N°80

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès verbal de la séance du 28 novembre 1995

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1996 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VI

DÉFENSE

FORCES TERRESTRES

Par M. Serge VINÇON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon

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Assemblée nationale :

Sénat :

Lois de finances.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits impartis aux forces terrestres par le projet de loi de finances pour 1996 constituent un budget de transition, dans l'attente d'une nouvelle loi de programmation qui devrait tirer les conséquences des réflexions en cours au sein du comité stratégique.

Ainsi qu'il est d'usage, votre rapporteur se livrera, avant l'examen de ces crédits, à une analyse rapide de la situation internationale, dont l'évaluation détermine directement les types de missions susceptibles d'être confiées à l'armée de terre et, de ce fait, les principes qui doivent guider l'organisation de celle-ci.

Puis votre rapporteur consacrera un développement aux questions posées par l'avenir du service national, dont la réforme paraît désormais inévitable.

Réflexion préalable sur les risques liés à la situation internationale

. La fin de la guerre froide aurait pu laisser espérer un apaisement des conflits armés qui avaient constitué une extension locale de l'affrontement Est-Ouest. L'indépendance de la Namibie et les accords de paix conclus au Salvador et au Nicaragua auraient pu s'inscrire dans la perspective d'une réduction des conflits locaux. En réalité, de nouvelles guerres sont apparues avec l'effondrement du communise, comme l'atteste, entre autres exemples, la persistance des graves tensions sur l'ex-territoire soviétique (Abkhazie, Haut-Karakakh, Tadjikistan, Tchétchénie). Tous ces affrontements, à commencer par ceux qui opposent les anciennes républiques yougoslaves, sont pour une très large part fondées sur la vigueur du facteur ethnique ou nationaliste.

Par ailleurs, l'une des incidences de la chute du mur de Berlin sur l'insécurité actuelle est d'avoir contribué à l'augmentation de l'offre mondiale de moyens de violence. L'un des aspects de celle-ci tient au développement de la vente -le plus souvent non officielle- d'armes des pays de l'ancien Pacte de Varsovie. Ainsi les quantités de matières fissiles disponibles sur le territoire de la seule Russie sont-elles colossales : environ 700 tonnes d'uranium hautement enrichi et environ 125 tonnes de plutonium, 1 ( * ) que le démantèlement des têtes nucléaires prévu par le traité de réduction des armements stratégiques Start I devrait encore augmenter. Le trafic des matières fissiles à partir de la Russie est très réel, la Russie ne disposant pas de comptabilité physique de ces matières à haut risque. Notons que le trafic d'armes conventionnelles originaires de l'Est de l'Europe semble lui aussi important, notamment vers le Moyen-Orient.

. Au Maghreb , la menace islamiste, liée aux blocages économiques et sociaux qui privent de toute perspective une jeunesse pléthorique (plus de la moitié de la population algérienne a moins de vingt ans), s'est étendue récemment sur notre territoire sous la forme d'une menace terroriste qui laisse généralement gravement démunies les sociétés occidentales.

. En Afrique subsaharienne, la déstabilisation tient essentiellement à la persistance des conflits armés, comme au Libéria, dont les factions se sont même affrontées sur le territoire ivoirien, et des violences politiques (au Burundi, au Rwanda, au Gabon, au Congo ...), à l'existence de guerillas encore actives comme au Tchad, et à la présence de populations réfugiées (tels les Rwandais au Zaïre ou les Libériens en Côte d'Ivoire). Le dynamisme de la croissance démographique subsaharienne (la population augmente chaque année de 3 %, soit un doublement prévisible en moins de vingt-quatre ans) pose en termes aigus la question de la survie du continent noir, à l'heure où celui-ci paraît plus que jamais marginalisé.

. A bien des égards, 1995 semble avoir été une année de « paix froide » entre la Russie et l'Occident , pour reprendre l'expression du ministre russe des Affaires étrangères. Cette régression tient à la volonté de la diplomatie russe de s'affirmer à nouveau avec force. Elle s'est illustrée par l'intervention armée en Tchétchénie, par le projet russe de vente d'équipements nucléaires civils à l'Iran, en dépit des avertissements de Washington, et par la remise en cause par la Russie du traité sur la réduction des forces conventionnelles en Europe (FCE), l'un des principaux piliers de la sécurité continentale, au motif que ce traité empêche les grandes concentrations de troupes dans certaines régions (en particulier dans le Caucase) et constitue une contrainte inacceptable au regard des besoins de sécurité de la Russie.

La mise en garde de Moscou contre l'élargissement de l'OTAN aux anciens satellites est-européens de l'Union soviétique, interprété en Russie comme un acte hostile consacrant la résurgence de l'Europe des blocs, a été l'un des temps forts de l'année, et a ancré la future architecture de sécurité européenne au coeur des relations russo-occidentales.

. Face à ces risques divers, deux chantiers sont aujourd'hui essentiels. Ils concernent l'un et l'autre au premier chef le continent européen, en proie actuellement à d'immenses défis dont la sécurité ne constitue qu'un aspect. Il s'agit, d'une part, du dialogue euro-méditerranéen et, d'autre part, de la sécurité européenne.

- La « politique méditerranéenne rénovée » approuvée en 1990 par le Conseil européen afin de faire contrepoids à l'ouverture de l'Europe à l'Est, vise à lutter contre le déséquilibre économique et social entre l'Union européenne et les « pays tiers méditerranéens » (Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie, Egypte, Turquie). L'un des défis auxquels doit répondre l'Union européenne est de construire une « zone de prospérité partagée » grâce au partenariat euro-méditerranéen. L'autre est de constituer une zone de stabilité en Méditerranée , en s'appuyant sur l'exemple des instruments qui semblent avoir permis des améliorations sensibles en Europe centrale et orientale : CSCE puis OSCE, et Pacte de stabilité.

- L'évenir de la sécurité européenne conditionne la stabilité du vieux continent, et constitue un test de l'aptitude de celui-ci à assumer les bouleversements issus de la chute du rideau de fer. Le danger d'extension des conflits balkaniques à l'Europe centrale (qui paraît toutefois enrayé par le succès du Pacte de stabilité), voire l'hypothèse d'un refroidissement durable, à terme, avec la Russie, ont fait de l'élaboration d'une « défense européenne » une question urgente, alors même que s'opposaient partisans du renforcement de l'OTAN, garant de la présence militaire américaine en Europe, et partisans de l'émergence d'une défense européenne plus autonome, à travers l'UEO, le Corps européen, l'Euroforce et l'Euromarforce, tandis que la Russie plaide la cause de l'OSCE, où elle détient une position forte. Il est rapidement apparu aux occidentaux que l'OTAN demeurait un instrument incontournable de la défense européenne, ainsi que l'a montré la décision française, pour la première fois depuis 1966, de siéger dans le « groupe des plans de défense de l'OTAN ». L'évolution de l'OTAN vers un système de sécurité collective adapté au risque de crise périphérique en Europe a été amorcée avec la décision, en janvier 1994, de créer des groupes de forces interarmées multinationales (ou GFIM).

Force est cependant de reconnaître qu'aucune solution ne paraît encore véritablement convaincante dans l'immédiat, du fait des réticences exprimées par la Russie à l'égard de l'élargissement de l'OTAN, du manque de substance de l'UEO, et en dépit des progrès que constituent l'Euroforce et l'Euromarforce.

. L'état de la menace en 1995 peut toutefois être tempéré par les quelques accalmies et progrès constatés pendant la période.

- En matière de désarmement , le temps fort de 1995 aura été la prorogation du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), qui permet d'envisager la signature prochaine d'un traité d'interdiction complète des essais nucléaires (CTBT).

Par ailleurs, l'entrée en vigueur du traité Start-1 de réduction des armes nucléaires stratégiques a été rendu possible par l'adhésion de l'Ukraine au TNP en tant qu'Etat non nucléaire. Parallèlement la procédure interne de ratification du traité Start 2 a été engagée par les Etats-Unis et la Russie, et les deux grandes puissances nucléaires ont poursuivi la négociation d'une convention interdisant la production de matières fissiles à usage militaire.

- Le tournant observé en ex-Yougoslavie au cours des mois d'été a profondément modifié la donne après quatre ans d'affrontements, un certain nombre de plans de paix avortés et de cessez-le-feu aussitôt violés, deux millions de réfugiés et un nombre de victimes estimé à 150 000. Après la prise en otage de plusieurs centaines de casques bleus par les Serbes en mai 1995, l'envoi d'une Force de réaction rapide essentiellement franco-britannique, destinée à appuyer les casques bleus de Bosnie, ainsi que les frappes aériennes décidées par l'OTAN en riposte aux nouvelles avancées des Serbes, devaient constituer un tournant, et permettre d'envisager l'ouverture, sous l'égide américaine, de négociations sur la paix crédibles.

*

* *

L'état actuel de la menace permet donc moins que jamais, en dépit des relatifs progrès qui doivent encore être confirmés, de réduire notre effort de défense. En ce qui concerne l'armée de terre, qui participe très étroitement au règlement des crises par le biais des opérations extérieures , la situation internationale justifie la poursuite des efforts déjà engagés en matière de projetabilité . Cet objectif se traduit par l' augmentation des effectifs d'engagés , et par la constitution d'unités professionnelles plus immédiatement disponibles que les unités à base d'appelés. En ce qui concerne l' équipement des forces , les besoins concernent les moyens lourds (char et infanterie mécanisée), ainsi que les éléments d'appui (artillerie) et de soutien (logistique et santé).

I. L'ARMÉE DE TERRE EN 1996 : DES MOYENS RÉDUITS POUR FAIRE FACE À DES MISSIONS TOUJOURS PLUS DIVERSIFIÉES

Le projet de budget de la défense pour 1996 ne constitue qu'un budget d'attente , qui vise à préserver la marge de manoeuvre des plus hautes autorités de l'Etat dans la perspective des décisions et des choix attendus du Conseil de défense , et que traduira, dès le printemps prochain, la future loi de programmation militaire .

