CHAPITRE III - L'ESPACE MILITAIRE: UNE PRIORITÉ QUI DOIT ÊTRE IMPÉRATIVEMENT PRÉSERVÉE

Observation liminaire : la priorité nécessaire et confirmée de la politique spatiale militaire.

L'espace constitue aujourd'hui un élément indispensable d'un système de défense efficace.

Le Livre blanc sur la défense a placé le renseignement au premier rang des nouvelles capacités prioritaires nécessaires à notre système de forces. Il a en particulier, dans ce cadre, retenu les orientations suivantes : "soutenir le développement des moyens spatiaux avec la famille de satellites d'observation optique Hélios" et "engager les programmes de satellites d'observation radar et d'écoute". Il a, dans le même esprit, souligné l'importance du développement des coopérations européennes en la matière.

En cohérence avec ces objectifs, la loi de programmation militaire pour les années 1995-2000 a prévu les moyens financiers nécessaires aux programmes Syracuse de télécommunications, Hélios d'observation optique et à la définition du système d'observation radar Osiris qui pourrait être développé à partir de 1998.

Cette priorité ne devrait pas être remise en cause par les décisions qui seront prises à l'issue des travaux du "comité stratégique" , mis en place par le nouveau gouvernement en juillet 1995, dans la mesure où M.  Charles Millon , ministre de la Défense, en a souligné, le 30 juin dernier, le caractère indispensable dans les termes suivants : "L'effort dans ce domaine devra être amplifié, si nécessaire au détriment d'autres équipements . La maîtrise des technologies spatiales revêt aujourd'hui une importance aussi stratégique que le nucléaire au début des années soixante. Elle offre la capacité de savoir et donc d'anticiper".

Trois raisons justifient, aux yeux de votre rapporteur, cette priorité :

- Les systèmes spatiaux permettent d'abord de répondre à des besoins militaires incontestables qui revêtent une importance accrue dans le nouveau contexte géostratégique où les crises se multiplient et se diversifient et où une priorité essentielle doit être accordée au renseignement et à la connaissance en temps réel des évolutions politiques et militaires.

Qu'il s'agisse des télécommunications spatiales , des moyens -optique ou radar- d' observation spatiale , de l'écoute électro-magnétique , voire de l'" alerte avancée " pour la détection des tirs de missiles, le recours aux systèmes militaires spatiaux constitue le moyen privilégié de répondre à ces besoins et de collecter les renseignements attendus, en toute discrétion et dans le strict respect du droit international puisque le droit de l'espace ne stipule aucune clause limitative quant au survol d'un pays par un satellite.

- La politique spatiale militaire constitue ensuite un enjeu européen de première importance . Seuls les Etats-Unis et la Russie sont aujourd'hui dotés de la plupart de ces outils spatiaux à vocation militaire. En Europe, l'effort français est remarquable et dominant sur le continent. Mais il est hors de proportion avec l'effort américain et son ambition même -aussi limitée soit-elle- supposera des moyens croissants dans les années à venir, alors même que la politique spatiale doit offrir un champ privilégié à la coopération européenne.

L'utilisation militaire de l'espace constitue ainsi pour l'Europe un véritable défi . Ce défi doit être relevé, car il s'agit d'un domaine stratégique, particulièrement révélateur des ambitions internationales de l'Europe et de sa capacité à jouer un rôle, sur la scène mondiale, dans les décennies à venir. Pour des raisons politiques, pour des raisons opérationnelles et, plus encore, pour des raisons financières dans le contexte budgétaire actuel, la France et l'Europe n'ont pas aujourd'hui d'autre choix que de se doter ensemble des moyens de mettre en oeuvre une véritable politique spatiale européenne.

Il s'agit là d'une occasion sans doute unique pour la construction d'une Europe de la défense. Il y aura, demain, les puissances spatiales et les autres, comme il y a aujourd'hui les puissances nucléaires et les autres.

- La synergie est enfin particulièrement forte, dans le domaine spatial, entre programmes civils et militaires , et souligne l'enjeu technologique et industriel de première importance de la politique spatiale.

Les programmes militaires spatiaux demeurent, en dépit de certaines spécificités, très dépendants de l'évolution de l'espace civil. Ainsi, qu'il s'agisse des télécommunications ou de l'observation -les deux domaines principaux de l'espace militaire français-, les besoins civils et militaires sont de même nature. A titre d'exemple, l'économie réalisée grâce à la réalisation parallèle des programmes Hélios I et Spot 4 a été évaluée à 1,3 milliard de francs ; de même, l'économie attendue de la réalisation jumelée des programmes Hélios II et Spot 5 est estimée à environ 1 milliard de francs : une économie nette de l'ordre de 1 milliard de francs, représentant plus de 5% de son coût total, devrait ainsi être réalisée par le seul programme militaire Hélios (I et II).

