N° 133

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

TOME IV

Fascicule 2

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

Presse

Par M. Michel LAUGIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, MM. Yves Bouloux, Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Annick Girardin, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 16801715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

AVANT-PROPOS

Dans De la démocratie en Amériques, publié en 1835, Alexis de Tocqueville s'étonne de l'influence de la presse : « En Amérique, comme en France [la presse] est cette puissance extraordinaire, si étrangement mélangée de biens et de maux, que sans elle la liberté ne saurait vivre, et qu'avec elle l'ordre peut à peine se maintenir. »

Puissance extraordinaire certes, élément central de nos démocraties, mais aujourd'hui menacée par ses difficultés considérables à trouver un modèle économique propre à assurer son développement. Le rapporteur souligne depuis maintenant sept ans la lutte du secteur à la fois contre l'inexorable montée en puissance du numérique, mais également contre des structures héritées du passé qui obèrent sa capacité à profiter d'un soutien public jamais démenti pour mener des réformes ambitieuses. L'année 2024, qui sera encore marquée par des coûts en hausse et la défiance d'une partie de nos concitoyens, pourrait cependant être mise à profit, peut-être avec les États généraux de l'information (EGI), pour trouver enfin un chemin vers une nouvelle ère où l'information produite de manière professionnelle obtiendra enfin la reconnaissance qu'elle mérite.

I. UNE CRISE AU LONG COURS

Comme il est hélas de tradition de le rappeler chaque année, le secteur de la presse écrite connait une crise au long cours et peine encore à établir un modèle économique pérenne. Depuis 2000, le chiffre d'affaires du secteur a ainsi diminué de près de 60 %, passant de 10,6 milliards d'euros à 6 milliards en 2022.

La diminution du chiffre d'affaires résulte de la conjonction d'une forte diminution du produit des ventes, passé de 6 milliards d'euros en 2000 à 4 milliards en 2022, et plus encore d'un effondrement des recettes publicitaires, entrainant une déformation des sources de revenus du secteur.

En 2021, le chiffre d'affaires est réalisé pour 71 % par les ventes au numéro ou par abonnement et pour près de 29 % par la publicité, les proportions étaient respectivement de 55 % et 45 % en 2000.

 

À ces difficultés identifiées de longue date, se surajoute dorénavant la fragilité du réseau de portage, particulièrement utilisé par la presse quotidienne régionale (PQR). Le secteur est ainsi durement frappé par une crise des recrutements pour une profession considérée comme pénible (horaires décalés, ports de charges, etc...) et par le coût des carburants. Si l'abonnement par voie numérique progresse dans toutes les familles de presse, notamment la PQR, dont le rapporteur avait relevé le retard en la matière, il ne compense que dans un rapport de un à trois un abonnement « traditionnel ».

Pour résumer, le chiffre d'affaires total de la presse aujourd'hui est environ celui de 2000 duquel on aurait soustrait les recettes publicitaires.

II. DES DOTATIONS QUI BAISSENT EN VALEUR RÉELLE

A. UNE STABILITÉ APPARENTE DES AIDES DIRECTES...

Les aides directes à la presse demeurent en 2024 à un niveau quasi stable, enregistrant une hausse globale de moins de 1 %.

Alors que, en application du protocole d'accord entre l'État et La Poste signé le 14 février 2022, les sommes destinées à compenser le régime d'acheminement et de distribution assuré par l'entreprise, inscrites sur le programme 134, progressent de 7 %, les enveloppes budgétaires du programme « Presse et Médias » enregistrent une légère érosion de 0,4 %, pour s'établir à 195,7 millions d'euros.

Évolution des aides à la presse en 2024

(en millions d'euros)

Aides

PLF 2024

Évolution 2024/2023

Aides à la diffusion

114,7

 - 3,6 %

Aides au pluralisme

25,9

+ 11,5 %

Aides à la modernisation

55,13

+ 1,5 %

Total programme 180

195,7

- 0,4 %

Compensation versée à La Poste - programme 134

42,8

+ 7 %

Total des deux programmes

238,5

+ 0,8 %

La partie suivante du rapport pour avis présente un panorama de ces aides et des questions qu'elles soulèvent.

B. ...COMME DES AIDES INDIRECTES

Les aides à la presse ne se limitent cependant pas aux seuls crédits des programmes 180 et 134.

ü des crédits d'impôt, pour un montant qui s'élève à 172 millions d'euros en 2023. Le taux de 2,10 % de TVA sur les titres de presse représente à lui seul 94 % de ce montant ;

Un changement de normes comptables bien opportun

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, le ministère des finances a modifié le mode de calcul des dépenses fiscales liées à la TVA. Ainsi, la dépense fiscale prévue pour la TVA à 2,1 % sur la presse dans le projet de loi de finances pour 2023 était évaluée à 160 millions d'euros. Elle est ramenée à 60 millions dans le projet de loi de finances pour 2024. L'estimation pour l'année 2024 est pour sa part de 60 millions d'euros.

La commission des finances a porté un regard très critique sur ce changement bien opportun dans son rapport sur la première partie de la loi de finances. Le rapporteur a retenu le même montant que l'année précédente afin de pouvoir effectuer des comparaisons d'une année sur l'autre.

ü des aides sociales avec, en particulier, les dispositifs d'allègement des cotisations sociales des journalistes. Aucune évaluation n'a cependant été réalisée depuis 2014, année où l'enveloppe s'élevait à 172 millions d'euros. Sur la base de l'évolution du nombre de journalistes depuis 2014, on peut de manière sommaire estimer le montant en 2022 à environ 160 millions d'euros.

Dans l'ensemble, les aides à la presse représentent donc environ 570,5 millions d'euros, contre un montant estimé l'année dernière de 568 millions d'euros.

 

La précision relative de l'évaluation des mesures sociales et fiscales n'autorise pas une comparaison très fiable d'une année sur l'autre de l'ensemble des moyens consacrés à la presse par les pouvoirs publics. On peut cependant conclure à une forme de stabilité en valeur absolue.

Dans un contexte où l'inflation prévisionnelle pour 2023 et 2024 s'établirait respectivement à 5,8 % et 2,6 %, cette stabilité dissimule en réalité une diminution équivalente du niveau des aides.

C. LA VOIX PARTIELLEMENT ENTENDUE DU SÉNAT

Le rapporteur pour avis a consacré en 2022, au nom de la commission de la culture, un rapport d'information à la presse quotidienne régionale (PQR)1(*). Il faisait en particulier le constat de la situation particulièrement dégradée de la presse écrite en général, confrontée en plus à une crise structurelle due à l'explosion des coûts du papier.

Le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 20232(*) a conforté cette analyse, avec « l'affaire du crédit d'impôt premier abonnement » alors qualifié de « crash pas annoncé ». Pour mémoire, 150 millions d'euros de dépenses fiscales avaient été annoncés et prévus sur trois ans, mais le dispositif a finalement été abandonné avant d'entrer en vigueur.

Parmi les recommandations du rapport d'information, les deux principales ont cependant été retenues et mises en application :

Ø d'une part, une aide exceptionnelle de 30 millions d'euros pour l'année 2023 a été actée par le décret du 3 mai 2023 pour compenser en partie la hausse du prix du papier. Si le montant est encore loin des 150 millions d'euros du crédit d'impôt, cette enveloppe constitue une bouffée d'oxygène pour le secteur ;

Ø d'autre part, le rapport appelait à revenir sur la fin annoncée de l'éco contribution en nature pratiquée par la presse, qui allait entrainer à compter du 1er janvier 2023 des dépenses de 22 millions d'euros par an pour les éditeurs. Adoptée à la suite, la loi du 24 avril 20233(*) portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papier, sans revenir sur les engagements européens de la France en matière environnementale, permet de surmonter cette difficulté d'interprétation. Elle autorise en effet la modulation des contributions financières de la filière pour les produits contribuant à une information du public d'intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition gratuite d'encarts. Si la mise en oeuvre s'avère complexe, le rapporteur estime que la solution élaborée par la rapporteure de la commission du développement durable, Marta de Cidrac, préserve du mieux possible les intérêts de la presse et des collectivités, tout en conservant un niveau de normes environnementales exigeants.

On peut donc se féliciter que le cri d'alarme relayé par la commission ait été entendu, au moins partiellement et au moins pour l'année 2023.

III. DANS L'ATTENTE DE LA RÉFORME DES AIDES DIRECTES À LA PRESSE

 

Les aides à la presse sont concentrées en totalité sur la presse d'information politique et générale.

Chacune de ses trois composantes présente des spécificités :

Ø les aides à la diffusion (114,7 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 42,8 millions d'euros de compensation versés à La Poste, soit 157,5 millions en 2024) regroupent les crédits de l'aide au portage et au postage. Les deux dernières années ont été mises à profit pour mettre en oeuvre une réforme d'ampleur, dite « réforme Giannesini », du nom de l'auteur de la mission qui a conduit à cette évolution ;

Ø les aides au pluralisme (25,9 millions d'euros en 2024), décomposées en six enveloppes distinctes ;

Des aides très concentrées

Ces aides sont caractérisées par leur extrême concentration. Ainsi, la première enveloppe, destinée aux quotidiens d'information politique et générale (IPG) nationaux à faibles ressources publicitaires, a été dotée de 11 millions d'euros en 2022, que se sont répartis cinq titres, dont trois qui reçoivent plus de 3 millions d'euros. 7 titres parmi les 52 titres se partagent plus de la moitié des 4 millions d'euros de l'aide aux publications nationales (hors quotidiens) à faibles ressources publicitaires.

Ø enfin, les aides à la modernisation (55,13 millions d'euros). La moitié de l'enveloppe, soit 27,85 millions d'euros, correspond à la dotation versée à France Messagerie pour la distribution des quotidiens IPG. Cette aide, stable depuis 2022, devrait s'éteindre, au moins à ce niveau, en 2025, avec la fin des engagements de l'État. Les crédits libérés devraient logiquement à cette échéance être réaffectés au Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), qui se trouve ponctionné depuis trois ans.

Les aides directes à la presse représentent, hors dépenses fiscales, plus de 20 % du chiffre d'affaires de la presse IPG.

Les six quotidiens qui reçoivent le plus d'aides

Titres

Aides directes

Aides à la distribution

Total

Aujourd'hui en France

56 986

12 137 302

12 194 288

Le Figaro

892 524

4 997 739

5 890 263

Le Monde

1 183 393

4 654 214

5 837 607

La Croix

5 315 201

339 963

5 655 164

Libération

3 862 413

1 526 879

5 389 292

L'Humanité

3 364 388

517 764

3 882 152

Les aides à la presse sont souvent perçues comme opaques, en dépit des efforts de transparence avec la mise en ligne de la totalité des titres aidés6(*) et complexes, car résultant d'un empilement de dispositifs ad hoc. Il en résulte un procès en illégitimité souvent entendu, qui amplifie la méfiance dont les médias font l'objet dans une partie de l'opinion publique. Il faut par ailleurs relever le paradoxe de montants d'aides inchangés sur une longue période, alors même que la diffusion papier diminue constamment depuis plus de 10 ans. La vente au numéro de la presse quotidienne nationale a été divisée par plus de deux entre 2019 et 2022, et la presse quotidienne régionale sur la même période de plus d'un quart.

La ministre de la culture a indiqué lors de son audition devant la commission le 24 octobre dernier son intention de lancer le vaste chantier de la réforme de ces aides. Les conclusions des États généraux de l'information (voir infra) seront certainement attendues pour déterminer une orientation qui reste à ce stade largement à définir. En effet, si on se place dans l'hypothèse réaliste de moyens constants, une réforme générera des gagnants, mais également des perdants. Or le sujet est presque existentiel pour les publications les plus dépendantes de ces aides.

En mettant de côté les aides au portage et au postage, qui viennent de faire l'objet d'une réforme ambitieuse, et la question traitée en infra de France Messagerie, le rapporteur souhaite poser trois grands principes qui pourraient guider la réforme :

ü assurer une meilleure conditionnalité des aides. La commission d'enquête sur la concentration des médias précitée avait proposé à l'unanimité, d'une part7(*), de réviser les conditions d'octroi des aides au pluralisme et à la modernisation en prenant en compte la situation financière des groupes auxquels le titre appartient, d'autre part8(*), d'accorder une bonification aux titres respectant de manière volontaire certains critères permettant de mieux assurer l'indépendance des rédactions. Cette piste doit être explorée pour limiter les procès trop régulièrement tenus d'une « presse des milliardaires » ;

ü donner toute sa place à la presse numérique. Le fait que l'essentiel des aides soutient la distribution et la diffusion fait mécaniquement baisser la part des crédits à laquelle les titres numériques peuvent prétendre. Ainsi, seule une enveloppe spécifique de 4 millions d'euros leur est réservée, soit 15 % des aides au pluralisme et 1,7 % de l'ensemble. La ponction des crédits du FSDP a également handicapé le développement des acteurs du numérique, ce qui est paradoxal à une époque où ce mode de lecture est devenu dominant ;

ü réfléchir enfin à la place des aides à la distribution, qui représentent encore les deux tiers de l'enveloppe globale.

Le rapporteur estime que cette réforme, d'ampleur budgétaire finalement limitée, s'inscrit pleinement dans la restauration d'un contrat de confiance entre les titres et leurs lecteurs, et doit être menée dans les deux années qui viennent.

IV. UN JOUR SANS FIN : L'ÉTERNELLE SITUATION CRITIQUE DE LA DISTRIBUTION

A. UN DUOPOLE MORTIFÈRE

Dépenses de l'État pour Presstalis, puis France Messagerie depuis 2012

 
 

Dans ce qui semble être un remake du classique du cinéma « Un jour sans fin9(*) », le rapport pour avis est chaque année l'occasion de rappeler la situation toujours complexe et critique du secteur de la distribution. Le rapporteur, qui évoque ce sujet pour la septième année consécutive, ne peut que déplorer l'éternel enlisement du dossier, qui, l'expérience le montre, débouche mécaniquement sur une crise, résolue tout aussi mécaniquement par des subventions massives et une ponction sur l'ensemble de la presse. De ce point de vue, la loi du 18 octobre 2019 de modernisation de la distribution de la presse, dont le rapporteur pour avis était rapporteur10(*), n'a pas permis de stabiliser un système de distribution largement hérité de la Libération.

Pour mémoire, la distribution de « niveau 1 » est assurée par deux messageries :

Ø France Messagerie

Le groupe Presstalis, entreprise de messagerie de presse privée, était jusqu'à sa liquidation en juillet 2020, l'un des principaux acteurs de la distribution de la presse en France et, de fait, le seul opérateur de distribution de la presse quotidienne nationale. Les rapports des années précédentes ont suffisamment évoqué sa longue chute, jusqu'à la cessation de paiement de Presstalis en 2020 et la création de France Messagerie.

En 2022, France Messagerie présente un résultat positif de 4,9 millions, qui repose sur les aides à la distribution (27 millions d'euros) et une péréquation de près de 9 millions d'euros. Il est encore aujourd'hui le seul opérateur à distribuer les flux « chauds », à savoir la presse quotidienne nationale.

Durant les dernières années, la nouvelle direction de France Messagerie a réalisé un travail impressionnant de rationalisation et d'amélioration des performances. La société opère cependant une grande partie de son activité, qui justifie les soutiens publics, dans un marché des quotidiens nationaux qui perd entre 6 % et 9 % de ses ventes chaque année.

Ø Les Messageries lyonnaises de presse (MLP)

Les MLP ont développé leur activité sur des publications à périodicité lente et à fort prix de vente. À la suite des bouleversements du paysage de la distribution intervenus à l'été 2020, les MLP sont devenues l'acteur de référence de la distribution de la presse au numéro, représentant désormais 65 % du marché avec un résultat positif de 5,4 millions d'euros en 2021.

Un avis surprenant de l'Arcep

L'Arcep a rendu le 16 février 2023 un avis sur les conditions tarifaires présentées par les MLP. Dans cet avis, l'Arcep ne formule pas de remarques quant aux évolutions tarifaires et au passage de cinq à quatre jours de livraison des dépositaires par les MLP. Le rapporteur estime surprenante cette absence de remarque. La stabilité des prix, dans un contexte de forte inflation, améliore certes l'attractivité de la société pour ses clients, mais s'effectue au détriment de l'ensemble de la chaine de valeur, dont les dépositaires de niveau 2. Par ailleurs, la réduction de jours de livraison aurait mérité un dialogue plus abouti avec les marchands de presse et les dépositaires centraux.