Dans cette perspective, le présent projet de budget ne s'appuie que modérément sur la loi de programmation 1995-2000, dont il constitue pourtant en théorie la deuxième annuité. C'est pourquoi votre rapporteur s'abstiendra de multiplier des comparaisons entre les crédits inscrits dans le projet de budget pour 1996 et ceux que prévoyait une loi de programmation à laquelle il n'est plus très constructif de se référer. Il est néanmoins très éclairant de constater que, si la dotation de l'armée de terre prévue pour 1996 se situe nettement en-deçà de la tranche 1996 de la loi de programmation, en revanche la déflation des effectifs qui sera conduite au cours du prochain exercice est plus importante que celle que prévoyait la loi. De manière plus surprenante, la politique des effectifs d'ores et déjà annoncée est en contradiction très apparente avec l'effort de professionnalisation lié au développement des opex et inscrit dans la loi de programmation.

Après un bref rappel des principales caractéristiques du projet de budget de la Défense pour 1996, caractérisé par une très forte contrainte financière , votre rapporteur abordera le contenu de la dotation de l'armée de terre, soumise à la double contrainte de contribuer, comme elle le fait depuis des années, à l'effort d'économie en cours, et de ne pas traduire de choix irréversible susceptible d'infléchir les réflexions actuellement conduites par le Comité stratégique. Puis votre rapporteur évoquera la poursuite de la contraction du format de l'armée de terre , avant de rapporter la diversification de ses missions aux moyens qui lui sont impartis.

A. PRÉSENTATION RAPIDE DU BUDGET DE LA DÉFENSE POUR 1996

Le projet de budget de la défense s'élève à 241,442 milliards de francs (pensions comprises), soit une diminution de 0,8 % par rapport au budget de 1995 (243,456 milliards de francs). Hors pensions, les crédits de la défense seront de 189,593 milliards de francs, en baisse de 2,4 % par rapport aux crédits prévus par la loi de finances initiale pour 1995 (194,262 milliards de francs).

1. Remarques relatives à la présentation des crédits de la Défense selon la logique des crédits disponibles

Si l'on souscrit à la présentation des dotations en termes de « crédits disponibles », ce qui semble être devenu une tradition depuis 1993, les crédits dont le ministère disposera en 1996 s'élèveront hors pensions à 195,593 millions de francs, compte tenu des 800 millions de francs de fonds de concours (1 milliard en 1995) et des 5 200 millions de francs de crédits de report (7 milliards en 1995) que la Défense sera autorisée à consommer.

Dès lors plusieurs comparaisons peuvent être envisagées :

- entre les crédits disponibles 1996 et les crédits disponibles 1995, la baisse est de 3,3 % ;

- entre les crédits disponibles 1996 et la loi de finances initiale pour 1995 (hors pensions), la dotation augmente de 0,6 % ;

- entre les crédits disponibles 1996 et les crédits disponibles 1995 après le collectif de printemps (soit 193,9 milliards de francs), la hausse est de 0,87 % ;

- entre les crédits inscrits dans le projet de budget 1996 et les crédits du ministère pour 1995 après le collectif de printemps (185,9 milliards de francs), la hausse est de 1,9 %.

Ces diverses présentations appellent les remarques suivantes, motivées par une référence que votre rapporteur persiste à juger inadéquate à la logique des crédits disponibles :

- Cette présentation est contestable , car le Parlement n'a à se prononcer que sur le budget de l'année, modifié le cas échéant par recours aux collectifs. De plus, les fonds de concours et les crédits de report sont des ressources fluctuantes, sur lesquelles il ne paraît pas très sage de s'appuyer à l'excès. Les fonds de concours sont ainsi passés de 1 milliard à 800 millions de francs entre 1995 et 1996, soit une baisse de 20 %. Les crédits de report ont baissé quant à eux de 25,7 %, passant de 7 à 5,2 milliards de francs.

- Cette présentation est également inutile , car elle revient à essayer d' occulter des baisses de crédit qu'il semble aujourd'hui inopportun de cacher . En effet, ces évolutions traduisent non seulement un effort de rigueur dont la poursuite est aujourd'hui inéluctable, et dont l'armée de terre donne l'exemple depuis plusieurs années, mais aussi la volonté d'adapter notre outil de défense à des missions redéfinies, qui conduisent à envisager des moyens plus compacts, et, partant, plus efficaces.

Par ailleurs, le budget de la défense prévu pour 1996 baisse de 0,8 % par rapport au précédent projet de loi de finances, et augmente de 1,9 % par rapport au budget 1995 modifié par le collectif de printemps. On peut néanmoins d'ores et déjà évoquer le contenu de l'éventuelle loi de finances rectificative à venir . Le collectif de printemps avait réduit les crédits de la Défense à hauteur des augmentations permises par les fonds de concours et les reports de crédits prévus en 1995. La prochaine loi de finances rectificative réduirait, en effet, de 3,5 milliards de francs les seuls crédits d'équipement (soit 11,9 milliards de francs annulés depuis le début de 1995). Dans ces circonstances, s'appuyer sur les fonds de concours et les crédits de report pour augmenter artificiellement des crédits réduits en cours d'exercice ne semble pas opportun.

2. Orientations traduites par le projet de budget de la défense pour 1996

- Les crédits de fonctionnement progressent , pensions comprises, de 2,6 %, et de 1,3 % hors pensions. Cette augmentation s'explique par la croissance des moyens affectés aux rémunérations et aux charges sociales (+ 1,5 %), du fait des hausses concernant l'ensemble de la fonction publique intervenues en 1995. Les crédits de fonctionnement progresseront quant à eux de 0,74 %, ce qui pourrait permettre de maintenir les activités opérationnelles des armées.

- Les crédits d'équipement (titre V) baisseront de 6,47 %, passant de 94,182 milliards de francs votés pour 1995 à 88,084 milliards de francs prévus en 1996. Si l'on se réfère aux crédits de 1995 après le collectif de printemps, on constate une hausse modeste de 0,4 %. Par rapport à la deuxième annuité de la loi de programmation , à laquelle il n'est pas pleinement opportun de se référer, on constate un décalage de 10,1 % par rapport aux 105,7 milliards de francs prévus par la loi. Ces économies résultent néanmoins, ainsi que M. le ministre de la Défense l'a fait observer à votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, d'économies de gestion, attendues d'une meilleure organisation et d'un effort de maîtrise des coûts, et d'économies de constatation liées à des retards industriels.

B. L'EFFORT DE RIGUEUR DEMANDÉ À L'ARMÉE DE TERRE EN 1996

La dotation de l'armée de terre prévue pour 1996 est soumise à la double contrainte de contribuer -comme elle le fait depuis des années- à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, tout en évitant de traduire des choix irréversibles qui pourraient infléchir les réflexions actuellement conduites par le comité stratégique.

Dans l'ensemble, cette dotation préserve des conditions de vie et d'entraînement des forces, et se traduit par un nouvel étalement du déroulement de nombreux programmes d'équipement.

. Les crédits destinés à l'armée de terre dans le projet de budget pour 1996 s'élèvent à 49 242,718 millions de francs, soit une baisse en francs courants de 0,38 % par rapport à la dotation inscrite dans le projet de la loi de finances initiale pour 1995.

. La dotation des forces terrestres représente 25,86 % du budget de la défense prévu pour 1996, ce qui traduit une légère augmentation par rapport aux 25,44 % inscrits dans le budget 1995 et aux 25,38 % prévus par le budget 1994.

- La répartition des crédits entre les titres III (fonctionnement) et V (équipements) traduit la poursuite de la réévaluation de la part des dépenses de fonctionnement (60,25 % de la dotation en 1996 ; 59 % en 1995) par rapport au titre V (39,74 % de la dotation en 1996 ; 41 % en 1995).

1. Les crédits de fonctionnement (titre III) : une augmentation liée à l'évolution des rémunérations

Les crédits de fonctionnement inscrits dans le présent projet de budget s'élèvent à 29 673,354 millions de francs, et augmentent de 1,58 %. Cette progression est conforme à la hausse globale observée pour l'ensemble du budget de la défense (1,3 % hors pensions, 2,6 % pensions comprises).

Le tableau ci-après montre la répartition des crédits de fonctionnement de l'armée de terre entre les différentes catégories de dépenses.

Dotation 1995

Dotation 1996

Evolution

1996/1995

Part dans

l'ensemble du

titre III

1990

Part constatée

en 1995

Chap. 31-03

Rémunération des personnels militaires

19 751,84

20 245,81

+2,5 %

68,24 %

66,55 %

Chap. 33-90 et 33-91

(charges sociales payées par l'Etat)

2 050,49

2 052,65

+ 0,11%

6,92 %

7,27 %

Total rémunérations + charges sociales

21 802,28

22 298,46

+ 2,27 %

75,14 %

74,01 %

Chap. 34-10

Alimentation

1 697,55

1 711,932

+ 0,85 %

5,77 %

5,93 %

Chap. 34-04

Fonctionnement

5 477,968

5 430,535

- 0,87 %

18,30 %

19,32 %

Chap. 34-20

Entretien programmé des matériels (résiduel)

228,63

228,63

-

0,77 %

0,77 %

TOTAL titre III

29 210,512

29 673,354

+ 1,58 %

-

-

a) L'augmentation des dépenses liées aux personnels (rémunérations + charges sociales) ne fait pas réellement progresser la condition militaire

Le total des rémunérations des personnels en activité et des charges sociales s'élève à 22 298,46 millions de francs, en hausse de 2,27 % par rapport au précédent projet de loi de finances, et représente à lui seul quelque 75 % du titre III de l'armée de terre.

L'augmentation de 2,27 % qui caractérise le présent projet de budget tient aux rémunérations, qui progressent de 2,5 %, alors que les charges sociales n'augmentent que de 0,11 %.

Cette augmentation traduit notamment les mesures destinées à améliorer les rémunérations en 1996 :

. Le montant des mesures liées à l' application du protocole Durafour pour 1996 s'élèvera à 175,673 millions de francs pour l'ensemble des militaires d'active des trois armées, de la gendarmerie et des services , soit, pour la seule armée de terre , à 50,834 millions de francs . Dans ce total, le versement de la 7e tranche de la nouvelle bonification indiciaire représentera 40,89 millions de francs pour l'armée de terre.

Les moyens mis en oeuvre du fait de l'application du protocole Durafour ne sont toutefois pas spécifiques aux militaires , et l'on ne peut dès lors les considérer comme un aspect de l'amélioration de la condition militaire, même si le protocole Durafour y contribue.