Ainsi se trouve soulignée, dans le contexte budgétaire très tendu que nous connaissons aujourd'hui, le caractère impératif de l'exploitation systématique de cette synergie entre applications civiles et militaires et de la conciliation de cette complémentarité avec les spécificités des systèmes spatiaux militaires.

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I. LES PROGRAMMES MILITAIRES SPATIAUX FRANÇAIS : UN ENSEMBLE UNIQUE EN EUROPE MAIS TRÈS MODESTE PAR RAPPORT AUX GRANDES PUISSANCES SPATIALES

A. LES TÉLÉCOMMUNICATIONS MILITAIRES SPATIALES

1. Les programmes Syracuse I et II

Si le besoin de liaisons militaires efficaces à longue distance s'est fait ressentir de longue date à l'occasion d'opérations extérieures, les nouvelles données géostratégiques ont accentué la nécessité de doter les groupements de forces, le plus souvent interarmées, de moyens de communications sûrs, protégés et performants. Les télécommunications spatiales permettent de répondre à ce besoin grâce à des satellites en orbite géostationnaire.

- Le programme Syracuse I (système de radiocommunication utilisant un satellite) a été décidé à la fin des années soixante-dix. Mené parallèlement au programme civil Telecom, il a été intégré aux trois satellites Telecom 1A, 1B et 1C lancés en août 1984, mai 1985 et mars 1988, pour un coût total de 2 170 millions de francs. Compte tenu de la durée de vie de ces satellites, la composante spatiale du système Syracuse devait être renouvelée de manière à assurer la continuité du programme.

- Le programme Syracuse II , dont le lancement a été décidé en 1987, comporte des améliorations substantielles par rapport au système précédent, qu'il s'agisse de l'élargissement des zones couvertes, de l'accroissement (de 30 à 100) du nombre de stations terrestres, ou du durcissement du système aux contre-mesures électroniques et aux effets d'impulsion électro-magnétique.

Après les satellites Telecom 2Aet 2B, lancés en décembre 1991 et avril 1992, le lancement de deux nouveaux satellites (en 1995, puis en 1997) doit prolonger la durée de vie du système jusqu'en 2005 environ.

Le coût du système Syracuse II est estimé à 10,01 milliards au coût des facteurs de janvier 1995.

2. Le projet de programme Syracuse III

L'indispensable continuité du service a conduit à engager les études relatives au futur système de télécommunications militaires Syracuse III dès le lancement des premiers satellites de Syracuse II. Ce système devra non seulement succéder à Syracuse II à l'horizon 2005, mais aussi assurer une couverture mondiale, quadrupler (de 100 à 400) le nombre de stations de réception, renforcer les protections contre le brouillage et l'interception, et garantir une plus grande opérabilité avec les système des pays alliés.

Dans cette perspective, et pour favoriser simultanément un partage des coûts, plusieurs projets de coopération internationale sont envisagés :

- une coopération franco-britannique ("Bimilsatcom") qui paraît aujourd'hui la plus judicieuse dans la mesure où elle permettrait de répondre, dans la même fenêtre d'opportunité des années 2003-2005, aux besoins de la France (remplacement de Syracuse II) et aux besoins du Royaume-Uni (remplacement du système Skynet 4), et où elle se traduirait par une coopération franco-britannique particulièrement importante dans le domaine militaire ;

- cette coopération franco-britannique pourrait éventuellement être ouverte à l'Allemagne, une autre hypothèse consistant en une coopération purement franco-allemande , baptisée " Gefsatcom ".

- une coopération trilatérale franco-anglo-américaine ("Inmilsat") qui semble toutefois moins prometteuse car elle ne pourrait assurer la continuité que d'une partie des instruments satellitaires américains ;

- enfin, une vaste coopération européenne, réunissant sept pays (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Belgique, Espagne, Pays-Bas), baptisée " Eumilsatcom ", qui serait sans doute plus difficile à mettre en oeuvre mais qui aurait naturellement les résultats les plus efficaces en matière de standardisation et d'interopérabilité des systèmes européens.

