CHAPITRE PREMIER - L'ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT RURAL

Au cours de l'année écoulée, la politique nationale d'aménagement rural aura été marquée par l'adoption d'un ensemble de mesures législatives significatives ainsi que par des modifications, successives, de l'organigramme gouvernemental.

I. LES APPORTS LÉGISLATIFS RÉCENTS

En effet, au cours de la même session, à des titres divers, l'espace rural a été concerné par les dispositions de trois projets de loi, préparés par trois ministères différents : celui de l'aménagement du territoire, celui de l'agriculture et celui de l'environnement.

Il est significatif que l'aménagement et le développement de l'espace rural aient pu ainsi être considérés à la fois comme la déclinaison rurale d'une politique globale de l'aménagement du territoire, comme l'un des aspects naturels de la politique agricole et comme l'un des objets possibles de prescriptions environnementales.

De manière révélatrice, d'ailleurs, l'article premier, de portée déclarative, de chacune de ces lois fait référence à l'espace rural.

Ainsi, l'article premier de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture, à l'occasion de la réécriture de l'article premier de la loi du 4 juillet 1980 d'orientation agricole, assigne comme l'un des objectifs de la politique agricole « de contribuer à l'aménagement et au développement du territoire et à l'équilibre économique et social des espaces ruraux (...) dans le respect de la protection de l'environnement ».

De son côté, l'article premier de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement insère un article L.200-2 dans le livre II du code rural aux termes duquel « les lois et règlements organisent le droit de chacun à un environnement sain et contribuent à assurer un équilibre harmonieux entre les zones urbaines et les zones rurales. »

Enfin, l'article premier de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation, vise implicitement l'espace rural lorsqu'il assigne à la politique d'aménagement et de développement du territoire -objectif d'intérêt général concourant à l'unité et à la solidarité nationale- « d'assurer à chaque citoyen l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire », de favoriser « la mise en valeur et le développement équilibré du territoire », de corriger « les inégalités des conditions de vie des citoyens liées à la situation géographique et à ses conséquences en matière démographique, économique et d'emploi » et de « compenser les handicaps territoriaux ».

S'il faut, sans doute, se féliciter de la sollicitude législative dont l'espace rural a fait l'objet, on doit cependant s'interroger sur l'opacité qui paraît entourer la notion « d'aménagement rural ».

Jusqu'aux lois de décentralisation, il paraissait entendu que l'aménagement rural, au sens strict, était l'affaire du ministère de l'agriculture. Cette politique recouvrait un ensemble d'actions diversifiées : le développement à des fins « productivistes » d'équipements et d'infrastructures collectifs (hydraulique, remembrement) ; la mise à disposition de services à la population (adduction d'eau et assainissement, électrification) ; l'animation économique du milieu rural ; la construction ou le maintien en état d'infrastructures publiques ; la compensation du handicap résultant de la localisation dans des zones difficiles.

L'essentiel de ces actions passait par la réalisation d'aménagements physiques, effectués ou étroitement contrôlées par le ministère de l'agriculture.

Cette conception de l'aménagement rural justifiait pleinement que votre commission consacre un avis spécifique à cette politique dans le cadre de l'examen des crédits du ministère de l'agriculture.

Or, il apparaît aujourd'hui que la notion d'aménagement rural tend à se confondre avec celle de développement rural.

Il s'agirait ainsi de la politique spécifique conduite en faveur du monde rural, dans le cadre général de la politique d'aménagement du territoire.

Dans le même temps, il apparaît, au vu des réponses aux questionnaires qui lui ont été adressés, que la conception qu'en a le ministère de l'agriculture est plus restrictive que celle, communément admise : l'aménagement rural paraît recentré sur quelques actions, gérées directement par le ministère, et sur le fonds de gestion de l'espace rural.

A. LA LOI D'ORIENTATION POUR L'AMÉNAGEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE

La loi d'orientation concerne à plusieurs titres l'espace rural : elle détermine des zones prioritaires d'aménagement du territoire qui intéressent, pour partie, l'espace rural ; des instruments financiers sont soit modifiés, soit crées ; elle traite du cas des services publics.

