B. LES REFORMES ENVISAGÉES

1. La réforme du statut de la Polynésie française

Lors de son déplacement en Polynésie française à la fin du mois d'août 1995, le ministre de l'outre-mer avait annoncé qu'un projet de loi organique portant réforme du statut de ce territoire devait être déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat avant la fin de l'année 1995.

Ce projet de loi a été récemment soumis à l'Assemblée territoriale et le Président de la République, M. Jacques Chirac, en réponse à M. Emile Vernaudon, ancien député, a précisé qu' « une consultation sous la forme d'un referendum n'apparaissait pas souhaitable ». Le ministre de l'outre-mer, au cours du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, a indiqué que la réforme envisagée visait trois objectifs :

- Conforter l'autonomie de la Polynésie française. Est ainsi prévue la consultation des autorités territoriales sur tous les projets de loi ou de décret autres que les textes qui sont de plein droit de la compétence de l'État et qui sont énumérés limitativement, ainsi que certaines propositions d'acte communautaire. Par ailleurs, les délibérations de l'assemblée territoriale relèveront en premier et dernier ressort du Conseil d'État.

- Accroître les compétences du territoire en matière de relations internationales, de coopération, de mutualité, d'exploration et d'exploitation des ressources de la mer, de dessertes aériennes internationales, de postes et télécommunications extérieures, de sécurité civile, de filières de formation d'enseignement supérieur, de création de sociétés de diffusion audiovisuelle, d'ouverture de casinos et d'autorisations de jeux de hasard et de transfert au territoire de la propriété des eaux intérieures et des eaux territoriales et des droits d'exploration et d'exploitation de la richesse de la zone économique exclusive.

- Améliorer les règles de fonctionnement des institutions internes.

2. Les lois d'adaptation à venir et la codification du droit applicable dans les territoires d'outre-mer

a) Les projets de lois présentés au Parlement

Un projet de loi portant diverses dispositions relatives aux territoires d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, déposé le 16 novembre 1994, doit prochainement être examiné en première lecture par l'Assemblée nationale, de même qu'un projet de loi d'habilitation relatif à l'extension et à l'adaptation de la législation en matière pénale applicable aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte.

Le premier projet de loi précité tend à poursuivre la modernisation du droit applicable aux territoires d'outre-mer tout en préservant leur spécificité. Il complète les textes examinés par le Parlement au cours de la session d'automne 1994 qui ont abouti à l'adoption des lois n° 95-97 et n° 95-173 du mois de février 1995.

Les principales dispositions de ce texte ont pour objet :

- dans le domaine de la police des pêches maritimes, l'extension à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie, aux îles Wallis-et-Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), des dispositions en vigueur en métropole et dans les départements d'outre-mer relatives à l'interdiction de la pêche étrangère et à la répression des activités de pêche illicites ;

- la modernisation de la législation du travail et de la législation douanière applicables dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.

Le second projet de loi susvisé propose d'habiliter le Gouvernement à procéder, par voie d'ordonnance, à l'extension et à l'adaptation de la législation en matière pénale pour la rendre applicable aux territoires d'outremer et à Mayotte.

Il prévoit de repousser « une ultime fois », selon les termes de l'exposé des motifs, la date butoir pour l'extension de cette législation au 1er mai 1996.

L'article 373 de la loi n° 92-1136 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur, modifié par la loi n° 93-913 du 19 juillet 1993, avait en effet prévu l'application aux territoires d'outre-mer et à Mayotte des livres I à V du nouveau code pénal à compter du 1er mars 1995.

L'article 230 de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale et l'article 48 de la loi n° 93-1013 du 24 août 1993 la modifiant avaient par ailleurs prévu l'entrée en vigueur dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte des réformes de procédure pénale à compter du 1er janvier 1995.

L'extension de ces textes, représentant plus d'un millier d'articles, n'ayant pu être opérée dans les délais prescrits, leur entrée en vigueur dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte avait été reportée au 1er mars 1996 par l'article 61 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

b) Les progrès de la codification

« Soucieux que l'effort de codification profite pleinement à l'outremer », le président Jacques Larché avait interrogé le Premier ministre, le 26 mai 1994 (question écrite n° 6346 - JO. Sénat page 1253) sur les mesures envisagées pour renforcer les moyens mis à la disposition de la commission adjointe, créée par le décret du 28 septembre 1989 auprès de la Commission supérieure de codification et présidée par M. Périer, chargée, pour chaque code en préparation, de recenser les textes applicables aux territoires d'outremer.

