III. LES AUTRES ÉVOLUTIONS MARQUANTES

A. LE PROBLÈME RÉCURRENT DE L'HABILITATION À CONSENTIR DES PRÊTS IMMOBILIERS

La Poste n'est pas actuellement autorisée à consentir des prêts immobiliers sans épargne préalable ni de « prêts personnels », catégorie regroupant plusieurs types de prêts aux ménages : découverts en compte courant dépassant 5.000 francs 1 ( * ) , crédits de type « revolving » (prêts personnels permanents non affectés à une dépense spécifique, dont le plafond se reconstitue avec le remboursement des sommes tirées), prêts personnels à la consommation (prêts étudiants, prêts personnels affectés ou non à une dépense particulière : automobile, achats ménagers...).

Lors de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation du service public postal, votre commission pour avis avait considéré que l'extension de la gamme de produits financiers de l'opérateur postal était indispensable pour lui donner les moyens de participer efficacement à un aménagement équilibré du territoire. Elle avait estimé que, dès lors qu'il s'engageait à maintenir ses services en zone rurale, il fallait lui donner les moyens d'assurer leur viabilité.

C'est pourquoi, elle avait proposé -tout en prenant en compte les appréhensions légitimes des milieux bancaires- d'étendre les compétences financières de la Poste.

Pourtant, malgré une position similaire à l'Assemblée nationale et le soutien du ministre en charge du secteur, le Gouvernement avait refusé cette orientation. Il avait toutefois accepté de faire inscrire dans la loi de juillet 1990 le principe de l'élaboration d'un rapport et de l'organisation d'un débat parlementaire sur ce sujet au cours de la session de printemps 1991. Ce débat n'a jamais été organisé.

Il n'en a pas moins brutalement rebondi dans les médias, il y a deux mois, au moment de la préparation des textes instituant les prêts immobiliers à taux zéro.

Autant qu'une grande réforme des financements de l'accession à la propriété, ces prêts constituent, en effet, un produit financier de nature à drainer une grande partie des prêts immobiliers distribués par les établissements de crédit. Selon certains, 77 % des prêts au logement neuf consentis cette année aurait été éligibles aux prêts à taux zéro.

C'est pourquoi leur création a entraîné une forte demande de la Poste de participer à leur distribution. Son président a même estimé que cela était « vital pour la Poste ». De fait, si elle avait été exclue du dispositif, la Poste aurait été gravement exposée au risque d'être coupée de la clientèle pouvant prétendre à ce type de prêt et de perdre, ainsi, beaucoup de ses clients ayant ouvert un compte d'épargne logement à ses guichets. Ceux-ci pour pouvoir compléter, par un prêt à taux zéro, leurs droits à prêt ouverts au titre de l'épargne logement auraient été incités à transférer leurs comptes d'épargne logement dans un réseau agréé.

À l'inverse, l'autorisation de proposer des prêts à taux zéro présentait, pour la Poste, le double avantage de compléter sa gamme épargne logement et de s'immiscer dans la distribution de crédits de droit commun en affichant sa vocation sociale.

Là encore, l'émotion qu'une telle perspective a suscité dans de milieu bancaire a interdit sa réalisation. Elle n'a toutefois pas abouti à écarter totalement la Poste du dispositif, ce qui aurait conduit à la marginaliser irrémédiablement.

Sagement, le Gouvernement, tout en refusant à la Poste de distribuer directement des crédits à taux zéro à d'autres qu'à son personnel, a accepté qu'elle puisse passer des accords de partenariat avec des établissements de crédit à condition que ceux-ci soient spécialisés dans l'immobilier et n'aient pas d'activité concurrente des CCP.

Sur la base de cette habilitation, la Poste a d'ailleurs conclu un accord non exclusif avec le crédit foncier de France qui se trouvait, lui-même, quelque peu ébranlé par la suppression des prêts d'accession à la propriété dont il détenait le monopole de distribution.

Votre rapporteur pour avis approuve cette solution de compromis qui réussit à sauvegarder les intérêts essentiels de chacune des parties en présence.

B. LA SUPPRESSION DES FRANCHISES POSTALES

La loi du 2 juillet 1990, relative à l'organisation du service public de la Poste et des télécommunications, a donné à la Poste un statut d'exploitant public autonome, doté de la personnalité morale, et donc distinct de l'État, désormais en charge de la régulation du secteur postal et de la tutelle de la Poste. En outre, cette loi a posé le principe d'une juste compensation des prestations de service public assurées par chaque exploitant.