. Le coût de l'ensemble des mesures spécifiquement destinées aux militaires s'élève, en ce qui concerne l'armée de terre, à 106,72 millions de francs. Parmi ces mesures, les mesures catégorielles (augmentation du nombre de cellules-emploi, du nombre d'appelés VSL « préqualification » et transformation de postes de 2ème classe en 20 postes d'aspirants et 82 de sergents), dont le coût représente quelque 15,88 millions de francs, concernent les appelés du contingent .

Parmi les réévaluations d'indemnités destinées à une meilleure prise en compte du coût de la vie, auxquelles sont consacrés 87,07 millions de francs), 34,37 millions de francs sont destinés aux appelés (revalorisation de + 1,4 % de la prime de service en campagne du personnel appelé, augmentation de + 2,62 % du prêt des appelés). Les mesures liées au coût de la vie pour les personnels de l'armée de terre engagés, sous contrat et de carrière représentent donc 52,7 millions de francs . C'est à ce chiffre que s'élève la dépense vraiment destinée à l' amélioration de la condition militaire de l'armée de terre . De manière générale, cette politique est conçue de façon à améliorer les rémunérations des personnels les moins favorisés et les plus assujettis aux contraintes du service (d'où l'augmentation des indemnités telles que l'indemnité de séjour en Allemagne, de déminage, de travaux en scaphandre, et que le complément spécial pour charges militaires de sécurité).

Dans l'effort relatif à l'amélioration de la condition militaire s'inscrit également le dispositif d'aide à l'accession à la propriété. A cet égard, on ne saurait toutefois considérer comme une aide susbtantielle le cumul d'un prêt sans intérêt plafonné à 40 000 F et d'un prêt bonifié dont le montant maximum est limité à 195 000 F.

On remarque que, en dépit des améliorations apportées par le plan de revalorisation de la condition militaire mis en oeuvre en 1989 (et qui portait essentiellement sur l'augmentation de l'indemnité pour charges militaires), et par le Plan Durafour, les remunérations militaires demeurent très modestes. Si, en effet, on se réfère à la rémunération globale (solde de base + indemnités) et au taux célibataires, un capitaine gagnait, au 1er janvier 1995, 13 749 francs par mois (11 448 francs au 1er janvier 1989). La rémunération d'un adjudant est passée de 8 662 F à 10 331 F entre 1989 et 1995, celle des caporaux-chefs, de 6 170 F à 7 299 F. Les militaires du rang engagés de 1ère classe gagnaient 4 094 F en 1989, 5 771 F en 1995. Malgré un effort réel, ayant permis une augmentation d'environ 20 % en francs courants des soldes + indemnités, on ne saurait donc prétendre que les militaires sont des nantis .

Il est probable que, dans la perspective aujourd'hui envisagée de la professionnalisation intégrale, la revalorisation des rémunérations militaires devrait être envisagée pour rendre ces carrières plus attractives .

Enfin, les crédits affectés aux rémunérations dans le projet de loi de finances pour 1996 sont également la conséquence de l'évolution des effectifs, sur laquelle votre rapporteur reviendra ultérieurement (voir infra, C) :

. création de 100 postes d'engagés volontaires,

. déflation de 2 471 postes d'appelés et de 55 postes d'officiers,

. transformation de 108 postes de militaires du rang du contingent en 26 postes d'aspirants et 82 postes de sergents appelés.

b) L'augmentation modeste des crédits destinés à l'alimentation

L'évolution du chapitre 34-10 (+ 0,85 %) résulte, d'une part, d'une actualisation au taux de 2 % des crédits destinés à l'alimentation (1,37 % en 1995) et, d'autre part, de la politique des effectifs prévue pour 1996 (création de 100 postes d'EVAT, suppression de 2 471 postes d'appelés et de 55 postes d'officiers, et transformation de 108 postes d'appelés militaires du rang en postes d'aspirants et de sergents).

Par ailleurs, le taux de la prime globale d'alimentation en métropole passera à 24,30 F en 1996 au lieu de 23,90 F en 1995.

Votre rapporteur rappelle une fois encore que la prise en charge, par l'Etat, de la totalité des repas de service de midi des personnels militaires de l'armée de terre permettrait enfin, et de manière très opportune, de mettre fin à une différence de traitement inexplicable entre les personnels des forces terrestres et ceux des autres armées. Le coût d'une telle mesure a été estimé à 300 millions de francs, et pourrait être engagé de manière progressive, sur plusieurs années. Il s'agirait là d'une contribution très bien venue à l'amélioration de la condition des personnels de l'armée de terre .

c) La diminution des crédits d'entretien des casernements

Les crédits inscrits au chapitre 34-04, article 92 (entretien des immeubles et du domaine militaire) diminuent de 4,42 % (après la diminution de 7,4 % inscrite dans le précédent projet de loi de finances) et passent de 571,19 à 545,89 millions de francs.

D'autre part, les crédits inscrits à l'article 10-30 (entretien et activités des forces-masse de casernement) passeront de 201,1 à 213,5 millions de francs, soit une augmentation de + 5,61 %. Ces crédits ont été déconcentrés depuis 1992, leur gestion relève donc des chefs de corps.

Le total des crédits consacrés à l'entretien des immeubles sera donc en baisse de 2 % par rapport à 1995, et représentera 757,3 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1996 au lieu de 773,3 millions de francs en 1995.

Les dépenses prévues pour 1995-1996 concernent la réfection des toitures, les voiries et réseaux d'eau, d'électricité et de téléphone, la sécurité des personnes et des immeubles, la réfection intérieure des logements des militaires du rang et des cadres sous-officiers célibataires, ainsi que les installations des camps nationaux dans le cadre du plan Marty.

Il semble que la réduction du format de l'armée de terre ne doive pas se traduire par des économies substantielles de ces postes, notamment parce que l'entretien minimum des immeubles non vendus et devenus inutiles doit continuer à être assuré.

Les crédits destinés à l'entretien des immeubles permettent néanmoins de consacrer à ceux-ci 33 F par m² environ, certes en retrait par rapport à la norme de 55 F par m² définie par le génie. Mais votre rapporteur est conscient de l'impossibilité d'appliquer actuellement des normes idéales, eu égard à l'effort de contraction des dépenses publiques actuellement entrepris.

d) L'évolution contrastée des crédits destinés à l'entraînement des forces

Les crédits affectés à l'entraînement des forces (carburants et munitions) sont présentés comme compatibles avec l'objectif traditionnel de 100 jours annuels de sortie, dont 50 avec matériels organiques .

On remarque néanmoins l'évolution contrastée de ces deux postes .

. Les crédits destinés aux carburants passent ainsi de 610,3 à 588,8 millions de francs, soit une diminution de 3,52 % qui succède à la baisse de 2,89 % observée à l'occasion de l'examen du précédent projet de loi de finances. Le projet de budget pour 1996 prévoit toutefois une préservation des volumes des produits pétroliers, qui sera effective si l'hypothèse d'un dollar à 4,90 F et d'un baril de pétrole à 16,9 dollars se vérifie durant toute l'année.

. La dotation en munitions d'instruction (chapitre 53-80, article 34) connaît une évolution relativement favorable en crédits de paiement, puisqu'elle passe de 602,8 millions de francs à 635 millions de francs, soit une augmentation de 5,3 %.

. La dotation globale en munitions (chapitre 53-80, articles 34 et 35) évolue différemment en AP et en CP, ainsi que le montre le tableau suivant :

Dotation en munitions

1995

1996

Variation

1996/1995

AP

1 579 millions de francs

1 428 millions de francs

- 9,5 %

CP

1 818 millions de francs

1 982 millions de francs

+ 9 %

Le maintien de la capacité opérationnelle des forces terrestres paraît possible, du fait de la réduction des besoins attendue d'un recours accru à la simulation et de la réduction de format de l'armée de terre, et au prix d'une gestion très économe des crédits de carburants et de munitions. De plus, l'accélération de l'évolution technologique est telle qu'il peut être opportun d'éviter de constituer des stocks très importants, qui présenteraient l'inconvénient de se périmer rapidement.

Par ailleurs, votre rapporteur est conscient que, dans le contexte budgétaire très tendu que nous connaissons aujourd'hui, les postes liés à l'entraînement des forces offrent la seule marge de manoeuvre possible dans la recherche d'économies sur le titre III. En effet, le montant des crédits de fonctionnement résulte, pour l'essentiel, des chapitres dont le montant est induit par les effectifs (rémunérations, charges sociales, alimentation) et sur lesquels aucune recherche d'économie n'est a priori possible.

2. L'évolution contrastée des crédits d'équipement

Les crédits d'équipement de l'armée de terre passe, de loi de finances initiale à projet de loi de finances, de 20 226,335 à 19 569,364 millions de francs, soit une diminution de 3,24 % en crédits de paiement. Selon les informations transmises à votre rapporteur, si l'on se réfère aux crédits disponibles , il convient d'ajouter aux 19 569,364 millions de francs inscrits dans le présent projet de loi de finances :

- une prévision de rentrée de fonds de concours d'un montant de 289 millions de francs,

- et l'autorisation de consommer 1 058 millions de francs de crédits de report à la fin de 1995, crédits de report qui seront probablement devenus théoriques dans la perspective du collectif de fin d'année,

soit un total de 20 916,364 millions de francs de crédits d'équipement . Comparés aux crédits disponibles en 1995 (1 952 millions de francs de crédits de report, 338 millions de francs de fonds de concours et 1 844 millions de francs en crédits de paiement annulés), les crédits disponibles pour 1996 augmentent (en ce qui concerne les crédits de paiement) de 1,18 %.