Si le coût du programme n'a pu être encore précisément défini, la loi de programmation 1995-2000 a prévu de lui consacrer un financement de 1 748 millions de francs.

Quoi qu'il en soit, les échéances de renouvellement des systèmes de télécommunications de plusieurs pays fournissent une occasion de coopération particulièrement importante, source d'économies, de performances et d'interopérabilité accrues. Cette opportunité ne doit pas, aux yeux de votre rapporteur, être manquée et il souhaiterait que le gouvernement puisse, à l'occasion de cet examen budgétaire, préciser laquelle des options envisagées pourra finalement être retenue.

B. LES PROGRAMMES D'OBSERVATION

1. Le programme Hélios 1 d'observation optique

L'observation optique constitue aujourd'hui, avec les télécommunications, la seconde priorité du programme spatial militaire français. Dans un contexte internationnal troublé où le renseignement constitue un élément déterminant de tout système de défense, les moyens d'observation spatiaux contribuent à la fois à une évaluation précise des situations, à la prévention et à la gestion des crises, à l'efficacité de l'action militaire, et à la vérification de l'application des accords internationaux.

Après l'abandon en 1982 du projet "Samro" (satellite militaire de reconnaissance optique) qui avait été lancé en 1977, le programme Hélios a été officiellement décidé le 5 février 1986, puis élargi à l'Italie et à l'Espagne (à hauteur respectivement de 14,1% et de 7%).

Sans revenir sur les caractéristiques, bien connues, de ce programme évolutif, mené en coopération européenne, et développé en commun avec le programme civil Spot 4, trois points méritent d'être aujourd'hui soulignés :

- l'année 1995 a d'abord été marquée, le 7 juillet dernier -en présence d'une délégation de notre commission-, par le lancement à Kourou du premier satellite Hélios 1A , par une fusée Ariane 40 ; sa mise en service opérationnel vient d'avoir lieu, trois mois après le lancement ; le second satellite (Hélios 1B) devrait être lancé, si nécessaire, entre la mi-1996 et la fin de vie d'Hélios 1A, dont la durée de vie est de quatre à cinq ans ;

- l'exploitation du système Hélios sera assurée en commun par les trois pays participants, l'Espagne et l'Italie bénéficiant d'un droit d'accès aux images d'Hélios à due concurrence de leur participation au programme ; la composante terrestre du système Hélios est organisée autour des centres de traitement et d'exploitation des images installés à Creil, Rome et Madrid ; une délégation importante de notre commission a ainsi visité, en avril dernier, le "centre principal Hélios français" (CPHF) à Creil ; le CPHF élabore, en prenant en compte les demandes italiennes et espagnoles, la programmation journalière du satellite qu'il transmet au centre de maintien à poste (CMP) implanté à Toulouse, les images enregistrées étant transmises aux centres de réception d'images (CRI) -situés à Colmar pour la France, à Lecce pour l'Italie et Maspalomas pour l'Espagne- avant d'être finalement exploitées et interprétées par les Centres principaux Hélios (CPH) ;

- enfin, le coût global du programme Hélios I s'élève pour les trois pays associés à 9,9 milliards de francs 1993, dont 7,8 milliards de francs 1993 pour la France (soit 8 202 millions au coût des facteurs 1995); plus de 4,3 milliards sont prévus à ce titre par la loi de programmation 1995-2000.

2. Le programme Hélios 2 d'observation optique et infrarouge

Le système Hélios est un système évolutif dont le programme Hélios 1 ne constitue que la première étape. La France a ainsi décidé, dès avril 1994, le lancement de la définition du programme Hélios 2 qui vise à la fois à assurer la continuité du service rendu par Hélios 1 lorsque celui-ci sera en fin de vie et à améliorer les performances d'Hélios grâce notamment à l'infrarouge qui permettra une capacité d'observation nocturne tandis que la résolution des images sera améliorée et que le nombre de prises de vues réalisées sera augmenté.

Comme Hélios 1, Hélios 2 comportera deux satellites , dont le premier devait être lancé en 2001.

Sur le plan financier, le coût prévisionnel du programme Hélios 2 est estimé à environ 11,92 milliards de francs , les crédits prévus à ce titre dans la loi de programmation 1995-2000 s'élevant à 8,6 milliards.