Sur le fondement de ce texte, le cahier des charges de la Poste a précisé que les prestations fournies par la Poste en franchise d'affranchissement, devraient faire l'objet d'une rémunération sur la base des tarifs existants. Il a cependant été admis, dans ce même document que les services de courrier assurés par la Poste aux différents départements ministériels dans le cadre de la franchise continueraient selon les modalités antérieures pendant une période transitoire devant prendre fin au plus tard le 31 décembre 1995.

L'application de ces règles entraîne donc qu'à compter du début de l'an prochain, les différentes administrations auront à s'acquitter aux tarifs de droit commun des prestations de courrier assurées par la Poste.

De la même manière, la franchise postale dont les maires bénéficient au titre de leurs seules fonctions de représentants de l'État, pour celles de leurs correspondances entrant dans le cadre de ces fonctions, et celle accordée aux départements et régions dans le cadre des lois de décentralisation cesseront dans les mêmes conditions.

L'approche de cette échéance a suscité une vive -et légitime-inquiétude parmi de nombreux élus locaux qui ont considéré qu'elle signifiait un nouveau transfert de charges de l'État vers les collectivités locales et, tout particulièrement, les communes.

En réponse aux questions que votre rapporteur pour avis a posées au Gouvernement à ce propos, il lui a été précisé qu'actuellement : « le système de la franchise postale donne lieu à une rémunération forfaitaire de l'État à la Poste pour le service rendu. Ainsi, la franchise ne constituait en aucun cas un avantage mis gratuitement à la disposition de certaines catégories d'expéditeurs par la Poste, qui est tenue de faire rémunérer les prestations effectuées sur la base de tarifs existants 1 ( * ) . »

Aussi, a-t-il été indiqué à votre rapporteur pour avis en ce qui concerne les ministères, la procédure budgétaire retenue consistera à inscrire en charges communes le montant global des franchises, puis à opérer début 1996 une répartition entre les ministères, par arrêté, afin d'abonder en gestion les chapitres concernés de chaque département ministériel.

Surtout, il lui a été assuré que la compensation de la suppression de la franchise postale aux départements et aux régions (franchise issue des lois de décentralisation, évaluée à 85 millions de francs), d'une part, et aux communes (franchise des maires agissant en tant que représentants de l'État, évaluée à 67 millions de francs), d'autre part, sera inscrite en loi de finances initiale au titre, respectivement, de la dotation générale de décentralisation et de la dotation globale de fonctionnement.

Les indications qui ont été communiquées sur ce point à votre rapporteur pour avis lui ont confirmé le respect de ces engagements. Il se propose toutefois d'interroger le Gouvernement sur les modalités d'évaluation du coût des franchises accordées aux collectivités locales, afin de vérifier que la compensation effectuée est à la hauteur des réalités. Il estime, en tout état de cause, qu'il conviendra au cours des années à venir de faire preuve d'une très grande vigilance quant au maintien à niveau de cette compensation. Il ne s'agirait pas que le brutal transfert de charges craint cette année puisse s'opérer progressivement au cours de plusieurs exercices budgétaires successifs.

C. UN ASSUJETTISEMENT DE PLUS EN PL US ÉTROIT À LA FISCALITÉ DE DROIT COMMUN

Exonérée jusqu'au 1er janvier 1994, la Poste est depuis cette date soumise à la taxe professionnelle 2 ( * ) . L'assiette de cette taxe, déterminée selon le droit commun, porte sur trois éléments :

- les valeurs locatives des immobilisations passibles d'une taxe foncière que la Poste utilise en tant que propriétaire ou locataire ;

- un pourcentage (16 %) de la valeur brute au bilan des autres immobilisations corporelles ;

- un pourcentage de la masse salariale (18 %).

Cependant, les modalités de déclaration et de paiement des impôts locaux sont sur plusieurs points dérogatoires au droit commun. L'article 21 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications apporte, en effet, les précisions suivantes :

- la Poste paie ses impôts locaux au niveau national et non pas directement au niveau local comme les autres entreprises ;

- le taux applicable est un taux moyen pondéré national et non le taux applicable dans chacune des collectivités locales disposant d'un local appartenant ou loué à la Poste ;

- et surtout les bases d'imposition de la fiscalité locale font l'objet d'un abattement de 85 %.

