IV. LA NOUVELLE ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

A. UN BREF RAPPEL DES NOUVELLES RÈGLES DU JEU COMMERCIAL

Rappelons qu'à l'issue des plus longues et difficiles négociations du GATT, le cycle d'Uruguay s'est conclu par la signature officielle des différents volets de l'accord, le 15 avril 1994, à Marrakech.

Cet accord a entraîné des changements importants des règles mondiales du commerce. Sans entrer dans les détails qui avaient été longuement exposés à l'occasion de la ratification de cet accord par le Parlement, en décembre 1994, on en rappellera les principaux aspects :


• Un renforcement des règles et disciplines du GATT

Les règles du GATT ont été renforcées dans une série de domaines, notamment en matière de sauvegardes, de subventions et de dumping, et elles s'imposent désormais à tous les membres de la nouvelle Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Par ailleurs, le nouveau mécanisme de règlement des différends, automatique et contraignant, devrait garantir une application équilibrée des règles internationales.


L'extension des règles du GATT à de nouveaux secteurs

Les règles du GATT ont été étendues à la propriété intellectuelle et aux services. En outre, des disciplines spécifiques sont imposées à l'agriculture. D'une durée de six ans, l'accord agricole comporte des engagements relatifs aux exportations subventionnées, à l'accès au marché, à la limitation du soutien interne et à la clause de paix.

Enfin, le secteur textile, qui était régi par le régime dérogatoire de l'accord multifibres, est progressivement réintégré au sein du système multilatéral, au terme d'une période de transition de dix ans.


L'ouverture des marchés

Elle est caractérisée par une baisse des tarifs et une ouverture des marchés publics.

S'agissant de cette dernière, le Sénat -à l'occasion de l'adoption de sa résolution sur la proposition de modification de la directive n° 93/38 sur la passation des marchés publics des industries de réseau- a regretté la précipitation avec laquelle la Commission européenne avait conclu cette annexe de l'accord et son excès de zèle concernant la transposition de ce dernier en droit communautaire.


La création de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)

L'institutionnalisation de cette organisation permet de renforcer le système multilatéral, d'offrir un cadre de négociation permanent qui devrait permettre une adaptation continue des règles aux évolutions du commerce mondial.

L'OMC a aussi pour mission d'assurer la gestion du mécanisme de règlement des différends, contraignant et doté de deux niveaux de juridiction : les groupes spéciaux (panels) et l'organe d'appel qui interviennent en cas d'échec de la procédure de consultation.

B. LA PREMIÈRE ANNÉE D'EXISTENCE DE L'OMC


• Avec désormais 100 membres, dont tous les grands pays industrialisés (mais sans la Chine), l'OMC a atteint et dépassé la « masse critique ». Elle a donné les premières preuves de sa crédibilité, avec sa mise en place dans les délais prévus (seul reste à constituer l'organe d'appel pour la procédure de règlement des différends), la nomination de son Président, la réussite des négociations sur les services financiers. La France a d'ailleurs largement contribué à ces deux derniers résultats, en militant activement et avec succès pour la candidature de M. Ruggiero et en encourageant la conclusion d'un accord intérimaire sur les services financiers.

Le mécanisme de règlement des différends est déjà « rodé ». La procédure de consultations a déjà été utilisée à plusieurs reprises, notamment par :

- le Japon exposé à des menaces de rétorsions commerciales de la part des États-Unis sur le commerce des automobiles. Cette action n'a pas été jusqu'à la constitution d'un panel, en raison de l'accord intervenu entre les deux parties ;

- les États-Unis, sur le régime communautaire de taxation à l'importation des céréales ;

- la Communauté européenne, à la demande des autorités françaises, vis à vis du Japon sur le régime de taxation discriminatoire des boissons alcoolisées importées ;

- la Communauté européenne, à l'encontre du Japon, sur les mesures affectant l'achat de matériel de télécommunications et les implications d'un accord sur les téléphones cellulaires entre sociétés japonaise et américaine.

En revanche, seuls deux groupes spéciaux (panels) ont été constitués. sur saisine du Venezuela et du Canada.

La France devra veiller à ce que le système multilatéral fonctionne de façon juste et efficace.

Il est évident que le bon fonctionnement du règlement des différends de l'OMC sera une des clés de son efficacité. Le Gouvernement a fait connaître son souhait de l'utiliser activement, afin d'assurer l'objectivité de l'organe d'appel et d'y obtenir une bonne représentation communautaire.

Sur ce point cependant la négociation en cours semble défavorable à l'Union européenne. En effet, en l'état actuel de cette négociation, l'Union, qui représente 45 % du commerce mondial, n'obtiendrait qu'un siège sur sept au sein de cet organe d'appel, alors que la France, soutenue par d'autres États membres, en réclamait deux.