Enfin, bien que la comparaison avec les efforts prévus par la loi de programmation paraisse désormais caduque, notons que les crédits d'équipement de l'armée de terre sont inférieurs de 2 843 millions de francs par rapport au niveau prévu par la loi de programmation, soit un décalage de 12 %.

a) Vue d'ensemble du titre V

Le tableau ci-après retrace l'évolution des principaux postes du titre V, de loi de finances initiale en projet de loi de finances :

AP

(millions de francs courants

CP

(millions de francs courants

Part dans le titre V

en 1996

LF1 1995

PLF 1996

Variation

1996/1995

LF1 1995

PLF 1996

Variation 1996/1995

AP

CP

Espace (chap. 51-60)

62,2

36,7

- 41 %

33,8

21

- 37,8 %

0,16 %

0,1 %

Autres recherches-études- développement

(chap. 51-60 et 51-80)

3 405,8

3 166,4

- 7,03 %

2 692,4

2 974,5

+ 10,48 %

15,8 %

15,2 %

Fabrications

(chap. 53-80) dont :

13 644,435

13 775,764

+ 0,9 %

13 809,7

13 561,364

- 1,79 %

68,88 %

69,29 %

HCCA (habillement, campement, couchage et ameublement ou « Entretien programmé des personnels »)

articles 58-59

1 466

1 518,6

+ 3,59 %

1 378,7

1 341

- 2,69 %

7,59 %

6,85 %

EPM (entretien programmé des matériels)

articles 55-56-57

2 628,2

2 534,4

- 3,57 %

2 572

2 077

- 19,24 %

12,66 %

10,61 %

Infrastructures

(chap. 54-40)

3 389

3 019,5

- 10,9 %

3 293,6

3 012,5

- 8,53 %

15 %

15,39 %

(subvention au musée de l'armée)

(24,85)

(10)

(23,85)

(10)

TOTAL TITRE V

20 526,335

19 998,364

- 2,57 %

20 226,335

19 569,364

- 3,34 %

-

-

De loi de finances initiale à projet de loi de finances, l'ensemble du titre V baisse donc de - 2,57 % en autorisations de programme, et de - 3,24 % en crédits de paiement. Les postes dont la diminution est la plus nette sont l'infrastructure (- 10,9 % en AP ; - 8,5 % en CP) et l'entretien programmé des matériels (- 3,5 % en AP ; - 19,24 % en CP). Si les recherches-études-développement baissent de - 7 % en AP, en revanche elles augmentent de 10,48 % en CP. On remarque également la diminution sensible des crédits destinés à l'espace (- 41 % en AP, - 37,8 en CP). L'évolution des crédits destinés aux fabrications (chapitre 53-80, HCCA et entretien programmé des matériels inclus) est moins abrupte (+ 0,9 % en AP ; - 1,79 % en CP).

b) La baisse des crédits destinés à l' « entretien programmé des personnels »

Les crédits d' habillement-campement-couchage-ameublement (HCCA), destinés à l' « entretien programmé des personnels », augmentent de 3,59 % en autorisation de programme (1 518,6 millions de francs) et baissent de 2,73 % en crédits de paiement (1 341 millions de francs).

L'importance des efforts rendus nécessaires, par le développement des opérations extérieures, en matière d' « entretien programmé des personnels », ne permet donc pas de réaliser sur ce poste les économies qu'on aurait pu attendre du resserrement de format de l'armée de terre.

Les besoins en HCCA sont liés à l' emploi intensif des matériels en opérations extérieures , qui génère une usure plus rapide et accélère en conséquence le besoin de renouvellement. Les opérations de renouvellement sont estimées à 80 % de la dotation en moyenne.

Les mesures nouvelles visent à assurer la protection individuelle des combattants soumis, dans le contexte des opérations extérieures, à des risques substantiels.

Le tableau ci-après montre ainsi la priorité attachée à l'équipement des personnels participant aux opérations extérieures, comme l'atteste l'augmentation des moyens consacrés aux gilets pare-balles et casques composites entre 1994 et 1995.

1994 (en millions de francs)

1995 (en millions de francs)

Equipement NBC

37

12,24

Gilet pare-balles

19,4

67,32

Casque composite

25,5

42,84

Equipement de protection démineurs

-

3,06

c) La diminution sensible des crédits affectés à l'entretien programmé des matériels

La dotation affectée à l'entretien programmé des matériels (titre V) baisse de 3,57 % en autorisation de programme et passe de 2 628,2 à 2 533,4 millions de francs. En crédits de paiement, la baisse est de 19,24 %, soit 2 077 millions de francs au lieu de 2 572.

Ces économies sont obtenues notamment au prix du stockage de 20 hélicoptères (10 Gazelle et 10 Puma), qui s'ajoutent aux 58 hélicoptères déjà « mis sous cocon » en 1995 (20 Puma, 2 Gazelle et 36 Alouette). Cette pratique pourrait éventuellement être justifiée par l'état de la menace, qui ne semble plus désormais exiger la disponibilité simultanée de tous les matériels. Elle s'explique surtout, dans le contexte budgétaire actuel, par le souci de prolonger au maximum la durée de vie des matériels qu'il convient d'économiser.

Si l'on totalise les crédits d'EPM résiduels inscrits sur le titre III et la dotation inscrite sur le titre V, on obtient les crédits suivants :

EPM

LF1 1995

(en millions de francs)

PLF 1996

(en millions de francs)

Variation 1996/1995

Titre III (chapitre 34-20, articles 21-22)

228,63

228,63

-

Titre V (chapitre 53-80, articles 55-56-57)

(CP)

2 572

(CP)

2 077

- 19,24 %

TOTAL

2 800,63

2 305,63

- 17,67 %

La réduction des crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels s'est traduite par la mise en place d'une nouvelle politique d'entretien et de soutien des matériels , fondée non plus sur des révisions systématiques, mais sur des réparations au coup par coup, selon les besoins. Il convient d'espérer que la modification du cycle d'entretien des matériels terrestres n'aura pas d'effets négatifs sur la durée de vie de ceux-ci, au moment même où il est nécessaire d'économiser ces matériels.

d) La baisse des crédits destinés à l'infrastructure

Les crédits destinés à l'infrastructure baissent de - 10,9% en autorisations de programme (celles-ci passant de 3 389 à 3 019,5 millions de francs), et de - 8,53 % en crédits de paiement (3 012,5 millions de francs au lieu de 3 293,6).

Compte-tenu des 189 millions de francs de fonds de concours attendus en 1996, les crédits effectivement disponibles en 1996 devraient s'élever à 3 201,5 millions de francs.

Les dépenses imputables aux restructurations et à l'arrivée des nouveaux matériels devant impérativement être assurées en priorité, la réduction des crédits d'infrastructure se traduira, en 1996, par le report des travaux concernant 15 à 20 établissements et régiments .

La diminution de ces moyens appelle les commentaires suivants :

- le resserrement du format de l'armée de terre ne permet pas, à court terme, d'espérer d'économies substantielles sur le poste infrastructures . En effet, l'armée de terre doit continuer à assurer le gardiennage et l'entretien minimum des immeubles qui, libérés par les forces terrestres, n'ont pas été rachetés ;

- les nouveaux matériels sont à l'origine de besoins spécifiques , pour assurer leur conservation dans les meilleures conditions.

e) Le suivi des programmes terrestres préserve l'avenir en évitant tout choix irréversible

Les crédits destinés au suivi des programmes d'armement terrestre (recherches, études, développements et fabrications) devraient permettre de maintenir la capacité opérationnelle de l'armée de terre. Si, en effet, aucun abandon de programme n'est envisagé dans le cadre du présent projet de loi de finances, ces crédits induisent néanmoins certains reports (de l'ordre de six mois à un an) d'industrialisation ou de fabrication. La prochaine loi de programmation, qui sera soumise au Parlement au printemps 1996, redéfinira les objectifs retenus en matière de fabrication, en fonction des arbitrages effectués par les plus hautes autorités de l'Etat.

. L'évolution des crédits destinés aux recherches-études-développement est plus favorable en crédits de paiement (+ 11,25 %) qu'en autorisations de programme (- 5,95 %). Cette évolution peut en partie s'expliquer par le fait que la plupart des programmes terrestres étant parvenus au stade de fabrication, le maintien d'un effort substantiel en amont ne s'impose plus dans des proportions semblables à celles que l'on observait par le passé. Elle traduit néanmoins une préférence pour le présent qui peut paraître préoccupante car elle conduit à négliger la préparation des équipements du futur dont dépend la compétitivité de nos industries de défense à moyen et long termes. Le cas des Etats-Unis, où la recherche-développement et l'ensemble des dépenses amont font désormais l'objet d'un effort substantiel, devrait être un exemple à suivre.

. Les crédits consacrés aux fabrications de matériels d'armement stricto sensu (hors dotations en HCCA et EPM inscrites, elles aussi, au chapitre 53-80), s'élèvent à 10 143 millions de francs en CP et à 9 723 millions de francs en AP.

Par rapport aux mêmes grandeurs inscrites dans la loi de finances initiale de 1995 (9 570,23 millions de francs en AP et 9 589,6 en CP), l'évolution est de :

- + 2,8 % CP,

- + 1,54 % en AP.

Les moyens consacrés à la fabrication des matériels terrestres sont donc très considérables , puisqu'ils s'élèvent à 10,14 milliards de francs en CP et à 9,7 milliards de francs en AP. Si l'on ajoute les moyens consacrés au développement de ces matériels (2 954,8 millions de francs en AP en 1995 ; 2 716,4 en AP en 1996 ; et 2 256,6 en CP en 1995 ; 2 615,6 en CP en 1996), les crédits globaux s'élèveront en 1996 à 12,4 milliards de francs en AP, et à 12,7 milliards de francs en CP.

Or, eu égard à la montée en puissance simultanée, depuis le début de cette décennie, de matériels majeurs au coût très élevé et des programmes de cohérence opérationnelle dont la nécessité a été soulignée lors de la crise du Golfe, les moyens consacrés aux fabrications d'armement en 1996 se traduiront par le report (de six mois à un an) de la poursuite de plusieurs programmes. On ne peut pourtant déduire de ces rééchelonnements que l'effort actuel est insuffisant.

Les principaux programmes se partagent entre programmes majeurs et programmes de cohérence opérationnelle. Les aspects techniques de ces programmes ayant été abondamment commentés lors de l'examen de la loi de programmation, votre rapporteur se bornera ci-après à un exposé succinct du contenu de chacun d'eux et des échéances désormais retenues en matière de commandes et de livraisons.

(1) Les programmes majeurs

Les programmes majeurs sont le char Leclerc, l'hélicoptère de combat HAP-HAC, l'hélicoptère de transport tactique NH90, le lance-roquettes multiples phase III, le radar de contrebatterie Cobra, les systèmes de défense sol-air, les systèmes antichars et les moyens d'observation et de surveillance du champ de bataille.