Aujourd'hui comme hier, ce duopole a des conséquences mortifères.

Dans un marché structurellement en baisse, la croissance ou le simple maintien du chiffre d'affaires ne peut être obtenu que par des baisses de charges ou bien la conquête de nouveaux clients arrachés au concurrent. Il en résulte une situation où les deux entreprises sont incitées à proposer les meilleures offres aux éditeurs, au prix d'un barème susceptible de les fragiliser. L'Arcep a ainsi dû rappeler à l'ordre chacune de ces messageries quatre fois sur leurs tarifs, s'inquiétant en particulier des « remises » consenties aux plus gros éditeurs qui remettent en cause le sens même de la distribution mutualisée.

B. 2024, DÉBUT DE LA FIN ?

L'année 2024 pourrait cependant s'avérer décisive, en raison de la conjonction de deux événements.

D'une part, elle correspond à la dernière année prévue pour la ponction de 9 millions d'euros opérée depuis 2019 sur le FSDP afin de secourir Presstalis, puis France Messagerie, ce qui porte le montant de la subvention à 27 millions d'euros. Comme le rapporteur l'avait relevé dès cette époque, les crédits prélevés au sein du FSDP manquent pour le financement de projets d'avenir, en particulier dans le secteur du numérique, qui demeure le parent pauvre des aides à la presse. Lors de l'élaboration du projet de budget pour 2025, un choix devra être effectué : pérenniser un prélèvement au départ présenté comme borné dans le temps, ou bien revenir à la situation antérieure, ce qui aurait de très lourdes conséquences pour France Messagerie.

D'autre part, et anticipant ce mouvement, les ministres de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de la culture ont, par lettre du 23 mai 2023, chargé l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) d'une mission sur la distribution de la presse. Cette mission doit rendre ses conclusions à l'automne avec, le cas échéant, des propositions d'évolution du cadre législatif et réglementaire et du soutien public à la distribution de la presse au numéro.

Le rapporteur estime qu'il est effectivement grand temps de mettre un terme à ce feuilleton qui ne concerne que la distribution, de plus en plus résiduelle, des seuls quotidiens nationaux.

Plusieurs solutions existent et ont déjà été évoquées : fusionner les deux messageries, confier à l'une d'entre elle les seuls quotidiens nationaux, à l'exclusion des périodicités plus longues, confier la distribution des quotidiens aux réseaux de la presse régionale, récemment renforcés par la réforme du portage et du postage.

Le rapporteur est pleinement conscient de la complexité industrielle et sociale de chacun de ces schémas, dont l'examen nécessite un travail complexe et approfondi. Il souhaite cependant vivement que l'année 2024 soit, enfin, celle de la vraie fin du « jour sans fin ».

V. QU'ATTENDRE DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE L'INFORMATION ?

A. LE LANCEMENT « SURPRISE » DES ÉTATS GÉNÉRAUX

Annoncés par le Président de la République dans le courant de la campagne électorale au printemps 2022, c'est peu dire que le lancement des États généraux de l'information (EGI) le 13 juillet 2023, avec un an de retard, a pris le secteur de court. Le format comme le choix de l'intitulé font directement référence aux États généraux de la presse écrite, qui se sont déroulés de septembre 2008 à janvier 2009, à l'initiative du Président Nicolas Sarkozy.

L'organisation des EGI

Les EGI sont chapeautés par un comité de pilotage, présidé par Bruno Lasserre, ancien vice-président du Conseil d'État, avec comme délégué général Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans frontières. Ils ont été divisés en cinq groupes de travail :

- « L'Espace informationnel et l'innovation technologique », présidé par Sébastien Soriano, ancien président de l'Arcep ;

- « Citoyenneté, information et démocratie », présidé par Pascal Ruffenach, président du directoire du groupe Bayard ;

- « L'avenir des médias d'information et du journalisme », présidé par Christopher Baldelli, président de Public Sénat ;

- « Souveraineté et lutte contre les ingérences étrangères », présidé par Arancha Gonzalez Laya, ancienne ministre des affaires étrangères de l'Espagne et doyenne de l'École des Affaires internationales de Sciences Po Paris ;

- « L'État et la régulation », présidé par Isabelle Falque-Pierrotin, ancienne présidente de la CNIL.

Le calendrier projeté passe par trois phases :

• octobre / décembre 2023 : diagnostic et propositions,

• janvier / mars 2024 : délibérations sur les propositions,

• avril / juin 2024 : synthèse et restitution.

Des forums dans les territoires sont prévus. L'organisation a vocation à s'appuyer sur le Conseil économique, social et environnemental.

La lettre de mission du Président de la République a été transmise aux membres du comité de pilotage le 2 octobre 202311(*). Elle met en avant la nécessité de préserver les principes fondamentaux hérités des Lumières, et qui imposent l'accès à une information libre pour permettre aux citoyens de se forger une opinion éclairée. Elle souligne les défis tant économiques que technologiques qui mènent à « l'émergence d'un nouvel ordre mondial de l'information ».

B. DES ESPOIRS ET DES ÉCUEILS

Les EGI seront-ils un nouveau symptôme d'une méthode qui n'a, pour l'heure, pas fait ses preuves, et qui consiste à monter des structures de réflexion et de participation citoyenne ad hoc sans débouchés précis, ou bien une occasion de poser enfin un diagnostic d'ensemble sur la question centrale de l'accès à l'information à l'heure du numérique tout-puissant ?

D'une part, il faut relever que les thématiques retenues tant dans la lettre du Président de la République qu'avec la structuration des groupes de travail correspondent aux difficultés identifiées de longue date par la commission de la culture. On peut ainsi citer les rapports pour avis sur le programme « Presse et Médias », ou les travaux du rapporteur sur la presse quotidienne régionale, mais également la commission d'enquête sur la concentration des médias ou encore la loi d'origine sénatoriale du 24 juillet 2019 sur les droits voisins. En ce sens, les EGI ne partent pas en territoire inconnu, mais pourront s'appuyer, comme le délégué général en a d'ailleurs exprimé le souhait lors de son audition par le rapporteur, sur des analyses déjà existantes.

D'autre part, le choix d'organiser des réunions dans les territoires est une idée à saluer, car elle souligne la nécessité d'élargir la réflexion au-delà des cercles habituels. Le rapporteur a d'ailleurs accepté de participer, à l'invitation du journal La Marseillaise, à un débat organisé dans ce cadre le 27 octobre dernier. Il a ainsi pu engager un dialogue public avec des journalistes, des organisations professionnelles et des lecteurs. Le rapporteur, comme le président de la commission, a par ailleurs été entendu par le comité de pilotage le 9 novembre.

Il est bien entendu encore trop tôt pour porter un jugement sur les EGI, qui débutent à peine. L'expérience et la compétence des membres du comité du pilotage et des présidents des groupes de travail incitent le rapporteur à l'optimisme quant à la pertinence des conclusions qui seront rendues à l'été 2024.

Le rapporteur croit cependant utile de formuler trois remarques qui, à son sens, seraient de nature à mieux cadrer les débats :

- tout d'abord, le contexte dans lequel ces EGI ont été finalement lancés, a été marqué rapidement par les remous au sein de la rédaction du JDD, suite au changement de rédacteur en chef. Fortuite ou programmée, cette collusion ne doit pas conduire les EGI à être perçus comme une organisation à visée politique, voire politicienne. Les débats publics tenus à l'occasion des travaux de la commission d'enquête sur la concentration des médias ont amplement souligné que les points de vue en la matière pouvaient s'avérer extrêmement divers et tranchés ;

- ensuite, les propositions devront être suffisamment ambitieuses et larges pour apporter de la cohérence, de la visibilité et des perspectives à un secteur de la presse, plus largement des médias d'information, qui souffre depuis trop d'années d'une forme d'attentisme des pouvoirs publics, en laissant par exemple perdurer des situations comme celles de Presstalis ou bien en refusant d'engager le chantier de la refonte complète d'un cadre de la régulation de l'audiovisuel issu de la loi de 1986 ;

- enfin, les EGI devront parvenir à des propositions concrètes, propositions dont le suivi devra être assuré, et qui devront, le cas échéant faire l'objet d'un débat devant le Parlement.

À ce prix, le rapporteur estime que cet exercice, confié à des professionnels reconnus et indépendants, pourra marquer une étape essentielle dans la reconquête d'un droit à l'information partagé et respecté par tous.

VI. L'AGENCE FRANCE-PRESSE DANS L'ATTENTE DE SON COM

A. DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS MALGRÉ LE CONTEXTE

La progression de 5 % de la dotation de l'Agence France-Presse (AFP) qui atteint 141,7 millions d'euros en 2024 tient compte des remarques notamment formulées par le rapporteur l'année dernière sur les conséquences de l'inflation pour l'activité de l'Agence.

De par la nature de son activité, l'Agence est très exposée à une situation géopolitique plus que dégradée et ce, dans les deux sens : d'un côté, ces événements suscitent intérêt et besoin de compréhension, ce qui a un impact potentiellement positif sur les revenus, mais de l'autre, ils occasionnent des coûts conséquents pour les couvrir, sans même évoquer la problématique de l'inflation.

En 2023, l'AFP devrait cependant afficher un résultat d'exploitation en baisse de 20 % par rapport à 2022, soit autour de 4 millions d'euros, par la combinaison de deux mouvements opposés :

ü d'une part, les charges d'exploitation devraient être inférieures de 2,7 millions d'euros à la trajectoire initialement prévue.

Il convient de relever que les charges de personnel ont connu un taux de croissance systématiquement inférieur ou égal aux objectifs fixés pour chacune des années du contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2019-2023. Cela procède à la fois :

Ø d'un plan de réduction des effectifs (plan de départs volontaires, PDV, et plan de suppression de postes pour les pays autres que la France et les années suivant le PDV) dont la réalisation est aboutie à hauteur de 85 % à fin 2022 et qui sera atteint à l'issue du COM ;

Ø d'un effet de la crise sanitaire. Les grandes difficultés à voyager en 2020 et 2021 ont, en effet, réduit les possibilités de remplacement des postes vacants, ceux-ci restant sans titulaire plus longtemps qu'usuellement.

ü d'autre part, les produits commerciaux devraient enregistrer en 2023 une croissance inférieure à celles des années précédentes, soit environ 0,7 %, contre 2 % prévus.

Enfin, l'Agence devrait avoir achevé son désendettement à l'horizon 2028, ce qui représentera une économie de 6,5 millions d'euros par an.

L'Agence pourrait donc en 2023 enregistrer pour la cinquième année consécutive un résultat positif, en dépit d'un contexte mondial plus que complexe. Le rapporteur salue le travail d'adaptation de l'AFP à son environnement et son souci de préservation des équilibres budgétaires.

B. UN COM EN APPROCHE

Les discussions entre l'État et l'Agence au sujet du nouveau COM 2024-2028 initiées à l'automne 2022 paraissent bien avancées. La stratégie intégrée à ce futur COM reprend largement les engagements présentés par le Président lors de sa candidature pour un deuxième mandat en octobre 2022. Ce futur COM vise la poursuite du développement commercial au travers de la vérification digitale et la poursuite de la croissance de la vidéo et des recettes avec des clients hors média. Il comporte à nouveau un plan d'économies de charges substantiel qui s'ajoute à celui du COM en cours. Le financement du développement, l'équilibre financier et la poursuite du désendettement en sont les cibles. Les prévisions financières doivent encore faire l'objet de quelques ajustements. La signature du COM est prévue en décembre 2023.

L'AFP dans la guerre des mots

La commission a entendu le 14 novembre Fabrice Fries, président-directeur général de l'AFP, et Philip Chetwynd, directeur de l'information, sur son traitement de l'actualité dramatique suite aux attentats perpétrés en Israël revendiqués par le Hamas le 7 octobre dernier12(*). L'AFP a ainsi pu réagir et exposer sa position et ses critères déontologiques dans le traitement de ces événements, et notamment son choix de ne pas recourir au terme de « terroriste » pour qualifier le Hamas. Au-delà de ces explications nécessaires, cette audition a été l'occasion de présenter les conditions de travail des collaborateurs de l'Agence en zone de guerre.

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 29 novembre 2023, un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 180 « Presse et médias » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2024.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 29 NOVEMBRE 2023

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M. Michel Laugier, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la presse. - Dans cette commission, nous croyons fermement à l'information, à son importance pour une démocratie dont le fondement est le débat, et au caractère indispensable et premier d'une presse libre et indépendante.

Benjamin Constant consacre un chapitre pénétrant à la liberté de la presse dans ses OEuvres politiques. Il y analyse en particulier l'importance pour la qualité du débat public de ce qui était déjà un média de masse sous le Directoire : « Ce ne fut point enfin la liberté de la presse qui entraîna les désordres et le délire d'une révolution malheureuse ; c'est la longue privation de la liberté de la presse qui avait rendu le vulgaire des Français ignorant et crédule, et par là même inquiet et souvent féroce. »

Dans le contexte de l'époque, Benjamin Constant s'en prend aux gouvernements qui limitaient la liberté de la presse, ce qui se traduit in fine par un appauvrissement du contrat social et une mise en danger de la société. Cette analyse conserve, hélas, aujourd'hui toute son actualité, alors que la presse est menacée non plus par les lois - je le crois, en tout cas dans notre pays -, mais par les effets conjugués de son affaissement économique et de la défiance dont elle est l'objet, comme le relève le dernier baromètre Kantar pour le journal La Croix. La perte de contact avec une information fiable, délivrée de manière professionnelle par des journalistes et non par des pseudo-experts plus avides de buzz que de fiabilité, est pour nous une menace existentielle, et certains événements vécus ces dernières années y trouvent probablement leur source.

Je fais le même constat année après année : la presse ne va pas bien. Elle a perdu depuis 2000 60 % de son chiffre d'affaires, et connaît une attrition de 10 % par an. Les titres en sont dorénavant réduits à tailler dans les coûts pour survivre, fragilisés encore plus par la crise énergétique.

Face à ce constat, les pouvoirs publics ne restent pas indifférents, et s'efforcent de trouver la parade. Néanmoins, la presse ne doit pas devenir une sorte d'espèce en voie de disparition, parquée dans son enclos et protégée des prédateurs du numérique par d'épaisses barrières budgétaires et réglementaires. Le sens du soutien public doit plutôt être d'accompagner le secteur vers un renouveau qui peine malheureusement à se dessiner.

J'en viens maintenant à la présentation du programme 180 et de ses défis pour cette année.

Je m'étendrai peu sur l'évolution des aides à la presse, qui demeurent remarquablement stables depuis plusieurs années, qu'il s'agisse des aides directes ou indirectes.

Cette stabilité appelle cependant deux remarques.

D'une part, elle pourrait sembler avantageuse en valeur absolue, puisqu'elle correspond à un nombre d'exemplaires en baisse constante. Cependant, les coûts dans la presse sont en grande partie fixes. Qu'un article soit publié mille fois ou un million de fois ne fait pas varier la rémunération du journaliste. De même, le coût de l'impression comme du transport d'un exemplaire supplémentaire est minime. En conséquence, même si le marché baisse, les frais engagés ne connaissent pas la même variation.

D'autre part, en période de forte inflation, les charges augmentent immédiatement. Je pense en particulier au portage, si important pour la presse quotidienne régionale (PQR), qui souffre des prix du carburant et de la difficulté à attirer des employés, avec une faible possibilité d'augmenter les prix.

En conséquence, la stabilité des aides traduit en réalité une baisse de pouvoir d'achat, qui se ressent dans le secteur. Pour autant, je crois pouvoir dire que les alertes portées par notre commission ont permis de limiter, en partie, les dégâts.

Ainsi, j'évoquais l'année dernière, notamment à la suite de mes travaux sur la PQR, deux préoccupations sérieuses : l'une relative à l'envolée des coûts du papier et de l'énergie et l'autre au financement de l'écocontribution auquel devait participer la presse. Petite satisfaction pour nous, nous avons été entendus, au moins partiellement.

