CHAPITRE III LES PORTS

En 1995, près de la moitié du commerce extérieur de la France exprimé en tonnage (47,69 %) et un peu moins du cinquième du commerce extérieur de la France exprimé en valeur (17,65 %) ont été acheminés en utilisant les services d'un port maritime français.

Ce fait s'explique par l'importance du tonnage des matières premières importées par voie maritime (pétrole brut, minerais, charbon, etc.) qui masque celui des marchandises diverses à forte valeur ajoutée.

Les ports et le transport maritime jouent un rôle stratégique essentiel dans les échanges internationaux, non seulement pour les importations de produits de base vitaux pour notre économie (pétrole, minerais, charbon, engrais, produits agro-alimentaires), mais aussi pour les échanges de produits manufacturés à forte valeur ajoutée.

L'examen des cinq dernières années permet de faire quelques constatations.

En tonnage, la part de l'acheminement maritime par les ports français dans les importations a légèrement diminué, passant de 60,05 % en 1991 à 57,21 % en 1995 ; la part de l'acheminement maritime par les ports français dans les exportations qui était en 1991 de 32,51 % est passée à 31,38 % en 1955.

La différence entre importations et exportations est d'ordre structurel. Elle s'explique par le volume élevé des importations de matières premières, transportées par voie maritime en très grande majorité.

En valeur, la part de l'acheminement maritime par les ports français dans les importations a diminué, passant de 23,38 % en 1991 à 16,88 % en 1995 ; la part de l'acheminement maritime par les ports français dans les exportations qui étaient en 1991 de 21,35 % est passée à 18,39 % en 1995.

Cette évolution montre globalement une diminution de la part des matières premières transportées en vrac et corrélativement, l'augmentation très importante des échanges de biens manufacturés à forte valeur ajoutée avec nos partenaires de l'Union européenne.

Le renforcement de la compétitivité des ports , dans un contexte d'intensification des échanges maritimes de marchandises diverses et de produits finis qui ouvre, à nos plus grands ports, de nouvelles perspectives est un enjeu économique majeur pour reconquérir des trafics et développer, dans les enceintes portuaires, de nouvelles activités créatrices de valeur ajoutée et d'emplois.

I. LA SITUATION DES PORTS FRANÇAIS

A. LES PORTS AUTONOMES

Le chiffre d'affaires (ou production vendue) des ports autonomes métropolitains, qui regroupe les prestations de services des ports (droits de port, taxes d'outillage, recettes des domaines et concessions, autres prestations de services) s'est établi à 2.960 millions de francs en 1995, proche de celui de 1994 (2.956 millions de francs).

La composition du chiffre d'affaires est stable depuis 1993 : les droits de port constituent 52,2 % du chiffre d'affaires de l'ensemble des ports autonomes, les recettes d'outillage assurent 29,5 % du total des recettes et les produits des domaines en représentent 14,5 %.

Selon les dernières prévisions des ports autonomes, un chiffre d'affaires de 3.088 millions de francs pourrait être atteint en 1996.

En 1995, les ports se sont engagés dans une réduction significative de certains de leurs postes de dépenses, afin de réduire le déficit d'exploitation, qui ne représenterait plus que 4,3 millions de francs.

Mais pour 1996 les prévisions sont à nouveau pessimistes, en raison de la baisse des trafics céréaliers qui affecte particulièrement le port de Rouen. Le résultat global devrait, selon les prévisions des ports, connaître un déficit de 22 millions de francs.

1995 voit une amélioration globale des soldes intermédiaires de gestion.

Comparativement à l'année 1994, la production vendue a diminué de 1,8 % en 1994, pour être portée à 2.960 millions de francs.

L'excédent brut d'exploitation augmente de 1,8 % pour se situer à 791 millions de francs grâce à un effort global de maîtrise des charges externes.

La marge brute d'autofinancement s'établir à 634 millions de francs, en hausse de 11,4 % et la marge nette d'autofinancement atteint 336 millions de francs (+ 17 %).