1. Les zonages

La loi d'orientation a prévu la définition de zones prioritaires destinées à servir de support aux mesures spécifiques en faveur du développement économique. S'agissant des territoires ruraux, la loi crée deux nouvelles circonscriptions de référence.


• Les territoires ruraux de développement prioritaire (TRDP ; article 42) recouvrent les zones rurales défavorisées caractérisées notamment par leur faible niveau de développement économique et par l'insuffisance du tissu industriel ou tertiaire. Ces territoires abritent, au total, une population d'environ 13 millions de personnes. Ils englobent une partie, mais une partie seulement, des zones d'aménagement du territoire définies au niveau de l'Union européenne qui, elles hébergent 23,1 millions d'habitants. L'institution des TRDP a pour avantage principal de permettre l'attribution d'aides nationales à des communes ou des cantons connaissant des handicaps importants, mais qui ne sont pas, pour autant, inscrits dans des zones d'aménagement du territoire et ne peuvent donc pas bénéficier des primes d'aménagement du territoire. La liste des territoires ruraux de développement prioritaire a été fixée par un décret n° 94-1139 paru au Journal officiel du 28 décembre 1994.


• À l'intérieur des TRDP, les zones de revitalisation rurale (ZRR ; I de l'article 52 : l'article 1465 A du code général des impôts) comprennent les communes appartenant aux territoires ruraux de développement prioritaire et situées soit dans les arrondissements dont la densité démographique est inférieure ou égale à 33 habitants au kilomètre carré, soit dans des cantons dont la densité est inférieure à 31 habitants au km 2 , dès lors que ces arrondissements ou cantons satisfont également à l'un des trois critères suivants : le déclin de la population totale, le déclin de la population active, un taux de population active agricole supérieur au double de la moyenne nationale. Elles comprennent également les communes situées dans les cantons dont la densité démographique est inférieure ou égale à 5 habitants au kilomètre carré. Ces zones de revitalisation rurale regroupent au total, plus de 4,4 millions d'habitants et concernent 728 cantons couvrant 21 millions d'hectares.

Le décret d'application, soumis à notification préalable à la Commission européenne, serait actuellement en cours de signature et devrait « être très prochainement publié ». Il aura pour objet de préciser certaines modalités d'appréciation des critères et de définir exhaustivement les zones concernées.


• Les TRDP et les ZRR bénéficient des avantages fiscaux ou sociaux et de certaines mesures prévus par la loi :

Article 15 : Majoration du crédit impôt-recherche (Art. 244 quater B IIe du Code général des Impôts).

Article 43 : Intervention du Fonds national de développement des entreprises.

Article 44 - I - Exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises qui s'installent dans les TRDP (44 sexies du Code général des Impôts).

Article 44 - II - Réduction du droit de mutation des fonds de commerce et de clientèle dans les TRDP (722 bis du Code général des Impôts).

Article 46 : Exonération de taxe professionnelle pour la création, la décentralisation, l'extension ou la reprise d'entreprises situées dans les TRDP (article 1465 du Code général des Impôts).

Article 49 : Réduction optionnelle de la taxe départementale pour les acquisitions de résidence, consécutives à une délocalisation dans les TRDP (article 1594 F quater du Code général des Impôts).

Article 50 : Abattement de 50 % sur l'assiette de la taxe départementale dans les ZRR, compensé (article 1594 F ter du Code général des Impôts) pour les mêmes opérations.

Article 52 : Exonération de la taxe professionnelle pour les créations ou extensions d'activité dans les ZRR (article 1465 A du Code général des Impôts).

Article 55 : Exonération de l'impôt sur le revenu pendant deux ans pour les logements vacants remis en location dans les communes de moins de 5 000 habitants.

Article 56 : Amortissement fiscal exceptionnel dans les ZRR (article 39 quinquies D du Code général des Impôts).

Article 58 : Exonération des cotisations patronales pour les nouvelles embauches dans les ZRR.

Article 59 : Prise en charge des cotisations familiales dans les ZRR.