Ainsi, le Gouvernement a finalement consenti à un geste de 30 millions d'euros en 2023 pour aider la presse face à la hausse vertigineuse de ses coûts ; grâce à une excellente collaboration avec notre collègue de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable Marta de Cidrac, une solution a pu être trouvée pour l'écocontribution qui ne pénalise ni les collectivités ni la presse.

Certes, dans ces deux cas, le succès n'est que partiel, la compensation est loin d'être intégrale et le nouveau mécanisme mis en oeuvre avec Citeo est complexe et long à se mettre en place.

Les faits sont donc là et illustrent notre capacité à peser sur les décisions du Gouvernement. Jusqu'où ira notre influence ? Telle est la question quand on aborde les deux sujets fondamentaux qui nous occupent année après année comme des marronniers : la réforme des aides à la presse et la distribution.

Les aides à la presse sont constamment décriées, et il existe un large consensus pour les réformer. Selon un schéma que nous connaissons bien avec la loi de 1986 à la suite à la commission d'enquête sur la concentration des médias, les voix s'élèvent fort pour critiquer, et se taisent pour proposer...

Ces aides directes, d'un montant de 238 millions d'euros, soit environ 20 % du chiffre d'affaires de la presse, sont concentrées sur la presse IPG (information politique et générale), et singulièrement sur la diffusion, qui représente les deux tiers de l'enveloppe. Cela pose problème, car l'évolution vers le numérique n'est que très peu prise en compte.

Les aides au pluralisme, d'un montant de 26 millions d'euros, sont pour leur part d'une grande complexité avec six enveloppes distinctes, créées au fil du temps pour répondre à telle ou telle situation particulière.

Enfin, les aides réellement disponibles pour la modernisation sont très faibles, avec 28 millions d'euros, le solde étant prélevé pour venir en aide à la distribution des quotidiens.

De tout cela, il ressort une grande opacité, qui donne lieu à des soupçons incessants, en dépit de notables efforts de transparence ces dernières années, car le montant de toutes les aides est public.

Je crois que la réforme de ces aides, sur laquelle la ministre s'est prudemment engagée lors de son audition devant la commission, doit suivre trois grands principes.

Tout d'abord, il faut respecter une logique de conditionnalité, comme cela avait été demandé par la commission d'enquête sur la concentration des médias en France. Je note d'ailleurs que le Conseil d'État a validé le 13 novembre dernier le décret, attaqué par plusieurs syndicats, sur la nouvelle obligation de présence de journalistes dans les rédactions comme condition pour percevoir des aides. Cela va incontestablement dans le bon sens.

Ensuite, il faut donner toute sa place à la presse numérique, en particulier en accompagnant fermement les titres dans la recherche d'un modèle économique viable, qui est pour l'heure incertain. Je rappelle qu'il faut entre trois et quatre abonnés numériques pour compenser la perte d'un abonné « papier ».

Enfin, il faut réfléchir à la place des aides à la distribution, qui représentent une part que j'estime bien trop élevée.

J'en viens à la question plus que jamais éternelle de la distribution.

Depuis des années, la distribution est enfermée dans un duopole mortifère. Vous avez suivi les différentes étapes, affligeantes au demeurant, et surtout coûteuses, de France Messagerie, ex-Presstalis, ex-NMPP. La nouvelle direction, avec un périmètre resserré, a fourni des efforts considérables, et me semble être sur le bon chemin. Son concurrent direct est les Messageries lyonnaises de presse (MLP). Les deux entreprises se livrent à une guerre sans merci sur un marché en attrition constante, un phénomène auquel elles ne peuvent pas grand-chose.

Dès lors, la confrontation est inévitable, d'autant plus que France Messagerie bénéficie d'aides publiques massives et d'une péréquation des MLP, qui permettent à l'entreprise d'assurer un résultat positif - ce n'est pas un miracle avec ce niveau d'aide, mais il faut le souligner car cela n'a pas toujours été le cas.

L'année 2024 pourrait cependant être utilement mise à profit pour sortir de cet éternel recommencement. Elle correspond à la dernière année où 9 millions d'euros seront prélevés sur les crédits du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) au profit de France Messagerie. Par ailleurs, le Gouvernement a lancé une nouvelle mission confiée aux inspections des finances et des affaires culturelles, dont la ministre, lors de son audition, a indiqué attendre les conclusions.

Même si je me demande ce que cette mission pourra apporter à la compréhension d'une situation déjà très bien documentée, par nos travaux comme par ceux d'autres instances, je veux croire que, cette fois-ci, une solution pérenne sera enfin mise en place. En termes strictement industriels, cette solution est simple dans son principe : il faut mutualiser complètement le « dernier kilomètre » entre PQR, presse quotidienne nationale (PQN) et les parutions à périodicité plus longue et élargir les missions des dépositaires centraux pour leur permettre de trouver un meilleur équilibre économique. Cela n'en pose pas moins de redoutables questions logistiques et, plus encore, de mécano juridique entre les différents et trop nombreux intervenants.

Comme vous le voyez, il y a de bonnes chances que j'évoque de nouveau ce sujet devant vous l'année prochaine...

J'en viens à mon point final : les États généraux de l'information (EGI).

Annoncés par le Président de la République dans le courant de la campagne électorale au printemps 2022, les EGI ont été lancés le 13 juillet 2023, avec un an de retard, ce qui a pris le secteur de court. La lettre de mission du Président de la République a été transmise aux membres du comité de pilotage le 2 octobre 2023. Elle met en avant la nécessité de préserver les principes fondamentaux hérités des Lumières qui imposent l'accès à une information libre pour permettre aux citoyens de se forger une opinion éclairée. Elle souligne les défis tant économiques que technologiques qui mènent à « l'émergence d'un nouvel ordre mondial de l'information ».

Les EGI, dont le délégué général est Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), ont commencé leur travail, avec des objectifs ambitieux et des membres de haut niveau. Certains d'entre nous ont déjà été entendus, dont notre président, Monique de Marco, Jean-Raymond Hugonet et moi-même, car l'organisation a souhaité s'appuyer sur les travaux parlementaires déjà existants, ce qui est de bonne pratique. J'ai par ailleurs participé à l'une des innovations des EGI, avec un dialogue organisé - je remercie au passage Jérémy Bacchi - avec des lecteurs du quotidien La Marseillaise en octobre dernier.

Que peut-on donc attendre de ces États généraux ? Seront-ils un nouvel avatar de ces instances mises en place à grand renfort de communication et dont on perd rapidement la trace ? Seront-ils à l'origine d'un renouveau dans la réflexion autour de la presse dans les prochaines années ? Il est bien entendu encore trop tôt pour le dire, mais le champ d'intervention est si vaste que j'avoue avoir quelques criantes pour eux...

Pour ma part, je crois, comme je l'ai indiqué devant les EGI, que la meilleure garantie d'indépendance de la presse est sa prospérité économique. Cette perspective est pour l'instant éloignée, mais tous les efforts des pouvoirs publics devraient porter sur ce point pour en finir avec le paradoxe d'un monde où l'information est centrale et où ceux qui la produisent sont paupérisés. Je suivrai donc avec attention les travaux des EGI, et il nous faudra certainement les entendre pour évaluer le pragmatisme de leurs propositions - on sait que le sujet peut rapidement devenir inflammable.

Pour résumer cet avis, je serai d'un optimisme très prudent ou d'un pessimisme mesuré sur la capacité des pouvoirs publics à accompagner enfin la presse vers un retour à l'équilibre.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de crédits relatifs à la presse pour 2024.

Mme Else Joseph. - Merci pour ces éléments d'information très clairs. Si les crédits augmentent, on voit cependant mal quelles sont les priorités du gouvernement.

Média classique par excellence, la presse, confrontée à une crise structurelle antérieure à l'apparition d'internet, fait l'objet d'une attention constante des pouvoirs publics, dans le contexte d'une crise de confiance de son lectorat. Un soutien financier est apporté à ce secteur stratégique pour la vitalité de notre démocratie. Néanmoins, les inquiétudes sont nombreuses : les entreprises sont soumises à la loi du marché dans un environnement très concurrentiel et le modèle économique de la presse écrite ne semble plus fonctionner alors que les habitudes des Français changent. Comment permettre le pluralisme des médias ? Où en est-on de la transformation numérique, qui semble inachevée ? Les moyens prévus sont-ils suffisants pour moderniser la presse ?

Outre la concurrence des plateformes numériques, on constate un effondrement des recettes publicitaires depuis quinze ans. La récente problématique de la hausse des coûts, entre autres du papier, aggrave la situation. La presse subit un cumul de difficultés.

La question de l'Agence France-Presse (AFP) n'a pas été évoquée. Elle est l'une des trois agences mondiales de presse et est contrôlée par l'État. On note des résultats positifs depuis 2019, notamment grâce à un effort de réduction des charges d'exploitation et d'augmentation des recettes commerciales. L'information fait l'objet de polémiques, comme on l'a vu récemment avec le traitement des sujets sur le Proche-Orient. Nous devons rester vigilants sur la situation de l'AFP, qui reste un atout stratégique de premier plan.

La question des aides à la diffusion de la presse, qui connaissent une faible hausse des crédits, reste d'actualité. Ces aides doivent permettre un accès à l'information de tous les citoyens sur tout le territoire. Pourriez-vous nous donner des précisions sur la nouvelle aide à l'exemplaire suite à la réforme du portage et du postage ?

Je suis également vigilante sur la situation de France Messagerie, avec la problématique particulière de l'outre-mer.

En ce qui concerne le pluralisme, on constate une très légère hausse des crédits. Les aides sont apportées à des titres, notamment de la PQR, qui disposent de faibles recettes publicitaires. La PQR est fragilisée par la hausse du prix du papier et par le fait qu'elle n'a pas achevé sa transition numérique. Je veux insister sur l'absence de concurrence, qui entraîne peut-être une moindre émulation. Dans mon territoire, il n'existe qu'un seul groupe de presse : on donne la parole à certains élus mais pas à d'autres, parce qu'ils ne sont pas du bon bord politique... C'est pourquoi nous devons toujours garder en vue l'objectif du pluralisme. Je n'oublie pas non plus la presse ultramarine, dont certains titres connaissent des difficultés.

Enfin, il faut évoquer l'accès à la presse de certains publics réputés rétifs - je pense aux jeunes : ce sont ceux qui lisent le moins la presse, à laquelle ils préfèrent les réseaux sociaux, qui sont des faux amis de la lecture et de l'information. Avons-nous des pistes pour encourager les jeunes à se tourner vers la presse ? L'extension du pass Culture aux abonnements en 2024 permettra-t-elle d'améliorer la situation ?

Notre groupe votera en faveur de l'adoption des crédits relatifs à la presse.

M. Pierre-Antoine Levi. - Je voudrais tout d'abord féliciter Michel Laugier pour la qualité et la pertinence de son rapport. En ces temps où l'intégrité de l'information et la liberté de la presse sont cruciales pour le maintien de notre démocratie, notre rôle en tant que parlementaires est de soutenir les piliers fondamentaux de cette dernière.

Le programme 180 « Presse et médias » représente un engagement vital pour la préservation et la promotion d'un paysage médiatique diversifié et indépendant en France. Nous sommes conscients des critiques concernant les aides à la presse, souvent jugées opaques et complexes, et concentrées sur la presse papier au détriment du numérique. Il est impératif de lancer une réforme de ces aides pour garantir la transparence et leur adaptation aux réalités actuelles du secteur.

L'Agence France-Presse, dont nous avons auditionné le président il y a quelques jours, reste malgré les récentes polémiques un pilier essentiel de notre paysage médiatique. L'augmentation de son budget de 6 millions d'euros pour 2024 est un témoignage de notre engagement envers une presse de qualité indépendante. Dans un monde où la désinformation est omniprésente, soutenir l'AFP est un acte essentiel pour garantir autant que possible une source d'information fiable et objective.

Le plan de soutien à la filière presse en réponse à la crise structurelle du secteur est un autre élément clé. Il combine des crédits budgétaires et des dépenses fiscales pour soutenir la presse dans sa transition écologique et numérique. Les États généraux de l'information, lancés avec un an de retard, sont une étape cruciale. Nous attendons de cet exercice une profonde réflexion sur les défis actuels de la presse, en tirant les leçons des États généraux de la presse écrite de 2008 et en identifiant les problèmes à résoudre pour un paysage médiatique plus robuste et diversifié.

Le soutien aux médias de proximité, aux radios locales et associatives, est également essentiel.

L'aide à la distribution de presse est une démarche cruciale pour garantir un accès équitable à l'information. L'effondrement de Presstalis et la reprise par France Messagerie ont mis en lumière la nécessité d'un réseau de distribution efficace. En 2024, l'aide à la distribution de la PQN d'information politique et générale est maintenue à un niveau exceptionnel. Concernant l'avenir de France Messagerie après 2024, il est crucial de réfléchir à une refonte globale, éventuellement en spécialisant la société sur la PQN, tout en assurant la continuité de la distribution de la presse écrite sur tout le territoire.

L'intégration de la presse dans le pass Culture est une avancée notable qui favorise l'accès des jeunes à la diversité de médias. Cela renforce leur engagement culturel et leur compréhension du monde. Nous regrettons cependant que la presse papier soit exclue du dispositif et espérons voir cette lacune comblée dans l'avenir.

Le programme 180 ne se contente pas de répondre aux défis actuels : il anticipe les transformations futures et renforce les fondements de notre démocratie, en garantissant une presse libre, diversifiée et accessible à tous.

Le groupe Union Centriste émettra un avis favorable sur ce programme et votera le rapport de Michel Laugier.

Mme Sylvie Robert. - Je veux féliciter notre rapporteur, qui connaît bien le sujet. Pour avoir assisté à quelques auditions avec lui, j'ai constaté que nous allions vers une confrontation inéluctable entre les différents acteurs, dans un contexte de tensions assez fortes.

À la lecture du programme 180, je suis animée par un sentiment en demi-teinte. Certes, avec les États généraux de l'information, on se dit que ce budget est en quelque sorte un budget d'attente, avant la prise de décisions de fond, notamment sur la réforme des aides à la presse. L'année 2024 est en quelque sorte une étape, sans inflexion manifeste.

Je souhaiterais évoquer quelques points de vigilance.

L'AFP est confortée, ce qui est une bonne chose. Néanmoins, nous ne connaissons pas encore le contenu du contrat d'objectifs et de moyens (COM), lequel aurait pu donner aux parlementaires que nous sommes des indications sur l'adéquation entre les missions et les moyens.

Les aides à la presse ne baissent pas beaucoup, de 0,3 %, mais le manque de réflexion sur leur contenu est regrettable.

Sur le volet « médias », je suis surprise que l'aide sélective aux autrices et auteurs de podcasts soit supprimée, alors même que les podcasts sont en plein développement et qu'ils constituent un moyen pour les jeunes non seulement de s'informer, mais aussi de s'approprier de grandes problématiques contemporaines.

Sur l'aide à la distribution, c'est un sujet important sur lequel la vigilance est de mise. On constate les difficultés du transfert du postage au portage, notamment pour la presse IPG. L'objectif de portage, qui était de 87 % en 2023, a baissé à 74 % en 2024. Les États généraux de l'information permettront peut-être d'aller plus loin ; le Sénat a fait beaucoup en la matière.

Le rapporteur a évoqué le débat que nous avons eu avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la question de l'écocontribution et de Citeo. Il serait intéressant que les deux commissions s'emparent, un an après, de l'évaluation de ce dispositif.

Enfin, s'agissant de la distribution, une mission de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et de l'inspection générale des finances (IGF) doit rendre ses conclusions d'ici à la fin de l'année. Nous pourrons évaluer le bien-fondé du système de distribution de la presse, notamment avec l'évolution des usages. Les questionnements sont nombreux dans nos territoires. Cette mission sera peut-être l'occasion de prévoir des dispositions plus pérennes et mieux adaptées aux usages de demain.

Ce budget ne nous satisfait donc pas pleinement.