B. LES PORTS D'INTÉRÊT NATIONAL

En 1995, pour l'ensemble des concessions portuaires, on a constaté globalement une diminution du chiffre d'affaires hors taxes (1.325 millions de francs contre 1.415 millions de francs en 1994) et de la capacité d'autofinancement brut (491 millions de francs contre 558 millions de francs en 1994). Mais le niveau de la dette a continué, dans le même temps, à décroître (1.212 millions de francs) contre 1.302 millions de francs en 1994).

Toutefois, ces données globales ne rendent pas compte de la diversité des résultats des concessions qui impose de distinguer le port de Calais et les autres ports. La taille des autres ports d'intérêt national est beaucoup plus modeste et leurs situations financières sont très variables.

La situation financière de tous les ports de pêche est délicate, voire critique, compte tenu de la crise qui affecte depuis quelques années le secteur de la pêche.

Si la plupart des concessions de commerce ont une situation financière satisfaisante, certaines connaissent des difficultés durables, d'autres se trouvent confrontées à des évolutions de trafic (concurrence du tunnel transmanche ou conséquences de la politique agricole sur les trafics de produits agro-alimentaires) qui remettent brusquement en cause leur équilibre et d'autres, enfin, après une période difficile, paraissent bien engagées dans la voie du redressement.


• Calais

Il faut souligner la part très importante du port de Calais dans l'ensemble des résultats : son chiffre d'affaires représente plus du tiers du chiffre d'affaires global des ports d'intérêt national et sa réduction en 1995 a été plus accentuée que celle de l'ensemble des autres ports.

Néanmoins, malgré la concurrence du tunnel sous la Manche, le port de Calais conserve sa position de premier port français transmanche (en 1995, 55,26 % du trafic fret et 66,38 % du trafic des ports français transmanche sont passés par Calais), ce qui lui a permis, au cours des dernières années, de réaliser sans recours à l'emprunt, d'importants investissements.

Sa position géographique lui assurant de garder la meilleure part du trafic maritime sur le détroit du Pas-de-Calais (depuis quatre ans, anticipant l'ouverture du tunnel, les compagnies maritimes ont regroupé leurs lignes de Calais), il pourra sans difficulté majeure supporter la diminution du trafic et des recettes portuaires résultant de la concurrence du tunnel transmanche.


• Boulogne

Malgré le plan de restructuration mis en oeuvre en 1993, après la perte de l'essentiel du trafic Transmanche, la situation financière de la concession n'a pu être rééquilibrée en raison du niveau de son endettement et de l'absence de perspectives de développement du trafic portuaire qui auraient pu, au moins partiellement, compenser la perte des recettes de l'activité transmanche.

Des solutions sont actuellement recherchées afin de rendre la concession portuaire financièrement viable et de permettre au port de Boulogne d'apporter sa part de financement dans le contrat de plan État-Région qui permettra de procéder à la remise en état des installations portuaires, pour certaines vétustés, et achever la modernisation du port de pêche.

Malgré la chute des apports de la pêche industrielle, Boulogne reste le premier port de pêche français avec notamment une zone de transformation des produits de la mer où sont traitées 300.000 tonnes de poisson par an. Mais les apports de poissons débarqués, pour plus de la moitié par la pêche artisanale, ne représentent qu'une toute petite partie des volumes traités, l'essentiel arrivant par la route. Ainsi, en 1995, les apports de poisson vendus en criée de Boulogne ont atteint (63.246 tonnes (- 1,8 % par rapport à 1994) pour un prix moyen de 9 francs/kg (+ 5,8 % par rapport à 1994).


• Dieppe

Après deux années difficiles qui ont fortement dégradé sa situation financière, le port de Dieppe connaît depuis 1993 un essor de son activité grâce, d'une part, à la reprise réussie de la ligne Dieppe-Newhaven par Sealink Stena Line, qui a manifesté son intérêt pour cette ligne en participant au financement de la gare maritime, et, d'autre part, au développement des trafics fruitiers généré par la réforme de la manutention portuaire. Ces trafics paraissent pouvoir se fixer à Dieppe de façon durable, malgré la baisse de trafic enregistrée en 1995.

