B. LE VOLET « ÉNERGIE » : DES DISPOSITIONS DÉCEVANTES, DEVANT ÊTRE SUBSTANTIELLEMENT RENFORCÉEES ET COMPLÉTÉES, DANS LE SENS DE LA DÉCARBONATION

1. Une ambition climatique, sans mesures énergétiques...

A. Le projet de loi « Climat-résilience » est ambivalent : le terme de « climat » est y est prononcé 45 reprises, mais les mesures relatives à l'énergie se limitent à une dizaine, tout au plus...

L'essentiel de ces mesures a par ailleurs un caractère soit programmatique, soit technique , leur portée étant donc très limitée.

La commission relève qu'il est paradoxal qu'un texte portant sur le climat soit aussi limité sur l'énergie , car la lutte contre les dérèglements climatiques repose avant tout sur la décarbonation de la production et des usages de l'énergie.

Or, le texte est muet sur l'énergie nucléaire, qui assure les trois quarts de notre mix énergétique, et l'énergie hydraulique, qui représente la moitié de notre production d'énergie renouvelable.

Il n'est pas plus disert sur l'hydrogène renouvelable et bas-carbone , notre vecteur énergétique d'avenir.

B. De surcroît, le projet de loi « Climat-Résilience » est loin d'être inédit : plus de 20 % des dispositions proposées sont issues de la loi « Énergie-Climat », adoptée il y a un peu plus d'un an.

Or, 20 % des ordonnances, 30 % des mesures réglementaires et 80 % des rapports prévus par cette loi sont encore attendus, ainsi que l'a relevé le rapporteur dans le cadre d'un récent rapport d'information 7 ( * ) ...

La commission regrette que le Gouvernement préfère légiférer sur le projet de loi « Climat-Résilience » plutôt que d'appliquer la loi « Énergie-Climat », adoptée dans esprit de consensus par le Sénat et l'Assemblée nationale.

2. ...nécessitant d'être substantiellement renforcée et complétée

A. Face à ces lacunes, la commission a entendu rehausser substantiellement le niveau d'ambition du texte.

La commission a ainsi veillé à maintenir l'accord de commission mixte paritaire (CMP) issu de la loi « Énergie-Climat », relevant que 20 % des dispositions de cette loi sont modifiées par le projet de loi « Climat-Résilience ».

C'est pourquoi la commission a souhaité maintenir les acquis de la « loi quinquennale » dans les articles du projet de loi consacrés à la stratégie nationale de la recherche (article 14), à la politique nationale de gestion et de valorisation des ressources du sous-sol (article 20 bis ), et aux objectifs régionalisés en matière d'énergies renouvelables (article 22).

B. De plus, elle a jugé essentiel de consolider plusieurs dispositions du texte.

Elle a souhaité conforter le rôle des élus locaux, en prévoyant la consultation des collectivités infrarégionales dans l'élaboration des objectifs régionalisés précités (article 22) et en maintenant la compétence des maires dans l'octroi des dérogations aux implantations d'installations d'énergies renouvelables sur les locaux commerciaux (article 23).

Elle a entendu garantir les grands principes de notre système énergétique, en préservant les dispositifs d'information des consommateurs, tels que le comparateur d'offres du Médiateur national de l'énergie (MNE), dans le cadre de l'interdiction de la publicité sur les énergies fossiles (article 4), en articulant les compétences du comité régional des énergies renouvelables avec les instances en charge du nucléaire ou de l'hydroélectricité (article 22), en conditionnant l'essor des communautés d'énergies renouvelables et des communautés énergétiques citoyennes au respect du principe de péréquation tarifaire (article 23) et en prévoyant la consultation de la Commission de régulation d'énergie (CRE) pour les infrastructures de recharge électrique (article 26 bis ).