M. Jérémy Bacchi. - Merci pour ce brillant rapport qui fait le tour des enjeux que rencontre la presse dans notre pays. Pendant cette année 2023, marquée par des événements internationaux, le rôle de la presse n'a cessé de faire débat, signe d'un attachement de nos concitoyens à une information la plus objective, documentée et juste possible. Ce n'est malheureusement pas le cas de tous les pays du monde ; de ce point de vue, nous pouvons donc nous en réjouir.

La presse connaît un certain nombre de difficultés, notamment liées à la baisse des recettes issues de la publicité - près de 60 % de recettes en moins en une vingtaine d'années. Cela s'explique par la concurrence du numérique, même s'il faut nuancer ce fait, les recettes liées au numérique étant trois ou quatre fois moindres que celles liées au papier. La transition numérique que vous appeliez de vos voeux, monsieur le rapporteur, et que je partage doit s'accompagner d'un soutien de la puissance publique encore plus fort à la presse, notamment à la PQR.

Vous avez évoqué à juste titre la hausse des coûts du papier, qui est passé de 400 à 800 euros la tonne en deux ans, et du carburant. L'augmentation du tarif unitaire d'un quotidien n'est pas totalement extensible.

Par conséquent, toute la filière associée à la diffusion et à la vente de la presse traverse une grave crise, voire menace de s'effondrer. Les acteurs l'ont bien compris et ont multiplié les initiatives pour reconquérir un plus large lectorat. Dans un tel contexte, l'appui de la puissance publique à la presse est essentiel, car au-delà de l'aspect économique se posent évidemment des enjeux de démocratie. La question de la pluralité et de la diversité de la presse, y compris de la presse d'opinion, encore plus touchée que la PQR, doit nous alerter en tant que législateur.

D'autres canaux de diffusion tendent à supplanter la presse depuis quelques années, ce qui fait peser des risques relativement graves sur la vérification de l'information et sur le débat démocratique : il s'agit des réseaux sociaux qui, pour une part croissante de la population, font office de nouveaux médias d'information. Journaliste, c'est un métier qui ne s'improvise pas. Nous avons donc intérêt à travailler au renforcement de la presse.

Nous accueillons favorablement l'augmentation de presque 12 % des aides au pluralisme et la reconduction des aides à la modernisation et à la distribution, notamment au portage de la presse. Dans un contexte national et international où se multiplient les fausses informations, qui peuvent être instrumentalisées - parfois de l'étranger - pour déstabiliser le débat démocratique, le renforcement des moyens alloués à l'AFP nous paraît essentiel pour garantir la fiabilité de l'information et des sources.

Il conviendra, tout au long de l'année à venir, de rester à l'écoute des acteurs du secteur, et d'être extrêmement attentif à ce qui sortira des États généraux de l'information. Comme ma collègue Sylvie Robert, j'ai le sentiment d'être dans un entre-deux, avec peut-être l'année prochaine - espérons-le ! - de grandes annonces pour conforter la presse.

Mme Monique de Marco. - Merci pour ce rapport très intéressant, et pour cette citation de Benjamin Constant : une presse libre et une information fiable sont effectivement indispensables. La baisse du chiffre d'affaires des titres de presse fragilise le système.

Une anecdote : quand je veux acheter un exemplaire du journal Le Canard enchaîné le mercredi matin avant de venir en commission, je constate que les kiosques parisiens sont fermés (Sourires.) Je me contente alors, comme beaucoup d'entre nous, de la presse en ligne.

En ce qui concerne les aides à la presse, on ne peut pas dire qu'il n'y ait pas eu de propositions de loi, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, notamment pour rendre ces aides conditionnelles. Quelques avancées ont été faites : il faut, par exemple, un nombre minimal de journalistes, mais on pourrait aller plus loin - nous verrons ce qui sortira des EGI.

Je ne comprends pas pourquoi le crédit d'impôt pour un premier abonnement à la presse a été abandonné - apparemment, il n'a pas rencontré de succès. Mais a-t-il bénéficié d'une publicité suffisante ?

Pour conclure, je ne sais pas s'il faut avoir beaucoup d'espoir dans les EGI, qui ont déjà pris du retard. Il ne faudrait pas qu'ils finissent comme la Convention citoyenne pour le climat, c'est-à-dire dans un oubli sidéral.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur ces crédits.

M. Bernard Fialaire. - À mon tour de féliciter le rapporteur.

Effectivement, dans le contexte des États généraux de l'information, on voit bien qu'il s'agit d'un budget intermédiaire, que je soutiendrai.

Je veux revenir sur une de mes préoccupations, la PQR, vue par un grand nombre de lecteurs comme une presse d'information. Les collectivités, parfois sous le prétexte vertueux de soutenir la presse locale, financent largement la PQR et en profitent pour exercer leur influence : certains titres sont des organes de propagande permanente des collectivités qui les financent. J'espère que les EGI nous permettront d'aborder ce sujet et de trouver des solutions.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis. - Mes chers collègues, je vous remercie pour vos interventions qui étaient davantage des observations que des questionnements.

Madame Joseph, la PQN passe au numérique plus rapidement que la PQR. Plusieurs titres ont déjà davantage d'abonnés numériques que d'abonnés « papier ». En province, on est encore attachés à lire son journal le matin - et les kiosques sont ouverts tôt le matin, madame de Marco ! Il faut noter que la crise du covid a accéléré le passage au numérique.

Si certains achètent leur journal en kiosque, d'autres le reçoivent à domicile. La réforme « Giannesini », qui a permis de mettre 42 millions d'euros sur la table pour le transport de la presse, est en train d'être appliquée : son efficacité ne peut pas encore être mesurée. D'autres problèmes ont dû être réglés : je pense aux prix du papier et des carburants, ou à la mise en place de zone à faibles émissions (ZFE) - la plupart des personnes qui livrent n'ayant pas de véhicule électrique.

En ce qui concerne la PQR et la concurrence, il est aujourd'hui très compliqué de lancer un nouveau titre, car il faut un modèle économique. Le seul nouveau titre mis sur le marché cette année a été La Tribune Dimanche. Rappelons-le, beaucoup de titres de la PQR tiennent encore la route économiquement parce qu'ils diversifient leurs activités : salons, foires, courses de bateaux, festivals...

La presse ultramarine bénéficie d'une aide spécifique. Le problème vient du périmètre forcément limité de leur diffusion. Le Quotidien de la Réunion connaît quelques difficultés; aux Antilles, il a fallu l'intervention des pouvoirs publics pour qu'un industriel investisse dans la presse.

En ce qui concerne les jeunes, outre le pass Culture, avait été ouverte la possibilité d'avoir un crédit d'impôt pour un premier abonnement. Madame de Marco, le Gouvernement n'a pas forcément fait de publicité sur ce dispositif, et les 150 millions d'euros prévus ont été très peu utilisés, ce qui a conduit à sa suppression. Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage... Ce qui est important, et j'espère que les EGI aborderont cette question, c'est l'éducation aux médias et à l'information. Comment trouver la véritable information entre ce qu'on lit dans les journaux, ce qu'on regarde sur les réseaux sociaux et ce qu'on voit sur les chaînes d'information, où l'on confond journalistes, éditorialistes et invités ? Sans même parler de l'influence des pays étrangers au travers des réseaux sociaux, évoquée par Jérémy Bacchi...

Je n'ai pas parlé de l'AFP, car elle est sur la bonne voie. Elle a retrouvé un équilibre économique ; le COM devrait être signé dans les prochains jours : nous y verrons plus clair. Le développement des vidéos a été payant ces dernières années, et son PDG souhaite continuer dans cette voie.

Madame Robert, oui il est difficile aujourd'hui de maintenir à flot la presse. La réflexion est en cours, nous verrons les solutions proposées.

La distribution de la PQN est un vrai problème - la PQR organise elle-même sa distribution, et cela se passe bien. On a du mal à comprendre pourquoi elle coûte aujourd'hui plus cher alors qu'il y a de moins en moins de numéros à distribuer.

Monsieur Fialaire, les éditeurs de PQR sont en concurrence avec les magazines et journaux des collectivités territoriales. Certes, les collectivités peuvent intervenir mais leurs actions font aussi partie de l'actualité du territoire. Il ne faut pas oublier que la PQR vit aussi grâce aux annonces légales : si elles disparaissent un jour, l'équilibre économique serait difficile à trouver.

M. Laurent Lafon, président. - J'ai proposé à Christophe Deloire, le délégué général des États généraux de l'information, de venir devant notre commission lorsque les travaux seront assez avancés - pour l'instant, ils en sont encore aux auditions.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 180 « Presse et médias ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 12 octobre 2023

- Syndicat national des dépositaires de presse (SNDP) : M. Bruno AUSSANT, président, M. Philippe CHARBIT, délégué général.

- Reporters sans frontières (RSF) : M. Christophe DELOIRE, président.

- Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) - ministère de la culture : M. Alexandre KOUTCHOUK, sous-directeur - Sous-direction de la presse écrite et des métiers de l'information.

Mardi 31 octobre 2023

- Culture Presse : M. Daniel PANETTO, président, M. Philippe DI MARZIO, directeur général.

Mardi 7 novembre 2023

- France Messagerie : M. Sandro MARTIN, directeur général.

Jeudi 9 novembre 2023

- Messageries lyonnaises de presse (MLP) : M. José FERREIRA, président.

Mardi 14 novembre 2023

- Alliance de la presse d'information générale (APIG) : M. Philippe CARLI, président, M. Pierre PETILLAULT, directeur général, Mme Patricia PANZANI, directrice adjointe.

ANNEXE

Audition de Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture

MARDI 24 OCTOBRE 2023

___________

M. Max Brisson, président. - Mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser notre président Laurent Lafon, retenu à l'extérieur du Sénat.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture, pour la traditionnelle audition budgétaire d'automne.

Nous nous réjouissons de vous retrouver, madame la ministre, pour évoquer ce « budget de transformation et d'inspiration » - ainsi que vous l'avez présenté devant la presse - et débattre avec vous de l'actualité culturelle.

Nous aimons profiter de ce rendez-vous pour vous rappeler que vous nous trouverez toujours à vos côtés, dans ces temps troublés, pour faire progresser les sujets nous tenant à coeur. Vous pouvez aussi compter sur nous pour vous alerter sur certaines problématiques, par le biais, en particulier, de nos nombreux travaux de contrôle.

Revenons-en aux multiples défis qu'il vous appartient de relever dans les mois à venir.

Dans le domaine de la culture, nous nous félicitons que vous ayez choisi de faire du soutien aux artistes et à l'emploi un axe fort de votre politique pour 2024, dans un contexte marqué par les difficultés de recrutement observées dans l'ensemble du secteur culturel depuis la pandémie.

En matière de patrimoine, nous nous réjouissons que vous fassiez de la transition écologique une priorité absolue.

En juin dernier, nous avons adopté le rapport de Sabine Drexler préconisant plusieurs mesures permettant de concilier les impératifs de rénovation énergétique et ceux de protection du patrimoine. Comment avez-vous reçu ce rapport ? Dans quelle mesure vous êtes-vous emparée de certaines de ses recommandations ?

S'agissant du patrimoine religieux, nous nous réjouissons évidemment des annonces du Président de la République : elles se situent dans le droit fil des conclusions du rapport établi par nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon ! Mais, vous vous en doutez, nous aimerions en savoir plus sur la manière dont les choses vont s'organiser, que ce soit pour la campagne de protection qui devrait être lancée ou pour une meilleure compréhension des mécanismes de fonctionnement de la collecte nationale et la pérennité de cette opération.

En matière de musées, après une année marquée par l'adoption du cadre législatif pour la restitution des biens spoliés et l'examen de la proposition de loi pour la restitution des restes humains dont nous sommes à l'initiative, derrière Catherine Morin-Desailly, nous constatons que vous prêtez une attention particulière aux questions de provenance. Néanmoins, comment expliquer la stagnation, cette année encore, des crédits destinés à l'enrichissement de nos collections ?

J'en viens maintenant aux industries culturelles, fortement marquées par la pandémie.

Le cinéma, tout d'abord, que l'on donnait pour mort, a retrouvé des couleurs, comme l'avait d'ailleurs prédit l'année dernière notre rapporteur Jérémy Bacchi. Avec Sonia de La Provôté et Céline Boulay-Espéronnier, il a conduit une ambitieuse mission d'information sur le secteur. Leurs conclusions ont été adoptées à l'unanimité en mai dernier et nos collègues ont souhaité poursuivre ce travail en déposant, le 27 septembre dernier, une proposition de loi que nous entendons bien inscrire à l'ordre du jour des travaux du Sénat.

Si le cinéma a repris des couleurs, tel n'est pas, hélas, le cas de la presse, avec un modèle économique fragile et des incertitudes sur sa place dans un monde où les fausses informations circulent plus vite que les vraies nouvelles et où l'opinion surpasse la raison.

Le Gouvernement a lancé début octobre les États généraux de l'information, lointains héritiers des États généraux de la presse écrite de 2008, dont nous suivrons les développements avec attention. En l'absence de Michel Laugier, notre collègue Pierre-Antoine Levi vous interrogera sur les problématiques du secteur.

Enfin, les industries culturelles, vaste ensemble où sont regroupés à la fois la Bibliothèque nationale de France (BNF), le jeu vidéo, la musique et l'édition, bénéficient d'un effort important de la part des pouvoirs publics, avec des crédits en hausse de 7,6 % en 2024.

Reste cependant à traiter la question du financement du Centre national de la musique (CNM). En dépit des avancées et des espoirs suscités par les propos du Président de la République le 21 juin dernier, le montant du budget du centre pour 2024 demeure en suspens. On peut déplorer que cette question, identifiée depuis plusieurs années, ne soit toujours pas réglée. En l'absence de notre rapporteur Mikaele Kulimoetoke, c'est notre collègue Martin Lévrier qui vous interrogera sur le sujet.

J'en viens enfin à l'audiovisuel public, dont le budget représente 4 milliards d'euros. Je n'évoquerai pas ici la question de la gouvernance, sujet qui, vous le savez, nous tient particulièrement à coeur. Je m'en tiendrai à celles du mode de financement et de la redéfinition des missions et moyens. Sur tous ces sujets, les solutions provisoires semblent prolongées... Nous avons un peu l'impression de faire du surplace !

Le financement par une fraction de la TVA est reconduit par l'article 31 du projet de loi de finances (PLF). Le Gouvernement a-t-il arrêté un mode de financement pérenne pour la suite ? Une révision de la loi organique relative aux lois de finances est-elle envisagée ? Ces questions vous seront certainement posées par notre rapporteur Cédric Vial.

Nous sommes par ailleurs dans l'attente des nouveaux contrats d'objectifs et de moyens (COM) pour faire suite aux avenants. Le projet de loi de finances comporte, en la matière, une nouveauté : il prévoit de possibles remboursements, dans l'hypothèse où les sociétés ne rempliraient pas leurs objectifs. Une enveloppe additionnelle de 200 millions d'euros sur trois ans est ainsi conditionnée à la mise en oeuvre des projets de modernisation et de transformation des sociétés. Ce choix inédit interpelle, et vous aurez sans doute à coeur de nous préciser l'objectif de cette disposition.

Madame la ministre, je vous laisse maintenant la parole. Chacun de nos rapporteurs vous interrogera ensuite sur les sujets relevant de sa compétence, puis chaque commissaire pourra bien évidemment vous poser ses questions à l'occasion de cette audition, diffusée en direct sur le site internet du Sénat.

Mme Rima Abdul Malak, ministre de la culture. - Merci pour cette introduction tonique, monsieur le président ; la joie dans votre voix fait du bien dans la période actuelle.

Permettez-moi tout d'abord de féliciter les sénateurs et sénatrices élus ou réélus. Nous avons très bien travaillé ensemble au cours des derniers mois, je me réjouis de retrouver votre commission et je ne doute pas que nous maintiendrons, dans les mois à venir, la même fluidité dans nos échanges.

Je vous avais présenté pour 2023 un budget en forte hausse : + 7 %. Le budget pour 2024 est tout aussi ambitieux : avec une nouvelle hausse de 6 %, les crédits budgétaires atteignent environ 4,4 milliards d'euros. S'ajoutent à ce montant une somme avoisinant 4 milliards d'euros pour l'audiovisuel public, 804 millions d'euros de taxes et ressources affectées pour le financement du cinéma, de la musique et du théâtre privé, environ 25 millions d'euros du loto du patrimoine, pérennisé pour cinq années supplémentaires, et 1,7 milliard d'euros de mesures fiscales pour la culture, soit un total de 11 milliards d'euros.

