CHAPITRE II L'ÉVOLUTION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS FRANÇAISES

I. LA SITUATION DE FRANCE TÉLÉCOM

A. LES PRINCIPAUX RÉSULTATS FINANCIERS

1. France Télécom

En 1994, le chiffre d'affaires de France Télécom a atteint 129,3 milliards de francs, soit une hausse de 1,8 % par rapport à 1993. Ce montant place l'opérateur téléphonique au deuxième rang des entreprises de services françaises, derrière EDF et devant la Poste.

Le résultat d'exploitation s'élève à 25,9 milliards de francs. Il enregistre une baisse de 15,3%, qui s'explique essentiellement par la diminution de l'excédent brut d'exploitation, en raison de l'augmentation des impôts et taxes, de 0,6 milliard de francs à 4,5 milliards de francs. La multiplication par 7,5 de ce poste traduit l'assujettissement de France Télécom aux impôts locaux de droit commun et sa totale normalisation fiscale.

En effet, France Télécom est soumis depuis le 1er janvier 1994 aux impôts et taxes de droit commun, en lieu et place des prélèvements versés au budget général de l'État et à la participation au budget de son ministère de tutelle. Dans ce cadre, la part des taxes et impôts locaux payés à l'État s'est élevée à 3,9 milliards de francs.

Le résultat financier poursuit son amélioration grâce à la réduction de la dette, de 105,6 milliards de francs à 95 milliards de francs. Les intérêts de la dette ne représentent plus que 5,6 % du chiffre d'affaires contre 6,9 % en 1993. L'encours de la dette devrait être réduit à 92,1 milliards de francs au 31 décembre 1995.

Le résultat avant impôt et après résultat exceptionnel atteint 16,5 milliards de francs en 1994.

Après impôts sur les sociétés de 7,2 milliards de francs, le résultat net fait apparaître un bénéfice de 9,2 milliards de francs. Ce bénéfice, qui est le plus important obtenu par une entreprise française en 1994, a été affecté pour 4,5 milliards de francs à l'État et pour 4,7 milliards de francs aux réserves.

Pour 1995, le chiffre d'affaires total estimé dans l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) est de 131,5 milliards de francs, soit une augmentation de 1,7 % par rapport au chiffre d'affaires en 1994. Le résultat net de l'exercice en cours devrait être selon le ministère « dans la continuité de celui de 1994 »

2. COGECOM

Cogecom est la société holding qui regroupe la quasi totalité des filiales et participations du groupe France Télécom. Cogecom est détenue à 100 % par France Télécom.

Cogecom contrôle directement une dizaine de sociétés, telles :

- Transpac,

- France Câbles et Radio,

- Eunetcom (à 50 %),

- France Télécom Mobiles Services (FTMS),

- France Télécom Mobiles Radiomessagerie (FTMR),

- France Télécom Mobiles International (FTMI),

- Télévision de France (TDF à 49 %),

- France Télécom Câbles, ...

L'ensemble des participations, détenues directement ou indirectement, englobe environ 200 entreprises.

L'activité de la holding s'organise, depuis plusieurs années, autour de quatre pôles principaux : les réseaux, les mobiles et terminaux, les logiciels et services, l'audiovisuel et le multimédia.

Pour l'exercice 1994, le chiffre d'affaires consolidé est de 20,23 milliards de francs, soit une progression en valeur absolue de 21,3 % par rapport à 1993 et, à périmètre constant, de 8,2 %. Ce chiffre d'affaires se décompose par grands domaines d'activité de la manière suivante :

Le résultat net consolidé part du groupe s'est élevé à 210 millions de francs en 1994, contre 285 millions de francs en 1993.

B. L'ÉVOLUTION TARIFAIRE

1. La réforme tarifaire de 1994

Le prix des services proposés par un opérateur de télécommunications est un enjeu majeur de compétitivité dans un marché concurrentiel.

C'est pourquoi, le contrat de plan signé entre France Télécom et l'État en 1991 avait fixé comme objectif un meilleur ajustement des tarifs de l'opérateur sur les coûts réels de ses prestations. Il s'agissait d'éviter qu'il soit par trop vulnérable à une concurrence ciblée sur ceux de ses services les moins compétitifs -les communications longue distance- et de compenser les pertes de recettes devant résulter de leur baisse par une évolution de la facturation des communications locales jusqu'alors sous-payées.

