B. L'ACTION AUDIO VISUELLE EXTÉRIEURE

Au cours de deux réunions tenues le 22 avril et le 13 septembre 1994, le Conseil audiovisuel extérieur de la France (CAEF) a arrêté de nouvelles orientations qui ont trouvé leur traduction dans la définition d'un plan d'action quinquennal (1994-1998), doté de 430 millions de francs de mesures nouvelles sur cinq ans.

Rappelons que cet organe de coordination interministérielle réunit, sous la présidence du Premier ministre, le ministre des affaires étrangères, rapporteur, le ministre de la culture, le ministre délégué à la coopération, les secrétaires d'État chargés du budget et de la francophonie.

Le prochain CAEF devrait se tenir le 20 novembre prochain.

La stratégie audiovisuelle extérieure de la France s'ordonne désormais autour de quatre objectifs complémentaires : renforcer la spécialisation fonctionnelle de TV5 et Canal France International ; adapter l'offre de programmes aux spécificités régionales ; constituer des « bouquets » de programmes radiophoniques et télévisuels ; rationaliser les structures de l'audiovisuel extérieur.

1. Accroître la spécialisation fonctionnelle de TV5 et Canal France International pour asseoir leur complémentarité

Le succès grandissant de Canal France International (CFI) et l'extension de sa couverture géographique ont pu faire apparaître cette banque d'images comme une concurrente directe de TV5 Europe.

Pour dissiper ce doute, les décisions prises par le CAEF du 22 avril 1994 tendent à réaffirmer la spécificité de chacun de ces deux instruments audiovisuels et à affermir la complémentarité de leur action.

a) TV5 reste l'instrument privilégié de la diffusion de la langue française

Créée en janvier 1984, TV5 Europe, télévision francophone par satellite, regroupe un ensemble de chaînes nationales francophones, françaises (TF1, France 2 et France 3), suisse (SSR) et belge (ROTBF). En 1986, TV5 s'est élargie au consortium de télévision Québec-Canada (CTQC) devenue chaîne francophone, sous le nom de TV5 Québec-Canada, et diffusée depuis 1988 en Amérique du Nord.

TV5 Europe et TV5 Québec-Canada, bien qu'autonomes, fonctionnent selon un principe commun et sont financées par les chaînes et les Gouvernements.

Le programme de TV5 est constitué d'une sélection d'émissions déjà diffusées par les partenaires de la chaîne, parmi lesquelles leurs journaux télévisés qui sont retransmis en léger différé. Il est complété par des émissions acquises notamment auprès de TF1 et par des films. Les accords passés en 1994 par TV5 avec UGC d'une part, l'USPA de l'autre, permettent désormais à la chaîne de programmer davantage de films et d'émissions de fiction, ce qui renforce considérablement son attractivité. TV5 assure également la production de magazines et d'émissions d'information qui représentent désormais près de 15 % de son temps d'antenne. La grille de programmes inclut enfin des émissions didactiques d'apprentissage du français.

En 1992, la zone de diffusion de TV5 s'est élargie avec le lancement de TV5 Afrique en mai et celui de TV5 Amérique latine en octobre.

Entre 1990 et 1994, les efforts de TV5 Europe ont porté prioritairement sur l'extension de la zone couverte, l'allongement de la durée quotidienne de diffusion et le renforcement de l'information.

En 1995, la priorité a été accordée à l'amélioration de la grille des programmes et l'habillage d'antenne, destinée à accroître l'identité propre de la chaîne.

La présence de TV5 en Europe a par ailleurs été confortée par la montée sur le satellite Hot Bird 1 qui a permis d'améliorer la qualité de diffusion. En Afrique, le développement rapide des réseaux micro-ondes offrent des perspectives d'extension de la présence de TV5 hors des capitales.

Des études ont par ailleurs été lancées pour définir les modalités d'élargissement de diffusion de la chaîne aux États-Unis et en Asie.

Parce que l'extension de la diffusion de TV5 aux États-Unis se révèle très onéreuse en termes de droits, la création d'une chaîne payante exploitant le marché potentiel des deux millions de foyers francophones recensés, par câble et par satellite, est actuellement explorée. Le premier câblo-distributeur américain, TCI, a d'ores et déjà fait connaître son intérêt pour la future chaîne TV5 USA, dont la programmation devrait privilégier le cinéma et le sport, et être largement sous-titrée en anglais.