Hélios 2 a, comme Hélios 1, vocation à être réalisé en coopération européenne . Les incertitudes ont, cependant, sur ce point, marqué une grande partie de l'année 1995 :

- d'abord en ce qui concerne l'Italie et l'Espagne , déjà associées à Hélios 1, qui ont manifesté leur intérêt pour ce nouveau programme et dont il serait très regrettable qu'elles renoncent, pour des raisons financières, au système de coopération européenne mis en place ;

- ensuite et surtout en ce qui concerne l'Allemagne dont il est souhaité, dans le cadre du rapprochement franco-allemand, qu'elle contribue au programme Hélios 2, dans le cadre d'un accord global portant sur les programmes Hélios et Horus dont l'Allemagne assurerait la maîtrise d'oeuvre.

De difficiles négociations financières ont porté sur le montant de la contribution allemande, la France souhaitant logiquement demander à l'Allemagne une contribution supérieure à sa participation industrielle compte tenu de l'ampleur des investissements antérieurement réalisés par la France dans ce domaine des satellites d'observation. De même, il paraîtrait logique, si d'autres pays européens demandaient ultérieurement à bénéficier du système, d' établir un lien rigoureux entre les financements apportés et l'accès aux images d'Hélios II. La priorité qui doit être accordée au renseignement s'impose à l'ensemble des pays européens ; la coopération européenne qui doit en résulter doit être source d'économies également réparties ; la France ne saurait évidemment financer seule l'essentiel des investissements nécessaires.

3. Le programme d'observation radar Horus (ex-Osiris)

Comme Hélios II, le programme Horus d'observation radar, précédemment baptisé Osiris, s'inscrit dans le processus d'évolution des programmes militaires d'observation et a vocation à être réalisé, dans un cadre européen, en coopération franco-allemande.

Complément idéal et nécessaire de l'observation optique et infrarouge, l'observation radar à haute résolution permet l'accès au renseignement tout temps . L'information ainsi recueillie pourra être fusionnée avec les images optiques, qu'elles soient d'origine spatiale (Hélios) ou aérienne (avions de reconnaissance ou drônes).

Le programme Horus prévoit la réalisation de deux satellites et d'installations au sol dans la perspective d'un lancement du programme, en coopération, vers 1998 et d'une mise sur orbite vers 2005.

Le coût global du programme serait de l'ordre de 12 milliards de francs 1993, mais les évaluations varient entre 8 et 15 milliards selon les spécifications précises qui seront retenues. Les financements, peu importants (975 millions), prévus dans la loi de programmation soulignent la nécessité, pour des raisons financières, d'un développement en coopération.

C'est dans cet esprit qu'il a été envisagé que l'Allemagne puisse prendre la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre de ce satellite-radar et en assurer la majorité de la charge financière ; la France prendrait en charge le solde -sous réserve d'une éventuelle participation italienne-. L'aboutissement de cette coopération franco-allemande constitue pour l'Allemagne un choix politique particulièrement important alors qu'une autre proposition a été formulée par le groupe américain Lockeed-Martin et que le renseignement demeurait jusqu'ici un domaine privilégié de la coopération entre les Etats-Unis et l'Allemagne.

C. LES AUTRES PROJETS : UN AVENIR INCERTAIN ET COMPROMIS

1. Le programme d'écoute électro-magnétique

Les programmes d'écoute électro-magnétique, sans être définitivement et totalement abandonnés, n'ont été dotés que de 300 millions de francs, pour des études amont, dans le cadre de la loi de programmation 1995-2000. En tout cas, le projet de système spatial Zénon , tel qu'il avait été conçu, est apparu trop coûteux -de l'ordre de quatre milliards de francs- et trop lourd en raison de l'addition de multiples spécifications.

L'écoute des émissions électro-magnétiques demeure cependant un moyen important d'acquisition du renseignement , différent de l'observation optique ou radar ; l'écoute électromagnétique permet d'accéder, en permanence, à des renseignements sur des zones souvent non accessibles aux autres capteurs. Les Etats-Unis et l'URSS se sont dotés, dès les années 60-70, de systèmes d'écoute complexes. Français et Européens, sans pouvoir ambitionner de se doter de moyens comparables, ne sauraient toutefois renoncer à avancer dans le domaine de l'écoute spatiale, compte tenu de son importance dans la prévention et la gestion des crises.

C'est pourquoi la France a décidé de lancer deux micro-satellites expérimentaux pour effectuer les études et améliorer les connaissances qui permettront de préparer un futur système d'écoute spatial. Le micro-satellite expérimental " Cerise" a été lancé, en juillet dernier, en même temps que le satellite Hélios 1A, et permettra de surveiller certaines gammes de fréquences et d'améliorer notre connaissance de l'environnement radioélectrique. Un second satellite expérimental, "Clémentine" , pourrait être lancé en 1997 pour approfondir les connaissances et mieux cerner les besoins et les spécifications d'un système d'écoute spatial.

