II. LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE POUR L'ARMEMENT

1. Les crédits de la DGA pour 1996

L'ensemble des moyens financiers affectés à la DGA s'élèveront en 1996 à 26 253 millions de francs . Si l'on se réfère à la loi de finances initiale pour 1995, où ces crédits s'élevaient à 27 550 millions, ils marquent une diminution en francs courants de 4,7 %.

- Les crédits inscrits au titre III (dépenses ordinaires) restent à peu près stables, puisqu'ils passent de 6 176,50 millions en 1995 à 6 110,93 millions en 1996 . Cette légère réduction (- 1 %) est imputable à la poursuite de la réduction des effectifs, partiellement compensée, financièrement, par les mesures générales de revalorisation des rémunérations publiques.

- Les crédits inscrits aux titres V et VII (dépenses en capital) constituent naturellement l'essentiel du budget de la DGA. Ils passeront, en loi de finances initiale, de 21 373,8 millions en 1995 à 20 142,33 millions en 1996 (- 5,8 %). Ils devraient toutefois être abondés, comme les deux années précédentes, par une partie des crédits de reports ou des produits de fonds de concours prévus en 1996, pour un montant de 1 502 millions. De ce fait, et compte tenu des crédits annulés en 1995 (1 876 millions), les crédits disponibles seront en 1996 en augmentation de 3,1 %.

2. La réorganisation de la DGA et la maîtrise des coûts

La DGA - qui regroupe environ 50 000 personnes sur 50 sites et gère environ 85 milliards de francs par an- a naturellement un rôle central à jouer pour faire face simultanément à un contexte budgétaire très rigoureux et au coût sans cesse plus élevé des programmes d'armement modernes.

- Maîtriser l'augmentation des coûts des matériels est ainsi devenu l'objectif prioritaire entre tous de la DGA pour échapper au "désarmement structurel" et, dans la traduction ultime du phénomène, à la " loi d'Augustine " (du nom d'un président de Martin-Marietta) aux termes de laquelle les Etats-Unis ne disposeraient plus, en 2040, que d'un seul avion de combat si les méthodes utilisées ne faisaient pas l'objet d'une véritable révolution culturelle.

Un effort considérable est , dès lors, indispensable pour renverser les tendances actuelles et demeurer, à terme, en mesure d'équiper nos forces armées de matériels en quantité suffisante. Sans préjudice des conclusions du comité stratégique mis en place pour préparer les décisions de la prochaine loi de programmation, un dispositif nouveau de maîtrise des coûts a été mis en place, dès l'an dernier, concernant à la fois la DGA, les états-majors et les industriels :

- s'agissant de la DGA elle-même, les principales mesures ont visé : à renforcer le rôle des directeurs de programme, à réformer le service d'enquête des coûts de l'armement et à instaurer des règles quasi-contractuelles entre les directions de programme et leurs prestataires (centres d'essais ou services industriels de la DGA) ;

- en ce qui concerne les relations entre la DGA et les états-majors , l'effort entrepris cherche à améliorer la transparence et le dialogue entre les organismes et à systématiser le recours aux méthodes modernes de gestion (analyse fonctionnelle, analyse de la valeur ...) en amont du lancement des programmes ;

- dans les relations entre la DGA et les fournisseurs industriels, les mesures essentielles ont consisté à systématiser la formule des contrats forfaitaires et à réformer le dispositif de contrôle des prix afin de les réduire.

- De manière plus générale cet effort s'est appuyé sur une nouvelle organisation de la DGA, justifiant une refonte d'ensemble des textes antérieurs, officialisée le 10 janvier dernier. Présenté à notre commission par le délégué général pour l'armement, le nouvel organigramme de la DGA (cf. tableau ci-après) fait apparaître les principales modifications suivantes :

Nouvelle organisation DGA

- la création d'une direction des programmes d'armement , chargée de contrôler les programmes, de préparer les budgets, d'en suivre l'exécution et de définir la politique de contrats ;

- la création d'une direction de la stratégie industrielle et technologique , regroupant des activités exercées précédemment par différents services ;

- la création d'une direction de la qualité , englobant notamment le SIAR (service de la surveillance industrielle de l'armement), chargée à la fois d'améliorer en permanence le fonctionnement de la DGA et de s'assurer de la qualité des réalisations industrielles ;

- le regroupement en une seule direction des systèmes terrestres et d'information des anciennes directions des armements terrestres et direction de l'électronique et de l'informatique ;

- enfin, le regroupement à la direction des missiles et de l'espace des compétences en matière de missiles et de satellites.

Cette volonté de rénovation des méthodes de conduite des programmes d'armement et de contrôle des prix est évidemment indispensable. Sa réussite constitue un véritable défi , impliquant un bouleversement des méthodes et des pratiques antérieures.

Mais l'enjeu est capital , puisqu'il y va, ni plus ni moins, quels que soient les nouveaux choix qui seront effectués à l'occasion de la prochaine loi de programmation, de la capacité pour notre pays de disposer, à terme, du minimum d'équipements indispensables à notre défense.