Cet abattement constitue la contrepartie forfaitisée des contraintes de desserte de l'ensemble du territoire et de la participation et l'établissement public à l'aménagement du territoire 1 ( * ) . Cette contrepartie peut, sur la base de l'abattement de 85 % consenti sur l'assiette de la taxe professionnelle, être évaluée à environ 1,2 milliard de francs.

Elle est loin de couvrir les charges supportées par la Poste pour le maintien de ses guichets en milieu rural, puisque celles-ci sont, le plus souvent, évaluées à trois milliards de francs.

Il y a là un déficit de couverture d'autant plus gênant qu'il s'ajoute à celui -estimé à environ 1,8 milliard de francs- qui découle pour la Poste des facilités financières accordées, aux organismes sociaux et aux particuliers les plus démunis, à des conditions très largement inférieures à leurs coûts réels (facilités de trésorerie à l'Urssaf et aux caisses de sécurité sociale ; acceptation de l'utilisation des livrets A comme des comptes courants dépourvus de chéquier pour les personnes à revenus modestes ou en situation sociale précaire que la Poste est le seul établissement financier à accueillir).

Cette situation apparaît donc, à plus d'un titre, assez critiquable puisque, hormis les dérogations précitées au régime de la taxe professionnelle, la Poste se trouve actuellement assujettie à une fiscalité de droit commun.

Au taux unique de 4,25 % de la taxe sur les salaires est venu se substituer, au 31 août 1994, le barème progressif de droit commun fiscal, conformément à l'article 42 de la loi de finances pour 1994. Les taux appliqués s'étalent donc maintenant de 4,25 % à 13,6 selon le niveau de la rémunération individuelle annuelle.

Globalement, le taux moyen est estimé à 9,20 %, ce qui constitue une lourde charge pour un établissement comme la Poste, dont la caractéristique principale en tant qu'organisation est d'être une forme « d'entreprise de main-d'oeuvre ».

S'ajoutent, bien entendu, à la taxe sur les salaires les autres éléments de la fiscalité liée aux salaires (taxe d'apprentissage, taxe pour la formation continue, taxe pour l'effort en faveur de la construction).

Ainsi, la normalisation des relations financières entre l'État et l'établissement public conduit la Poste à acquitter, en 1994, 3,9 milliards de francs au titre des impôts et taxes, soit 644 millions de francs de plus qu'en 1993, en incluant le prélèvement forfaitaire précité.

En 1995, l'extension en année pleine du dispositif de droit commun entré en vigueur en septembre 1994 entraînera un fort ressaut fiscal, avec une progression prévue de 1,3 milliard de francs, amenant le montant total de la taxe sur les salaires à plus de 3,6 milliards de francs. L'équilibre financier sera donc difficile à réaliser durant l'exercice 1995, quelle que soit l'action de la direction de l'établissement.

Couplée à l'insuffisante rémunération des dépôts CCP auprès du Trésor, cette évolution amène à s'interroger sur la capacité de la Poste à assumer longtemps les lourdes tâches de service public qui sont les siennes.

À ne pas compenser le coût de ces tâches dans un environnement qui tend à devenir de plus en plus concurrentiel, l'État ne prend-il pas le risque de ne laisser à la Poste qu'une seule alternative : le déficit permanent -et les cruelles révisions qu'il finira par imposer- ou l'ajustement continu de ses effectifs à la baisse ?

* 1 Les découverts sur CCP sont autorisés depuis 1983 ; ils ne peuvent toutefois dépasser 40 % de l'avoir moyen de compte dans le mois où le trimestre précédent avec un maximum de 5.000 francs

* 1 Le montant budgété pour 1995 est de 3,618 milliards de francs. Ce chiffre, constant depuis 1991, ne prend donc pas en compte les évolutions tarifaires survenues depuis et a, par ailleurs, été soumis à régulation budgétaire quasiment chaque année (- 127 millions en 1991, - 200 millions en 1993, - 196 millions en 1994, - 361,8 millions en 1995).

* 2 La charge fiscale relative à cette taxe a été de 201 millions de francs en 1994 et elle devrait s'établir à 216 millions de francs en 1995 et 252 millions de francs en 1996.

* 1 La loi du 2 juillet 1990 prévoit que le Gouvernement doit déposer, avant le 31 décembre 1996, un rapport au Parlement retraçant les contraintes de desserte de l'ensemble du territoire national et de participation à l'aménagement du territoire qui s'imposent à la Poste et les charges qui en résultent pour cet exploitant.

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