Au titre des crédits budgétaires dédiés à la culture au sein des autres ministères, on pourrait ajouter encore 5,3 milliards d'euros, pour atteindre 16 milliards d'euros... et c'est sans compter les crédits du plan d'investissement France 2030.

Notre politique se déploie, et je tiens à saluer leur engagement, grâce au travail de plus de 29 000 agents en administration centrale, en administration déconcentrée, dans les services à compétence nationale et chez nos opérateurs. Le ministère forme 37 000 étudiants dans près de 100 établissements d'enseignement supérieur culturel.

J'ai effectivement qualifié ce budget de « budget de transformation et d'inspiration », car, au-delà de la lutte contre l'inflation, l'objectif est d'accompagner des mutations en profondeur des secteurs de la culture, notamment travailler à la transition écologique, accélérer le chantier « Mieux produire, mieux diffuser », embrasser les nouvelles technologies, renouveler les publics, anticiper la relève des métiers et redynamiser les territoires. En outre, l'année 2024, année olympique, est exceptionnelle à plus d'un titre. Elle verra en particulier l'aboutissement de plusieurs projets importants, tels ceux de la Cité internationale de la langue française, du Grand Palais, qui rouvrira après un immense chantier, et de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ces grands projets ne doivent pas éclipser tout le travail de dentelle que nous réalisons au quotidien au coeur des territoires pour tisser des liens nouveaux entre artistes et habitants.

Le premier domaine que j'aborderai est celui de l'audiovisuel public, pour lequel je m'étais engagée à donner une visibilité à cinq ans, et non trois.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le président, la nouveauté tient dans le fait que nous cumulons une dotation de base pour les entreprises et une enveloppe complémentaire dédiée aux projets de transformation et aux coopérations renforcées, autour de quelques priorités : l'information, la proximité, la place de la culture et de la création, la jeunesse, l'éducation aux médias et un renforcement du déploiement de la stratégie numérique.

Le budget tient donc compte, non seulement de l'inflation et des effets fiscaux dus au changement du mode de financement, mais aussi de nouvelles mesures représentant près de 70 millions d'euros dès l'exercice 2024. Ces enveloppes sont par ailleurs définies sur trois années, avec ce système de conditionnement à la réalisation effective des coopérations et la mise en oeuvre des priorités définies. Cela nous permet de fixer un cap ambitieux de transformation de l'audiovisuel public à l'échéance de 2028.

Je voudrais également insister sur l'enjeu de la transition écologique, ayant mis l'accent, pour le budget 2024, sur les travaux et le soutien à l'innovation en la matière. Dans le cadre du plan d'investissement France 2030, nous déploierons 25 millions d'euros au titre du programme Alternatives vertes. Par ailleurs, nous avons obtenu 40 millions d'euros sur le fonds vert interministériel pour des travaux d'amélioration de la performance énergétique de certains bâtiments appartenant à l'État ou aux collectivités territoriales.

En dehors de l'audiovisuel, ce budget compte 241 millions d'euros de crédits en plus, destinés au renforcement des moyens des structures de la création et à l'accompagnement de leur mutation, au soutien des artistes, à la relève des métiers, aux écoles d'enseignement supérieur, au patrimoine, à la lecture et à l'accès à la culture. Nous renforçons également le soutien au pluralisme de la presse et des radios. Enfin, le ministère se voit accorder des budgets supplémentaires pour ses moyens immobiliers et informatiques.

Par ailleurs, nous avons obtenu 125 nouveaux équivalents temps plein (ETP) pour accompagner un projet comme celui de Villers-Cotterêts, mais aussi nos écoles, le Centre national de la musique ou encore la sécurisation de la chaîne d'acquisition et de recherche de provenance de nos musées, etc. Nous disposons donc de moyens humains renforcés.

S'agissant des écoles de l'enseignement supérieur, elles bénéficieront cette année d'investissements structurants. Nous poursuivrons les travaux de rénovation, par exemple à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, mais aurons aussi des moyens supplémentaires à consacrer aux dotations d'investissement courant. Nous apporterons un soutien très renforcé aux écoles nationales supérieures d'architecture, dont les moyens seront rehaussés de 4,8 millions d'euros. Enfin, après un effort supérieur à 2 millions d'euros en 2023, nous allons accroître notre soutien aux écoles supérieures d'art territoriales en matière d'investissement, avec une hausse de 3 millions d'euros.

Je tiens en outre à insister sur l'attention que nous portons à la question du patrimoine, avec, encore une fois, une intensification du programme d'investissements. Ainsi, la progression sera de 55 millions d'euros pour les crédits destinés aux restaurations de sites patrimoniaux majeurs sur le territoire, avec la poursuite de la reconversion de l'abbaye-prison de Clairvaux, le projet du château de Gaillon, le plan concernant les cathédrales, etc. Nous renforçons aussi les moyens consacrés aux restaurations de patrimoine local, via, notamment, le Fonds incitatif et partenarial pour le patrimoine, qui, pour près de 80 % des chantiers soutenus, intervient dans des communes de moins de 2 000 habitants.

Le Président de la République a par ailleurs annoncé de nouveaux efforts en faveur du patrimoine religieux des communes de moins de 10 000 habitants - 20 000 habitants en outre-mer. Une collecte va être lancée avec la Fondation du patrimoine, pour laquelle une déduction fiscale équivalente à celle qui a prévalu pour la cathédrale Notre-Dame de Paris sera accordée. Nous engageons également une campagne de protection en vue, notamment, d'un éventuel classement de certains édifices cultuels des XIXe et XXe siècles.

Bien que ne pouvant détailler l'ensemble de mes priorités, je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer la lecture - une de mes obsessions. Nous continuons à renforcer notre stratégie en matière de lecture dans les territoires, avec une hausse des crédits de près de 5 millions d'euros en 2024. Il s'agit d'amplifier l'ensemble de nos actions - dispositif Premières pages, le Quart d'heure de lecture, action du Centre national du livre, Goncourt des détenus, etc. - afin que l'on puisse lire partout où c'est possible. Par ailleurs, nous continuons de soutenir nos grands opérateurs dans le domaine de la lecture, à savoir les bibliothèques nationales, la Bibliothèque publique d'information (BPI) et la BNF, d'autant que les récentes violences urbaines ont ciblé une cinquantaine de bibliothèques. Il s'agira donc, pour nous, d'accompagner les reconstructions, mais aussi de travailler à l'extension des horaires d'ouverture ou l'animation de ces lieux.

La culture est traversée de secousses. Elle connaît la crise de l'énergie, le dérèglement climatique, les désordres géopolitiques, les menaces sur la liberté de création, le désengagement de certaines collectivités, les violences urbaines, les bouleversements induits par l'intelligence artificielle et, bien sûr, les risques terroristes qui nous mobilisent tous aujourd'hui. Mais, j'en reste persuadée, c'est elle qui nous rassemble, qui nous offre des émotions uniques et des imaginaires communs, qui nous aide à élargir la vie et à affirmer, encore et encore, notre attachement aux valeurs de la République.

Je termine, comme à mon habitude, avec un poème. Il s'agit, ici, d'un texte écrit par Abdellatif Laâbi, poète marocain, après les attentats de 2015.

« J'atteste qu'il n'y a d'Être humain

« que Celui dont le coeur tremble d'amour

« pour tous ses frères en humanité

« Celui qui désire ardemment

« plus pour eux que pour lui-même

« liberté, paix, dignité

« Celui qui considère que la vie

« est encore plus sacrée

« que ses croyances et ses divinités

« J'atteste qu'il n'y a d'être humain

« que Celui qui combat sans relâche

« la Haine en lui et autour de lui

« Celui qui, dès qu'il ouvre les yeux le matin,

« se pose la question : que vais-je faire aujourd'hui

« pour ne pas perdre ma qualité et ma fierté

« d'être homme ? »

Sans culture, pas d'humanité, pas de civilisation !

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis sur les crédits des patrimoines. - Merci pour votre présentation très complète et ce très beau poème.

Je souhaite vous interroger sur les suites données au rapport d'information sur le patrimoine et la transition écologique que j'ai remis en juin dernier. Je me félicite que certaines de mes propositions, notamment concernant la formation des diagnostiqueurs aux spécificités du bâti ancien, aient été reprises. Mais je suis très déçue par le fait que rien n'a été fait, pour l'instant, pour permettre l'adaptation du diagnostic de performance énergétique (DPE), pourtant très attendue par les associations de préservation du patrimoine.

Mon rapport aborde également la question du soutien financier et fiscal. Il faudrait pouvoir réorienter ou conditionner les aides pour mieux accompagner les rénovations respectueuses du bâti ancien, lesquelles font souvent appel à des savoir-faire et techniques particulières plus coûteuses.

Seriez-vous par ailleurs favorable, comme je l'ai proposé, à une réforme des dispositifs Denormandie et Malraux, mais aussi à l'extension du label de la Fondation du patrimoine aux travaux de rénovation énergétique à l'intérieur des bâtis dans le cas où des travaux extérieurs porteraient atteinte aux caractéristiques architecturales ou patrimoniales ?

Que comptez-vous faire pour mieux accompagner les collectivités territoriales dans l'identification de leur bâti ancien ? Les crédits inscrits pour la réalisation d'études ne devraient-ils pas être abondés en ce sens ?

Enfin, la revalorisation accordée à l'archéologie préventive dans le projet de loi de finances de l'an dernier était bienvenue. Mais le compte n'y est toujours pas ! La compensation des frais engagés par les services d'archéologie préventive des collectivités territoriales n'est pas assurée malgré la revalorisation de la valeur par mètre carré intervenue en 2022, alors même que le produit de la taxe d'archéologie préventive, perçue depuis 2016 au profit du budget général de l'État, est en forte croissance et permet à l'État de réaliser un excédent. Que comptez-vous faire pour rééquilibrer ces financements ?

Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture. - Nous ne pouvons que nous inquiéter de la situation financière critique de nombreuses écoles d'art territoriales, en dépit d'une nouvelle hausse budgétaire dans ce domaine. Le rapport de Pierre Oudart a été officiellement remis voilà quinze jours. À quoi l'État est-il prêt à s'engager pour l'avenir de ces écoles ?

Par ailleurs, la présence des services publics culturels dans les territoires les plus sensibles m'apparaît comme un enjeu primordial. Au-delà des appels à projets que vous avez lancés dans le cadre de l'Été culturel, que compte faire l'État pour développer ces services publics et accompagner les projets des acteurs associatifs et culturels oeuvrant en ce sens ? Quels projets, par exemple, sont soutenus par le Fonds d'innovation territoriale récemment créé ? Comment celui-ci s'articule-t-il avec les politiques territoriales déjà engagées ?

Sur cette même thématique, nos collègues de la commission des finances ont relevé une utilisation moins intensive du pass Culture par les jeunes ruraux, en particulier les jeunes âgés de 15 à 17 ans du fait de problèmes spécifiques de mobilité. Quelles consignes ont été données face à ce constat ?

Enfin, je souligne l'amélioration que constitue le volet collectif du pass Culture. Il faudra néanmoins veiller à la question de l'égalité d'accès entre les différents établissements et à l'articulation faite avec ce qui existait précédemment dans le champ de l'éducation artistique et culturelle. Cette nouvelle offre doit être lisible, à la fois pour les acteurs culturels, le corps enseignant et les collectivités territoriales. Quelles garanties peuvent être apportées dans ce domaine ?

M. Cédric Vial, rapporteur pour avis sur les crédits de l'audiovisuel public. - Je vous remercie également, madame la ministre, pour le choix du poème, qui résonne avec les discussions que nous aurons, notamment demain en commission, sur l'écriture dite inclusive...

J'ai trois questions à vous soumettre concernant le financement de l'audiovisuel public.

Premièrement, alors qu'il a fallu procéder par avenant l'an dernier, nous attendons les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens. Dans le cadre du projet de loi de finances, vous vous projetez sur les cinq prochaines années, mais nous n'avons toujours rien vu de ces contrats. Nous allons donc adopter des moyens sans objectifs ni convention. Pouvez-vous nous donner plus d'éléments sur le sujet ?

Deuxièmement, où en êtes-vous dans la réflexion sur le financement de l'audiovisuel public, suite à la suppression de la redevance ? La compensation provisoire par le biais d'une fraction de la TVA ne peut être pérennisée sans passer par le législateur. Quand pensez-vous pouvoir présenter une solution devant le Parlement ?

Troisièmement, vous attendiez des économies du rapprochement entre France Bleu et France 3. Qu'en est-il ? Enfin, vous souhaitez renforcer la chaîne de télévision France Info. Comment envisagez-vous le développement concomitant des deux chaînes d'information France info et France 24 dans un environnement très concurrentiel ?

M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis sur les crédits du cinéma. - À mon tour, madame la ministre, de vous remercier pour votre présentation liminaire et le poème, fort à propos, que vous nous avez lu.

Avec Sonia de La Provôté et Céline Boulay-Espéronnier, nous avons rendu public un rapport d'information sur le cinéma au printemps dernier, suivi par le dépôt d'une proposition de loi appelant à l'instauration d'une nouvelle obligation pour les distributeurs en matière d'engagements de diffusion. Quel devrait être le champ de cette obligation ? Êtes-vous prête à faire évoluer la classification Art et Essai ?

À l'initiative de notre collègue Catherine Conconne, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer. Ce texte n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale. Pouvez-vous nous donner des éléments de calendrier ?

Enfin, pouvez-vous faire un point sur les négociations autour de la chronologie des médias ?

M. Pierre-Antoine Levi. - Je m'exprime ici au nom de Michel Laugier, notre rapporteur, que je vous prie de bien vouloir excuser. Le soutien à une presse garante de la qualité du débat démocratique constitue un axe fort des travaux de notre commission. Mais les sujets d'inquiétude sont nombreux dans un monde où l'opinion surpasse la raison. Il est donc primordial que notre assemblée se tienne aux côtés d'une presse dont le modèle économique est aujourd'hui bien fragile.

Les aides à la presse sont régulièrement critiquées pour leur opacité et leur complexité. Elles sont concentrées sur la presse papier. Comptez-vous lancer un chantier de réforme ?

Qu'attendez-vous des États généraux de l'information, lancés au début du mois d'octobre ? Quels problèmes avez-vous déjà identifiés ?

En théorie, l'année 2024 sera la dernière année du soutien exceptionnel apporté par l'État à France Messagerie, soutien ponctionné, rappelons-le, sur les crédits destinés à la modernisation de la presse. Comment voyez-vous l'année 2025 ? Ne serait-il pas temps de « renverser la table » pour parvenir à une solution à une seule messagerie, ou bien spécialisant France Messagerie à la seule presse quotidienne régionale ?

M. Martin Lévrier. - Je m'exprime ici au nom de Mikaele Kulimoetoke, notre rapporteur, que je vous prie de bien vouloir excuser. Merci, madame la ministre, pour vos propos liminaires et pour le poème que vous avez choisi.

À la suite du rapport de Julien Bargeton relatif à la stratégie de financement de la filière musicale en France, l'idée d'une taxe sur le streaming pour le financement du CNM s'est imposée dans le débat public. Où en sont vos réflexions sur ce sujet ? Un arbitrage a-t-il été rendu sur cette question ?

Les relations entre les auteurs et les éditeurs sont marquées depuis plusieurs années par une grande méfiance. Les négociations ne semblent pas aboutir. Où en êtes-vous ? Des dispositions de nature législative pourraient-elles s'avérer nécessaires ?

Pourriez-vous faire un point sur les résultats concrets du « plan Bibliothèques », les moyens mis en oeuvre et les perspectives pour les années à venir ?

Pourriez-vous dresser un bilan des mesures spécifiques mises en oeuvre pour soutenir les artistes et les professionnels de la culture pendant la crise sanitaire ?

Les musées et les institutions culturelles ont été confrontés à des défis importants en matière de conservation et de numérisation du patrimoine culturel. Quels investissements ont-ils été réalisés dans ces domaines et quels sont les projets en cours pour préserver et promouvoir notre patrimoine culturel ?