3. L'avenir de la direction des constructions navales (DCN)

Au sein même de la DGA, l'avenir de la direction des constructions navales (DCN) constitue aujourd'hui -chacun en est conscient- une question majeure.

- Rappelons en effet que la DCN -qui compte un effectif d'environ 24 000 personnes et gère un budget annuel de l'ordre de 20 milliards de francs- constitue aujourd'hui la plus grande industrie navale militaire d'Europe. La qualité de son travail est unanimement reconnue. Ses missions sont doubles :

- missions étatiques : études amont, spécifications des systèmes navals, direction des programmes nationaux ou en coopération, préparation des programmes futurs ;

- et missions industrielles , effectuées dans neuf établissements : réalisation et maintenance des navires et des systèmes de combat, grâce à un savoir-faire complet.

La DCN a fait l'objet, depuis la mi-1992, d'une réorganisation destinée à lever l'ambiguïté résultant de son caractère mixte de grand industriel et de grande administration. Cette réforme, comportant notamment la création de DCN-International (société de droit privée chargée de la commercialisation et des actions de partenariat industriel, mais faiblement capitalisée) et une meilleure distinction des activités régaliennes et des activités industrielles, vise à la fois à mieux maîtriser les coûts, à améliorer la productivité et la compétitivité, et à faciliter les coopérations.

- La mutation de la DCN, ainsi amorcée, doit cependant être poursuivie et approfondie pour adapter la DCN à un environnement industriel et international très contraignant , caractérisé par les restrictions budgétaires et les conséquences qui en résultent sur la charge industrielle, une concurrence internationale impitoyable, et la forte croissance du coût de développement des programmes.

Or de très fortes contraintes pèsent sur la DCN du fait de son statut actuel de service de l'Etat. Le code des marchés publics, en particulier, rend très difficile la mise en oeuvre d'une véritable politique industrielle.

Il était donc nécessaire d'examiner dans les meilleurs délais les possibilités d'évolution et d'adaptation de la DCN pour éviter sa fragilisation. Sans compromettre ses tâches étatiques impératives, la DCN doit, dans ses activités industrielles, disposer d'une plus grande marge d'action, acquérir la capacité de nouer de véritables alliances industrielles, et être en mesure de moderniser sa gestion.

C'est dans ce contexte que des rumeurs successives -provoquant autant de réactions sociales dans les régions où sont implantés les principaux établissements industriels de la DCN (Brest, Cherbourg, Lorient et Toulon notamment)- ont fait état, depuis plusieurs années, d'un changement de statut de la DCN qui pourrait être transformée en établissement public ou en société nationale. Dans le même temps, plusieurs groupes industriels ont manifesté leur intérêt pour certaines activités de la DCN.

- Telles sont les raisons pour lesquelles le ministre de la Défense a mis en place, le 13 septembre dernier, un groupe de travail chargé de faire, avant la fin de l'année, des propositions sur les évolutions possibles de l'appareil industriel de la DCN. Ces propositions doivent garantir l'avenir et l'efficacité de la DCN dans un quadruple objectif :

- assurer la disponibilité des bâtiments de la Marine nationale et leur renouvellement dans des conditions conformes aux besoins de nos forces armées,

- affronter la concurrence internationale en développant un pôle européen,

- répondre aux contraintes budgétaires qui pèsent sur l'ensemble de l'industrie de l'armement,

- et adapter les effectifs à travers une véritable politique des personnels qui devra respecter la priorité accordée par le gouvernement à l'emploi.

Tout en souhaitant que notre commission puisse être informée, à l'occasion de la discussion budgétaire, de l'évolution des réflexions gouvernementales sur un sujet aussi important et délicat, votre rapporteur tient à souligner ici :

- que les évolutions envisagées supposent la plus large concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux et des industriels concernés,

- et qu'il faut sans doute écarter, dans un contexte différent, une transposition pure et simple de la réforme du GIAT ; en particulier, les conditions de préservation des conditions d'entretien de la flotte doivent être parfaitement garanties.

4. GIAT-Industries : une société qui demeure confrontée à de graves difficultés

Bien que ne relevant pas du budget de la Défense, la situation de GIAT-Industries mérite ici, aux yeux de votre rapporteur, une mention particulière dans la mesure où GIAT-Industries est l'héritier direct des anciens arsenaux terrestres et où cette société demeure -et demeurera confrontée dans les prochaines années- à de très graves difficultés .

Après cinq années d'existence -la société GIAT-Industries a été créée le 1er juillet 1990-, et alors qu'un nouveau président vient de prendre ses fonctions, la situation particulièrement complexe et difficile de GIAT-Industries appelle plusieurs observations :

- La dégradation économique et financière n'a pu être enrayée, malgré les efforts accomplis et notamment l'apport vital du contrat signé en 1993 avec les Emirats arabes unis. Le chiffre d'affaires a continué à baisser ; de 22,7 % de 1993 à 1994 et de 22 % de 1992 à 1993. L'endettement de GIAT-Industries, hors contrat avec les Emirats, s'élève aujourd'hui à 4 milliards de francs, ce qui génère un besoin annuel de 250 millions pour couvrir les frais financiers.

