s'il s'agit de références très peu vendues, par exemple) ; mais en outre, rien n'est spécifié quant à l'effet que doivent rechercher ces « dispositifs d'effet équivalent », plaçant les commerçants dans une incertitude juridique dommageable.

De façon générale, cet article 11 repose sur une vision contestable du commerce selon laquelle l'offre crée sa propre demande. La commission, si elle ne s'oppose pas à l'instauration d'un tel objectif de 20 %, émet toutefois des réserves sur ce principe : si le vrac était tant demandé par les clients, les commerçants rempliraient cet objectif sans qu'il ne soit contraignant. Les commerçants sont en effet les premiers à connaître les services que leurs clients attendent.

En outre, la commission souligne que la vente en vrac ne saurait être l'horizon indépassable du commerce : les emballages ont une utilité certaine, qu'il s'agisse d'y apposer des mentions obligatoires en matière de sécurité sanitaire, ou qu'il s'agisse pour un fabricant de communiquer auprès de ses clients (marque, logos, jeux concours, etc.).

3. Les débats à l'Assemblée nationale ont complété ces mesures ambitieuses par des dispositions dogmatiques ou caricaturales

Alors que certaines mesures du volet Consommer participent effectivement d'une meilleure information du consommateur (affichage environnemental, encadrement de l'éco-blanchiment), certaines paraissent uniquement symboliques, voire inutilement dogmatiques. C'est notamment le cas :

• à l' article 1 er , de l'impossibilité d'apposer un motif de drapeau bleu-blanc-rouge sur un produit textile si 100 % des étapes de sa chaîne de fabrication n'ont pas eu lieu en France, ce qui représente une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie. Pour ne prendre que cet exemple : les maillots de l'équipe de France de football ne pourraient plus être commercialisés en France, compte tenu du fait qu'une partie de leur fabrication est réalisée à l`étranger...

• à l' article 11 , de la disposition programmatique disposant que l'action des pouvoirs publics vise à encourager la vente de produits en vrac ;

• à l' article 11 , de l'interdiction dès 2025 de tous les emballages en polystyrène, qui ne tient aucun compte des efforts réalisés par la filière pour rendre recyclables une partie de ces emballages ;

• à l' article 10 , de la disposition prévoyant que les commerçants doivent proposer au consommateur de fournir lui-même le contenant nécessaire au recueil d'un échantillon, alors même que ce sujet n'est généralement abordé qu'en fin de parcours d'achat... Surtout, cette disposition traduit une vision du rôle de la loi que ne partage pas la commission : l'outil législatif n'a pas vocation à régir les paroles qu'un commerçant doit prononcer devant son client. En entrant dans ce niveau de détails, la loi infantilise tant le commerçant que le consommateur et perd sa dimension normative au profit d'une vocation symbolique ;

• à l' article 6 , de la possibilité qu'un règlement local de publicité soumette les enseignes et publicités lumineuses intérieures à des prescriptions en matière de hauteur.

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