Article 62 Attribution prioritaire des aides de l'État à la réhabilitation de l'habitat ancien dans les ZRR.

Article 63 : Passation de contrats particuliers entre l'État et les collectivités situées dans les ZRR.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES PRINCIPALES MESURES ZONÉES


• Outre la création de ces catégories de zones prioritaires d'aménagement du territoire, la loi prévoit la création de pays , qui peuvent, aux termes de l'article 23, « exprimer les solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural ».

L'état d'avancement de la politique dite « de pays » est détaillée dans l'avis « Aménagement du territoire » de votre commission.

On peut cependant indiquer que le renouvellement municipal semble avoir retardé la mise en place des nouvelles commissions départementales de coopération intercommunale chargées de constater l'existence d'un pays.

Dans l'immédiat, le Gouvernement a lancé une opération dite de « préfiguration » sur la base de 42 « pays tests », dont la liste figure ci-après.

Depuis sa date d'établissement, le pays Centre-Bretagne, à cheval sur les départements des Côtes d'Armor, du Finistère et du Morbihan a été ajouté à cette liste et celui du grand Havre en a été retiré.

Liste des pays de préfiguration

2. Les fonds d'intervention

Dans ce domaine, la loi d'orientation procède à une réforme radicale des fonds budgétaires intéressant l'aménagement rural : d'une part elle fusionne deux fonds ruraux traditionnels au sein d'un fonds unique, d'autre part, elle crée un nouveau fonds spécifique.


• L'article 33 de la loi, tout d'abord, crée un Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui a vocation à remplacer sept fonds spécialisés, dont deux fonds ruraux : le FIDAR (fonds interministériel de développement et d'aménagement rural) et le FIAM (fonds d'intervention pour l'autodéveloppement de la montagne).

Ce fonds a été mis en place, par anticipation, dans la loi de finances pour 1995.


• Sans concerner, spécifiquement l'espace rural, le nouveau Fonds national de développement des entreprises (FNDE) peut intervenir en faveur du développement rural.

Ce fonds, prévu par l'article 43 de la loi, a pour objet de développer l'emploi, favoriser le maintien, la croissance et la création des entreprises petites et moyennes dans les zones d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de développement prioritaire et dans les zones de redynamisation urbaine. Ce fonds a pour vocation de renforcer les fonds propres et de favoriser l'accès au crédit de ces entreprises. Il a pour but de concourir à la mobilisation en leur faveur de l'épargne de proximité.

Le décret en Conseil d'État, nécessaire à la mise en place de ce fonds, est toujours attendu.


• Enfin, l'article 38 de la loi a créé un fonds spécifique : le Fonds de gestion de l'espace rural (FGER), dont la mise en oeuvre a été assurée par le décret n° 95-360 du 5 avril 1995 et par la circulaire du 6 avril 1995.

3. Le fonds de gestion de l'espace rural

Les articles L. 112-16 et L. 112-17 du code rural (créés par l'article 38 de la loi « aménagement du territoire ») en définissent la finalité, les bénéficiaires et les modalités de gestion : le « fonds contribue au financement de tout projet d'intérêt collectif concourant à l'entretien ou à la réhabilitation de l'espace rural » et doit être « en priorité affecté aux agriculteurs ou à leurs groupements ».

Ce fonds, doté sur crédits du ministère de l'agriculture mais créé dans le cadre d'une loi d'orientation sur l'aménagement du territoire, répond à la demande formulée par la profession agricole, et tout particulièrement du Centre national des jeunes agriculteurs, à partir de son congrès de 1992, de voir reconnu et rémunéré le rôle de l'agriculture dans l'entretien de l'espace. La mission d'information sénatoriale sur l'avenir de l'espace rural, avait formulé, dès 1991, la proposition de prendre en compte, en le rémunérant, le rôle d'entretien de l'espace, estimant que « le rôle assuré par l'activité agricole dans la création et l'entretien des paysages n'a jusqu'ici été considéré que comme un sous-produit de l'activité productive, dont la rémunération était assurée à travers le prix versé pour la production agricole.