Elle a voulu recalibrer certains dispositifs mal ficelés : en premier lieu, elle a préservé l'autonomie de la police municipale et encadré une habilitation à légiférer par ordonnance dans le cadre de la fraude aux certificats d'économies d'énergie (C2E) (article 46 bis ) ; en second lieu, elle a conforté le « filet social » des salariés touchés par les fermetures de centrales à charbon (article 18 ter ) ; plus encore, elle a renforcé le rôle des autorités organisatrices de la distribution d'énergie dans l'élaboration du plan d'investissement des réseaux et promu le biogaz et le stockage dans le cadre de la ratification d'une ordonnance sur le « Paquet d'hiver européen » (article 22 bis ) ; enfin, elle a évité que les dispositifs afférents à la lutte contre la pollution de l'air aux émissions de gaz à effet de serre des opérations d'économies d'énergie n'entraînent d'« effets de bord » respectivement sur la filière bois-énergie et les réseaux de chaleur (articles 46 ter et quater).

C. Enfin et surtout, loin de se cantonner de déplorer les lacunes du texte , la commission a entendu relever substantiellement son niveau d'ambition en adoptant :

• le principe selon lequel aucun réacteur nucléaire ne peut être arrêté sans développer au préalable de capacités de production équivalentes issues des énergies renouvelables ;

• des dispositions de nature économiques et fiscales très substantielles en matière d'hydroélectricité , reprenant en cela la proposition de loi tendant à inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique, adoptée par le Sénat le 13 avril dernier ;

• un « paquet législatif » inédit sur l'hydrogène renouvelable et bas-carbone, fixant un objectif de 6,5 gigawatts d'ici à 2030, intégrant l'hydrogène à la « loi quinquennale », proposant des souplesses administratives et des incitations budgétaires et associant au mieux les collectivités territoriales ;

• le critère du « bilan carbone » appliqué aux projets d'énergies renouvelables attribués par appels d'offres et, à titre expérimental, à ceux attribués par guichets ouverts ;

• la prise en compte des biocarburants, en les exonérant de l'interdiction de la publicité précitée, en prévoyant une trajectoire de substitution dans l'évolution de l'incitation fiscale sur le gazole routier et en les intégrant aux plans d'actions « transports » des grandes entreprises ;

• des dispositifs de soutien à toutes les formes de stockage : stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), hydrogène, batteries électriques.

Cette action est , plus largement, celle des sénateurs qui ont adopté , avec l'avis favorable ou de sagesse du rapporteur :

• un dispositif de soutien budgétaire conséquent aux raccordements des installations de biogaz, issu du projet de loi dit « ASAP » ;

• des dispositions complémentaires , stratégiques ou financières, en faveur de l'hydroélectricité ;

• des mesures plus ponctuelles de simplification, telles que la dématérialisation de la transmission des C2E, la facilitation des réseaux intérieurs d'électricité des bâtiments (RIB) ou la consolidation de la réduction de la chaleur fatale des bâtiments professionnels.

*

Aussi la commission a-t-elle voulu adresser un signal ambitieux en faveur de notre transition énergétique, car il illusoire d'espérer atteindre l'objectif de « neutralité carbone » à l'horizon 2050 sans un investissement massif en faveur de l'énergie nucléaire, de l'énergie hydraulique et de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone. Complémentairement, les autres énergies renouvelables intermittentes, et leurs formes de stockage doivent également être largement promues.

***

Au total, parce que les ressources minières et énergétiques sont au fondement de notre modèle de développement, la commission des affaires économiques a jugé essentiel de passer d'un texte d'intentions à un texte d'actions, en complétant très largement le projet de loi ; elle a ainsi entendu poser les bases d'un modèle de développement, moins émissif et plus compétitif, à même d'atteindre contribuer véritablement à la lutte contre les dérèglements climatiques.

Car l'action climatique passe d'abord et avant tout par la décarbonation de l'économie , qui nécessite, pour réussir, de relocaliser l'activité minière et de relancer l'énergie nucléaire.


* 7 Rapport d'information de M. Daniel GREMILLET, fait au nom de la commission des affaires économiques, Où en est l'application de la loi « Energie-Climat » ? Où en est l'atteinte de la « neutralité carbone » ?, n° 553 (2020-2021) - 5 mai 2021.

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