En Asie, les débordements du satellite Stationar 12 relayant le signal sur le continent africain jusqu'en juin 1995 (date à laquelle lui a été substituée une montée sur le satellite Intelsat 702) ont permis de tester l'intérêt suscité auprès de la population pour la reprise de TV5, notamment au Cambodge où une diffusion expérimentale hertzienne a été mise en place fin 1994. A terme, il est prévu de faire monter le signal de TV5 sur le satellite Asiat 2, afin de participer, aux côtés de la Deutsche Welle notamment, à un bouquet de programmes attractif sur cette zone.

Aujourd'hui, le programme de TV5 est présent dans plus d'une centaine de pays grâce à quatre satellites.

Hot Bird 1 diffuse en Europe et dans le bassin méditerranéen, englobant le nord du Maroc, la côte est de l'Irlande, l'Ukraine et une partie de la Turquie. Intelsat 702 relaie le signal sur l'ensemble du continent africain. Anik E2 diffuse le signal de TV5 Québec-Canada à destination de l'Amérique du Nord. Panamsat relaie enfin le signal de TV5 Québec-Canada sur l'ensemble de l'Amérique latine et les Caraïbes.

Le CAEF du 22 avril 1994 a décidé de confirmer la vocation de TV5 Europe comme chaîne multilatérale de diffusion de la langue française.

L'effort engagé pour améliorer sa programmation et élargir sa diffusion sera poursuivi.

En 1995, la contribution de l'État au budget de fonctionnement de TV5 atteignait 170,5 millions de francs 1 ( * ) , soit 67,13 % de celui-ci. L'apport de l'État à la chaîne multilatérale croît donc tant en valeur absolue (+25,5 millions de francs) qu'en valeur relative (la subvention versée représentait 65,73 % du budget de la chaîne en 1994).

b) L'affirmation de la vocation de Canal France International : la chaîne de promotion de l'image de la France


• Créée en 1989 à l'initiative du ministère de la coopération, la banque de programmes audiovisuels Canal France International répondait à l'origine au souci de moderniser la coopération culturelle internationale. Il s'agissait en effet de substituer la fourniture de programmes diffusés par satellite à l'envoi traditionnel d'émissions enregistrées sur cassettes vidéo aux pays situés dans le champ de la coopération.

Très vite, le concept de la banque d'images a rencontré un large succès. Tant auprès des pays destinataires auxquels elle permettait d'accéder à des programmes plus récents, qu'auprès du ministère des affaires étrangères.

En qualité de banque d'images, CFI met à la disposition des télévisions des pays ayant signé un accord de coopération avec la France des programmes libres de droits qui peuvent être repris sur les réseaux nationaux.

Ces programmes sont constitués, pour les deux-tiers, de reprises des chaînes françaises. Ils sont complétés de films ou de fictions produits par les télévisions partenaires, et notamment celles d'Afrique avec lesquelles ont été passés plusieurs accords de production. La banque d'images reprend également en direct, chaque fois qu'elle en obtient les droits, les événements culturels et sportifs.

La DGRCST a financé la diffusion de CFI vers les pays du Maghreb et du Proche-Orient dès la fin de l'année 1989 et vers l'Europe centrale et orientale à partir de 1990. CFI est présente dans la péninsule indochinoise depuis août 1992. Une diffusion expérimentale a été demandée en Amérique latine à la fin de 1994.

Canal France International a connu un développement extrêmement rapide : alors qu'elle relayait quotidiennement 4 heures de programmes à destination de l'Afrique francophone à la fin de l'année 1989, elle diffuse aujourd'hui, 24 heures sur 24, 9.600 heures de programmes par an sur tous les continents grâce à un réseau de cinq canaux satellitaires.

Au total, 45 télévisions étrangères ont signé un accord de coopération avec CFI, dont 25 en Afrique francophone, 9 en Europe centrale orientale, 3 dans la péninsule indochinoise et 6 dans le pourtour méditerranéen. Elles ont été dotées du matériel de réception, enregistrement, et le cas échéant de sous-titrage leur permettant de retransmettre les programmes.

Dans la pratique, les émissions de CFI sont utilisées dans une proportion de 50 à 90 % en Afrique et dans les pays francophones. Au Moyen-Orient, la reprise des émissions de CFI a porté en moyenne sur 320 heures de programmes par mois ; ces émissions sont retransmises directement en Egypte, en Syrie et en Jordanie ; un centre régional de distribution des programmes de CFI sous-titré en arabe a parallèlement été constitué à Amman. En Europe de l'Est, 200 heures de programmes de CFI sont diffusées en moyenne chaque mois. En Asie, l'offre de programmes d'actualité de CFI a permis la constitution d'un journal télévisé quotidien, animé par des journalistes vietnamiens, assistés et formés par des professionnels français, dans le cadre d'un accord de coopération avec l'Ecole supérieure de journalisme de Lille ; un programme de coopération similaire se met en place au Cambodge où les émissions de CFI ont été initialement rediffusées par voie hertzienne sur Phnom Penh.