Il apparaît aujourd'hui nécessaire, dans les cas où les prix seraient insuffisants, que cette fonction spécifique puisse faire l'objet d'une rémunération spécifique et complémentaire.

Un certain nombre de départements ont déjà mis en oeuvre des contrats d'entretien de l'espace, passés entre la collectivité et l'exploitant.

Plusieurs de nos voisins européens acceptent de verser des aides à l'exploitant qui maintient son activité en zone difficile. Il reste que certains obstacles doivent être levés. La contrepartie de l'indemnité versée doit être clairement indiquée, évaluée et contrôlée. Il ne s'agit pas d'autre part, d'une prime de jardinage ou de fauchage qui serait déconnectée de l'activité de production -les agriculteurs ne sont pas, en premier lieu, des paysagistes- mais de la prise en compte dans le cadre de l'activité de production du rôle joué dans l'entretien de l'espace ».

La circulaire d'application précise que le fonds « a notamment pour mission de soutenir, en leur apportant une contribution financière, les actions concourant à l'entretien et à la réhabilitation d'espaces agricoles en voie d'abandon y compris dans les zones soumises à une forte pression foncière, d'éléments naturels du paysage rural notamment dans un objectif de conservation de la diversité biologique et d'espaces où l'insuffisance d'entretien est susceptible de provoquer des risques naturels. »

Plusieurs exemples sont cités :

- la gestion d'espaces agricoles lorsqu'ils sont soumis aux effets de la déprise ;

- la gestion d'espaces sensibles ou d'écosystèmes fragiles, notamment les zones humides, la restauration et l'entretien de réseaux de haies, l'entretien d'éléments naturels susceptibles de contribuer à l'insertion paysagère de bâtiments agricoles ;

- l'entretien d'éléments naturels qui présentent un intérêt particulier pour le paysage rural et qui ne font l'objet d'aucune valorisation économique (anciens vergers traditionnels, par exemple) ;

- l'entretien de certaines zones périurbaines non bâties et non constructibles où la pression foncière conduit à les voir délaissées par l'agriculture ;

- la prévention contre les incendies avec entretien de pare-feux par pâturage ;

- l'entretien des zones naturelles d'expansion des crues ;

- la revégétalisation par un couvert herbacé de zones sensibles à l'érosion.

Le fonds peut, s'il y a lieu, intervenir pour l'entretien et la réhabilitation d'espaces forestiers autres que les forêts productives.

Il est précisé que le fonds ne peut intervenir en soutien de l'exécution d'obligations légales d'entretien, notamment en matière de débroussaillement et de curage des cours d'eau.

Par ailleurs, il n'a pas vocation à se substituer aux financements spécifiques dont bénéficient certaines actions, ni à prendre en charge, par exemple les travaux sur les bâtiments, les conservatoires et collections de races ou espèces animales ou végétales, le débroussaillement mécanique s'il n'est pas suivi d'un pâturage, la prévention des risques d'inondation ne découlant pas d'une absence d'entretien de l'espace agricole ou forestier.

En outre, il ne peut pas intervenir sur les périmètres de sites naturels bénéficiant d'une protection spécifique, tels que les zones centrales des parcs nationaux et les réserves naturelles.

De plus, les terrains du domaine de l'État et des collectivités territoriales, à l'exception des communes, sont exclus du champ d'intervention du fonds qui ne pourra donc intervenir, en ce qui concerne les terrains des collectivités, que sur les propriétés communales ou sectionnales. De même les espaces consacrés au bâti, aux infrastructures et les espaces constructibles ou situés à l'intérieur d'une agglomération sont exclus du champ d'intervention du fonds.

Les crédits du FGER sont répartis en trois sections distinctes :

- une section gérée au niveau national représentant 6 % du fonds ;

- une section attribuée aux départements d'outre-mer, ainsi qu'aux collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon, représentant 4 % du fonds ;

- une section départementale égale à 90 % du fonds. Celle-ci est répartie entre les départements sur la base de critères objectifs, tenant compte des superficies susceptibles d'être concernées : à raison de 22 % pour la superficie, et pour le surplus sur la base de la surface pondérée des sols non directement productifs 1 ( * ) . Les coefficients de pondération tels qu'ils sont prévus par le décret du 5 avril 1995 sont les suivants :

- superficies toujours en herbe : 1

- forêts non essentiellement productives : 0,5

- sols non productifs, ni altérés ni bâtis : 2

- sols à roche mère affleurante : 0,1

- zones humides : 3

La gestion des crédits déconcentrée s'effectue au niveau départemental, selon la clef de répartition ci-après.