Dans sa réponse en date du 15 septembre 1994 (JO Sénat page 2253), le Premier ministre donnait les indications suivantes :

« Lors de l'installation de la Commission supérieure de codification après renouvellement de ses membres, le 8 novembre 1993, le Premier ministre a souhaité vivement que la commission adjointe chargée de l'inventaire des textes applicables aux territoires d'outre-mer reprenne ses travaux et a demandé au ministre des départements et territoires d'outre-mer de lui donner les moyens nécessaires à son fonctionnement. Le Premier ministre a donné par ailleurs instruction à l'ensemble des départements ministériels d'associer le ministère des départements et territoires d'outremer le plus rapidement possible à la préparation des textes qui, en principe, devraient être rendus applicables outre-mer. Le ministre des départements et territoires d'outre-mer a satisfait aux prescriptions du Premier ministre. Il a mis à disposition de la commission adjointe un local ; il a obtenu l'accord du ministre de la justice pour l'affectation d'un deuxième magistrat qui remplit les fonctions de secrétaire général de la commission adjointe et l'accord du ministère du budget pour le renforcement d'une unité du secrétariat de la commission adjointe. La commission adjointe a donc pu reprendre ses travaux ».

Selon les informations communiquées récemment à votre rapporteur, le renforcement des moyens mis à sa disposition au cours de l'année 1994 a permis à la commission adjointe de mener à bien de nombreux travaux de codification et d'inventaire du droit applicable dans les territoires d'outremer, en liaison avec les ministères concernés.

Une partie consacrée aux dispositions applicables dans les territoires d'outre-mer a ainsi été insérée dans le code de la propriété intellectuelle, dans le code des juridictions financières, dans le code rural et dans le code de l'environnement. Une démarche similaire est en cours dans le cadre de l'élaboration du code de l'éducation, du code de commerce, du code monétaire et financier et du code des marchés publics.

Par ailleurs, la commission adjointe a entrepris de procéder à l'inventaire des textes applicables en matière maritime et en matière électorale. Dans ce dernier domaine, elle devrait prochainement proposer à la Commission supérieure de codification un projet de livre IV à insérer dans le code électoral, portant dispositions spéciales applicables aux territoires d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Votre commission des Lois, très attentive aux travaux effectués par la Commission supérieure de codification dont notre excellent collègue Michel Rufin est membre, se félicite des progrès accomplis en matière de codification du droit applicable dans les territoires d'outre-mer.

3. La préservation des intérêts spécifiques des territoires d'outre-mer dans leurs liens avec l'Union européenne

Contrairement aux départements d'outre-mer, les territoires d'outremer ne sont pas intégrés au territoire de l'Union européenne.

Conformément aux articles 131 et suivants du traité de Rome, ils figurent, depuis 1957, dans la catégorie des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) et bénéficient d'un régime spécifique d'association à la Communauté économique européenne défini par la décision d'association en date du 25 juillet 1991, adoptée pour une durée de dix ans et actuellement en cours de révision.

Sur le plan économique, les PTOM bénéficient de concours financiers de l'Union européenne par l'intermédiaire du Fonds européen de développement (F.E.D.).

Ce fonds est alimenté par des contributions spécifiques des États membres et les versements ne transitent pas, en principe, par le budget de l'État, mais sont attribués directement aux bénéficiaires.

Chaque FED a une durée de cinq ans. Le Vile FED a couvert la Période 1990-1994 et le Ville FED concerne la période 1995-1999.

Les concours du FED se divisent en deux parties : l'aide programmable (70 % de l'enveloppe) relative aux programmes indicatifs territoriaux et régionaux et l'aide non programmable (30 % de l'enveloppe) qui s'applique au financement de l'économie (STABEX, SYSMIN) et à des dépenses exceptionnelles (aides d'urgence).

Au titre du VIIe FED, la France a obtenu 30,5 millions d'ECU pour les actions de développement économique et social de ses territoires d'outremer, auxquels il convient d'ajouter, en vertu d'une décision de la Commission, 0,5 millions d'ECU pour Wallis-et-Futuna.

La clef de répartition entre les territoires d'outre-mer français est la suivante :

Le Conseil européen de Cannes a décidé, en juin 1995, du montant du Ville FED : 165 millions d'ECU pour l'ensemble des PTOM, contre 140 millions d'ECU au titre du VIIe FED.