Dans le cadre d'une évolution des tarifs globalement égale à la progression du PIB minorée de 3 %, il était prévu, sur trois ans, une division par deux de la durée de la communication téléphonique correspondant à une unité locale.

Cependant, les décisions permettant la mise en oeuvre de cette orientation n'ont été prises qu'en 1993 et le retard accumulé a conduit à réaliser l'ajustement en une fois. Le passage de six à trois minutes de la cadence de taxation locale s'est opérée d'un coup, à compter du 15 janvier 1994. Parallèlement, les communications interurbaines (au-delà de 100 kilomètres) ont diminué de 10 % (le rythme de facturation passant de 17 à 19 secondes), l'unité de base restant inchangée (0,73 francs TTC).

Dans le même temps, suite au comité interministériel d'aménagement du territoire qui s'était tenu à Mende, le 12 juillet 1993, avaient été créées les zones locales élargies glissantes (ZLEG), elles aussi prévues dans le contrat de plan.

Cette réforme, importante du point de vue de l'aménagement du territoire, avait pour but d'étendre le tarif des communications locales aux circonscriptions tarifaires limitrophes de celle du demandeur. Elle assurait une meilleure prise en compte des réalités géographiques économiques et humaines, notamment par l'abolition de l'effet de frontière existant entre circonscriptions voisines. Elle réduisait aussi l'inégalité entre abonnés de grandes villes et abonnés des zones d'habitat dispersé : la superficie des nouvelles zones locales et le nombre de correspondants pouvant être joints au tarif des communications locales étaient ainsi multipliés en moyenne par un coefficient égal à 7.

2. L'évaluation de l'impact de la réforme de 1994

Les effets de la réforme tarifaire d'envergure ainsi opérée ont fait l'objet d'une évaluation, sur un échantillon d'environ 100.000 lignes téléphoniques représentatives du parc français, de ce qu'aurait été la facture des clients sur l'ensemble de l'année 1994 si les tarifs de France Télécom n'avaient pas changé. Ces factures fictives ont été comparées aux factures réellement acquittées par les clients en 1994.

Au vu des résultats obtenus par cette enquête et de multiples études et sondages, un bilan de la réforme tarifaire a été établi par la direction générale des postes et télécommunications (DGPT). Ce bilan met en évidence des effets positifs de la réforme pour les utilisateurs.

La réforme s'est, en effet, traduite par une baisse moyenne de 3,4 % du prix du téléphone, effets modulés en fonction des catégories d'utilisateurs (baisse de 6,6 % pour les entreprises et de 0,3 % pour les ménages).

Elle a également apporté une amélioration significative de la géographie tarifaire à travers l'augmentation du nombre d'abonnés accessibles au tarif local. Aujourd'hui, aucune zone locale ne compte moins de 150.000 abonnés et les communications intérieures à un département d'outre-mer (à l'exception de la Guadeloupe et de la Guyane) bénéficient du tarif local.

Elle a enfin assuré une plus grande équité entre les utilisateurs. L'écart entre la plus grande et la plus petite des zones locales est passé de 800 à 25 en nombre d'abonnés accessibles au tarif local.

Ce bilan fait aussi apparaître que les zones locales sont plus étendues en France que dans les autres pays européens, aussi bien en surface qu'en nombre d'abonnés (3 fois plus qu'en Allemagne et 2 fois plus qu'en Angleterre en nombre d'abonnés), ce dont votre commission pour avis ne peut que se féliciter car il y a là un facteur de réduction des inégalités territoriales.

Parallèlement, la réforme tarifaire a été à l'origine d'une évolution à la baisse du chiffre d'affaires du trafic téléphonique.

Dans l'ensemble, celui-ci a diminué de 4,3 % passant de 77,7 milliards de francs en 1993 à 74,3 milliards de francs en 1994. Pour les communications téléphoniques ordinaires (c'est-à-dire hors Télétel, annuaire électronique et communications spéciales), cette baisse a atteint 5 %. Paradoxalement, ce retrait a été plus sensible sur le trafic interurbain.

Ceci s'explique, à la fois, par la médiocrité de la conjoncture économique qui a pesé sur l'activité des entreprises au début de l'année 1994 et par la tendance à la modération de toutes les consommations, qu'a inspirée au public des changements dont la complexité n'a pas facilité la compréhension. En effet, le volume total de trafic (y compris Télétel et Audiotel) est resté quasiment stable de 1993 à 1994 avec une progression limitée à + 0,5 % et + 0,3 % pour le trafic téléphonique proprement dit. Seul le trafic international a enregistré une augmentation significative de volume de + 7 %.