Fonds de gestion de l'espace rural Reparution de la section destinée aux départements métropolitains pour 1995 arrêtée le 28 juin 1995

Après avoir recueilli l'avis de la Commission 1 ( * ) départementale de gestion de l'espace qui définit les orientations générales pour la gestion du fonds, le préfet arrête, en association avec le président du conseil général, les orientations générales pluriannuelles pour l'utilisation du fonds.

Les projets sont soumis à l'avis de la commission départementale de gestion de l'espace, puis le préfet arrête la liste de ceux qui sont retenus.

La subvention consentie dans le cadre d'une convention passée entre le préfet au nom de l'État et le maître d'ouvrage ne peuvent pas dépasser la limite maximale de 80 % du montant TTC du projet. Dès la signature de la convention, 30 % de la subvention peuvent être versés. La procédure déconcentrée ne concerne, a priori, que des subventions d'un montant inférieur ou égal à 500.000 francs.

4. Les services publics

De portée générale, les dispositions relatives à la réorganisation ou à la suppression d'un service public (article 29) bénéficieront tout particulièrement au milieu rural.

Vecteurs essentiels de la solidarité nationale, les services publics jouent dans les zones en déshérence -qu'elles soient urbaines ou rurales- un rôle décisif en termes de qualité de vie, de localisation d'emplois et de développement économique. On sait que leur fermeture ou l'insuffisance de leur présence sont de puissants facteurs de dévitalisation.

Cette appréciation avait conduit le Gouvernement à décider de 'élaboration dans tous les départements d'un schéma d'organisation et d'amélioration des services publics en milieu rural et d'imposer un moratoire suspendant les fermetures ou les réductions de service public jusqu'à la mise en place d'un régime juridique adapté.

Grâce au moratoire opposable aux fermetures de services publics en milieu rural, ces schémas ont contribué au maintien du tissu des services publics. De leur côté, les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics, à l'avis desquelles les schémas étaient soumis, ont favorisé la collaboration entre des partenaires, services publics, élus, socioprofessionnels, qui n'avaient pas toujours l'habitude de travailler ensemble sur ce sujet. En revanche, les actions de modernisation et d'amélioration des services publics ont été plus limitées, même si c'est dans ce cadre qu'ont été imaginés et expérimentés les premiers « points publics ».

Ce bilan nuancé s'explique, pour partie, par l'incertitude juridique qui a présidé à la naissance des schémas et des commissions, créés par voie de simple circulaire, et par l'imprécision générale du dispositif.

L'article 28 de la loi corrige ces incertitudes en donnant un fondement législatif au système des schémas et des commissions. La loi a d'ailleurs renforcé ce dispositif en l'étendant à la totalité du territoire de chaque département, zones urbaines comprises, permettant ainsi d'avoir une vue cohérente et globale des problèmes de service public et des moyens mis en oeuvre pour les résoudre grâce, notamment, aux complémentarités entre territoires.

L'article 29 de la loi organise un régime protecteur en cas de réorganisation ou de suppression de services publics. Il impose que des objectifs d'aménagement du territoire soient désormais fixés par l'État aux entreprises publiques, soit dans leurs contrats de plan, soit dans des contrats spécifiques. Si une décision de réorganisation ou de suppression d'un service rendu aux usagers est prise par une des entreprises concernées sans être conforme à ses engagements contractuels, cette décision est soumise à une étude d'impact.

Au vu de l'étude d'impact, au cours de laquelle les collectivités locales intéressées sont consultées, le préfet du département peut autoriser le projet, s'y opposer ou demander des mesures compensatoires plus importantes que celles prévues.