En 1995, les apports de poisson vendus à la criée à Dieppe ont continué à décroître sensiblement : ils ont atteint 4.445 tonnes (- 15 % par rapport à 1993) pour un prix moyen de 11,72 francs/kg (-8,7 % par rapport à 1993).

Le concessionnaire a engagé cette année la modernisation du centre de pêche afin de le mettre en conformité avec les normes sanitaires européennes. La rénovation de la halle à marée est évaluée à 12 millions de francs ; elle sera réalisée sous maîtrise d'ouvrage du concessionnaire et financée à hauteur de 50 % par des subventions du FEOGA et des collectivités locales. Les mareyeurs devraient réaliser et financer eux-mêmes la modernisation des ateliers de mareyage, ce que rend maintenant possible la loi sur la domanialité.

La réalisation prochaine de l'élargissement de l'écluse du bassin du commerce, au financement de laquelle l'État contribuera à hauteur de 26,5 millions de francs, répond à l'évolution du gabarit des nouveaux navires fruitiers.


• Caen

Pour financer l'aménagement du second poste transmanche et la reconstruction du pont de Bénouville le concessionnaire a dû. en 1992-1993, très largement recourir à l'emprunt. Alors que le niveau de la dette de la concession a été fortement augmenté et, par conséquent, les charges financières en résultant qui pèseront durablement sur les comptes de la concession, le trafic portuaire a chuté de plus de 35 % en 1993-1994. Cette baisse résulte largement de la perte attendue du trafic sidérurgique après la fermeture définitive de la société métallurgique de Normandie et de la diminution des exportations de céréales, liée à la réforme de politique a gricole commune en 1994.

La reprise des exportations de céréales enregistrée en 1995, qui ne retrouvent toutefois par leur niveau antérieur, ne modifie pas la situation financière de la concession qui demeure fragile.


• Sète

Depuis plusieurs années la situation financière de la concession a été durablement déséquilibrée par un endettement important et une diminution du trafic. Bien qu'il ait pratiqué une politique de limitation des investissements, le concessionnaire a, cependant, dû procéder à une renégociation et à rééchelonnement de sa dette à trois reprises (1986-1988, 1990 et 1994).

Après avoir bénéficié d'une année exceptionnelle en 1994 sous l'effet de difficultés qu'a connues dans le même temps le port de Marseille, le trafic portuaire a enregistré une baisse de 5 % en 1995, et la situation financière de la concession demeure fragile.

C. LES PORTS ET LA PÊCHE


• Cherbourg

Le port de Cherbourg, qui accueille des navires de pêche artisanale, a été relativement épargné par la crise. En 1995, les apports de poisson vendus en criée de Cherbourg ont atteint 8.254 tonnes (+ 16,7 % par rapport à 1994) pour un prix moyen de 10,62 francs par kilo (- 4,53 par rapport à 1994).

La modernisation du port de pêche engagée il y a trois ans est maintenant achevée. Elle a été complétée par la construction, cette année, d'une unité de production de glace (dont le montant s'élève à 3 millions de francs, et dont le financement est couvert à hauteur de 50 % par des subventions). Ce nouvel équipement, qui remplacera l'actuelle unité devenue obsolète, améliorera la qualité du service offert aux pêcheurs.

La situation financière du port de pêche s'est sensiblement dégradée au cours des dernières années. Malgré le plan de redressement qu'il a mis en oeuvre en 1994, le concessionnaire parvient difficilement à rembourser la dette souscrite pour financer l'opération de modernisation.


• Lorient

Les volumes de poisson directement débarqués à Lorient ont sensiblement diminué au cours des dernières années sous l'effet de la crise qui a touché le secteur de la pêche et de la politique de débarquement dans les bases avancées. Avec une baisse des apports de 50 % en dix ans, la pêche industrielle et semi-industrielle a en effet fortement décliné. Les armements ont connu ou connaissent de graves difficultés qui ne sont pas sans conséquence sur l'activité du port et de la criée de Lorient. Le groupe Jégo-Quéré qui représentait la moitié du tonnage débarqué dans le port de Lorient dans les années 80, a été repris il y a deux ans par le groupe espagnol Pescanova ; une restructuration a été menée. L'armement Lucas, qui représentait 5.000 tonnes d'apports, a été repris par le groupe Intermarché qui est déjà présent à Lorient avec une usine de transformation de poisson et concrétise ainsi sa volonté de filière intégrée.