En définitive, la perception défectueuse du prix réel des communications par la clientèle s'est traduite par une réduction assez brutale des durées moyennes des communications de tous types, sans compensation par une élévation du nombre d'appels. C'est cette contraction du trafic qui s'est directement répercutée sur le niveau des recettes.

3. Les évolutions tarifaires intervenues en 1995

La réforme de 1994 n'a pas achevé l'effort d'ajustement tarifaire que France Télécom doit réaliser pour être en phase avec les prix du marché en 1998.

Aussi, l'opérateur a-t-il effectué, depuis le début de l'année, plusieurs autres modifications tarifaires sur le service téléphonique vocal.

Elles concernent :

- la baisse des tarifs internationaux au 4 mars 1995, évaluée globalement à - 6 % environ ;

- la baisse du prix des communications entre la métropole et les DOM également au 4 mars 1995, de l'ordre de - 12 % ;

- la baisse du prix des communications interurbaines à longue distance au 29 juin 1995, chiffrée à - 10 % ;

- quelques réaménagements complémentaires de la géographie tarifaire au 29 juin 1995.

S'agissant des liaisons louées nationales, une nouvelle baisse tarifaire de l'ordre de -9 % (en prix courants) est intervenue au 1er janvier 1995.

Cette politique d'orientation des tarifs vers les coûts devrait être poursuivie dans les prochaines années, puisque le titre VII du deuxième contrat de plan avec l'État en fait une obligation pour France Télécom.

C. LE CONTRAT DE PLAN ENTRE FRANCE TÉLÉCOM ET L'ÉTAT

Le deuxième contrat de plan entre l'État et France Télécom a été signé le 15 avril 1995. Il couvre la période 1995-1998.

Il a pour objectif majeur de permettre à France Télécom de se préparer à l'ouverture totale à la concurrence au 1er janvier 1998. En effet, à compter de cette date, les activités de l'exploitant se développeront dans un environnement concurrentiel qui se caractérisera par la diversification des attentes des clients, l'ouverture internationale des marchés et les changements de la réglementation européenne et nationale.

Ce document repose sur deux orientations prioritaires qui sont liées aux missions de service public assurées par France Télécom, à savoir :

- offrir aux consommateurs et aux entreprises les meilleurs services de télécommunications ;

- contribuer à l'aménagement du territoire et à la recherche, conformément au cahier des charges de l'opérateur.

Quatre autres orientations majeures du contrat de Plan confortent des stratégies déjà suivies par France Télécom depuis déjà plusieurs années.

L'exploitant public s'engage, tout d'abord, à mettre en oeuvre une politique de qualité globale en offrant à ses clients, entreprises et particuliers, de meilleurs services à de meilleurs prix.

Ses abonnés bénéficieront ainsi d'une plus grande diversification de la gamme des prestations et d'une accentuation progressive de la baisse des prix des services de base (téléphone, liaisons louées...). L'évolution des prix des services de base devra globalement être inférieure d'au moins 4,5 % en 1995, 5 % en 1996, 5,5 % en 1997 et 6 % en 1998, à celle des prix à la consommation.

Deuxième objectif stratégique du contrat de Plan : permettre à France Télécom de devenir, avec ses partenaires étrangers, un opérateur mondial capable de répondre aux besoins internationaux des entreprises multinationales.

La troisième priorité consiste à assurer, dans un contexte de concurrence généralisée, les conditions de la compétitivité de France Télécom en diminuant son endettement de 95 à 45 milliards de francs.

Rappelons, pour mémoire, que dans le cadre du précédent contrat de plan, la dette de l'opérateur est passée de 120,7 milliards de francs en 1990 à 95 milliards de francs fin 1994. Le nouvel objectif de réduction de la dette est donc 1,7 fois supérieure au résultat obtenu sur une durée équivalente. Cette forte ambition doit être approuvée car la charge de la dette (8,2 milliards de francs en 1994) est un lourd handicap de compétitivité.

La réalisation de cette ambition suppose toutefois que soit réglé, avant le 1er janvier 1998, le problème endémique des impayés téléphoniques des ministères à l'égard de France Télécom. Ces impayés atteignaient, au 30 août 1995, la somme tout à fait considérable de deux milliards 450 millions de francs.

