III. LE VOLET « ÉNERGIE - MINES » : POUR UNE RÉFORME HISTORIQUE DU CODE MINIER, UN TEXTE QUI DOIT ÊTRE ENRICHI SUR LE NUCLÉAIRE, L'HYDRAULIQUE ET L'HYDROGÈNE

La commission et son rapporteur « Énergie-Mines » Daniel Gremillet ont appliqué, dans l'examen de ce volet, sa vision d'une transition énergétique ambitieuse, mais concrète, ancrée dans nos territoires , faisant confiance à la libre initiative des entreprises, des collectivités territoriales ou de nos concitoyens.

Elle a recherché un équilibre , dans chacune des dispositions examinées, entre compétitivité économique et exigence environnementale : il est impératif de progresser vers une « croissance verte », pourvoyeuse d'emplois à haute valeur ajoutée, peu délocalisables ; dans un monde globalisé, notre souveraineté énergétique et minière n'a jamais été aussi nécessaire.

A. LE VOLET « MINES » : UNE RÉFORME HISTORIQUE DU CODE MINIER, DONT LA MÉTHODE DOIT ÊTRE INFLÉCHIE, ET LES OBJECTIFS CONSOLIDÉS

1. Une réforme historique, aux enjeux lourds...

A. Puisant ses origines au XVIII e siècle, avec les lois de 1791 et 1810, et codifié au sortir de la Seconde Guerre mondiale, avec le décret du 16 août 1956, le droit minier est très ancien.

À l'heure de la mondialisation économique et du développement durable, il est aujourd'hui largement obsolète.

Or, la réforme est attendue depuis plus de dix ans, ayant achoppé en 2011, 2015 et 2017...

La commission des affaires économiques est convaincue de la nécessité de conjurer le sort et de réussir aujourd'hui cette réforme, tout à la fois technique et sensible.

Pour ce faire, elle a estimé crucial de travailler en symbiose avec les commissions concernées , à commencer celles du développement durable et des lois, pour aboutir à un texte sénatorial largement partagé.

B. La commission relève que la réforme poursuivie est capitale pour le devenir de nos activités minières, estimant nécessaire que ces activités intègrent le plus haut niveau d'exigences environnementales et permettent à la France de réduire sa dépendance aux importations.

Car les transitions énergétique et numérique , qui nécessitent des métaux, ne peuvent véritablement réduire l'« empreinte carbone » de la France que si ces métaux sont produits, dans la mesure du possible, sur le territorial national ou européen.

L'activité minière représente d'ores et déjà 36 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 11 000 emplois directs et indirects 4 ( * ) .

Pour autant, l'exploitation minière en France hexagonale reste limitée : en effet , d'une part, celle des ressources énergétiques est en voie d'extinction d'ici 2040 et, d'autre part, celle des ressources non énergétiques se limite au sel (4,5 Mt/an), à la bauxite (115 kt/an) et aux calcaires bitumineux (1,8 kt/an).

Le territoire de la Guyane est plus dynamique sur ce plan, avec une activité aurifère soutenue , mais celle-ci est davantage le fait des garimpeiros , orpailleurs clandestins venus du Brésil ou du Surinam, que des entrepreneurs ou des industriels locaux, puisque l'orpaillage illégal (10 t/an) est dix fois plus élevé que celui légal (1,5 t/an).

C'est regrettable car la France dispose d'un potentiel minier important s'agissant du tungstène, de l'antimoine, de l'or, mais aussi du germanium, du gallium, du coltan, du lithium et de l'hélium.

C. C'est pourquoi la commission et son rapporteur « Énergie-Mines » Daniel Gremillet accueillent positivement le projet de réforme proposé , qui prévoit notamment :

• l'institution d'un rapport sur la politique nationale de gestion et de valorisation des ressources du sous-sol ;

• l'élargissement des intérêts protégés au titre du code minier à la santé publique ;

• l'introduction d'une analyse environnementale, économique et sociale, au terme de laquelle l'État pourra rejeter les projets miniers en cas de « doute sérieux » quant à une « atteinte grave » aux intérêts notamment environnementaux précités ;

• l'application d'un nouveau régime de contentieux, préférant le recours de plein contentieux à celui de l'excès de pouvoir ;

• la modernisation des titres miniers, avec le regroupement des autorités de travaux miniers dans l'autorisation environnementale ;

• l'exigence de constitution de garanties financières, la faculté de servitude d'utilité publique, l'application de la responsabilité environnementale et l'extension de la recherche de responsabilité - des sociétés filiales aux sociétés-mères ;

• l'élargissement de la répression des infractions au code minier, avec l'application d'une prescription trentenaire sur les anciens sites miniers - en France hexagonale notamment - et la lutte contre l'orpaillage illégal - en Guyane.

D. Pour la commission, les enjeux ainsi soulevés par la réforme du code minier sont très importants, cette réforme représentant en somme :

• un enjeu juridique avec la modification des trois quarts des dispositions du code minier et le maintien d'un quart ;

• un enjeu économique avec la réduction des délais d'instruction (11 mois pour un permis de recherche et 9 mois pour une concession), le regroupement de procédures (avec l'intégration des autorisations de travaux miniers dans l'autorisation environnementale), la réduction des coûts (avec la substitution du régime de plein contentieux à celui d'excès de pouvoir) ;

• un enjeu environnemental avec un alignement recherché du code minier avec la Charte de l'environnement de 2004 (avec des dispositifs tels que l'analyse, le mémoire ou l'étude environnementaux, la participation des collectivités territoriales et du public à l'instruction des titres et des autorisations, l'intégration des autorisations de travaux miniers dans l'autorisation environnementale) ;

• un enjeu sécuritaire avec la prise en compte de la santé publique dans les intérêts protégés et l'application de nouvelles obligations aux exploitants (avec des dispositifs tels que les garanties financières, les servitudes d'utilité publique, le renforcement du régime de responsabilité, la prescription trentenaire et la lutte contre l'orpaillage illégal).