Enfin, l'émergence d'une demande de programmation spécifique, notamment à Singapour et en Indonésie, a conduit à étudier la création d'un magazine en anglais destiné aux télévisions de la zone. Ce module anglophone, réalisé par Info Vidéo 3 constitue l'amorce du programme spécifique destiné à l'Asie. Il a été développé en deux versions, la première anglaise, la seconde française sous-titrée en anglais. En Asie du Sud-Est, les reprises représentent environ 150 heures par mois.


La décision a été prise par le Gouvernement français de transformer rapidement CFI en chaîne de promotion de l'image de la France, y compris auprès des pays non francophones.

Cet objectif implique tout d'abord qu'un effort « d'habillage » des programmes soit réalisé, afin que les télévisions étrangères puissent, soit continuer à reprendre les seuls programmes ou émissions qui les intéressent, soit diffuser intégralement CFI.

Cette stratégie suppose également que l'offre de CFI puisse être complétée par la diffusion sur le canal son d'une autre langue que le français, afin de toucher un plus large public.

Ce choix signifie que l'offre de programmes de CFI devra être régionalisée, afin de mieux répondre aux attentes des différents publics. L'effort accompli en ce sens dès 1995 sera présenté ci-après.

CFI envisage enfin d'exploiter les possibilités techniques offertes par la diffusion analogique aujourd'hui, numérique demain, qui permettent, en recourant au cryptage notamment, de mieux cibler les destinataires des programmes, et d'amorcer l'évolution vers une logique commerciale dans les pays solvables.

En 1995, CFI a bénéficié d'une subvention de 111,3 millions de francs 1 ( * ) sur un budget total de 176,3 millions de francs. La contribution de l'État à son budget de fonctionnement atteint donc 63,13 %.

2. Affermir la présence audiovisuelle française à l'étranger en adaptant l'offre de programmes à la demande régionale

Cet objectif s'adresse tant à CFI qu'à Radio France Internationale (RFI), appelés désormais à représenter respectivement « l'image » et « la voix » de la France à l'étranger.

Il consiste à compléter un tronc commun de programmes destiné au monde entier par des éléments de programmation adaptés aux publics spécifiques d'Amérique latine, d'Asie, du Moyen-Orient ou d'Europe.


Pour CFI, cette orientation nouvelle trouvera une première traduction dès le mois prochain grâce au lancement de programmes spécifiques à destination de l'Asie et l'Europe centrale et orientale, des pays du Proche et du Moyen Orient et de l'Asie, de l'Amérique latine. Cet effort sera accentué en 1996 afin que chaque zone reçoive un programme qui lui soit propre.

La diversification de l'offre de programmes se traduit notamment par une intensification des émissions proposées en langue étrangère (anglais, espagnol, arabe), par un accroissement du nombre de programmes doublés ou sous-titrés en langues étrangères, et par la reprise d'images locales.

La nécessité d'adapter son dispositif d'information aux différents publics conduira par ailleurs CFI à le compléter par deux nouveaux produits : un « tout images » international disponible en plusieurs langues, dont le lancement pourrait intervenir au début de l'année 1996 sur l'ensemble du réseau ; un journal présentant le point de vue français sur l'actualité internationale, de fréquence quotidienne, en français et en anglais.


• La « régionalisation du service mondial en français » figurait déjà parmi les objectifs du deuxième plan de développement de RFI portant sur la période 1989-1994. A ce jour, les programmes de RFI font l'objet de deux décrochages, l'un en Afrique, RFI + Afrique (comportant six heures de programmes en français, une heure en anglais et une heure en portugais), l'autre en Europe, l'Antenne Europe, composée de cinq heures de programmes consacrés à la musique et à des bulletins d'information.

Cet effort sera poursuivi dans le cadre du troisième plan de développement de RFI (1995-1998), formalisé dans un deuxième contrat d'objectifs avec l'État, dont la signature devrait intervenir très prochainement.

L'accent sera mis sur le développement de l'Antenne Europe, et sur la mise en place d'un décrochage en Asie, consacré notamment à l'information régionale.