En cas de désaccord entre l'organisme public et le préfet, le ministre de tutelle de cet organisme est saisi et -originalité majeure de la procédure- le refus de la suppression du service par le préfet devient définitif si le ministre ne s'y déclare pas défavorable dans un délai de quatre mois.

B. LA LOI DE MODERNISATION DE L'AGRICULTURE

S'attachant à concilier « performance » et « tenue du territoire », la loi de modernisation de l'agriculture comprend de son côté un certain nombre de dispositions intéressant l'aménagement et l'entretien rural. Il s'agit, à la fois, des dispositions du titre III relatives à l'aménagement et à l'entretien de l'espace rural et des dispositions de la section 4 du titre II « Dispositions tendant à faciliter la pluriactivité ». En outre, le renforcement de la politique d'installation contribue directement au maintien d'une activité économique consommatrice d'espace en milieu rural.

1. L'aménagement et l'entretien de l'espace

L'essentiel de ces mesures, en complément de la création du FGER, tend à moderniser les outils de gestion de l'espace.

À ce titre, la loi prévoit, notamment, l'amélioration des procédures d'aménagement foncier, la création d'un nouveau type de société civile permettant la gestion de biens agricoles et de biens forestiers au sein d'une même structure (le groupement foncier rural), l'incitation à la création d'associations foncières pastorales (par le biais d'une exonération de l'impôt foncier non bâti pendant dix ans).

2. Les mesures en faveur de la pluriactivité

Par ailleurs, la loi met en oeuvre plusieurs dispositions pour favoriser l'exercice de la pluriactivité, qu'il s'agisse de la pluriactivité des exploitants agricoles ou de celles des autres catégories socioprofessionnelles. Ces mesures avaient d'ailleurs été annoncées lors du CIDAR du 30 juin 1994.


• Il s'agit, principalement, de l'aménagement des cotisations minimales d'assurance maladie (article 42).

Le pluriactif est, en effet, pénalisé, au niveau de ses cotisations sociales, lorsqu'il est assujetti au paiement de la « cotisation minimale » au titre de l'assurance-maladie (cotisation due en tout état de cause, quel que soit le niveau de revenus, par les actifs non salariés).

En effet, le mono actif ayant des revenus faibles ne paiera que la cotisation minimale alors que le pluriactif ayant deux petits revenus paiera à la fois cette cotisation minimale pour son activité principale et des cotisations au titre de son activité secondaire. Ceci pour des revenus pouvant globalement ne pas être supérieurs à ceux du mono actif.

La loi remédie à cette anomalie : pour les pluriactifs dont l'activité principale est agricole, la cotisation minimale sera réduite compte tenu des cotisations dues au titre des activités secondaires. Pour les pluriactifs dont l'activité principale non salariée est non agricole et qui exercent plusieurs activités successives au cours d'une année, la cotisation minimale sera calculée au prorata de la durée d'exercice de l'activité principale.


• La loi améliore, d'autre part, le dispositif des « caisses-pivots » de rattachement (article 43). Les pluriactifs auront le libre choix de leur caisse-pivot, parmi les caisses dont ils relèvent, indépendamment de l'activité principale qu'ils exercent, sous réserve cependant d'un accord entre les caisses concernées.


• Plus ponctuellement, la loi relève le seuil des revenus non agricoles en-deçà duquel peuvent s'imputer les déficits agricoles (article 40).

Enfin, elle prévoit d'étendre les possibilités de sous-location des bâtiments ruraux à usage d'habitation (article 44), alors que, jusqu'à présent, seules étaient possibles les sous-locations de courte durée (trois mois maximum), pour un usage de vacances et de loisir, avec l'accord du bailleur.

Cette disposition devrait faciliter la réhabilitation, pour des locations durables, d'immeubles ruraux actuellement vacants ou à l'état d'abandon.

3. Les autres mesures

D'autres dispositions concernent plus ou moins directement l'aménagement rural. On peut citer la prorogation de la préretraite réorientée dans le sens de l'installation des jeunes, la mise en place des répertoires à l'installation, les mesures diverses en faveur de l'emploi et des groupements d'employeurs.