2. ...dont la méthode doit être infléchie mais les objectifs consolidés

A. Dans ce contexte, la commission des affaires économiques a jugé nécessaire de consolider la réforme proposée.

La commission partage les objectifs de cette réforme , qui visent à moderniser des procédures obsolètes, intégrer pleinement les enjeux sanitaires et environnementaux et renforcer le contrôle par la France de ses extractions et importations minières.

Elle observe que le projet de réforme a fait l'objet d'un certain consensus entre les professionnels et les associations de protection de l'environnement, à l'occasion de son examen devant le Conseil national de la transition énergétique (CNTE) : aussi a-t-elle souhaité donner à cet avis toute sa portée.

B. Pour autant, elle a jugé crucial d'en infléchir la méthode , en supprimant ou encadrant 15 ordonnances, en limitant la durée à 12 mois de l'habilitation pour l'élaboration des ordonnances et à 3 pour leur dépôt, en spécifiant l'association de l'ensemble des parties prenantes à leur élaboration - à commencer par les professionnels et les collectivités territoriales -, et en prévoyant la présentation des ordonnances ainsi adoptées par le ministre chargé des mines devant le Parlement (article 21).

C. Pour ce qui concerne les ordonnances restantes, la commission a souhaité les encadrer strictement pour :

• assurer leur constitutionnalité et leur conventionnalité , nulle évolution législative par voie d'ordonnance n'étant possible, s'agissant des compétences minières attribuées par la loi organique à la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, et nulle exploitation n'étant souhaitable, en Antarctique conformément au Traité de Washington de 1959 et au Protocole de Madrid de 1991 ;

• favoriser l'adaptation des procédures à la géothermie, permettre la transition de sites d'extraction vers des sites de stockage ou limiter l'exploitation des fonds marins aux granulats ;

• conserver les souplesses administratives, introduites pour la géothermie ou le stockage, par respectivement les lois dites « ESSOC » de 2018 5 ( * ) et « ASAP » de 2020 6 ( * ) .

D. De plus, la commission a sécurisé les procédures clefs pour les projets miniers :

• pour ce qui concerne le contentieux , elle a jugé nécessaire de veiller à ce que les évolutions des documents d'urbanisme ne remettent pas en cause les autorisations accordées et a appliqué au code minier l'encadrement des délais et la régulation de procédures prévues par le code de l'environnement ;

• s'agissant de l'analyse environnementale, économique et sociale , elle a institué une procédure contradictoire et une motivation explicite ;

• en matière de la lutte contre l'orpaillage illégal , elle a encadré les dispositifs, en précisant notamment les peines recherchées (articles 20 bis A, 20 ter , 20 quinquies , 20 decies et 20 undecies notamment) ;

E. Surtout, la commission a largement enrichi le texte proposé :

• d'une part, elle a inscrit « en dur » 5 articles manquants inspirés de l'avant-projet de réforme - sur le caractère d'intérêt général de la valorisation et de la gestion des ressources minières et leur administration par l'État ou les collectivités territoriales, le principe de proportionnalité des procédures, celui de l'information préalable des collectivités territoriales, le registre numérique des titres miniers ou la recodification du dossier de reconversion des concessions d'hydrocarbures ;

• d'autre part, elle a renforcé le rapport sur la stratégie minière - en intégrant les objectifs fixés par le législateur, en permettant un recensement actualisé du sous-sol, en prévoyant sa présentation devant le Parlement et en visant les enjeux sanitaires, environnementaux ou internationaux ;

• enfin, elle a présenté un amendement destiné à préparer la réforme de la fiscalité minière, prévue dans le cadre du prochain projet de loi de finances, car cette fiscalité est mal répartie entre les communes et faible par rapport aux cours des matières premières, à commencer par celui l'or (articles 20 bis A et 20 bis notamment).

Parce que l'enjeu du siècle est celui du contrôle de nos ressources minières, la commission a adopté, sur la proposition du rapporteur, l'objectif selon lequel la gestion et la valorisation de ces ressources doivent « développer l'activité extractive sur le territoire national, relocaliser les chaînes de valeur, sécuriser les circuits d'approvisionnement, garantir la connaissance et la traçabilité des ressources du sous-sol et réduire la dépendance de la France aux importations. » (article 20 bis A)

*

C'est donc un cap clair en direction de notre souveraineté minière que la commission a souhaité donner, en infléchissant la méthode du volet « mines » du projet de loi, au profit d'un net rééquilibrage dans le sens des parlementaires et, au-delà, des citoyens, mais aussi en renforçant ses objectifs, en sécurisant ses procédures et en associant les professionnels du secteur minier et les collectivités territoriales.


* 4 Les chiffrages sont issus de l'étude d'impact ou des réponses apportées par le Gouvernement au questionnaire du rapporteur.

* 5 Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (Article 67).

* 6 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (Article 45).

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