. A la fabrication du char Leclerc seront consacrés 1 654 millions de francs en CP (soit - 12 % par rapport aux 1 880,7 millions de francs prévus dans le cadre du projet de budget 1995), et 2 042 millions de francs en AP (soit + 10,85 % par rapport aux 1 842 millions de francs prévus par le précédent projet de budget). Si l'on tient compte des crédits encore consacrés au développement du Leclerc, 2 044 millions de francs (en AP) et 1 697 millions de francs (CP) seront affectés à ce programme en 1996.

Les commandes concerneront, en 1996 comme en 1995, 44 unités (222 engins ont été commandés avant 1996). En 1996 seront livrés 40 appareils (même cible qu'en 1995), qui s'ajouteront aux 89 chars livrés avant 1996, sur un objectif total de 650 chars. Rappelons que la cible initiale a été de 1 400 unités, et que seules les commandes à l'exportation permettent d'assurer le déroulement satisfaisant du programme . A ce jour, depuis le choix effectué par la Suède en faveur du Léopard II allemand, seuls les pays du Golfe persique sont encore intéressés par le Leclerc. Outre l'exportation en cours avec les Emirats arabes unis, qui ont commandé 390 appareils, des contacts se poursuivent avec l'Arabie saoudite. Notons que, en dépit de la réduction de la cadence de fabrication de 100 à 44 chars par an, le prix absolu du char Leclerc serait le même aujourd'hui qu'au 1er janvier 1990, du fait d'une diminution du prix évaluée à quelque 20 %. 2 ( * )

. Le programme d' hélicoptère de combat Tigre (HAP-HAC) , mené en coopération avec l'Allemagne, bénéficiera, développement et fabrication confondus, de 310 millions de francs en AP (314,4 millions de francs en 1995) et de 354 millions de francs en CP (767,9 millions de francs en 1995, soit une baisse de - 53,9 %). Sur les 41 874 millions de francs constituant le coût total du programme, 1 108 avaient été consommés à la fin de l'année 1994.

Aucune commande n'est prévue en 1996. La cible, désormais théorique, de 215 appareils est toujours maintenue pour la France (115 en version antipersonnel et 100 en version antichar). L'Allemagne a confirmé sa cible de 212 appareils en version multirôle UHU. Il y a un an, il était prévu de commander 37 hélicoptères d'ici l'an 2000. Après décalage d'un an des premières livraisons, celles-ci devraient intervenir en 2001. Néanmoins, les décisions néerlandaise (en avril 1995) puis britannique (en juillet 1995) de s'équiper d'hélicoptères Apache semblent avoir gravement compromis le programme Tigre , dont le développement sera achevé en 1996. Peut-être convient-il de voir dans ces choix une illustration des difficultés qui caractérisent la coopération européenne en matière d'armement.

. Le programme d' hélicoptère de transport tactique NH 90 devait, d'après la loi de programmation militaire 1995-2000, faire l'objet d'une redéfinition en 1997. Ce rendez-vous sera avancé d'une année, du fait de l'adoption, au printemps 1996, de la prochaine loi de programmation militaire. Il est probable que l'abandon du NH 90 se traduirait par des pertes financières importantes, eu égard au versement de dédits estimés supérieurs au besoin de financement permettant de parvenir à la fin de la phase de développement.

Le coût total du développement du programme est estimé à 2 650 millions de francs, celui des coûts de production à 1 767 millions de francs. Le prix unitaire en version transport tactique est estimé à 129 millions de francs. A la fin de l'année 1994 avaient été consommés 944 millions de francs. En 1996 seront consacrés 159 millions de francs en AP (222 en 1995) et 107 en CP (116,6 en 1995).

Dans l'hypothèse où ce programme serait maintenu par la prochaine loi de programmation, il importera de redéfinir les spécifications du NH 90, de manière à réduire susbtantiellement le coût de ce programme (dans des proportions estimées à 20-30 %) qui demeure important au regard de l'effort actuellement accompli dans le domaine de la mobilité. Le financement simultané du Tigre et du NH 90, dont la nécessité a toujours été plus apparente pour la marine que pour l'armée de terre, ne paraît pas toutefois pouvoir être poursuivi au rythme et selon les modalités prévues dans le contexte économique actuel.

. Le développement du LRM phase III a été affecté par le retrait des partenaires américain, allemand et britannique . Depuis 1994, la France poursuit donc seule ce programme qui ne comporte plus que la sous-munition. Les crédits consacrés au LRM phase III augmentent considérablement : les AP passent, en effet, de 49,7 à 130 millions de francs, et les CP, de 18,6 à 58 millions de francs. Les premières livraisons ne sont pas prévues avant 2003. Le calendrier ne comporte encore pas de commande.

. Le radar de contrebatterie Cobra , qui se situe encore en développement, subit de nouvelles contractions. Les AP, qui s'élevaient à 153 millions de francs en 1994 et à 11,5 millions de francs en 1995, ne sont plus que de 2,7 millions de francs dans le présent projet de budget. Les CP sont passés de 133,5 millions de francs en 1994 à 76,5 millions de francs en 1995, et réduits à 31,5 millions de francs par le projet de loi de finances pour 1996. Ces réductions induiront le report de la phase d'industrialisation, repoussée de six mois à un an. Aucun échéancier de commande (ni, a fortiori, de livraison) n'a encore été adopté. Les incertitudes relatives à la participation allemande à ce programme conçu en coopération expliquent probablement les restrictions dont ce matériel fait l'objet.

. Les systèmes de défense sol-air comprennent des systèmes à moyenne portée (SAMP), des systèmes à courte portée (SACP) et des systèmes à très courte portée (SATCP).

- La fabrication du SATCP Mistral est poursuivie. Les autorisations de programme passent de 302,5 à 41,5 millions de francs et les crédits de paiement de 322,1 à 377 millions de francs. Sur les 380 postes de tir et 5 500 missiles qui constituent la cible, avant 1996 auront été commandés 380 postes de tir et 1 970 missiles, et 315 postes de tir et 1 400 missiles auront été livrés. Si aucune commande n'est prévue en 1996, 570 livraisons sont envisagées.

- Au SAMP seront consacrés, en 1996, 117 millions de francs en AP (218 en 1995) et 214 en CP (254,2 en 1995). 912 millions de francs ont été consommés à la fin de 1994 sur un coût total estimé à 2 157 millions de francs. La cible comprend 16 unités de tir et 900 missiles. L'échéancier des commandes et des livraisons n'a encore fait l'objet d'aucune prévision. La phase d'industrialisation est reportée de 6 mois à un an du fait de la baisse des crédits inscrits dans le présent projet de budget.

. Les systèmes antichars comprennent les missiles AC 3G MP (antichars troisième génération de moyenne portée), AC 3G LP (de longue durée) et ACCP (antichars de courte portée) Eryx.

- Au système ACCP Eryx pourraient être consacrés en 1996 267 millions de francs en AP (203 en 1995) et 156 millions de francs en CP (78 en 1995). Les commandes prévues pour 1996 concernent 200 postes de tir (200 auraient été commandés successivement en 1994 et 1995) et 1 600 missiles (2 000 avaient été commandés en 1994, 3 000 en 1995). Les livraisons porteront sur 160 postes de tir en 1996 (150 en 1994 et 1995) et sur 1 600 missiles (1 400 en 1994 et 1995).

- Le système AC 3G MP fait l'objet de sensibles restrictions. Aux AP devraient être consacrés 20 millions de francs en 1996 (101,7 en 1995) et aux CP, 70 millions de francs (92,1 en 1995). Cette réduction se traduira par un report de 6 mois à un an de la phase d'indemnisation. La cible comporte 730 postes de tir et 13 000 missiles. Aucune échéance n'est encore précisée.

- Le système AC 3G LP , destiné à équiper l'hélicoptère Tigre version antichar est développé en coopération avec l'Allemagne et le Royaume-Uni. Les AP seront réduites à 166 millions de francs en 1996 (242 en 1995), et les CP représenteront 175 millions de francs (171 en 1995), ce qui conduit à reporter la phase d'industrialisation de 6 mois à un an. L'objectif est fixé à 140 postes de tir et 3 600 missiles. Aucune commande n'est encore prévue.

. Les moyens d'observation et de surveillance du champ de bataille

- Le programme Horizon répond à un besoin de renseignement essentiel mis en évidence lors de la guerre du Golfe. 27 millions de francs sont prévus en AP dans le présent projet de loi de finances (20 en 1995), et 13 millions de francs en CP (21 en 1995). L'échéancier comprend la livraison, en 1996, d'un système d'observation (chaque système est constitué de deux hélicoptères équipés de radar Doppler et d'une station au sol d'exploitation de renseignement).

- L' aérodyne léger télépiloté-Brevel , développé en coopération avec l'Allemagne, n'est financé que depuis 1995. Les crédits consacrés à ce programme sont stables : 159 millions de francs en AP en 1995, 149 en 1996, et 116,5 millions de francs en CP en 1995, 110 en 1996. La cible prévoit 5 systèmes sol et 35 aérodynes. Les livraisons ne sont pas envisagées avant l'an 2000, c'est pourquoi l'échéancier ne comporte encore aucune prévision.

- Le système d'information et de commandement des forces SIC-F est destiné à succéder au système informatique de commandement (SIC) de première génération. Le programme ne se situe encore qu'en phase de définition. Aucune échéance n'est donc prévue. La cible est de 4 PC de division « renforcée », 8 PC de division minimum, et 2 configurations destinées à la formation des personnels. Les moyens consacrés à ce programme par le présent projet de loi de finances s'élèvent à 43,5 millions de francs en AP (92,7 millions de francs en 1995) et à 48,7 millions de francs en CP (45,1 millions de francs en 1995).

Le poste de radio de 4e génération (PR 4G) est un élément du système de transmissions techniques de l'armée de terre. Aux autorisations de programme seront consacrés 572 millions de francs par le projet de budget pour 1996 (907 en 1995), et aux crédits de paiement, 469 millions de francs (468 en 1995). A la fin de 1995 auront été commandés 8 810 appareils et livrés 6 217. En 1996 seront commandés 2 020 appareils et livrés 3 095. La poursuite de ce programme s'effectue à un coût et à un rythme très satisfaisants : 80 % des postes devraient être livrés d'ici 2000.