En 1995, les apports de poisson vendus à la criée ont continué à chuter : ils ont atteint 26.327 tonnes (-21,7 % par rapport à 1994), pour un prix moyen de 11,59 francs/kg (+ 6,8 % par rapport à 1994).

Lorient reste néanmoins un grand centre de commercialisation et de transformation du poisson où, comme à Boulogne, l'essentiel du poisson traité arrive par la route en provenance de l'étranger ou d'autres ports français (les apports extérieurs alimentant cette filière sont estimés à environ 90.000 tonnes).

La société d'économie mixte de Lorient-Keroman, concessionnaire du port depuis le 1 er janvier 1994, et son sous-traitant, la compagnie d'exploitation du port, ont mis en oeuvre des mesures destinées à redresser l'exploitation du port.


• Saint-Malo

Les apports de poissons vendus à la criée à Saint-Malo, en 1995, ont progressé et atteint 4.887 tonnes (+34,5 % par rapport à 1994) pour un prix moyen de 11,36 francs/kilo (- 2,163 % par rapport à 1994).

La situation financière du port de pêche est mauvaise. Alors qu'elle était tout juste équilibrée à la fin des années 1980, elle s'est rapidement dégradée sous l'effet de la diminution des apports et du poids de la dette souscrite pour financer l'opération de modernisation de la criée réalisée en 1990-1991. La capacité d'autofinancement devenue négative ne permet plus de rembourser les emprunts et le concessionnaire étudie des mesures de redressement.


• Brest

À la demande de la Chambre de Commerce et d'Industrie, concessionnaire du port de commerce, une concession pêche a été créée à Brest et l'aménagement d'une criée a été réalisé en 1991-1992 afin d'offrir aux pêcheurs fréquentant le port de meilleures conditions de commercialisation de leurs produits.

En 1995, troisième année de pleine activité de la criée, les apports de poisson ont continué à progresser et atteint 1 4137 tonnes (+ 28,8 % par rapport à 1994) pour un prix moyen de 20 francs/kilo (+ 6,9 % par rapport à 1994).

Toutefois, la situation financière de la concession demeure mauvaise, le niveau des apports ne permettant pas pour le moment que l'activité de la criée soit équilibrée.


• Concarneau

Les apports de poisson vendus à la criée de Concarneau ont progressé en 1995 ; ils ont atteint 30.000 tonnes (+ 5,9 % par rapport à 1994). Mais, le prix moyen du poisson, qui avait brutalement chuté en 1993, a continué à baisser, il était de 11,95 francs/kg en 1995 (- 3,07 % par rapport à 1994).

Une nouvelle criée a été mise en oeuvre en service en 1993. Prenant en compte, d'une part, la situation financière de la concession fragilisée par la baisse de recettes et l'augmentation de la dette contractée pour financer le programme de modernisation, et d'autre part, la modification des besoins, le concessionnaire a redimensionné le programme de restructuration des ateliers de mareyage qui s'achève cette année. Il a par ailleurs mis en oeuvre des mesures de redressement afin de pouvoir dégager une capacité d'autofinancement suffisante pour couvrir le remboursement de la dette.


• La Rochelle

La situation financière de la concession est très fortement dégradée. La baisse des apports a déséquilibré les comptes de la concession, déséquilibre encore aggravé par augmentation de la dette. Un plan de redressement a été mis en oeuvre par le concessionnaire.


• Sète

En 1995, les apports de poisson vendus à la criée de Sète ont atteint 3.274 tonnes (+ 3,48 % par rapport à 1994) pour un prix moyen de 14,81 francs/kilo (- 2,75 % par rapport à 1994).

Un programme de modernisation a été mis en oeuvre afin de mettre les installations portuaires en conformité avec les normes sanitaires européennes. Bien qu'il ait été dimensionné au plus juste, son financement a nécessité un recours à l'emprunt dont la charge va peser sur la situation financière déjà fragile de la concession.

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