Enfin, comment le ministère encourage-t-il la création artistique innovante et comment favorise-t-il l'émergence de nouveaux talents, en particulier dans le contexte de la révolution numérique ?

Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Madame Drexler, nous rejoignons la grande majorité des constats et des propositions de votre rapport sur le patrimoine et la transition écologique. Ces deux ambitions, transition énergétique et conservation du patrimoine bâti, peuvent être conciliées. Nous avons les ressources, les atouts, et les métiers pour le faire. Ce travail nécessite une grande concertation au niveau local, à l'image de celle qui avait été menée pour le développement de l'énergie photovoltaïque, en lien avec le ministère de la transition écologique, et qui avait abouti à la rédaction d'une circulaire commune et à la définition d'un cadre précis. Le même type de travail a été engagé pour l'élaboration d'un guide à destination des diagnostiqueurs. Une actualisation des textes réglementaires - référentiel de compétences, cycle de formation, etc. - est également en cours. Nous y travaillons avec le ministère de la transition écologique.

Nous soutenons votre initiative pour élargir l'attribution du label de la Fondation du patrimoine aux travaux intérieurs, ce qui ouvrirait la voie à des déductions fiscales ou au versement de subventions pour des travaux de rénovation thermique du bâti ancien. Les évolutions fiscales que vous mentionnez sont également importantes. La liste des travaux éligibles aux aides à la rénovation énergétique pourrait en outre évoluer, pour prendre en compte les travaux respectueux du patrimoine. Nous explorons cette piste, en lien avec Bercy. Soyez assurés de notre détermination sur ces questions, y compris au niveau européen.

Un effort particulier avait bien été fait l'an dernier en direction de l'archéologie préventive. Une soixantaine de collectivités sont habilitées par le ministère de la culture et le ministère de l'enseignement supérieur pour réaliser des diagnostics archéologiques. Pour le budget 2024, nous avons accordé la priorité au financement urgent de revalorisations salariales au sein de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Nous restons néanmoins ouverts sur cette question. Nous devons parvenir à objectiver davantage les besoins pour mieux les défendre dans les prochaines discussions budgétaires. Si vous pouvez nous y aider, ce sera très utile.

Une mission de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et de l'inspection générale des finances (IGF) est en cours concernant les dispositifs Malraux et Denormandie, dont la conclusion est attendue pour la fin de l'année.

Les écoles territoriales d'art constituent un chantier prioritaire. Toutefois, n'oublions pas que ces écoles ont été créées par les collectivités et ont fonctionné longtemps en régie municipale avant de devenir des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) en 2011 ou 2012. Nous nous efforçons d'accompagner celles d'entre elles qui sont le plus en difficulté. Nous discutons des principales conclusions du rapport Oudart avec les directeurs et présidents de ces établissements. Nous continuerons à nous montrer attentifs, au cas par cas. Aucune mesure générale n'est prévue, chaque école ayant son histoire particulière, ses spécificités, et sa relation avec les collectivités. L'effort supplémentaire que nous avions engagé en 2023 a été maintenu pour 2024. Des aides à l'investissement peuvent aussi intervenir, afin de réduire les coûts de fonctionnement. Nous restons donc mobilisés sur le sujet.

Le bilan du fonds d'innovation territoriale, lancé en 2023, sera établi en début d'année prochaine. Pour qu'un projet soit financé, il doit être porté par au moins une collectivité locale. Les projets soutenus sont choisis avec les élus locaux, et non sur la seule décision des directions régionales des affaires culturelles (Drac). La priorité est accordée aux zones rurales isolées et aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, et les projets soutenus doivent être innovants, l'idée étant de toucher des publics que l'on ne parvient pas à atteindre d'habitude.

La question de l'utilisation du pass Culture en zone rurale est effectivement importante. Plusieurs expérimentations sont en cours, notamment dans la région Grand Est, pour améliorer les parcours des jeunes, particulièrement sur le plan des transports. Des consignes ont été données à la société pass Culture pour travailler davantage en ce sens.

L'objectif de la part collective du pass Culture, de 25 euros par élève et par an, est d'amplifier l'éducation artistique au collège et au lycée. Si, en raison de son déploiement, des collectivités décident de retirer des budgets prévus initialement dans ce domaine, ou si cela vient pénaliser des actions existantes, il y a lieu de s'inquiéter. Je veux bien que vous nous communiquiez des exemples, pour que nous puissions y travailler au cas par cas.

Les problèmes techniques qui ont pu se présenter pour l'articulation entre l'application dédiée à la généralisation de l'éducation artistique et culturelle (Adage) du ministère de l'éducation nationale, et le pass Culture, sont désormais résolus. Un regard de l'éducation nationale reste toutefois nécessaire sur les projets proposés, et les artistes amenés à intervenir en milieu scolaire. Cependant, si des compagnies habituées à intervenir dans certains établissements s'en trouvent subitement rejetées, cela pose problème. J'étudierai ce point plus précisément.

À la faveur du prolongement d'un an des contrats d'objectifs et de moyens de l'audiovisuel public, nous avons pu redéfinir les objectifs, les principales missions de service public et les priorités de ce dernier. Parmi celles-ci, nous avons identifié celles qui nécessitaient une plus grande coopération entre les entreprises de l'audiovisuel public, à commencer par la fiabilité de l'information et l'investissement dans la lutte contre les fausses informations. En matière de stratégie digitale, nous avons constaté qu'il existait dans d'autres pays européens plusieurs plateformes numériques pour l'audio et la vidéo, ce qui n'empêche pas l'interopérabilité. Plusieurs sujets ont donc été étudiés.

Nous proposons une trajectoire pour cinq ans. Il revient évidemment au Parlement d'adopter le budget et de valider ces conventions. Ces discussions auront lieu. Le calendrier des contrats d'objectifs et de moyens sera précisé prochainement.

Je suis favorable par ailleurs à la pérennisation, au-delà des années 2024 et 2025, du fléchage d'une fraction de la TVA vers l'audiovisuel public, ce qui impliquera une modification ciblée de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Il n'y a pas encore d'arbitrage interministériel sur le sujet. Les discussions se poursuivent.

Concernant la réforme de la gouvernance, il m'était apparu qu'il était possible de parvenir plus rapidement aux objectifs souhaités, sans passer par la création d'une holding. Grâce au fléchage d'une enveloppe complémentaire dédiée aux chantiers prioritaires, aux transformations et aux coopérations, nous disposons de trois ans, à partir de 2024, pour accélérer les réformes. J'espère que cette nouvelle méthode portera ses fruits.

Les coopérations entre France 3 et France Bleu ne généreront pas d'économies dans l'immédiat. Leur but premier est de regrouper les forces du réseau de proximité de l'audiovisuel public pour porter un programme ambitieux autour de la vie locale, pour faire vivre une information locale forte et diversifiée et pour renforcer la connaissance de la vie culturelle et des services locaux. Différents rapprochements sont nécessaires pour parvenir à ce résultat, sur lesquels les présidentes de Radio France et de France Télévisions ont eu l'occasion de s'exprimer. Nous leur faisons confiance pour avancer sur cette question, des budgets complémentaires étant réservés à ce chantier.

La question des coopérations entre France Info et France 24 est plus complexe, car ces deux chaînes ne s'adressent pas aux mêmes publics. Des complémentarités existent néanmoins, et des coopérations ont déjà lieu ; nous verrons sur quels segments il sera possible de les renforcer. Pour l'instant, notre objectif est de consolider l'information en général, et France Info en particulier, et d'oeuvrer au rapprochement entre France 3 et France Bleu.

Le rapport de Bruno Lasserre sur le cinéma ouvre des perspectives utiles pour clarifier les engagements de programmation ainsi que le classement Art et Essai , ou encore assouplir les politiques tarifaires. Toutes ces dispositions nécessitent une transposition législative. La proposition de loi mentionnée par M. Bacchi est donc bienvenue, et nous la soutiendrons.

La chronologie des médias reste un sujet de débat complexe. Des avancées ont eu lieu sur la question de l'étanchéité des fenêtres. Les discussions se poursuivent.

Les États généraux de l'information viennent de s'ouvrir, sous l'égide d'un comité de pilotage indépendant, que vous pourrez rencontrer autant que vous le souhaiterez. Plusieurs groupes de travail ont été formés, autour de sujets très vastes. J'attends de cet événement qu'il suscite, au-delà des experts, une mobilisation des citoyens et des jeunes pour créer un débat autour du droit à l'information et de la fiabilité de l'information. Il ne sera donc pas seulement question du modèle économique et de l'avenir de la presse. En effet, l'accès à l'information, dans notre société, passe aussi par le numérique ou par des relais de décryptage comme HugoDécrypte. Nous devons prendre en compte toutes ces modalités. Nous avons aussi tout un chantier d'éducation aux médias à renforcer pour lutter contre la désinformation. J'attends également des propositions à ce sujet. Certaines pourront mener à des évolutions législatives, concernant la lutte contre les ingérences étrangères, par exemple, ou les aides à la presse.

Je m'étais engagée à ouvrir ce dernier chantier. L'enjeu est de garantir le pluralisme de la presse. On ne peut néanmoins être ignorer la presse en ligne. Cela fera partie des travaux à mener.

L'aide de 9 millions d'euros versée à France Messagerie est en réalité une aide destinée aux éditeurs de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale (IPG) visant à alléger le coût des barèmes tarifés par la messagerie des quotidiens. Elle fait partie de l'aide à la distribution globale de 27 millions d'euros qui leur est versée. Sans cette aide, les éditeurs feraient face à des barèmes dont ils ne pourraient s'acquitter, sauf en augmentant fortement le prix de leurs titres. Ponctionnée à l'origine sur le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), cette aide a été reconduite par les lois de finances successives. Pour autant, il n'en a pas résulté un manque de financement de la modernisation, grâce à l'intervention des crédits du plan de relance entre 2020 et 2022.

Une mission a été confiée à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et à l'Inspection générale des finances (IGF) pour réfléchir, au-delà de la situation économique de France Messagerie, à l'avenir de la distribution de la presse au numéro en France : financement, aide à la distribution, péréquation, gouvernance, etc. Ce chantier est considérable. Nous attendons leurs recommandations avant de nous prononcer.

J'en viens au CNM. La concertation que j'ai lancée avec tous les segments de la filière, à la demande du Président de la République à la suite de ses annonces fortes du 21 juin, a pris trois mois. À l'issue de ces échanges, trois hypothèses se sont dégagées. La première consisterait à instaurer une contribution obligatoire des plateformes de streaming, gratuites comme payantes, établie sur la base d'un taux modulé et de seuils variables - de 0,5 % à 1,75 % - selon leurs chiffres d'affaires réalisés en France. Cette contribution obligatoire permettrait de générer, la première année, entre 18 et 20 millions d'euros pour financer le Centre national de la musique, et une somme plus importante les années suivantes. Dans la deuxième hypothèse, nous étendrions la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) pour en faire bénéficier le CNM. Cependant, cela reviendrait à taxer la publicité, alors que certaines plateformes comme Amazon et Apple ne fonctionnent pas avec un modèle publicitaire. À ce stade, cette proposition a peu convaincu nos interlocuteurs. Enfin, la troisième hypothèse serait celle d'une contribution volontaire des plateformes. Certaines ont d'ailleurs proposé d'elles-mêmes d'abonder le budget du CNM, soit oralement, soit par écrit. Nous nous donnons du temps pour poursuivre cette négociation. Nous pourrons également étudier les amendements qui seront présentés au cours de l'examen du PLF pour voir si la solution de la contribution obligatoire n'est pas la meilleure.

Le bilan de l'extension des horaires des bibliothèques est encourageant. Ce changement doit néanmoins être conforté, a fortiori au vu des difficultés que rencontrent certaines collectivités. Cette extension s'élève à 8 h 30 en moyenne, dans plus de 500 collectivités. Toutefois, le risque de recul est réel, du fait de l'importance des factures dont les petites communes ont à s'acquitter. La vigilance est de mise sur ce point. À titre d'exemple, la médiathèque de Rillieux-la-Pape est passée de 25 heures à 38 heures d'ouverture. Une telle extension est déterminante, notamment pour toucher les jeunes, d'autant que les bibliothèques sont de véritables lieux de vie, qui comportent des espaces de jeux vidéo, de musique, et proposent de nombreuses activités et animations. Notre rôle est de les soutenir.

L'encouragement de la création artistique passe par notre soutien aux écoles et à l'enseignement supérieur, et à la nouvelle génération d'artistes, d'architectes et de musiciens qui dessineront le monde de demain. Par ailleurs, le programme Mondes nouveaux, d'une manière inédite, s'est appuyé sur les désirs des artistes et leurs propositions de projets pour mettre des moyens, des équipes de production, des opérateurs comme le Centre des monuments nationaux (CMN) ou des partenaires comme le Conservatoire du littoral à leur service. Au total, 260 projets ont été soutenus dans toute la France, impliquant souvent des artistes peu connus, et dans tous les champs artistiques, non les seuls arts plastiques : compositeurs, danseurs, écrivains, vidéastes, etc. Le programme Mondes nouveaux continuera en 2024.

Le plan Mieux produire, mieux diffuser est en outre essentiel. Seule ne compte pas la création, il faut aussi oeuvrer pour sa diffusion vers le public. Un budget « levier » de 9 millions d'euros est donc prévu dans le budget 2024, pour favoriser les coopérations et les coproductions ainsi que l'organisation de tournées raisonnées.

M. Yan Chantrel. - Quand l'extension du pass Culture aux jeunes Français établis hors de France, décidée en conseil des ministres en février dernier, sera-t-elle effective ? Cette extension concernera-t-elle réellement tous ces jeunes ? Flécher le pass Culture à cette occasion vers notre réseau - Instituts français, Alliances françaises, théâtres, librairies, etc. - pourrait être un moyen de le faire vivre et rayonner.

La décision du Gouvernement de suspendre la délivrance des visas pour la France aux ressortissants nigériens, maliens et burkinabés a de profondes répercussions sur nos relations avec ces pays. Des artistes ne sont plus en mesure d'exercer leurs métiers. Des échanges culturels sont suspendus. Ce genre de mesure ne favorise pas non plus le rayonnement de la francophonie, alors que nous accueillerons le sommet de la francophonie en octobre prochain. Par de telles décisions, vous renforcez les putschistes, car vous privez des personnes qui participent au rayonnement culturel de notre pays de la possibilité de s'y rendre. Ce problème n'est pas réglé, les témoignages sont nombreux. La meilleure chose à faire serait de revenir sur cette décision.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Le rôle de notre audiovisuel extérieur est essentiel, dans un monde où les crises et les conflits se multiplient. Que prévoyez-vous dans le cadre du PLF pour France Médias Monde ?

Qu'est devenue la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (Toce), taxe affectée censée compenser la suppression de la publicité après 20 heures et qui est finalement tombée dans l'escarcelle de Bercy ?

Le secteur du spectacle vivant a beaucoup souffert de la crise énergétique. Les aides exceptionnelles débloquées l'année dernière ont d'ailleurs été appréciées. Le plan « Mieux produire, mieux diffuser » tend cependant à revenir à un volume financier dédié à la production similaire à celui de 2019, à volume d'emplois équivalent. Cet objectif nous semble inatteignable compte tenu de l'augmentation constante des charges salariales, du taux de l'inflation et de la crise énergétique. Par ailleurs, comment renforcer la place de la musique dans les établissements publics du spectacle vivant ?

Je vous remercie, madame la ministre, de ne pas avoir suivi la proposition de M. Bargeton de taxer ces structures, financées à 80 % par les collectivités territoriales, pour financer le CNM.

Il existe enfin des inégalités entre les écoles territoriales d'art, comme entre les écoles d'architecture. Les collectivités territoriales voyant leurs ressources fiscales se réduire, ne pourrait-on réfléchir à une dotation globale de fonctionnement spécifique pour les collectivités qui portent un établissement de ce type ?