(2) Les programmes de cohérence opérationnelle

- Le véhicule blindé modulaire (VBM) constitue une famille de blindés destinés à remplacer, à partir de 2002, les véhicules actuels (transports de troupes, PC, blindés légers armés), et à satisfaire les nouveaux besoins opérationnels liés notamment à l'accompagnement du char Leclerc.

Encore au stade des études de faisabilité, le VBM devrait être réalisé en coopération avec l'Allemagne. Les versions françaises retenues sont :

- le véhicule de transport de troupes (VTT),

- le véhicule poste de commandement (VPC),

- le véhicule d'appui direct (VAD),

- le véhicule porte système d'armes (VPSA),

- le véhicule de détection et de contre-mesures (VDCM).

Le concept de VBM s'appuie, en effet, sur la possibilité de réaliser des véhicules différents exploitant des ensembles, sous-ensembles et parties communes ou complémentaires.

Environ 3 000 véhicules pourraient être envisagés. Au développement de ce programme seront consacrés 150 millions de francs en AP en 1996 (85 en 1995), et 64 millions de francs en CP (37,3 en 1995).

- Le véhicule blindé léger (VBL) a révélé son importance au cours des opérations extérieures, d'où une augmentation des commandes et des crédits. En 1996 seront livrés 140 véhicules, soit une relative accélération de la cadence par rapport aux 100 et 110 véhicules livrés en 1994 et 1995. Aucune commande n'est néanmoins prévue pour 1996. Les crédits sont réduits, s'agissant des AP, de 143 à 24 millions de francs et, en ce qui concerne les CP, de 187 à 133 millions de francs.

*

* *

Le tableau ci-après récapitule les moyens consacrés à chaque grande famille de matériels en 1995 et 1996.

1995

1996

AP

(en millions de francs)

CP

(en millions de francs)

AP

(en millions de francs)

CP

(en millions de francs)

Blindés 3 ( * )

2 224

2 127

2 297

1 988

Véhicules du génie 4 ( * )

138

176

124

155

Hélicoptères 5 ( * )

378

180

22

162

Mobilité 6 ( * )

456

405

498

547

Munitions 7 ( * )

644

553,7

653,5

734

Communication 8 ( * )

970

519

572

480

Artillerie 9 ( * )

742

827,3

160

637

Renseignement 10 ( * )

129,1

121

27

26

Pour conclure sur le suivi des grands programmes, rappelons que, en dépit des révisions de cibles et des rééchelonnements prévus par le projet de loi de finances, de substantiels progrès seront permis dans le domaine du renouvellement des blindés (44 Leclerc et 140 VBL seront livrés en 1996), de la puissance de feu (160 ACCP Eryx seront livrés), de la mobilité (livraison de 198 TRM 10 000, poursuite de développement du NH 90), et du renseignement (poursuite de l'équipement en PR 4G et de la livraison du système Horizon).

Il n'en demeure pas moins que des arbitrages devront être déterminés par la prochaine loi de programmation. La poursuite simultanée de nombreux programmes majeurs ne paraît, en effet, pas envisageable dans le contexte actuel de maîtrise de dépenses publiques.

L'effort de rigueur actuellement mis en oeuvre doit donc être l'occasion d'une redéfinition de la politique industrielle de la Défense. Celle-ci devra dynamiser les exportations des matériels d'armement, auxquelles est subordonné l'avenir de nos industries de défense. C'est néanmoins au prix d'efforts substantiels en termes de réduction des coûts et, par conséquent, de révision des spécifications des matériels, qu'une telle évolution pourra être obtenue.

C. LA POURSUITE DE LA CONTRACTION DU FORMAT DE L'ARMÉE DE TERRE EN 1996

En 1996, seront poursuivies la déflation des effectifs et les restructurations conduites, à un rythme plus qu'accéléré, depuis 1991, et qui attestent l'immense capacité des forces terrestres à s'adapter à une situation en mutation permanente. La situation transitoire dans laquelle nous nous trouvons, avant les décisions que traduira la prochaine loi de programmation, explique que le projet de budget pour 1996 laisse ouverts un certain nombre de problèmes posés par l'évolution récente des effectifs des forces terrestres. Ces problèmes (qui concernent, pour l'essentiel, l'évolution du taux d'encadrement et la professionnalisation) ne devront pas être éludés très longtemps, car leur résolution conditionne l'efficacité à venir de l'armée de terre, indispensable eu égard à l'ampleur des missions auxquelles elle doit faire face.

1. Problèmes posés par l'évolution des effectifs dans l'armée de terre

a) Une rapide déflation des effectifs

La déflation des effectifs des forces terrestres a été conduite à un rythme très soutenu entre 1990 et 1993. En trois ans, l'armée de terre a perdu plus de 47 000 emplois , soit 16,2 % des effectifs de départ (288 553 hommes en 1990, 240 372 en 1994). Ce chiffre doit être rapproché de la déflation mise en oeuvre à un rythme beaucoup plus régulier, entre 1976 et 1990. Pendant cette période en effet, les effectifs des forces terrestres sont passés de 331 495 hommes à 288 553, soit une réduction de 40 000 emplois en quatorze ans.

Depuis 1976, l'armée de terre a donc perdu 94 869 postes , soit l'équivalent de 40 % des effectifs prévus pour 1996 (236 626 hommes).

Après la pause survenue très opportunément en 1994, la déflation a été poursuivie en 1995. Elle a porté sur 1979 postes, dont 1939 postes d'appelés, 20 postes de sous-officiers et 20 postes d'officiers. Parallèlement l'effort de professionnalisation se traduisait par la création de 753 postes d'engagés volontaires. Au total, en 1990-1995, c'est sur l'armée de terre qu'auront pesé 93 % de la déflation des effectifs de la Défense.

En 1996, la déflation des effectifs portera sur 2 426 emplois militaires, qui se répartissent ainsi selon la catégorie considérée :

- officiers - 55

- appelés - 2 471

- engagés volontaires + 100

Total emplois militaires - 2 426

La déflation pour 1996 est donc plus forte que ce que prévoyait la tranche 1996 de la loi de programmation, qui portait sur 1 290 emplois militaires.

b) Quelle professionnalisation des forces terrestres ?

Le tableau ci-après reproduit l' évolution de la configuration des effectifs des forces terrestres depuis 1993

Officiers

Sous-officiers

EVAT

Total

carrière/contrat

Appelés

TOTAL

GÉNÉRAL

1993

17 713

57 069

28 565

103 347

138 054

241 401

1994

17 523

56 671

29 364

103 553

136 814

240 372

1995

17 503

56 641

30 117

104 261

134 856

239 117

1996

17 461

56 644

30 202

104 307

132 319

236 626

2000

17 173

55 824

36 364

109 361

117 639

227 000

Ce tableau rappelle très clairement que la déflation des effectifs militaires depuis 1993 (- 4 775 postes) s'est traduite par une réduction sensible des postes d'appelés (- 5 735), par une quasi stabilité des effectifs d'officiers (- 252), par une diminution modeste des effectifs de sous-officiers (- 425), et par une augmentation de 1 637 postes d'engagés volontaires de l'armée de terre (EVAT).

L'évolution des effectifs d'EVAT présente un intérêt particulier, car elle conditionne la projetabilité des forces mises à contribution dans le cadre des opérations extérieures. Si l'on remarque un gain de 799 postes entre 1993 et 1994, puis de 753 postes d'EVAT entre 1994 et 1995, la progression de 100 postes prévue en 1996 (réduite de facto à 85 si l'on raisonne en termes d'effectifs budgétaires) marque une pause sensible dans l'effort de professionnalisation , pourtant rendu nécessaire par la participation croissante de l'armée de terre aux opérations extérieures.

Cette situation doit être rapportée aux 1 300 postes d'EVAT dont la loi de programmation pour 1995-2000 prévoyait la création chaque année (soit un gain de 7000 emplois entre 1995 et 2000, les effectifs d'EVAT devant passer de 29 364 à 36 364).

La tranche 1995 de la professionnalisation n'avait porté que sur 753 emplois budgétaires d'EVAT (683 en réalité compte tenu de la résorption des sureffectifs). En 1995-1996, l'effort de professionnalisation ne porte donc que sur 853 postes budgétaires sur 2 600 prévus par la loi de programmation, soit un déficit ( certes théorique, les références à la loi de programmation étant devenues caduques) de 1 747 emplois d'engagés volontaires sur deux exercices.

C'est ainsi que les effectifs d'EVAT prévus en 1996 (30 202) ne permettent pas de retrouver le niveau de 1986 (34 636 EVAT). Au mieux, ce niveau devrait être atteint à nouveau en 1998. Cette constatation montre très clairement les difficultés imputables à la déflation des effectifs conduite au début de cette décennie, qui n'a pas épargné la catégorie des engagés volontaires alors même que l'armée de terre était soumise à un effort de projection sensible dans le cadre des opérations extérieures .

c) Progrès à accomplir en matière d'encadrement

. La déflation des effectifs permet mécaniquement de redresser le taux d'encadrement dans l'armée de terre. Celui-ci est donc passé de 29 % en 1992 à 30,4 % en 1993, puis à 31 % en 1995. Il pourrait s'élever à 32 % en 1997.

Encore ce taux de 31 % n'est-il qu'une moyenne, qui recouvre de profondes disparités entre les unités. En effet, compte tenu du besoin incompressible et naturel de cadres en États-major et dans les écoles, le taux moyen dans les régiments se limite à 29 %. Paradoxalement, le taux d'encadrement est inférieur à 25 % dans les régiments d'engagés . Cette situation justifie donc la mise en oeuvre d'efforts décisifs en matière d'encadrement. Jusqu'à ce jour les progrès -modestes- enregistrés ont été une conséquence mécanique d'une déflation des effectifs qui a concerné pour l'essentiel les effectifs d'appelés.

Une comparaison avec certaines armées étrangères (Etats-Unis : 54 %, Royaume-Uni : 48 %, Allemagne : 40,2 %) fait ressortir une nette insuffisance en matière d'encadrement, aux dépens de l'armée de terre française.

Le tableau ci-après souligne le besoin en cadres que nécessitent les mutations technologiques en cours dans l'armée de terre.

