B. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

1. Les engagements contractuels de l'État

A la suite du pacte de progrès, conclu le 23 janvier 1993 après la suspension des essais nucléaires en avril 1992, la loi du 5 février 1994 pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française a défini, pour une durée de dix ans, les conditions dans lesquelles l'État aiderait la Polynésie à réaliser une mutation profonde de son économie afin de parvenir à un développement mieux équilibré et à une moindre dépendance des transferts publics.

L'éducation, la protection sociale et la contribution au dispositif de solidarité mis en place par le territoire, la santé, la participation au financement des communes constituent, avec le contrat de développement conclu avec le territoire et le contrat de ville pour l'agglomération de Papeete, les principaux engagements financiers de l'État.

Prévu par l'article 8 de la loi du 5 février 1994, le contrat de développement signé le 2 mai 1994 couvre une période de cinq ans (1994-1998). Son montant s'élève à 2,902 milliards de francs financés, chacun pour moitié, par l'État et le territoire. Il concerne trois programmes d'intervention relatifs au développement économique (agriculture, tourisme, formation professionnelle), à l'équipement du territoire (aménagements routiers, équipements portuaires et aéroportuaires, infrastructures d'assainissement, constructions scolaires) et à la cohésion sociale (logement social).

L'engagement de l'État devant faire l'objet, chaque année, d'un rapport d'exécution élaboré par un comité mixte paritaire, la première réunion de ce comité chargé de suivre l'application de la loi d'orientation s'est réuni le 1er février 1995 à Papeete, sous la présidence du ministre de l'outre-mer.

La délégation du territoire a exprimé sa satisfaction pour les crédits (150 millions de francs) attribués au titre du plan de relance mais a regretté la faiblesse des crédits de paiement prévus. Le ministre de l'outre-mer a souligné que 93 % des crédits de l'État inscrits finançaient des actions relevant de la compétence du territoire et étaient donc mobilisés à son initiative.

Après les difficultés de démarrage en 1994 dans la mise en oeuvre du contrat de développement, une réunion entre l'État et le territoire, le 26 juin 1995, a permis de constater une amélioration du taux global d'engagement : 19 % après une année complète d'exécution.

Également prévu par la loi du 5 février 1994, un contrat de ville concernant six communes de la zone urbaine de Papeete a été signé le 30 août 1994. Conclu pour une durée de cinq ans, ce contrat prévoit une participation totale de l'État de 100 millions de francs, une contribution de 23,4 millions de francs pour les six communes et de 0,825 millions de francs pour le territoire.

Lors de son déplacement en Polynésie française du 26 au 29 août

1995, le ministre de l'outre-mer a par ailleurs rappelé que 119 millions de francs de crédits de paiement avaient été inscrits dans la loi de finances rectificative au titre de la réalisation du Pacte de progrès en 1995.

En matière de logement social, il a insisté sur l'apport de l'État avec l'annonce d'une dotation complémentaire de 110 millions de francs dans le cadre du collectif budgétaire de juillet 1995 et d'un crédit de 30 millions de francs pour le financement d'actions en matière d'emploi.

2. Les tensions résultant de la reprise des essais nucléaires et des difficultés de financement du régime de protection sociale

a) La reprise des essais nucléaires

L'annonce faite par le Président de la République, le 13 juin 1995, de la reprise des essais nucléaires pour une ultime série devant s'achever au plus tard le 31 mai 1996 a suscité de graves troubles en Polynésie française.

Après les manifestations des 29 juillet, 29 août et 2 septembre 1995, la tension s'est accrue, en particulier à Faa et Papeete à la suite du premier essai intervenu le 5 septembre 1995. Dans la nuit du 6 au 7 septembre, d'importants dégâts ont été occasionnés sur la plateforme aéroportuaire de la commune de Faa et à Papeete, des commerces et des habitations ont été incendiés.

La violence de ces manifestations a révélé le malaise affectant une partie de la population polynésienne, en dépit des transferts financiers de l'État qui ont représenté, en 1994, 67 % des ressources extérieures perçues par la Polynésie.