S'il est clair que, sans le changement de statut opéré en 1990, ces pertes auraient été beaucoup plus élevées, et s'il faut relever l'amélioration de la marge brute d'exploitation de l'entreprise, la diminution du chiffre d'affaires de l'entreprise place GIAT-Industries au plus bas de son histoire, et le groupe a enregistré, pour 1994, un déficit de 2,9 milliards.

Ces données soulignent la nécessité d'un apport en capital de la part de l'Etat, unique actionnaire de GIAT-Industries. Cette recapitalisation apparaît à votre rapporteur d'autant plus urgente qu'elle devra être d'autant plus importante qu'elle sera tardive. Elle constitue de surcroît une obligation juridique avant la mi-1996, les fonds propres étant devenus, deux ans plus tôt, inférieurs à la moitié du capital social de la société.

- Les difficultés sociales demeurent, dans ce contexte, importantes. Les effectifs de GIAT-Industries s'élèvent en 1995 à 11 375 personnes , après 1 057 nouveaux départs volontaires en 1994. Il convient en effet de rappeler que, depuis le changement de statut, l'inévitable réduction des effectifs du GIAT n'a pu s'effectuer, en dehors de tout licenciement, que sur la base du volontariat (par retraite anticipée à 55 ans ou reclassement dans la fonction publique).

Or, GIAT-Industries a hérité des arsenaux d'importants sureffectifs de structure qui n'ont ainsi pu être entièrement résorbés. Les sureffectifs actuels étaient évalués par l'ancien président du groupe à environ 1 500 personnes.

Simultanément, si la plupart des 16 usines et des sites de GIAT-Industries ont pu être préservés -grâce notamment à une active politique de diversification et de reconversion d'activités- la fermeture de certains sites a été envisagée par la direction de GIAT-Industries compte tenu du plan de charge de ces centres.

- La rentabilité de GIAT-Industries apparaît globalement confrontée à trois obstacles majeurs :

- une marge sur vente encore insuffisante : en dépit des progrès accomplis, elle demeure très inférieure à 10 % alors que plus de 20 % seraient nécessaires ;

- une « culture économique » trop administrative, héritée des arsenaux et de l'ancien GIAT, dont l'évolution, bien qu'amorcée, exigera encore de nombreuses années ;

- et les surstructures administratives , dont la réduction doit être poursuivie dans le prochain plan d'action du groupe.

Ces difficultés sont d'autant plus difficiles à surmonter que le marché de GIAT-Industries est affecté de fortes tendances à la baisse :

- sur le plan national, la forte réduction des commandes budgétaires (réduction de la cadence des chars Leclerc à 44 par an, diminution de près des deux tiers des commandes de munitions...),

- et sur le plan international, les difficultés à l'exportation -au-delà du contrat avec les Emirats- liées à la fois à la baisse des budgets militaires, à la sous-évaluation du dollar et la terrible offensive commerciale américaine.

Certes, le contrat conclu avec les Emirats arabes unis en février 1993, portant sur 436 chars Leclerc (équipés de moteurs allemands) et sur un montant de 3,5 milliards de dollars, a assuré le plan de charge de GIAT-Industries jusqu'en l'an 2000. Il a toutefois donné lieu à des compensations industrielles (« off set ») très importantes qui ont conduit GIAT-Industries à devoir gérer des opérations (privatisation d'une entreprise d'électricité, construction d'un hippodrome...) évidemment sans rapport avec la vocation du GIAT. De plus, le contrat émirati ayant été libellé en dollars, il a donné lieu à des pertes de change importantes et à une gestion financière qui s'est traduite par des pertes très importantes.

On ne saurait toutefois mésestimer les efforts accomplis et certains résultats positifs enregistrés depuis 1990 par GIAT-Industries :

- progrès à l'exportation (contrat émirati),

- restructuration et réorganisation interne,

- rénovation de la gamme de produits et des outils de production,

- absorption de plusieurs entreprises (Luchaire, Manhurin, Mécanique Creusot-Loire, Herstal SA...),

- diversification grâce à la filiale GITECH.

GIAT-Industries se situe ainsi au premire rang dans le domaine de l'armement terrestre et pour les regroupements en Europe.

Son avenir demeure pourtant particulièrement menacé. Il suppose, aux yeux de votre rapporteur, au-delà d'une recapitalisation qu'il juge indispensable, plusieurs conditions essentielles :

- le développement du processus de coopération internationale entrepris, par un rapprochement industriel dans le domaine des munitions -qui pourrait aboutir, il faut l'espérer, d'ici un ou deux ans, avec les arsenaux britanniques de « Royal ordnance » dont les productions sont complémentaires de celles de GIAT-Industries,

- le développement du programme VBM dans le cadre d'une coopération européenne, si possible avec l'Allemagne, et selon un strict contrôle de la qualité et des coûts,

- de nouveaux efforts à l'exportation afin de limiter les effets de l'arrivée à échéance du contrat émirati,

- des actions très fortes de diversification de l'entreprise en partant de ses compétences reconnues et demandées par le marché,

- et une gestion économique et financière plus rigoureuse, s'appuyant sur l'indispensable adaptation des effectifs et des structures -en dehors de tout licenciement -au plan de charge véritable.

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