Matériel

Part des cadres dans l'équipage

Chars

Patton M 47

AMX 30

Leclerc

20 %

25 %

66 %

Pièces d'artillerie

155 F3

155 AUF 1

LRM

10 %

25 %

66 %

Matériel

Composition de l'équipage

Hélicoptère

Alouette III

Gazelle

HAP/HAC

2 sous-officiers

2 sous-officiers

2 officiers

Ainsi le « char du futur » fait-il apparaître un besoin en encadrement sensible : 66 % des équipages doivent être composés de cadres, alors que l'AMX 30 n'induit qu'un taux de 25 %.

En ce qui concerne l'artillerie, le lance-roquettes multiple justifie des équipages composés de 66 % de cadres, là où 25 % suffisent pour servir le canon 155 AUF1.

Les opérations extérieures se traduisent également par un taux d'encadrement accru : 34 % lors de l'opération Daguet, 33 % en ex-Yougoslavie .

Une politique plus volontariste paraît donc désormais inéluctable, du fait du besoin en encadrement lié aux mutations technologiques et aux opérations extérieures.

. Or les rigidités qui caractérisent aujourd'hui les catégories des officiers et des sous-officiers affectent la réussite rapide d'un tel projet.

En ce qui concerne les officiers , le tassement des départs volontaires (704 en 1991, 603 en 1994), conjugué à la déflation prévue par la loi de programmation et confirmée par le présent projet de loi de finances, se traduit par un blocage sensible de l'avancement , essentiellement pour les capitaines et les lieutenants-colonels. Or de la reprise des départs dépend précisément la résolution des difficultés actuelles de gestion des officiers. La situation du marché de l'emploi contribue, bien évidemment, à limiter l'incidence des mesures incitatrices prévues par le statut des officiers (aide à la reconversion, reclassement dans la fonction publique ...). La diminution du recrutement des officiers est une conséquence mécanique du tassement des départs volontaires. Entre 1990 et 1996, le volume global de recrutement des officiers a ainsi été réduit de 10 % (678 en 1990, 611 en 1996). Votre rapporteur s'interroge sur la compatibilité de cette réduction du recrutement initial avec la nécessité de redresser le taux d'encadrement dans l'armée de terre, alors même que la pyramide des âges des officiers fait apparaître un besoin patent de jeunes officiers (lieutenants et capitaines).

Les difficultés sont plus nettes encore en ce qui concerne les sous-officiers . Le nombre de départs volontaires a, en effet, chuté de 48 % environ entre 1990 et 1994 : on est passé de 2 707 en 1990 à 1 406 en 1994. Cette situation est imputable à la précarité du marché de l'emploi, qui affecte gravement les perspectives de reconversion dans le civil, tandis que la loi sur les limites d'âge (n° 91-1241 du 13 décembre 1991) autorise les intéressés à faire le choix de carrières longues, ce qui est en totale contradiction avec la nécessité de privilégier les carrières courtes (jusqu'à 11 ans de service pour les sous-officiers). La tendance au prolongement de leur temps de service par les sous-officiers conduit inéluctablement à un vieillissement de cette catégorie, alors que les besoins actuels concernent essentiellement les postes susceptibles d'être confiés à de jeunes sous-officiers.

Le recrutement s'est donc ajusté à la baisse préoccupante des départs volontaires. En 1995, il a ainsi été réduit de près de 50 %. En dépit du frémissement prévu en 1996 (+ 10 %), le nombre de sous-officiers recruté sera inférieur de moitié à ce qu'il était en 1992, comme le montre le tableau ci-après :

Recrutement des sous-officiers depuis 1990

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Filière école

voie troupe

total

2 020

1 595

3 615

1 945

1 520

3 465

2 094

1 357

3 451

1 998

824

2 822

1 932

877

2 809

890

590

1 480

901

730

1 631

Evolution

- 4 %

-

- 18 %

-

- 47 %

+ 10,2 %

Par ailleurs, cette contraction très nette du recrutement s'accompagne de blocages à l'avancement , qui affecteront nécessairement le moral des sous-officiers. Le sureffectif des sous-officiers, et la baisse de recrutement qui en résulte pourraient néanmoins permettre une sélection accrue et, partant, une amélioration qualitative du recrutement direct (par la filière école), ce qui correspond bien aux besoins actuels. D'ores et déjà ne sont admis au recrutement direct que les candidats bacheliers.

2. La poursuite des restructurations en 1996

Depuis 1993 l'armée de terre procède à un effort permanent de restructuration, destiné à rationaliser l'organisation des services de soutien, et à parvenir à une densification de formations.

Le programme de restructurations annoncé en mai 1993 s'est traduit par la dissolution de 19 états-majors, de 54 régiments et de 86 organismes de soutien . En 1995, une pause dans la restructuration avait permis aux armées de procéder à un certain étalement des mesures antérieures.

En 1996, la poursuite des restructurations, liée à la déflation des effectifs, entraînera la dissolution de six centres mobilisateurs, de quatre commissariats, du centre d'entraînement commando de Pont Saint Vincent, du centre de traitement de l'information de Lyon et de deux régiments : le 72e régiment de génie de Mourmelon et le 20e régiment d'artillerie de Poitiers. Cette dernière mesure sera compensée par le transfert, de Vannes à Poitiers, du régiment d'infanterie et chars de Marine.

La dissolution des organismes appartenant aux services du matériel et du commissariat permet de dégager des emplois compensant les réductions d'effectifs prévues pour 1996, et d'adapter l'organisation du soutien territorial au stationnement des forces.

Par ailleurs, les mesures de réorganisation concernent quatre centres mobilisateurs, ainsi que la transformation du 152e régiment d'infanterie de Colmar en régiment à 7 compagnies.

La dissolution de six centres mobilisateurs et la transformation de quatre autres centres en organes mobilisateurs est justifiée par la poursuite du plan sur les réserves mises en oeuvre en 1990.

En ce qui concerne l'environnement des forces, la dissolution du centre de traitement de l'information de Lyon résulte de la simplification des réseaux d'information de l'armée de terre, que rend possible l'accroissement des capacités de traitement.

DISSOLUTIONS

POITIERS (86)

20e Régiment d'artillerie

MOURMELON (51)

72e Régiment du génie

SISSONNE (02)

Etablissement du matériel

AMIENS (80)

Commissariat

CHATEAUNEUF/ISERE (26)

Commissariat

COMPIEGNE (60)

Commissariat

LOMME (59)

Commissariat

LYON (69)

Commissariat

PONT SAINT VINCENT (54)

Centre d'entraînement commando

LES LILAS (75)

Centre mobilisateur n° 421

NICE (06)

Centre mobilisateur n° 99

PONTOISE (95)

Centre mobilisateur n° 5

SAINT JEAN D'ANGELY (17)

Centre mobilisateur n° 123

STRASBOURG (67)

Centre mobilisateur n° 66

THOREE LES PINS (72)

Centre mobilisateur n° 115

TRANSFERT

VANNES (56)

RICM transfert vers POITIERS

RÉORGANISATIONS

COLMAR

152e Régiment d'infanterie (transformation en régiment à 7 compagnies)

AGEN (47)

Centre mobilisateur n° 209

CASTRES (81)

Centre mobilisateur n° 15

COLMAR (68)

Centre mobilisateur n° 104

NANTES (44)

Centre mobilisateur n° 37

Mentionnons enfin que les restructurations qui le justifient feront l'objet d'un accompagnement économique et social selon les modalités précédemment arrêtées :

- recours au fonds des restructurations de la défense (FRED) et aux ressources du plan européen KONVER pour préserver et, si possible, renforcer l'équilibre économique des bassins où interviennent les dissolutions d'unités ou les fermetures d'établissements ;

- incitation à la mobilité professionnelle et géographique des personnels civils grâce au plan « formation-mobilité ».

Il est probable que le nouveau dispositif de gestion prévisionnelle par bassin d'emploi facilitera la prise en compte des situations individuelles.

En effet, l' incidence économique et sociale locale des restructurations doit être soulignée. La dissolution d'une implantation militaire se traduit par une chute du produit de la fiscalité locale, par une nette diminution de l'utilisation des équipements collectifs, qui n'est pas sans effet sur leur rentabilité, et par une réduction sensible de la consommation locale qui affecte notamment la situation des commerçants.

Votre rapporteur soulignera, pour finir, les contraintes infligées aux personnels concernés par ces restructurations (sans omettre leurs familles) du fait de la surmobilité qui en est résultée, alors même que les personnels de l'armée de terre ont toujours été soumis à des mutations plus fréquentes que dans les autres armées .

La surmobilité imputable aux restructurations se traduit donc par d'inévitables conflits entre vie professionnelle et vie privée. Ceux-ci apparaissent si l'on se réfère notamment à la proportion croissante de cadres ayant choisi la peu enviable formule du « célibat géographique » (désormais un peu plus de 10 % des officiers), qui favorise une certaine stabilité scolaire pour les enfants, et qui permet aux épouses de poursuivre la carrière professionnelle indispensable à l'acquisition immobilière.

*

* *

Tels sont donc les moyens dont dispose l'armée de terre pour remplir les missions qui lui sont confiées. La diversité de celles-ci doit donc être rapportée à des effectifs nettement décroissants, et à des crédits calculés au plus juste.

D. LA CONTRIBUTION DÉCISIVE DE L'ARMÉE DE TERRE À DES MISSIONS TOUJOURS PLUS DIVERSIFIÉES

La participation de l'armée de terre aux opérations extérieures, à l'édification d'une défense européenne et à diverses missions de service public doit être soulignée.

1. La part des forces terrestres dans les opérations extérieures

. Le surcoût , sur l'année 1995, pour le budget de la Défense , des opérations extérieures auxquelles participent les armées françaises était évalué, au 1er septembre 1995, à 3,91 milliards de francs , dont 2,98 milliards (soit 76,2 %) sont imputables sur le titre III dont les moyens sont pourtant excessivement tendus.

Les opérations en ex-Yougoslavie (2,42 milliards de francs) représentaient, à elles seules, au 1er septembre 1995, 61,8 % de ce surcoût global . Notons toutefois que la part des opérations extérieures conduites sous la responsabilité de l'ONU dans le total est inférieure à la part du surcoût lié aux opérations conduites sous responsabilité française (55 %) : Tchad, République centrafricaine, Force de réaction rapide.