2. La question de l'alerte avancée

Si la priorité donnée aux programmes d'observation optique et radar -sans lesquels la détection des tirs de missiles perdrait beaucoup de son sens car l'observation permet, en amont, d'identifier les installations de tir au sol- est légitime, la détection des tirs de missiles devrait constituer aussi, aux yeux de votre rapporteur, un objectif important de notre politique spatiale militaire.

La prolifération balistique constitue en effet une des menaces majeures dans le nouveau contexte géostratégique. Un grand nombre des pays proliférants -vraisemblablement entre 20 et 30- sont situés sur le pourtour méditerranéen d'où des missiles de plus de 1 000 km de portée pourraient, ne l'oublions pas, menacer le territoire national.

L' "alerte avancée" peut, dans ce contexte, constituer une arme très importante dans la prévention et dans la gestion des crises. L'identification de l'origine d'un tir de missile viendrait d'ailleurs conforter l'efficacité de la dissuasion nucléaire en permettant de déceler une agression balistique.

Il convient à cet égard de préciser qu'il ne s'agit pas là d'une défense anti-missiles au sens large qui, compte tenu de son coût, est clairement hors de notre portée -les Etats-Unis eux-mêmes ont dû renoncer à l'ambition de leurs projets initiaux-, et qui, de surcroît, est contestable au regard de notre concept de dissuasion -puisque tout agresseur doit redouter des représailles massives sur son propre territoire-.

Votre rapporteur estime en revanche que la question de la détection des tirs de missiles et de l'alerte antimissile balistique tactique ne pourra être longtemps esquivée . M. François Léotard avait ainsi souligné que, si la réalisation d'un système d'alerte avancée n'avait pu être retenue dans la loi de programmation pour des raisons budgétaires, des travaux devaient être engagés avec nos principaux partenaires européens pour doter l'Europe d'un tel système essentiel à sa sécurité. Le Président de la République s'est lui-même prononcé en faveur de la mise en place d'un tel système dans un cadre européen.

Si aucun programme n'est lancé en la matière, plusieurs projets sont actuellement envisagés :

- des négociations réunissent les Etats-Unis et plusieurs pays européens, dont la France, dans le cadre du projet "MEADS"( medium extended areas defense system) d'un système de missile anti-aérien éventuellement doté d'une capacité anti-missile ;

- en France , des études ont été entreprises, au plan industriel, sur l'architecture d'un système d'alerte qui, composé de deux satellites géostationnaires, serait conçu pour détecter les tirs de missiles balistiques, les suivre en vol, et déterminer leur point d'impact.

Un tel système, d'un coût de l'ordre de 10 milliards de francs, ne couvrirait qu'une zone géographique limitée et n'offrirait qu'une protection partielle. Il n'en demeure pas moins nécessaire, aux yeux de votre rapporteur, de poursuivre les réflexions et les études en la matière, dans le cadre de la prochaine loi de programmation, avant d'envisager éventuellement, ultérieurement, une défense antimissile de théâtre, voire une défense aérienne élargie.

3. La question des petits lanceurs

La France et l'Europe disposent, dans le domaine spatial, de l'atout exceptionnel de ne dépendre de personne. La base de Kourou et le lanceur Ariane lui confèrent cette autonomie, qui sera confortée par les satellites de télécommunications et de reconnaissance.

Il convient toutefois de relever que nous ne disposons que de lanceurs -actuellement Ariane IV et, demain, Ariane V- qui sont des "gros lanceurs" , Ariane V devant être adapté à des vols habités ou à des mises en orbite géostationnaires.

C'est pourquoi certains experts et industriels ont souligné l'existence d'un besoin en petits lanceurs adaptés aux petits satellites, ainsi qu'en disposent les Etats-Unis et la Russie.

Le coût du développement d'un petit lanceur serait de l'ordre de 2 à 3 milliards de francs.

Il paraît nécessaire à votre rapporteur de mener, ici encore, dans le cadre des réflexions gouvernementales actuelles, les études permettant de mesurer la réalité du besoin sur le plan militaire, d'évaluer l'évolution du marché satellitaire et d'envisager, en conséquence, le lancement d'un programme -national ou européen- de petits ou moyens lanceurs, voire l'acquisition d'un petit lanceur aux Etats-Unis ou en Russie.

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