Dans le même temps, France Télécom -qui est déjà le plus gros investisseur français devant EDF et la SNCF- prévoit de programmer 132 milliards de francs d'investissements sur quatre ans et de continuer à consacrer 4 % au moins de son chiffre d'affaires à la recherche.

Enfin, le contrat de plan fixe le cadre de la politique tarifaire de l'opérateur. Il stipule, notamment, une poursuite de la baisse des communications à longue distance et une évolution des prix appliqués aux liaisons louées, qui sont de nature à permettre aux clients de disposer de tarifs comparables aux meilleurs tarifs européens.

Ainsi, les services qui sont appelés à connaître les plus fortes baisses recouvrent :

- les communications téléphoniques à grande distance : interurbain longue distance, international et, plus particulièrement, les axes de trafic enjeu de la concurrence, ainsi que les liaisons DOM-métropole ;

- les communications Numéris à longue distance ;

- les liaisons louées nationales de type numérique à moyen et haut débit, tout comme celles à longue distance ;

- les liaisons louées internationales.

Au surplus, l'ensemble du dispositif d'offres tarifaires optionnelles déjà mis en oeuvre et qui est appelé à se développer dans le temps, contribue, à travers ses différentes formules, au mouvement général de baisse des tarifs et au respect de l'objectif d'évolution des prix fixé par le contrat de plan.

Au total, ce contrat de plan traduit nettement la volonté des pouvoirs publics de préparer au mieux l'opérateur au choc de la concurrence qui va résulter de la libéralisation de la téléphonie vocale en 1998.

D. LES ALLIANCES INTERNATIONALES

Dans la droite ligne d'un des objectifs stratégiques de son contrat de plan, France Télécom -quatrième opérateur mondial- cherche à valoriser ses compétences et ses points forts à l'étranger. C'est ainsi que le groupe tend à prendre des participations dans les sociétés téléphoniques de pays à fort potentiel et a y exporté son savoir-faire dans plusieurs domaines : la modernisation des réseaux de base, les mobiles, l'ingénierie et l'expertise technique.

Mais, un des premiers objectifs du groupe est de répondre aux besoins de ses clients ayant des activités dans plusieurs pays et de les accompagner dans leur expansion internationale. C'est, notamment, pour pouvoir leur proposer une gamme complète de services partout dans le monde qu'il a engagé des partenariats poussés avec Deutsche Telekom, en Allemagne, et Sprint, aux États-Unis.

1. Les prises de participation

Depuis 1990, année de sa transformation en opérateur autonome, France Télécom a engagé une politique très active d'investissements à l'étranger.

D'une manière générale le groupe oriente ces investissements vers :

- la zone Asie-Pacifique, qui est en fort développement ;

- l'Amérique latine, où il détient des participations en Argentine et au Mexique ;

- l'Europe de l'Est, où il participe déjà à l'offre d'un service mobile en Pologne et à de petites opérations en Russie.

Dans les pays développés, France Télécom s'intéresse, en particulier, aux services mobiles, aux services aux entreprises et au multimédia (télématique).

La présence de France Télécom à l'étranger s'appuie sur l'acquisition de droits d'exploitation, par la participation aux privatisations de réseaux téléphoniques de base et par l'obtention de licences dans le secteur des mobiles.

Dans ces diverses opérations, France Télécom se présente souvent dans le cadre d'un consortium constitué avec d'autres opérateurs.

Parmi les principales réalisations de 1994 et du début de 1995, on notera le protocole d'accord signé, dans le domaine des réseaux de base, par France Télécom, Deutsche Telekom et US West avec Rostelecom pour la construction d'un réseau longue distance en fibres optiques en Russie. Parallèlement, Westbalt Telekom, société détenue à 49 % par le groupe, a inauguré son réseau public de télécommunications dans la région de Kaliningrad (Russie). D'importants contrats ont également été signés au Vietnam, pour la construction de plusieurs centaines de milliers de lignes, et en Indonésie, pour la construction, ainsi que l'exploitation d'un réseau de 460.000 lignes. En outre, France Télécom poursuit la modernisation des réseaux de télécommunications au Mexique et dans la partie nord de l'Argentine.