Il faut également mentionner l'amélioration très sensible du régime de retraite agricole, avec l'autorisation de cumul des droits propres et d'une pension de réversion, qui aura pour effet d'augmenter le pouvoir d'achat de personnes âgées résidant en milieu rural.

Enfin, on notera avec intérêt que la réduction du droit d'enregistrement de 6,4 % à 0,6 % pour les acquisitions effectuées par les jeunes installés, ou les bailleurs qui leur donnent à bail à long terme, qui aurait pu constituer une disposition de portée générale en faveur de l'installation, a été limitée aux seuls territoires ruraux de développement prioritaire.

C. LA LOI RELATIVE AU RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

Cette loi comporte un ensemble de mesures disparates qui concernent l'aménagement et l'entretien de l'espace rural.

On peut citer :

- les dispositions du chapitre III, favorisant l'entretien régulier des cours d'eau ;

- l'article 32 qui autorise les groupements de communes à fiscalité propre à élaborer des projets de gestion des espaces naturels et du patrimoine qui pourront bénéficier du soutien du Fonds de gestion de l'espace rural ;

- les articles 33 et 34 qui soumettent l'arrachage des haies et l'arasement des talus par les fermiers à l'accord des propriétaires qui pourront s'y opposer dans un délai de deux mois ;

- les articles 38, 41, 42, 43, 44, 46, 47 et 58, modifiant la législation relative aux parcs naturels et aux réserves naturelles, qui prévoient, notamment, que les parcs nationaux et régionaux bénéficient d'un droit de préemption subsidiaire et que les parcs naturels régionaux seront consultés obligatoirement pour l'établissement des documents d'urbanisme et devront se constituer désormais sous forme de syndicats mixtes. La compétence du conservatoire du littoral est, en outre, étendue au territoire des communes riveraines des estuaires et des deltas ;

- les articles 39 et 40 qui octroient de nouveaux moyens financiers aux départements pour la gestion des espaces grâce à l'élargissement de l'assiette de la taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS) et de la taxe permettant de financer les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE) aux « installations et travaux divers » comme les parkings ;

- l'article 50 qui permet aux communes qui entreprennent, seules ou en intercommunalité, des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels d'instituer la taxe de séjour en vue de favoriser la protection et la gestion de leurs espaces à des fins touristiques ;

- l'article 51 qui repousse de deux ans la date limite de déclaration des enclos piscicoles ;

- l'article 60, relatif à la gestion des déchets ménagers et assimilés, qui prévoit, d'une part, que le département peut, s'il le souhaite, élaborer à la place de l'État le plan d'élimination des déchets ménagers et, d'autre part, une augmentation progressive de la taxe de mise en décharge des déchets.

- l'article 74 qui permet aux communes et groupements de communes de moins de 3.000 habitants d'établir un budget unique des services de distribution et d'assainissement.

- les articles 89, 90 et 94 qui tendent à donner aux maires de nouveaux moyens juridiques pour résoudre le problème des bâtiments abandonnés et non entretenus et celui des terrains laissés en friche à proximité ou dans des zones d'habitation. Pour ce faire, la durée des procédures de la déclaration d'état manifeste d'abandon est réduite, les indemnités d'assurance versées en réparation d'un dommage causé à un immeuble bâti devront être utilisées pour sa remise en état et le maire pour raprocéder d'office, après mise en demeure, aux travaux de remise en état de terrains abandonnés.

* 1 L'article L. 112-17 prévoit que les crédits sont répartis « sur la base de critères prenant notamment en compte la superficie dont sont déduites les surfaces consacrées au bâti, aux infrastructures, à un usage forestier essentiellement productif ainsi que les surfaces consacrées à un usage agricole autres que celles toujours en herbe. »

* 1 Cette commission est composée, outre le préfet qui la préside et le président du Conseil général qui en est vice-président, de quinze membres dont : le TPG, le DDAF, le directeur régional de l'environnement, trois représentants des communes ou des groupements de communes ou du département, quatre représentants des organisations professionnelles agricoles et forestières, trois représentants d'association de protection de la nature, deux représentants de s autres partenaires économiques.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page