La station continuera par ailleurs à ouvrir des bureaux à l'étranger, en liaison avec d'autres opérateurs audiovisuels, dans les zones où elle ne bénéficie pas de correspondants en nombre suffisant. Des bureaux devraient être prochainement installés à Johannesburg et à Hong-Kong.

En matière de langue étrangère, et conformément aux conclusions formulées par le rapport d'audit élaboré en 1994 par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires étrangères, la priorité sera accordée au renforcement des sections existantes pour que chacune puisse atteindre le seuil minimal d'efficacité, évalué à deux heures de production quotidienne. Au total, les huit sections suivantes bénéficieront des moyens d'accroître d'une heure leur production journalière : espagnole, brésilienne, chinoise, mandarine, vietnamienne, khmere, portugaise et russe.

En 1996, la subvention versée par le ministère des affaires étrangères à RFI subira une forte régression. Elle s'établira à 385,3 millions de francs au lieu de 449,3 millions de francs en 1995 (-14,24 %). Toutefois, cette diminution devrait être compensée par l'augmentation escomptée du produit de la redevance, le versement d'une dotation compensatoire des exonérations de redevance (108,4 millions de francs) et l'octroi d'une subvention de 0,8 million de francs correspondant à la contribution du ministère de la coopération au fonctionnement de RFI + Afrique.

3. Constituer des « bouquets » de programmes radiophoniques et télévisuels

La compression numérique va s'accompagner d'une véritable explosion du nombre de programmes diffusés par satellites.

Pour ne pas être totalement marginalisée, la France se doit donc d'offrir une gamme de produits plus diversifiée que celle qu'elle propose actuellement. D'où l'idée de constituer rapidement des « bouquets » de programmes radiophoniques et télévisuels.

De tels bouquets ont d'ores et déjà été constitués, ou sont actuellement en cours d'élaboration. En particulier, Europe MCM, Arte et Canal Horizons ont rejoint la position orbitale occupée par TV5, Euronews et Radio-France sur les satellites Eutelsat 13° Est. Le canal d'Arte devrait être utilisé d'ici un an environ pour constituer un bouquet avec d'autres chaînes publiques.

En Afrique, MCM, Canal Horizon, TV5, CFI et d'autres chaînes thématiques dont le nombre n'est pas encore définitivement arrêté préparent un bouquet numérique associant également la radio, et qui sera destiné au réseau des micro-ondes notamment. Pour les autres zones, et en particulier l'Asie, des travaux d'approche sont en cours.

4. Rationaliser les structures de l'audiovisuel extérieur par la constitution de trois pôles principaux

Pour accroître la cohérence de l'action radiophonique et télévisuelle extérieure de la France, le CAEF du 22 avril 1994 a posé le principe d'une restructuration du paysage de l'audiovisuel extérieur autour de trois pôles principaux : CFI devient l'opérateur dominant en matière télévisuelle, RFI voit son rôle de chef de file de l'action radiophonique extérieure conforté, le pôle de la SOFIRAD est appelé à se tourner davantage vers le secteur privé et à susciter des partenariats avec des entreprises étrangères.


• Cette réforme des structures a trouvé un commencement d'application en matière télévisuelle avec le rapprochement esquissé entre

CFI et TV5. CFI est entrée dans le capital de TV5 en reprenant les parts (22 %) qu'y détenait la SOFIRAD. Un dispositif permanent de coordination et de réflexion commun aux deux chaînes a été institué et trouve d'ores et déjà un prolongement dans l'instauration d'une collaboration permanente au niveau de la programmation, de la coproduction, de l'information et de la promotion.

L'installation de CFI et de TV5 dans un immeuble commun, prévue au début de l'année 1996, devrait sceller le rapprochement de ces deux opérateurs, et favoriser la réalisation d'économies d'échelle en termes d'équipements techniques, de production et de diffusion.


En ce qui concerne les radios, un protocole d'accord devrait être prochainement signé entre RFI et Radio-France, afin de renforcer les synergies entre les deux opérateurs, notamment en matière de programmation et d'envoi de correspondants à l'étranger.

Par ailleurs, un rapprochement entre RFI et la SOMERA, qui pourrait prendre la forme de la constitution d'un groupe d'intérêt économique (GIE), est actuellement à l'étude.

* 1 soit 158,3 millions de francs inscrits sur le budget de la DGRCST et 12,5 millions de francs correspondant à la contribution du ministère de la coopération au fonctionnement de TV5 Afrique.

* 1 soit 102,3 millions de francs imputés sur le budget de la DGRCST et 9 millions de francs sur celui de la direction de la presse, de l'information et de la communication du ministère des affaires étrangères.

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