Votre commission soutient le Gouvernement dans cette démarche et estime qu'une telle sous-représentation de l'Europe serait inéquitable.


• On peut se féliciter de la conclusion, en juillet 1995, d'un accord intérimaire sur le commerce des services financiers
qui devrait être mis en oeuvre, au plus tard, à partir du 30 juillet 1996 jusqu'à une date butoir fixée au 31 décembre 1997. Il s'agit d'un secteur clé, qui représente 5 % du PNB mondial.

Cet accord répond aux conditions auxquelles le Conseil de l'Union européenne avait, à la demande de la France, soumis son adhésion : c'est-à-dire, outre le délai, une condition de libéralisation multilatérale non discriminatoire aussi élevée que possible.

À cet égard, on peut notamment citer l'amélioration des offres du Japon et de la Corée.

La courte durée de l'Accord intérimaire, qui s'appliquera dix huit mois, permet d'éviter de voir la position américaine se figer et devrait inciter les États-Unis à rejoindre pleinement les disciplines multilatérales à l'expiration de l'Accord.

Afin de maintenir un équilibre des positions entre les États-Unis et les autres membres de l'OMC, l'Accord intérimaire dispose explicitement que les gouvernements des membres de l'OMC seront libres de réviser leurs décisions entre le 30 novembre 1997 et le 31 décembre 1997, c'est-à-dire de modifier ou de retirer leurs engagements. Cette disposition autorise ainsi la Communauté et ses États membres -qui ont maintenu leur meilleure offre (équivalente à l'état actuel du droit communautaire et national)- à déposer, le cas échéant, les dérogations qui pourraient alors être jugées nécessaires.

C LA NÉCESSAIRE POURSUITE DES NÉGOCIATIONS


• Jusqu'à présent l' OMC s'est essentiellement concentrée sur sa mise en place. Elle doit maintenant conclure un certain nombre de négociations inachevées sur les télécommunications de base et les transports maritimes.

- La négociation sur la libéralisation des services de télécommunications de base doit s'achever le 30 avril 1996.

D'un plan technique, elle vient d'entrer dans une phase plus politique, avec l'examen des premières listes d'engagements à partir de la fin 1995.

L'Union européenne insiste sur la nécessité d'un accès réciproque effectif aux marchés des pays tiers et elle devrait mener la négociation de façon offensive dans ce domaine.

Cependant, la négociation sur les télécommunications de base ne devra pas remettre en cause l'absence d'engagement de la Communauté et des États membres dans le secteur de l'audiovisuel à l'issue de l'Uruguay Round. Si l'évolution technique (autoroutes de l'information et numérisation) estompe les frontières entre les deux secteurs, les régimes juridiques demeurent distincts et l'annexe du volet services du GATT sur les télécommunications écarte très explicitement l'audiovisuel de son champ d'application.

- La négociation sur les transports maritimes a peu évolué, en raison notamment des réticences américaines. Un groupe de négociation réunissant 53 États doit remettre un rapport fin juin 1996. La Communauté, où les barrières à l'activité des prestataires étrangers sont très réduites, ne peut attendre que des bénéfices d'une ouverture parallèle des marchés des pays tiers. Rappelons que la flotte française ne représente que 6,6 % de la flotte communautaire.


• Enfin, il est souhaitable que l'OMC se prépare à aborder de nouveaux sujets de négociation et se tourne résolument vers les vrais sujets d'avenir
:

- promouvoir l'investissement international en assurant des règles plus uniformes et plus stables ;

- mieux intégrer les préoccupations d'environnement dans les échanges ;

- mieux prendre en compte la protection des droits sociaux et du travail dans les règles commerciales. C'est le problème de la « clause sociale ». Ces deux derniers points rencontrent l'opposition des pays en développement ;

- aborder le problème des fluctuations monétaires ;

- garantir la transparence des accords régionaux.

En effet, il faut s'assurer que la multiplication des accords régionaux (on en compte une cinquantaine dans le monde) ne porte pas atteinte au multilatéralisme, mais contribuent bien, au contraire, à l'expansion des échanges et aux efforts menés au plan multilatéral.

C'est pourquoi, les membres de la « quadrilatérale » (États-Unis, Union européenne, Japon et Canada) viennent de proposer la mise en place, au sein de l'OMC, d'une structure chargée d'assurer une plus grande transparence des accords régionaux.

Il faut préciser que l'OMC, comme avant elle le GATT, est d'ores et déjà appelée à se prononcer sur la conformité de ces accords. Il s'agit de veiller à ce qu'ils ne s'inscrivent pas en contradiction avec le principe de la nation la plus favorisée, toute discrimination entraînant des compensations.

Mais l'OMC ne disposant pas des moyens de cette mission, il semble important de créer en son sein un groupe spécifique qui se verrait confier cette tâche, ceci d'autant plus que les projets prolifèrent.

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