. La participation de l'armée de terre était évaluée, au 1er septembre 1995, à quelque 2,143 milliards de francs, soit 54,73 % du surcoût dû aux opérations extérieures. C'est dire l'importance que revêtent les éventuels remboursements autorisés par voie de collectif budgétaire. La seule présence des forces terrestres françaises en ex-Yougoslavie induisait, au 1er septembre 1995, un surcoût de 1,18 milliard de francs sur le titre III, et de 271,1 millions de francs sur le titre V, soit un total de 1,451 milliard de franc ainsi répartis entre les diverses opérations conduites en ex-Yougoslavie :

- UEO : 24,85 millions de francs,

- Forpronu : 1 087,44 millions de francs,

- Adriatique-Balbuzard : 14,99 millions de francs,

- Force de réaction rapide : 324,92 millions de francs.

Les forces terrestres françaises engagées en ex-Yougoslavie, soit 6 907 hommes, équivalent à :

- 95 % du total des effectifs militaires français déployés sur ce théâtre (effectifs qui s'élèvent à 7 271 hommes),

- 16 % de l'ensemble des effectifs, toutes nationalités confondues, présents en ex-Yougoslavie (soit 43 543 personnes).

L'armée de terre française avait subi à elle seule, au 25 juillet 1995, 35 % des pertes déplorées en ex-Yougoslavie par l'ensemble des pays participant aux forces de protection des Nations Unies (soit 50 tués sur un total de 141) et 65,3 % des blessés (soit 558 sur 854).

. Les effectifs affectés par l'armée de terre à l'ensemble des opérations extérieures s'élèvent actuellement à quelque 10 000 hommes par an (à rapprocher des quelque 14 000 hommes affectés lors de la crise du Golfe à la Division Daguet) . La plus grande part (79 %) est affectée aux forces engagées sous l'égide des Nations Unies. 21 % participent à des opérations extérieures conduites dans le cadre d'accords de défense et de coopération militaire (Niger, Tchad, Djibouti, Centrafrique). Compte tenu des relèves, 25 à 30 000 hommes sont ainsi consacrés en une année par l'armée de terre aux opérations extérieures, ce qui représente entre 10 et 12 % des effectifs de 1995.

2. Les forces prépositionnées en vertu d'accords de défense et de coopération militaire

Au 1er septembre 1995, l'armée de terre mettait 3 397 hommes à disposition des forces prépositionnées en Côte d'Ivoire, au Sénégal, au Gabon et à Djibouti, ainsi répartis entre les différents pays d'accueil :

Djibouti : 2 218 hommes (65 % de l'ensemble),

Côte d'Ivoire : 423,

Sénégal : 519,

Gabon : 237.

Le coût de ces diverses implantations pour l'armée de terre 11 ( * ) s'élevait, à la même date, à 774,5 millions de francs, dont 646 millions de francs, soit 83,4 %, sont liés aux rémunérations et charges sociales, 39,6 millions de francs (5,11 %) financent les frais de transport, et 15,6 millions de francs (2 %) sont liés au poste alimentation. Ces 774,5 sont ainsi répartis entre le Gabon, la Côte d'ivoire, le Sénégal et Djibouti :

Djibouti : 537,5 millions de francs,

Gabon : 99,5 millions de francs,

Côte d'Ivoire : 65,5 millions de francs,

Sénégal : 72 millions de francs.

Les forces prépositionnées à Djibouti représentent donc à elles seules 69,4 % du coût global, ce qui est cohérent avec l'importance relative des effectifs qui y sont affectés.

3. L'armée de terre et la défense européenne

La participation de l'armée de terre à l'édification d'une défense européenne se mesure à l'importance de sa contribution en Corps européen, dont la montée en puissance s'est achevée en octobre 1995.

La participation du Corps européen au défilé du 14 juillet 1994 à Paris et du 21 juillet 1994 à Bruxelles a accru la notoriété de cette unité et permis d'affirmer son image européenne. Ces manifestations ont également renforcé la motivation des personnels de l'état-major et des unités affectées.

L'Espagne a officiellement adhéré au Corps européen le 1er juillet 1994. Après l'adhésion de la Belgique en 1993, celle de l'Espagne confère au Corps sa véritable dimension de première unité multinationale européenne. Les forces espagnoles affectées au Corps seront de l'ordre d'une division. L'Espagne disposera donc des mêmes droits que la France, la Belgique et l'Allemagne dans le processus de décision du Corps. Elle participera sur un pied d'égalité à la rotation des postes de commandement, y compris celui de commandant du Corps, au terme d'un processus de « montée en puissance » qui devrait s'achever en 1995.

Depuis l'inauguration de l'état-major du Corps le 5 octobre 1993 à Strasbourg et l'affectation de la brigade franco-allemande à la même date, le Corps est entré dans une phase de rodage qui se déroule dans de bonnes conditions.

L'état-major conduit ou prépare les premiers exercices du Corps, notamment dans le cadre de l'UEO (sous notre impulsion) et de l'OTAN.

Les effectifs militaires affectés au Corps européen sont les suivants :

- Etat-major (Strasbourg)

Dont officiers

Sous-officiers

France

Allemagne

Belgique

Espagne

169

139

78

13

54

59

35

10

59

43

32

2

Total

368

145

120

- Unités placées pour emploi auprès du Corps européen

Effectifs

France :

1ère division blindée

42e régiment de transmissions

10e régiment du génie

6e régiment du matériel

11 588

1 616

1 066

897

Total France

15 167

Allemagne : 10e division blindée

12 200

Belgique : 1ère division mécanisée

9 500

Brigade espagnole

4 500

Brigade franco-allemande

4 838

Total général

46 205

- Bataillon de Quartier général (Strasbourg)

France

Allemagne

Belgique

Espagne

258

165

52

0

Total

475

Les forces terrestres françaises assurent donc 54 % des effectifs du Bataillon de Strasbourg, 45 % des effectifs de l'état-major, et 32 % des unités (38 % si l'on intègre la contribution française à la Brigade franco-allemande). Au total, 38 % de l'ensemble des effectifs du Corps européen (état-major, Bataillon de Quartier général et unités confondues) sont mis à disposition par l'armée de terre française.

Si aucune perspective d'adhésion ne semble actuellement envisagée, le Portugal dispose désormais d'un observateur auprès de l'état-major du Corps. Les Pays-Bas ont récemment présenté une demande équivalente pour établir une liaison entre le Corps européen et le Corps germano-néerlandais. Ces initiatives témoignent donc de l'intérêt suscité par l'Eurocorps.

Les relations entre le Corps et la cellule de planification de l'UEO sont en cours d'établissement. A l'échéance de novembre 1995, le Corps européen devrait avoir acquis un caractère opérationnel complet , concernant à la fois les missions de l'article 5 du traité de 1954 et les nouvelles missions. Il reste donc à mettre le Corps européen à l'épreuve.

Mentionnons, pour mémoire, l'émergence de l' Eurofor (Euroforce opérationnelle rapide), dont les documents constitutifs ont été signés en mai 1995 entre la France, l'Espagne et l'Italie. L'Eurofor (comme l'Euromarfor) vise à contribuer à doter l'Europe d'une capacité militaire propre, notamment dans le domaine de la projection de force. Ses missions concernent la gestion des crises, l'interposition et des missions humanitaires. Force relevant de l'UEO, l'Eurofor pourra également être employée dans le cadre de l'OTAN, et est conçue comme un partenaire complémentaire du Corps européen.

Les unités composant l'Euroforce sont « rassemblées sur demande », ce qui constitue une différence essentielle pour rapport au Corps européen dont les unités sont permanentes. Une autre différence tient aux effectifs, réduits à 10 000 hommes soit le quart du Corps européen. Il s'agit donc d'une structure légère, modulaire, où aucun mixage des unités n'est prévu.

4. Les charges exceptionnelles assurées par l'armée de terre

L'armée de terre assure une contribution non négligeable, à travers les charges exceptionnelles, à des missions de protection et de service public dont certaines sont effectuées à titre gratuit.

A titre d'exemple, en 1994, le coût total des charges exceptionnelles s'est élevé à 15,82 millions, dont 2,21 à titre gratuit. Parmi les missions effectuées à titre onéreux, mentionnons la participation à la lutte contre les feux de forêt (4 millions de francs) et aux cérémonies du cinquantenaire de la Libération (8,4 millions de francs).

Notons que, sur les 13,548 millions de francs dont le remboursement aurait dû déjà être acquis, puisque ces missions remontent à 1994, les remboursements se limitaient, au 21 août 1995, à 4,97 millions de francs.

En 1995, la contribution de l'armée de terre à la lutte contre le terrorisme se mesure à sa participation au plan Vigipirate , auquel sont consacrés 4 200 hommes, soit pratiquement l'équivalent des effectifs supprimés par les déflations successivement pratiquées en 1995 et 1996.

*

* *

En 1995, 35 600 hommes , soit 14,9 % des effectifs de l'armée de terre, auront donc participé aux opérations extérieures, aux forces prépositionnées, à la défense européenne et à la lutte contre le terrorisme. Cette proportion traduit la remarquable faculté d'adaptation de l'armée de terre à la diversification de ses missions, ce qui mérite d'être souligné eu égard à l'ampleur des réorganisations simultanément imposées à l'armée de terre depuis cinq ans.

*

* *

* 1 "La nouvelle donne de la prolifération nucléaire", Marie-Hélène Labbé. L'Etat du monde 1996.

* 2 « Le cas du pôle majeur des armements terrestres : GIAT-Industries », Pierre Chiquet, Les Cahiers de Mars, n° 146, 3ème trimestre 1995.

* 3 AMX Leclerc, AMX 30 B2, AMX 10 RC, VBL, VOA, VBM.

* 4 EFA.

* 5 Tigre, AS 535 Cougar, NH 90.

* 6 Porte char PT 60, TRM 10 000.

* 7 155 artillerie, missiles et roquettes antichar, AC3G LP, AC3G MP, ACCPEryx, 105 AMX 30.

* 8 PR 4G, SIC/F.

* 9 Roland, SATCP Mistral, LRM phase I, Cobra, SAMP.

* 10 Elodée, Brevel, Horizon, CL 289.

* 11 Rémunérations et charges sociales, alimentation, frais de transport, logement, infrastructures, mobilier et redevances, taxes et droit de mer.

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