Dans le domaine des mobiles, on citera la signature en juin avec le ministère des postes et télécommunications du Liban d'un contrat de réalisation et d'exploitation d'un réseau GSM. France Télécom est également entré dans le consortium MTS titulaire d'une licence d'exploitation exclusive d'un réseau de téléphonie mobile à Moscou pour une durée de dix ans. En outre, l'offre de France Télécom Mobile International a été retenue par le Gouvernement belge pour l'exploitation du second réseau GSM (Mobistar) en Belgique (ce réseau sera opérationnel en 1996).

En matière d'ingénierie et de conseil, le groupe a poursuivi ses activités dans de nombreux pays et a notamment remporté deux contrats relatifs à l'installation de système de gestion des abonnés en Afrique du Sud et en Indonésie.

À la fin de 1994, les investissements à l'étranger atteignaient un montant cumulé de 6 milliards de francs environ.

Le groupe réalise ou contrôle, en prenant en compte les parts de capital détenues, un chiffre d'affaires à l'étranger qui s'est élevé en 1994 à environ 6,5 milliards de francs dont la plus grande partie provient de Telecom Argentina (Argentine) et Telmex (Mexique). Il convient de préciser que les prises de participation du groupe dans certains pays contribuent à favoriser la présence d'industriels français dans ces pays, dans le domaine de la téléphonie publique par exemple.

Signalons pour mémoire que France Télécom dispose, pour ses investissements financiers à l'étranger, d'une capacité d'investissement de 20 milliards de francs sur la période du deuxième contrat de plan (1995/1998), soit 15,5 % des investissements totaux.

2. Le partenariat France Télécom, Deutsche Telekom, Sprint

Il y a déjà plusieurs années que des grands opérateurs de télécommunications de pays étrangers ont constitué des partenariats internationaux pour répondre aux besoins d'une clientèle d'entreprises multinationales. Il s'agit principalement de Concert -regroupant BT, le premier britannique, et MCI, le deuxième américain- mais aussi d'Uniworld, (associant ATT et les européens fédérés au sein d'Unisource, à savoir le suédois Télia et les opérateurs « historiques » néerlandais et suisse). Ces deux groupes ont commencé à proposer des prestations sur le marché international en 1994.

C'est dans ce contexte de restructuration internationale du secteur que doit se comprendre l'alliance en cours de constitution entre France Télécom, Deutsche Telekom et l'américain Sprint.


• Les bases du rapprochement stratégique entre France Télécom et Deutsche Telekom ont été jetées à la fin de 1993 au travers d'un protocole qui prévoyait la constitution d'une société -dénommée Atlas- fédérant les offres de services des deux grands opérateurs en matière de transmission de données, de réseaux privés virtuels et de liaisons internationales.

L'ambition d'Atlas peut se résumer d'une formule : proposer des prestations « sans coutures » à l'échelle planétaire aux entreprises multinationales. Il s'agit d'éviter à ces entreprises d'avoir à gérer plusieurs contrats de télécommunications et les problèmes techniques de connexion ou de compatibilité de divers réseaux de transmission de données.

L'intérêt commercial d'une telle structure découle du fait que les entreprises multinationales y trouveront deux avantages : une offre homogène permettant le développement de services très sophistiqués, ainsi qu'un guichet unique leur assurant de n'avoir qu'un seul interlocuteur pour l'ensemble de leurs besoins.

En décembre 1994, France Télécom et Deutsche Telekom ont finalisé leur accord Atlas, sur la base du protocole signé auparavant. Cet accord a aussitôt été notifié à la Commission européenne.

Celle-ci, après presqu'une année de discussions, a en définitive autorisé la mise en oeuvre du projet, en novembre dernier, sous réserve du respect de conditions très strictes, justifiées par le souci d'éviter que l'accord ne porte pas atteinte au jeu de la concurrence dans le secteur.

Il est ainsi exigé :

- que France Télécom et Deutsch Telekom ne soient pas des distributeurs exclusifs des produits d'Atlas sur leur territoire national d'origine, mais qu'ils se concurrencent mutuellement ;

- que Info AG, filiale de France Télécom en Allemagne ne soit pas incluse dans l'accord d'Atlas et soit revendue, afin de ne pas restreindre la concurrence sur le territoire allemand ;

- que les infrastructures alternatives de télécommunications des deux pays (réseaux filaires indépendants tels, en France, ceux des câblo-opérateurs, de la SNCF, de la RATP, d'EDF ou des sociétés d'autoroutes...) puissent être autorisées à concurrencer le réseau de l'opérateur dominant à partir du 1er juillet 1996 ;

- et surtout, que Transpac et Datex-P, les services de transmissions de données par paquets des deux alliés, soient exclus d'Atlas jusqu'en 1988, limitation très sévère puisque ce type de service doit justement constituer le fer de lance de l'offre commune.


