DEUXIÈME PARTIE : UN NOUVEL ELAN POUR NOTRE COOPÉRATION

I. LA CLARIFICATION DES OBJECTIFS DE L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE PASSE PAR UNE MEILLEURE COORDINATION DE NOS INSTRUMENTS DE COOPÉRATION

A. UN RECENTRAGE SUR DES PRIORITÉS MIEUX DÉFINIES

1. La répartition sectorielle de l'aide se conforme-t-elle aux priorités du développement ?

Le tableau ci-dessous retrace l'orientation de l'aide sur la décennie 1982-1992 (seule période pour laquelle nous disposons de données chiffrées au moment de la rédaction de ce rapport).

Source : OCDE

Ces données traduisent une évolution inquiétante : la diminution régulière des dépenses consacrées à l'infrastructure et aux services sociaux , ces « investissements de population » dont nous avons pourtant observé le caractère prioritaire. A l'inverse les fonds destinés à l'aide programme, entendez le soutien à l'ajustement structurel, passe de 5,4 % de l'APD totale à 15 %.

2. Le partage géographique de l'aide correspond-il à des priorités clairement identifiées ?

Ventilation de l'aide publique au développement français en 1994 dans les pays du champ

Pays

APD milliers de francs

Pourcentage total APD

Aide en francs français par habitant

Gabon

834 317

5,34

632

Djibouti

303 456

1,94

611

Congo

1 261 324

8,07

502,5

Sao Tomé et Principe

57 747

0,37

451

Côte d'Ivoire

3 607 329

23,10

261

Grenade

22 460

0,14

243

Seychelles

16 999

0,11

231,5

Dominique

16 149

0,10

226

Sénégal

1 558 794

9,98

191

Mauritanie

367 783

2,35

161,9

Sainte-Lucie

21 914

0,14

155,4

Cameroun

1 713 108

10,97

132,7

Comores

74 585

0,47

118,2

Centrafrique

344 184

2,20

103

Guinée Equatoriale

33 970

0,21

87,1

Niger

755 483

4,84

85,7

Saint-Vincent

7 780

0,05

70

Cap Vert

27 647

0,17

68

Bénin

313 144

2

59,8

Tchad

363 678

2,33

58,8

Burkina Faso

551 409

3,53

54,7

Togo

202 872

1,30

50,57

Mali

503 757

3,22

48,4

Guinée

308 408

1,97

47,4

Madagascar

512 430

3,28

37,4

Guinée Bissau

38 930

0,25

37

Maurice

41 210

0,26

36,7

Namibie

41 738

0,26

25,5

Burundi

127 751

0,81

20,69

Cambodge

157 708

1,01

17

Rwanda

134 715

0,86

16,7

Angola

152 324

0,97

14,24

Gambie

14 286

0,09

13,8

Mozambique

184 525

1,18

11,66

Haïti

82 971

0,53

11,52

Zaïre

68 158

0,43

1,4

Non ventilé

787 347

5,17

TOTAL

15 613 400

100

a) Quels sont les critères d'attribution de l'APD au sein des pays du champ ?

Le rapport entre l'aide et le nombre d'habitants apparaît certes une donnée approximative qui ne prend en compte ni le niveau de revenu des pays concerné, minore notre contribution dans les grands pays, la majore à l'inverse pour les petits pays. Malgré toutes ces réserves, ce rapprochement garde une certaine pertinence compte tenu d'une double considération :

- les 37 pays du champ appartiennent, à l'exeption du Cameroun, du Congo, de la Côte d'Ivoire et du Gabon qui relèvent des pays à revenu intermédiaire, aux pays les moins avancés et présentent une certaine homogénéité au regard du revenu par habitant ;

- l'approche de l'aide en fonction du nombre d'habitants s'inscrit dans une logique de coopération privilégiant les investissements de population.

Aussi le tableau précédent suggère-t-il une certaine perplexité. Certes on reconnaît la priorité accordée en valeur absolue aux grands pays, traditionnels bénéficiaires, tels que la Côte d'Ivoire, le Cameroun, le Sénégal, le Congo et le Gabon. Toutefois un classement des pays en fonction de l'aide par habitant ne permet pas de dégager de réels axes. Comment expliquer la position de Sao Tomé et Principe au quatrième rang (en valeur absolue le montant de l'aide dont elle bénéficie dépasse l'enveloppe allouée à la Namibie), la relégation de la Gambie au 34e rang ?

Dans ce domaine, les critères d'attribution de l'aide n'apparaissent pas toujours clairement.

Cependant, déterminer des critères c'est aussi marquer des priorités, raison pour laquelle sans doute le sujet est resté longtemps tabou.

b) Faut-il réorienter notre aide ?

L'Afrique n'avance plus d'un même pas. Trois groupes de pays, nous l'avons dit, se distinguent. Les premiers, réunis autour d'un pôle austral et d'un pôle occidental, connaissent les prémices d'une croissance économique. Les seconds, en revanche, stagnent (Afrique centrale) tandis que les troisièmes régressent (la région des grands lacs). Pour ces derniers la menace de territoires entiers livrés aux « seigneurs de la guerre » se précise.

Dans ces conditions, faut-il continuer de soutenir des pays au risque d'une part de ne pas sanctionner les fautes imputables à une mauvaise gestion et d'autre part de ne pas concentrer les moyens de notre aide sur les pays en émergence qui, on l'a vu, en ont le plus grand besoin pour conforter leur développement ?

L'importance du soutien accordé par la France à certains pays d'Afrique centrale méritait que la question soit posée.

Sans doute il ne s'agit en aucun cas de se désintéresser des populations en proie aux plus grandes souffrances. La France manquerait à sa vocation. Mais son soutien doit alors s'inscrire dans les bornes d'une intervention humanitaire. Une coopération traditionnelle, étatique, sauf si elle se justifie par des intérêts stratégiques ou diplomatiques qu'il convient alors d'expliciter, ne doit pas servir de caution à l'inefficacité et l'impéritie des gouvernements.

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