L'Institut d'émission d'outre-mer, dans son rapport annuel pour 1994, souligne cependant « la lourdeur de la gestion du FED » qui « compromet souvent l'efficacité et l'impact économique » des concours accordés et explique en partie « le bilan très contrasté d'engagement du VIIe FED dans les PTOM français (63,9 % ) ».

D'un point de vue juridique, le régime d'association résultant de la loi du 25 juillet 1991 présente de fortes analogies avec la convention de Lomé IV qui régit les relations entre la CEE et les États indépendants de l'Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique (A.C.P.). Il contient cependant quelques spécificités.

La décision d'association du 25 juillet 1991 définit un régime commercial favorable aux PTOM. Elle accorde ainsi le libre accès au marché européen à tous les produits originaires des PTOM, à l'exception du rhum, sans droits de douane, ni prélèvements ou contingentements.

De façon asymétrique, les PTOM conservent la possibilité de percevoir des droits de douane sur l'importation de produits communautaires, s'ils l'estiment nécessaire, en fonction de leur niveau de développement et des impératifs budgétaires qui sont les leurs. Ils peuvent également, en accord avec la Commission européenne, limiter les possibilités d'établissement des ressortissants et des entreprises des États membres ainsi que certaines prestations de services.

Cependant, conformément au principe posé par l'article 132 du traité de Rome, ces mesures de protection ne doivent pas être discriminatoires : elles doivent s'appliquer indistinctement à tous les ressortissants communautaires, y compris aux ressortissants de l'État membre avec lequel le territoire concerné entretient des relations privilégiées.

Or, comme l'a souligné récemment notre excellent collègue Daniel Millaud, dans son rapport élaboré au nom de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne intitulé « Pour une réforme des dispositions du traité de Rome sur l'association des pays et territoires d'outre-mer » :

« Ces principes ne posent aucune difficulté aux PTOM non français. Ainsi, les Antilles néerlandaises ont institué un système d'autorisation préalable à l'établissement des ressortissants étrangers, qui s'applique à tous les ressortissants de la Communauté, y compris aux Néerlandais résidant aux Pays-Bas.

Les territoires d'outre-mer et collectivités territoriales français ne peuvent procéder de la même manière. La Constitution française contient en effet deux principes fondamentaux, le principe d'égalité et le principe d'indivisibilité de la République, qui interdisent aux territoires d'outre-mer d'opérer une discrimination entre leurs ressortissants et les Français de métropole.

Un décret du 14 octobre 1954 interdit en outre aux territoires d'outre-mer de percevoir des droits de douane sur les importations en provenance du reste du territoire national. Dans ce cas précis, la difficulté a pu être tournée, les territoires ayant, dans l'exercice de leur compétence fiscale, institué un droit fiscal d'entrée applicable à tous les produits, y compris aux produits provenant de métropole.

En matière de libre établissement, en revanche, les territoires n 'ont aucun moyen d'opérer un contrôle sur l'entrée des ressortissants communautaires. Tout contrôle de ce type conduirait soit à une violation du Traité de Rome soit à une violation de la Constitution. Or, compte tenu de leur attractivité géographique et de l'étroitesse de leur marché local du travail, certains PTOM français, en particulier ceux du Pacifique, peuvent craindre que le régime du droit d'établissement puisse à terme être source de difficultés et de tensions locales. Il est absolument nécessaire pour ces territoires très petits de pouvoir exercer un contrôle sur l'installation de ressortissants communautaires ».

L'association ayant pour objectif, aux termes de l'article 131 du traité de Rome, de favoriser le développement des PTOM, la Conférence intergouvernementale qui se réunira en 1996 afin de modifier le traité sur l'Union européenne pourrait être l'occasion de modifier le régime de libre établissement dans les territoires d'outre-mer, afin de résoudre ce problème spécifique tenant à l'impossible discrimination, en l'état actuel du droit, entre les ressortissants de l'État avec lequel le territoire entretient des relations privilégiées et les autres ressortissants communautaires.

A cet égard, M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l'outre-mer, lors de son audition, a informé votre commission des Lois qu'un groupe de travail interministériel, sous l'égide du SGCI, avait élaboré des propositions de rénovation du cadre régissant les relations entre les PTOM et l'Union européenne et qu'un mémorandum devrait être transmis à ce sujet à la Commission européenne.

Votre commission des Lois ne peut que se féliciter d'une telle initiative.

Sous le bénéfice de l'ensemble des observations qu'elle a formulées, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'outre-mer consacrés aux territoires d'outre-mer.

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