• Pour élargir l'assise territoriale de leur alliance, France Télécom et Deutsche Telekom ont signé, en juin 1994, un protocole d'accord avec le troisième opérateur nord-américain, Sprint, afin de constituer, ensemble, une filiale présente sur tous les continents : Phoenix.

Il est prévu que Phoenix fournisse une offre globale à l'échelle mondiale. Celle-ci inclura des services de voix, de données et d'images pour les multinationales, les grands clients d'affaires et les entreprises ayant des besoins de communications internationales. Elle comportera également des services internationaux pour les particuliers, notamment dans un premier temps, dans le domaine des cartes téléphoniques pour les personnes en déplacement. Enfin, elle proposera des services d'opérateur à opérateur.

Dans le cadre de ce partenariat mondial, les deux entreprises européennes feront, conjointement et à parts égales, l'acquisition de 20 % du capital de Sprint, ce qui représente pour France Télécom un investissement d'environ 10 milliards de francs.

Les trois partenaires ont signé, le 22 juin 1995, un accord de partenariat sur la base du protocole de 1994.

Cet accord a déjà reçu l'approbation de la commission américaine de surveillance des investissements étrangers et celle du département américain de la justice, qui a rendu un « consent decree » le 13 juillet 1995. Il lui reste, à présent, à obtenir l'autorisation de la commission fédérale des communications (FCC) avant de prendre pleinement effet.

E. LE HANDICAP DU STATUT

Le seul véritable handicap de l'opérateur reste en définitive son statut. Ce statut, équivalent à celui d'un établissement public, limite, en effet, ses possibilités d'accord avec des partenaires étrangers car, du fait même qu'il exclut une capitalisation de l'entreprise, il lui interdit des rapprochements fondés sur des participations croisées en capital. Or, dans le contexte de concurrence mondiale avivée que connaît le secteur des télécommunications, ce handicap peut se révéler très pénalisant.

De fait, si la structure d'établissement public est tout à fait adaptée à la gestion d'un monopole, elle peut être un redoutable handicap dans un environnement concurrentiel.

Nier la nécessité d'un changement est donc illusoire. Décider de s'y opposer semble purement incantatoire. La tragédie que traverse actuellement Air France et les difficultés que doit affronter Air Inter nous démontrent que, face à la déréglementation mondiale, ce n'est pas en ne procédant pas aux nécessaires adaptations quand il en est encore temps qu'on les évite. Au contraire, on les rend difficiles et beaucoup plus périlleuses.

Or les positions très satisfaisantes qu'occupe aujourd'hui la France dans le domaine des télécommunications ne doivent pas être ébranlées par l'inadéquation du statut de son principal exploitant téléphonique au défi concurrentiel. Les bons résultats présents ne doivent pas dissuader d'agir dès maintenant. Bien plus, les témoignages de nombreux acteurs du monde des télécommunications amènent à considérer que plus on tardera à prendre les mesures qui s'imposent, plus elles seront difficile à mettre en oeuvre et plus les ajustements à opérer seront importants. Sans compter que l'attente du changement tend à perturber les anticipations économiques des entreprises du secteur et commence aussi à avoir des effets négatifs.

N'oublions pas Deutsche Telekom, l'opérateur allemand allié de France Télécom et dont le statut était jusqu'à une date récente identique à celui de l'exploitant français, est désormais engagé dans la voie d'une transformation en société anonyme et qu'une partie du capital de celle-ci devrait être introduite en bourse dans la deuxième moitié de 1996.

C'est pourquoi, la décision prise par notre commission de confier à notre collègue Gérard Larcher le soin d'élaborer un rapport d'information sur les défis lancés à France Télécom et les réponses à y apporter apparaît particulièrement opportune.

De même, le choix que celui-ci a annoncé de réfléchir à une « sociétisation » de France Télécom, qui laisserait à l'État le contrôle la majorité du capital social, apparaît également judicieux. L'emploi de ce terme permet, en effet, de supprimer les ambiguïtés recelées par la notion de privatisation.

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