M. Max Brisson, président. - Je m'associe à cette dernière question.

Mme Sylvie Robert. - Entre une contribution obligatoire des plateformes de streaming au financement du CNM et une contribution volontaire, il y a une décision politique importante à prendre. La première hypothèse représenterait 20 millions d'euros, contre 5 millions d'euros pour la seconde, soit un manque à gagner de 15 millions d'euros. Or les recettes du CNM diminueront en 2024 du fait de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, qui entraînera l'arrêt de certains grands concerts, au Stade de France par exemple. Les pertes potentielles sont estimées à 8 millions d'euros. Il y a là une bataille à mener, c'est une question de justice fiscale. J'espère que, face à la puissance des plateformes, le Gouvernement choisira la contribution obligatoire.

Les États généraux de l'information ont été percutés par une double actualité : ce qui est arrivé à la journaliste d'investigation Ariane Lavrilleux, et la position prise par la France dans le cadre du règlement européen sur la liberté des médias. Le Gouvernement a poussé pour introduire une exception sur l'interdiction de l'utilisation de logiciels espions à l'encontre de journalistes, au nom de la sauvegarde de la sécurité nationale. Il y a là un besoin de cohérence. On ne peut tenir un discours protecteur des médias à l'échelle nationale, dans le cadre des États généraux de l'information, et oeuvrer en sens inverse au niveau européen. Madame la ministre, le Gouvernement entend-il revenir sur sa position d'ici l'adoption finale du texte pour protéger le secret des sources ?

Mme Monique de Marco. - Dans le prolongement de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), vous avez présenté cette année un budget comportant une fraction de TVA destinée à garantir son financement, fraction qui est certes en augmentation. Je vous rappelle néanmoins la décision rendue par le Conseil constitutionnel à ce sujet, à la suite de la loi de finances rectificative de 2022. En outre, deux députés membres de la majorité ont mis en avant le risque de non-conformité avec le traité franco-allemand qui a permis la création d'Arte. Plus globalement, quel est le cap fixé pour le financement de l'audiovisuel public après 2024 ? Vous pourrez consulter la proposition de loi organique que j'ai déposée avec plusieurs de mes collègues pour garantir l'indépendance de l'audiovisuel public français, et nous pourrons en débattre.

Par ailleurs, vous avez annoncé la tenue d'une Olympiade culturelle dotée d'un budget de 4 millions d'euros en 2024, avec pour objectif de poursuivre le dialogue entre le sport et la culture engagé depuis 2022. Or nous vous alertons, depuis janvier 2023, quant aux impacts des jeux Olympiques (JO) sur l'ensemble du tissu culturel français, notamment sur le spectacle vivant, qui dépend fortement de la vie festivalière. Certains projets culturels semblent menacés en 2024, par la mobilisation des forces de l'ordre comme des moyens humains et matériels de l'événementiel. Quels moyens avez-vous budgétisés pour compenser ces pertes ?

Mme Agnès Evren. - Je souhaite revenir sur le financement du CNM dans la mesure où une série d'amendements ont été déposés en vue d'instaurer une taxe sur le streaming. Une telle taxe alourdirait d'abord la fiscalité pesant sur des services qui font d'ores et déjà l'objet d'un taux de TVA de 20 %. Elle pénaliserait, ensuite, les leaders de l'abonnement, c'est-à-dire des acteurs européens dont les marges sont inexistantes. Enfin, son instauration reviendrait à passer sous silence les répercussions sur les acteurs les plus fragiles, sur les ayants droit et sur les consommateurs.

Vous avez confirmé explorer la piste d'une contribution volontaire des plateformes et des ayants droit. Cette solution présenterait le double avantage d'être opérationnelle dès 2024 et de maîtriser la répercussion des efforts consentis sur chaque maillon de la chaîne de valeur. Quel calendrier envisagez-vous afin de parvenir à un accord sur cette contribution volontaire ?

Mme Sonia de La Provôté. - J'appuie les propositions de mes collègues concernant la nécessité d'un schéma de financement complet et pérenne du CNM. 

Je suis d'ailleurs plutôt favorable à une taxe proposée par des amendements déposés à l'Assemblée nationale, mais qui n'ont pas été retenus à la suite du recours à l'article 49-3 de la Constitution. Le combat continue, et menons-le ensemble ! Le CNM a fait preuve de son utilité, il s'avère être un outil essentiel pour la filière. La question de son financement, et donc de cette taxe, reste donc d'actualité.

Je souhaite évoquer la crise sans précédent que subissent les scènes de musiques actuelles (Smac) en raison de l'inflation ainsi que de la hausse des cachets des artistes et des coûts de production. Ainsi un grand nombre de ces salles se trouvent-elles dans une situation déficitaire : certains syndicats indiquent que 20 % à 30 % de leurs adhérents sont dans ce cas. Un effort a certes été fourni en leur faveur, mais ces salles doivent arbitrer entre de grosses productions et leur rôle essentiel en matière de soutien à la création.

Envisagez-vous apporter une aide à destination des Smac ? Dans ces moments difficiles, il est nécessaire de conforter leur mission de soutien aux productions fragiles et aux artistes émergents.

Concernant le pass Culture, nous avons déjà interrogé le ministre de l'éducation nationale, qui s'est réjoui de mener avec vous ce chantier. Si le montant alloué au pass est en hausse, la feuille de route de cet outil - au service d'une politique culturelle - manque de lisibilité, notamment sur l'éducation artistique et culturelle (EAC).

L'éditorialisation est certes intéressante, mais la médiation l'est encore davantage. D'une part, on ne comprend pas comment les jeunes utilisent le pass Culture hors milieu scolaire, et, d'autre part, cet outil ne crée pas de diversité dans l'offre culturelle, alors qu'il aurait pu l'accompagner.

Par ailleurs, quid du renforcement des unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap) ? Celles-ci sont indispensables pour l'accompagnement des petites communes, en complémentarité avec l'accompagnement du petit patrimoine.

Enfin, votre position a-t-elle évolué quant à l'assistance à maîtrise d'ouvrage auprès des architectes des Bâtiments de France, un besoin exprimé par les collectivités et par les maires ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Je salue l'augmentation des crédits alloués aux études et travaux des sites patrimoniaux remarquables (SPR), qui traduit un soutien à ce dispositif créé en 2016 et qui bénéficie à quelque 900 communes. Toutefois, ces dernières ont besoin d'être accompagnées par les personnels des Udap, en nombre insuffisant. Pourtant, l'importance des SPR est reconnue dans le cadre des politiques de revitalisation des centres historiques et de réhabilitation des logements, y compris dans les programmes Action coeur de ville et Petites villes de demain. Il faudrait donc renforcer les effectifs des Udap, les besoins étant estimés entre 100 et 150 agents supplémentaires.

Le DPE n'est toujours pas adapté au bâti ancien. Les associations de sauvegarde du patrimoine que nous avons auditionnées ont indiqué que les fenêtres du XVIIIe siècle ont disparu, que les portes de la même époque sont en voie d'extinction et que les boiseries et lambris sont également menacés. Le Gouvernement doit revoir sa copie sur ce point.

Le fonds incitatif et partenarial connaît lui une hausse. Vous avez dit qu'il bénéficie à de nombreuses communes de moins de 2 000 habitants propriétaires de monuments historiques et dont les ressources sont faibles, mais il s'avère qu'il peut aussi bénéficier à des propriétaires privés de monuments historiques situés dans ces communes. Le soutien qui leur est apporté représenterait ainsi 18 % de la dotation du fonds.

Je ne remets aucunement en cause les besoins de soutien de ces propriétaires privés, mais je m'interroge sur les modalités et critères d'éligibilité à ce fonds, car la taille et les ressources de la commune d'implantation ne semblent pas être un critère pertinent pour évaluer les moyens financiers dont dispose un propriétaire privé. Par ailleurs, vos services ont-ils établi un bilan complet du FIP depuis sa création ?

Enfin, le plan en faveur des petites églises en péril, même s'il ne relève pas directement du budget du ministère de la culture pour 2024, devra être financé pour compenser les crédits d'impôt prévus à hauteur de 75 % pour les donateurs. Pouvez-vous préciser les modalités de ce financement et leurs impacts éventuels sur certaines lignes budgétaires du patrimoine ?

Mme Anne Ventalon. - Je souhaite revenir sur les annonces du Président de la République en faveur du patrimoine religieux et salue à cet égard le lancement de la collecte nationale via la Fondation du patrimoine, ainsi que la défiscalisation qui en découle.

Je m'interroge sur les mesures interministérielles annoncées dans ce domaine. Plus particulièrement, comment la valorisation des initiatives d'usages compatibles avec l'activité cultuelle au sein de ces lieux de culte se traduira-t-elle ?

M. Adel Ziane. - Je commencerai par un satisfecit concernant la hausse importante du budget alloué aux musées. Cependant, vous l'avez évoqué vous-même, il s'agit d'un budget de transformation, dont une part importante est liée à la rénovation du Centre Georges-Pompidou. La crise sanitaire et économique ainsi que la baisse de fréquentation liée au covid-19 ont malmené le modèle économique des musées. Le ministère de la culture avait alors été au rendez-vous avec le plan de relance, mais la question de son soutien se pose à nouveau alors que l'inflation sévit et que la fréquentation n'a pas retrouvé son niveau de 2019, malgré des chiffres encourageants en 2022. La billetterie étant essentielle pour les musées, cette question est déterminante dans le cadre du travail de prospective lié au budget de transformation : quelles sont les projections du ministère sur ces budgets de fonctionnement, une fois cette part allouée au centre Pompidou soustraite ?

Une autre question a trait aux établissements régionaux, alors que les dépenses d'intervention se stabilisent. Il me semble fondamental de garantir un accompagnement des musées par le ministère dans le cadre des contrats de plan État-Région (CPER), dans un contexte de diminution des capacités budgétaires des villes, des intercommunalités, des départements et des régions, comme le montre le rapport de la Cour des comptes publié ce jour. Quel soutien à ces territoires, désireux de développer leurs musées, mais confrontés à de sérieuses difficultés financières pouvez-vous proposez ?

En outre, je veux souligner la faiblesse du budget alloué à l'acquisition et à l'enrichissement des collections, qui restera en deçà du seuil de 10 millions d'euros. Compte tenu de l'état du marché de l'art et du montant faramineux des oeuvres anciennes, je souhaite savoir comment le ministère se positionne par rapport à cet enjeu.

Concernant la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts qui s'apprête à ouvrir ses portes, quel est le budget de fonctionnement attendu, ainsi que la programmation ? Il faudra faire vivre dignement ce site, dont le coût s'élève à 200 millions d'euros.

M. Jacques Grosperrin. - Nous pouvons tout d'abord nous réjouir de l'augmentation du budget du ministère de la culture à hauteur de 6 %, qui lui permet de retrouver une ambition à la hauteur de la place occupée par la culture dans la société française.

Quelque 15 000 communes, dont 55 % comptent moins de 2 000 habitants, comptent un monument historique sur leur sol. Les SPR revêtent une importance sociale, économique et culturelle dont chacun est conscient, aussi la revalorisation de 20 millions d'euros du FIP constitue-t-elle un signal fort.

Toutefois, à l'instar des édifices religieux, de nombreux édifices appartiennent aux collectivités, qui font peser de nombreux frais sur les mairies.

Vous avez évoqué un budget de transformation et d'inspiration : quelles conséquences en tirez-vous quant à la méthode à employer afin que les différents acteurs - ministères, autorités déconcentrées, élus locaux - travaillent de concert pour la maîtrise d'ouvrage, tant sur le plan financier que sur celui de la rénovation du patrimoine bâti, sachant que l'enveloppe risque d'être insuffisante ?

Mme Mathilde Ollivier. - Pour ce qui est du financement du CNM, l'option la plus ambitieuse, celle de la mise en place de la taxe sur le streaming, aurait dû être portée par les groupes de la majorité à l'Assemblée nationale, mais elle n'a finalement pas été retenue par le Gouvernement dans le PLF après l'utilisation de l'article 49-3 de la Constitution.

Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui ont conduit à écarter cette solution alors que vous avez reconnu que l'option relative aux plateformes vidéo n'est pas véritablement satisfaisante, que l'importance du soutien au CMN n'est plus à démontrer et que l'option de la contribution volontaire sera largement insuffisante ?

Je souscris par ailleurs à l'interrogation de M. Chantrel quant à l'élargissement du pass Culture aux jeunes Français de l'étranger : où en est-il ?

Je partage enfin les inquiétudes exprimées par Mme de Marco au sujet des festivals et concerts dans la perspective des jeux Olympiques. D'habitude hébergés dans les stades et ayant d'importants besoins en termes de sécurité, ces événements sont exposés à des risques de baisse de revenus et à des difficultés d'organisation. Quel soutien prévoyez-vous pour ceux-ci ?

Mme Colombe Brossel. - Le budget alloué à l'EAC enregistre une hausse de 1,5 %, nettement en deçà de l'inflation. Il paraît malaisé d'atteindre les objectifs fixés avec un budget qui sera de fait en régression, alors que nous sommes persuadés que l'EAC constitue l'un des leviers pour créer du commun dans les périodes troublées que nous vivons. Il est impératif d'y consacrer le budget nécessaire.

Pour ce qui concerne le pass Culture, je rappelle d'abord qu'il ne s'agit pas d'une politique publique, mais au mieux d'un outil qui doit se déployer en cohérence avec les autres politiques mises en place.

Quels enseignements tirez-vous du rapport à charge, dirais-je, publié par la Cour des comptes à propos de la mise en oeuvre du pass Culture ? Nous voyons s'exprimer une volonté de renforcer les activités collectives, notamment pour les élèves de cinquième et de sixième, mais, là aussi, cet élargissement pose question compte tenu de la faible progression du budget correspondant.

Enfin, la mise en place de l'application Adage crée une dynamique délétère qui prive des compagnies de théâtre et de spectacle vivant d'interventions qu'elles effectuaient auparavant auprès des élèves, ce qui fragilise le tissu culturel. Ce constat est d'ailleurs partagé par l'ensemble des sénateurs.

M. Jean-Gérard Paumier. - Je tiens à vous alerter, madame la ministre, sur la situation de nombreuses églises qui ne sont ni inscrites ni classées, notamment en milieu rural, et qui nécessitent des travaux urgents et/ou de sécurité. Très attachées à ce patrimoine, les communes éprouvent des difficultés à financer leur entretien. Les Drac, qui peinent déjà à tenir leurs engagements financiers pour les églises classées ou inscrites, ne peuvent pas intervenir. Aussi, je sollicite une intervention de votre part auprès des préfets et des départements. L'échelon départemental semble en effet être le niveau adéquat pour prendre en charge ces travaux. Lorsque j'étais président du département d'Indre-et-Loire, qui possède un patrimoine important, nous avions ainsi, en lien avec le préfet, alloué 200 000 euros à ces travaux urgents, financés à 30 % au travers de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et à 30 % par le département.

La DETR avait produit un effet de levier intéressant en permettant à de petites communes de financer ces travaux urgents, indispensables pour prévenir une dégradation des édifices et des coûts qui s'alourdissent par la suite si la rénovation n'est pas réalisée à temps.

M. Aymeric Durox. - Alors que notre pays s'apprête à accueillir les jeux Olympiques et Paralympiques, je m'interroge sur l'héritage lié à cet événement. Depuis 2006, il existe un réseau des musées olympiques qui fédère 32 établissements à travers le monde et dont la France ne fait pas partie. Elle compte pourtant des musées dédiés au sport, dont le musée national du sport à Nice et des musées des fédérations, celui du basket par exemple. S'y ajoutent des espaces mémoriaux olympiques installés dans les villes hautes olympiques, à Albertville et Grenoble.

Paris, qui aura accueilli trois fois les JO d'été avec les éditions de 1900, 1924 et bientôt 2024, et vu naître une grande partie du système sportif international, reste dépourvue d'un lieu de valorisation de cet héritage unique.

En 2021, Stéphane Fiévet, alors président de la commission « Histoire » du comité d'organisation des JO de Paris 2024, avait initié un projet de musée olympique dans la gare de Saint-Denis Pleyel, mais l'État comme les collectivités n'ont pas soutenu l'initiative. Le projet n'a pas survécu à la démission de Stéphane Fiévet.