Le Président de la République s'est alors engagé à maintenir jusqu'en 2006 le niveau des flux financiers liés aux activités du centre d'expérimentations du Pacifique (CEP). Le ministre de l'outre-mer a cependant précisé qu'il ne s'agissait pas là d'un « chèque en blanc » accordé à la Polynésie et que l'enjeu était de préparer une diversification de l'économie de ce territoire, essentielle pour la jeunesse polynésienne, 65 % de la population étant actuellement âgée de moins de 25 ans. A cet effet, un groupe de travail mixte, installé par le ministre de la défense en concertation avec le ministre de l'outre-mer et associant les autorités du territoire, a été mis en place ; ses travaux devraient aboutir à la signature d'une convention avant la fin de l'année 1995. Lors de son audition du 16 novembre 1995, M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l'outre-mer, a informé votre commission des Lois qu'une réunion de ce groupe de travail se déroulait le jour même au ministère de la défense afin de procéder à une évaluation et qu'un comité de suivi serait ensuite chargé de déterminer la programmation de l'utilisation des crédits correspondants, d'ores et déjà estimés à 2,2 milliards de francs.

b) Le financement du régime de protection sociale

En application du Pacte de progrès et de l'article 10 de la loi d'orientation du 5 février 1994, le territoire a entrepris une profonde réforme du dispositif de protection sociale.

Le financement de ce régime est assuré par des concours publics et par la contribution de solidarité territoriale (CST) dont l'institution s'est heurtée à des difficultés au cours des années 1994 et 1995.

Le tribunal administratif de Papeete a en effet annulé, le 29 juillet 1994, la délibération de l'assemblée territoriale adoptée en juin 1993 instituant la CST, au motif que, en prévoyant des modalités de calcul de l'imposition différentes pour les salariés et pour les non-salariés, cette décision méconnaissait le « principe de l'égale répartition, selon leurs facultés contributives, des charges publiques entre les citoyens ».

En appel, le Conseil d'État, par un arrêt du 30 juin 1995, a confirmé le jugement du tribunal administratif.

Face aux graves tensions sociales et au mouvement de grève générale déclenchés par l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Papeete, le Gouvernement du territoire a recherché une solution consensuelle pour recréer la CST. Le 7 septembre 1994, l'assemblée territoriale réunie en session extraordinaire par son premier vice-président, approuvait l'institution d'une nouvelle contribution. Mais le tribunal administratif devait annuler cette délibération au motif qu'elle avait été prise hors de la période de session. A la suite de ces péripéties, et sans que le gouvernement du territoire n'entame cette fois de procédure d'appel, une nouvelle CST, dite CST 3 a été instaurée par délibération du 8 décembre 1994.

L'arrêt du Conseil d'État implique la restitution des sommes perçues au titre des décisions annulées et constitue une charge pour le territoire. Aussi, l'État s'est-il engagé à assurer la compensation de ce remboursement. M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l'outre-mer, a indiqué à votre commission des Lois que cette demande de remboursement était évaluée à environ 60 millions de francs et qu'une somme de 73 millions de francs serait inscrite au collectif budgétaire de fin d'année en vue du reversement bénéficiant au territoire.

3. La situation politique : une tendance à la bipolarisation

En 1994, la situation politique a été marquée par la rupture de l'accord de majorité qui liait le Here Ai'a de M. Juventin au Tahoeraa de M. Flosse, Président du gouvernement du territoire.

M. Juventin, Président de l'assemblée territoriale depuis le mois d'avril 1993, s'étant opposé à M. Ebb, exclus du Here Ai'a dont il était vice-président, ce dernier, après avoir formé un nouveau groupe à l'assemblée territoriale avec le soutien du Tahoeraa, a succédé à M. Juventin à la présidence de cette assemblée le 6 avril 1995.

Depuis cette date, la majorité territoriale s'est élargie et comprend désormais les six membres du Ai'a Api de M. Emile Vernaudon.

Ainsi, l'assemblée territoriale est composée de 29 membres appartenant à la majorité et de 12 membres appartenant à l'opposition, dont 5 indépendantistes dans le groupe des non-inscrits et 7 membres inscrits au groupe Te Fetia Api, présidé par M. Boris Léontieff.

A la suite des élections présidentielles et municipales et à la veille de la reprise des essais nucléaires, la vie politique s'est orientée vers une bipolarisation entre la majorité de M. Gaston Flosse et les indépendantistes de M. Oscar Temaru.

Les élections municipales du mois de juin 1995 ont confirmé la prééminence du Tahoeraa qui contrôle désormais 33 communes sur 48, dont celle de Papeete, soit 8 de plus qu'en 1989. S'appuyant sur la campagne médiatique relative à la reprise des essais nucléaires, le Tavini de M. Oscar Temaru a obtenu près de 15 % des voix. On observe en revanche un affaiblissement de l'opposition non indépendantiste.

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