Madame la ministre, la France doit, dans la perspective de sa candidature aux JO d'hiver de 2030, combler son retard et créer un musée olympique qui serait tout à la fois un outil de culture, un lieu de mémoire et une attraction touristique. Un tel espace muséal honorerait la France, berceau de la rénovation de l'olympisme, et repositionnerait notre pays au sein du réseau de la culture olympique.

Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Dans le cadre de l'Olympiade culturelle, nous engagerons 4 millions d'euros en 2024 - qui viennent s'ajouter aux 3 millions d'euros déjà alloués en 2023 - pour monter des projets culturels et sportifs sur l'ensemble du territoire. Cette mobilisation inédite des forces vives de la culture et du sport permettra de constituer un héritage important, qui s'appuie déjà sur des spectacles organisés dans des piscines et des gymnases à l'occasion des Journées du patrimoine.

Ces collaborations se poursuivront sur la durée, l'Olympiade culturelle ne se déroulant pas sur quelques mois, mais sur deux ans et demi. La France dispose déjà d'un tissu culturel extrêmement riche et d'un très beau musée à Nice, je ne suis donc pas persuadée qu'il faille créer d'autres établissements.

En revanche, je suis favorable à un resserrement des liens entre la culture et le sport : l'Olympiade culturelle a permis cette collaboration et l'appuiera encore plus dans les prochains mois. Je pense que cette collaboration de long terme entre les deux champs de la culture et du sport, qui partagent de nombreuses valeurs et ambitions, sera un héritage puissant.

Concernant le pass Culture, le rapport de la Cour des comptes n'est pas tant à charge : il revient certes sur les balbutiements de l'outil lors de son lancement par Mme Nyssen, mais souligne sa pertinence en tant que moyen d'accès à la culture, en levant notamment les barrières pour les jeunes. Ces dernières ne sont pas uniquement financières puisqu'il peut s'agir de la connaissance de la librairie du coin ou de l'envie de s'y rendre, sans oublier les dispositifs déployés en termes de médiation, de parcours et de découverte des métiers. Le pass Culture n'est pas à mes yeux un simple outil de consommation de livres ou de places, mais un vecteur d'engagement des jeunes, afin qu'ils deviennent acteurs de notre vie culturelle, en étant, par exemple, reporters dans des festivals.

J'ajoute que 700 actions ont été mises en oeuvre dans le cadre du plan en faveur des métiers d'art, afin que les jeunes les découvrent. Le pass Culture évolue, en se nourrissant des propositions des jeunes eux-mêmes. Nous avons créé un réseau d'ambassadeurs fort de 400 jeunes sur l'ensemble du territoire : ces derniers relaient les actions menées dans le cadre du pass culture, inspirent l'équipe dédiée et contribuent à développer ce dispositif.

Je connais l'engagement de Mme Brossel sur l'enjeu de permettre à chaque jeune d'avoir accès à une expérience d'EAC au cours de sa scolarité. D'ailleurs, malgré les ralentissements entraînés par la crise sanitaire, l'objectif « 100 % EAC à l'école » a été atteint à hauteur de 80 %.

Je précise, en outre, que l'effort de l'État ne se résume pas aux budgets du ministère de la culture dédiés à l'EAC et au pass Culture. Il faut en effet y ajouter les 50 millions d'euros consacrés au pass Culture par le ministère de l'éducation, mais aussi le budget des opérateurs et des structures labellisées par le ministère de la culture, qui mènent des actions tournées vers l'EAC.

Par exemple, le dispositif Démos créé par la Philharmonie de Paris figure au budget de cet établissement et n'apparaît pas dans le budget EAC du ministère. Il en va de même pour l'opération annuelle « C'est mon patrimoine ! », qui permet d'emmener des jeunes notamment issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à la découverte du patrimoine, ou encore du Musée Mobile (Mumo) du Centre Pompidou, qui fait escale en priorité dans les QPV et les petits villages.

Pour ce qui concerne l'élargissement du pass Culture aux Français de l'étranger, nous travaillons d'arrache-pied à tenir cet engagement, en lien avec le ministère des affaires étrangères. Il est toutefois complexe de mettre en oeuvre cette application dans plusieurs dizaines de pays. Nous nous appuierons sur notre réseau culturel en mobilisant les Instituts français et les Alliances, ainsi que les consulats qui connaissent nos compatriotes vivant dans une situation sociale difficile. Nous tâcherons de mettre au point des propositions impliquant ce réseau, tout comme les librairies francophones, qui jouent un rôle essentiel à l'étranger et que nous soutenons d'ailleurs via le CNL. Nous envisageons dans un premier temps de débloquer le pass Culture dans l'Hexagone lorsque les Français de l'étranger s'y rendent. Plusieurs hypothèses sont envisagées : il pourrait s'agir d'un bon à retirer dans un Institut français ou un consulat, nous continuons à consulter l'ensemble des acteurs afin d'identifier la meilleure solution.

S'agissant des visas, je m'inscris en faux contre l'affirmation selon laquelle nous aurions suspendu les coopérations. Nous avons été confrontés en août dernier à une situation d'incapacité à travailler avec les pays africains en proie à des troubles, pour des raisons matérielles, mais aussi en raison d'attaques qui ont ciblé les équipes françaises, entraînant une restriction, voire une fermeture de nos services délivrant des visas.

Si vous connaissez des artistes qui seraient encore bloqués en raison d'un problème de visa, n'hésitez pas à m'en faire part directement afin que nous en discutions. Nous avons pu, avec le Quai d'Orsay, trouver des solutions, en délivrant, par exemple, des visas à des basketteuses maliennes qui devaient participer à l'Olympiade culturelle.

Les projets de coopération sont rendus difficiles dans un pays tel que le Niger, dans lequel notre ambassade a fermé. La coopération doit fonctionner dans les deux sens : il est évidemment hors de question de dire que les artistes nigériens ne sont plus les bienvenus en France, terre d'accueil, d'échange et d'ouverture ; mais les artistes français devraient pouvoir se rendre au Niger si une véritable coopération, qui se construit à deux, était de mise. Or, à ce stade, ce n'est pas envisageable au vu des dangers que pourraient encourir des associations culturelles et des artistes qui se rendraient dans des pays dans lesquels la France est directement menacée. L'Institut français de Ouagadougou a été incendié, souvenons-nous-en ! La situation géopolitique est désormais très difficile au Burkina Faso et au Mali, pays avec lesquels nous avons - plus encore qu'avec le Niger - toujours mené des actions de coopération.

Je citerai un dernier exemple pour démontrer que nous continuons à délivrer des visas : nous avons organisé, du 6 au 8 octobre, un grand forum des industries culturelles et créatives africaines à la Gaîté lyrique, au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et au Centre Pompidou, auquel près de 300 artistes venus d'une trentaine de pays ont participé. Cet événement a été l'occasion de porter l'ambition de cette coopération renforcée avec l'Afrique, au coeur de notre politique depuis le discours prononcé par le Président de la République à Ouagadougou. Une ambition que l'on retrouvera d'ailleurs à la Cité internationale de la langue française, qui accueillera en résidence des artistes venant de l'ensemble du monde francophone.

Je le répète, je vous assure qu'il n'existe aucune instruction de suspension ou de refus de visas, mais nous rencontrons simplement des difficultés logistiques face à une situation sécuritaire particulièrement dégradée dans ces pays.

Dans ce contexte, l'audiovisuel extérieur revêt, Madame Morin-Desailly, une importance absolue. Dans certains pays africains, la milice Wagner et la Russie organisent, financent et mènent une véritable guerre informationnelle. C'est pourquoi nous proposons une hausse de 40 millions d'euros sur cinq ans des crédits alloués à France Médias Monde. Nous devons mieux nous armer face aux campagnes de désinformation et porter la voix de la France, tout en respectant bien sûr l'indépendance des journalistes. Nous continuerons également d'innover en matière numérique, de décliner la stratégie régionalisée et de promouvoir la francophonie dans un monde multilingue.

Je veux vous rassurer sur un point : si la Toce a bien été réinjectée dans le budget général de l'État, l'audiovisuel extérieur bénéficie toujours d'un canal de financement, grâce à la fraction de TVA et au compte de concours financier pour l'audiovisuel public. En tout état de cause, son budget n'est pas en baisse.

En ce qui concerne le spectacle vivant, les structures les plus fragilisées pourront bénéficier de nouvelles aides anti-inflation, 75 millions d'euros étant consacrés, au sein du budget général du ministère de la culture, à la lutte contre l'inflation.

Au-delà, nous souhaitons amorcer une transformation structurelle grâce au plan « Mieux produire et mieux diffuser ». Notre but est, non pas de soutenir moins d'artistes, mais de réduire le rythme des créations. Il s'agit de mieux produire, avec des coproducteurs engagés, et de favoriser des diffusions plus longues. En d'autres termes, nous voulons étaler le même nombre de productions dans la durée, afin de toucher un public plus large et de rationaliser les tournées d'un point de vue écologique.

Nous sommes bien conscients des inégalités qui frappent les écoles d'art et d'architecture. Nous devons concentrer nos efforts sur les écoles les plus fragiles, sans pour autant abandonner les plus dynamiques. Nous avons prévu un phasage en trois ans pour résoudre ces difficultés.

Le calendrier du ministère sera naturellement marqué par celui du Sénat. Pour ma part, j'ai noté la date du 15 novembre ; nous verrons alors si la contribution volontaire atteint des niveaux satisfaisants par rapport à l'objectif qui a été fixé. Le débat reste ouvert à ce stade.

Sylvie Robert a raison : l'année 2024 sera particulière, en raison notamment de la mise à disposition de salles pour les jeux Olympiques. Cela réduira mécaniquement le produit de la taxe billetterie.

En matière de patrimoine, les préfets ont, à l'évidence, un rôle à jouer. J'ai pu le constater dans la Somme, où des crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ont été mobilisés à hauteur de 4 millions d'euros en une année seulement pour soutenir près de 100 opérations de restauration d'églises. Avec Gérald Darmanin, nous avons décidé de mobiliser les préfets sur ces crédits, qui peuvent être fléchés également vers des restaurations d'églises non protégées. Naturellement, les églises inscrites ou classées pourront bénéficier des subventions du ministère. Par ailleurs, la collecte nationale de la Fondation du patrimoine est lancée et je vous rappelle que le Loto du patrimoine permet également de soutenir la restauration d'édifices cultuels non protégés.

Je voudrais vous remercier de votre plaidoyer en faveur des Udap, dont le rôle est en effet essentiel. Afin de pourvoir en urgence les postes vacants, nous avons programmé de nouveaux concours. Il est aussi possible, pour épauler nos architectes des Bâtiments de France, de recourir à des architectes contractuels. Parallèlement, nous travaillons au renforcement de l'expertise technique des Udap, au redéploiement d'emplois administratifs vers des emplois scientifiques et techniques ou encore à l'amélioration de la dématérialisation des procédures.

Vous m'avez interrogé sur le FIP. Les propriétaires privés peuvent en bénéficier, mais par propriétaire privé, il ne faut pas entendre nécessairement châtelain richissime ! Le château de Vaux-le-Vicomte, par exemple, a pu bénéficier du FIP. Les critères de sélection sont notamment l'apport du conseil régional - à hauteur de 15 % minimum -, l'intérêt patrimonial du chantier ou encore l'ouverture au public. Il s'agit de s'assurer que le site est bien porteur d'un projet d'attractivité et de développement du territoire.

J'en viens au très beau sujet des usages compatibles. Restaurer les églises au coeur du village ne vise pas seulement à faire tenir les pierres debout, il s'agit aussi de les faire vivre. L'activité cultuelle peut donc être complétée par une activité mixte, lorsque ces activités sont compatibles et qu'elles recueillent l'accord du diocèse. Dans le cadre de sa collecte, la Fondation du patrimoine sera particulièrement attentive à ce critère de sélection. Elle a d'ailleurs lancé un prix, le prix Sésame, qui récompense les initiatives d'usage mixte. Bibliothèque, épicerie solidaire, activités de découverte de métiers d'arts ou encore restauration de vitraux sont autant d'usages nouveaux qui peuvent rendre ces lieux de culte de nouveau attractifs et revitaliser les édifices comme les territoires.

Je précise que 10 % des sommes issues de la collecte seront fléchées vers l'ingénierie, notamment en faveur des plus petites communes, qui connaissent souvent des difficultés pour assurer la maîtrise d'ouvrage.

La Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts a été citée. Je vous invite à la visiter dès son ouverture, prévue le 30 octobre. Vous pourrez y apprécier la qualité de la restauration effectuée, en quatre ans, par le Centre des monuments nationaux. Ce chantier colossal - alors conseillère culture à l'Élysée, j'ai pu voir les lieux, à la fin de 2019, dans un état de délabrement total consécutif à des dizaines d'années d'abandon - a pu être accéléré grâce aux crédits du plan de relance. Nous avons même pu prendre en charge le clos et le couvert d'une partie du château que nous n'avions pas l'intention de restaurer initialement. Cela facilitera l'arrivée de partenaires privés, et notamment l'ouverture d'un hôtel et d'un restaurant à proximité du château.

Le système de péréquation entre les monuments, propre au CMN, permettra de sécuriser financièrement le développement de la Cité internationale de la langue française. Le projet a également bénéficié de l'aide d'autres partenaires, parmi lesquels l'Organisation de la francophonie ou le Québec, dont je salue l'engagement à hauteur de 2 millions d'euros. D'une manière générale, les équipes de Villers-Cotterêts pourront s'appuyer sur les fonctions support et sur la magnifique expertise des agents du CMN.

Enfin, Mme Sylvie Robert a soulevé les questions de la liberté de la presse et de la sécurité des sources. En la matière, nous devons concilier deux exigences constitutionnelles : la préservation de la sécurité nationale d'une part - certains dossiers sont classés secret-défense - et la liberté de la presse, garantie par la loi de 1881, d'autre part.

À cet égard, nous restons particulièrement vigilants. En tant que ministre de la culture, je ne peux que saluer l'engagement des journalistes, parfois au péril de leur vie, pour nous apporter les informations les plus fiables et les plus objectives possible. Les États généraux de l'information permettront de débattre de ces sujets.

M. Adel Ziane. - Qu'en est-il des crédits d'acquisition ?

Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Je vous confirme qu'ils sont stables. Heureusement, nous bénéficions de l'aide de mécènes généreux. Favoriser le mécénat - au travers du dispositif « Trésor national » par exemple - est une autre manière, pour l'État, d'apporter son soutien. Nous avons pu ainsi empêcher le départ à l'étranger du magnifique Caillebotte, La Partie de bateau, actuellement exposé en itinérance au Musée des Beaux-Arts de Lyon.

Les crédits d'acquisition sont un enjeu important, mais nous avons dû faire des arbitrages et avons privilégié notamment les revalorisations salariales, la lutte contre l'inflation ou encore les travaux pour améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments.

Mme Monique de Marco. - Je voudrais revenir sur le traité franco-allemand et sur la situation d'Arte.

Mme Rima Abdul Malak, ministre. - Vous trouverez à la fin du dossier de presse du ministère le détail, année par année, de la trajectoire financière de l'audiovisuel public, y compris de la chaîne Arte.

J'étais à Hambourg récemment et, avec mon homologue allemande, nous avons réaffirmé nos engagements en faveur d'Arte et de la plateforme européenne multilingue que cette chaîne entend développer.

M. Max Brisson, président. - Je vous remercie, madame la ministre, de vos réponses.


* 1 https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-805-notice.html

* 2 https://www.senat.fr/rap/a22-120-42/a22-120-42.html

* 3 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-305.html

* 4 https://www.senat.fr/rap/r20-692/r20-692.html

* 5 https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/commissions-denquete/commissions-denquete/commission-denquete-concentration-des-medias-en-france.html

* 6  https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/aides-a-la-presse-classement-des-titres-de-presse-aides/#:~:text=En%202022%2C%20le%20minist%C3%A8re%20de,les%20aides%20%C3%A0%20l%27investissement.

* 7 Proposition n° 27.

* 8 Proposition n° 28.

* 9 « Goundhog day », 1993, Danny Rubin.

* 10 https://www.senat.fr/rap/l18-501/l18-501.html

* 11 https://etats-generaux-information.fr/presentation

* 12 https://videos.senat.fr/video.4140995_65515d58c8f47

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