N° 89

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès verbal de la séance du 26 novembre 1996

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1997 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

COOPÉRATION

Par Mme Paulette BRISEPIERRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon

Voir les numéros :

Assemblée nationale :

Sénat :

Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

« Il est temps que l'Occident et l'Afrique acceptent de regarder ensemble leur passé commun ». Aujourd'hui, l'occident doit « construire de nouvelles bases de collaboration et d'entraide où chacun puisse reconnaître et respecter l'identité de l'autre ». Ces propos tenus par le Président de la République, devant les deux Chambres réunies du parlement congolais en juillet 1996, rappelaient la fidélité de la France au continent africain, une fidélité lucide sur le passé, ouverte sur l'avenir et prenait un écho particulier au moment où l'aide publique internationale se contracte, où les investisseurs privés quittent l'Afrique.

L'afropessimisme entretient l'image d'un continent voué à la fatalité du sous-développement, aux vieux démons des divisions ethniques, au spectre de l'extension du SIDA. L'Afrique demeure le théâtre de douloureuses tragédies, le drame de la région des grands lacs nous le rappelle chaque jour. Mais ces visions de détresse ne doivent pas occulter les manifestations réelles d'un changement : le retour à la croissance dans la zone franc, l'émergence d'une Afrique du sud réconciliée. Il faut cesser de considérer le continent africain comme un ensemble immobile et prêter attention à sa grande diversité.

Pour que se confirment ces signes d'espérance, l'Afrique a encore besoin de l'aide internationale, même si ce soutien doit aussi évoluer dans ses formes et ses objectifs.

La France a montré l'exemple et, dans un cadre budgétaire pourtant difficile, préserve l'essentiel de son effort. Votre rapporteur souhaiterait montrer que cette constance répond tout à la fois à la vocation de notre pays et à ses intérêts.

I. L'AFRIQUE AU "MILIEU DU GUÉ"

A. LES PRÉMICES D'UNE RENAISSANCE ?

1. La démocratisation : fragilité des institutions, force naissante des aspirations populaires

a) Les fortunes contrastées du processus démocratique

L'année politique 1996 laissera sans doute en Afrique un sentiment contrasté : d'un côté, un processus de démocratisation parfois contrarié dans certains pays, de l'autre, les signes confirmés et prometteurs d'un réel élan vers la démocratie de la part de populations que certains avaient trop rapidement jugé résignées aux pratiques autoritaires.

La démocratisation a connu des fortunes diverses selon les pays. Les pouvoirs mis en place à la suite d'un processus électoral demeurent fragiles, à la merci d'une conjonction de mécontentements. Leur dénuement financier, en particulier, les place dans une position très délicate à l'égard des appareils militaires.

A titre d'exemple, en février, en Guinée , les soldats revendiquaient l'augmentation de leurs soldes. En mai, en Centrafrique , les militaires rebelles craignaient -après s'être déjà soulevés pour protester contre les trois mois d'arriérés de soldes non payées- d'être désarmés et privés de l'amnistie qui leur avait été promise. Au Congo , l'intégration, trop longtemps différée, des milices politiques dans l'armée régulière mit le feu aux poudres. Dans les trois cas, les chefs d'Etat furent contraints de satisfaire les mutins, non sans avoir bénéficié, en Centrafrique, du soutien de la France.

Dans d'autres pays (au Niger en janvier, au Burundi en juillet...) les pouvoirs durent céder la place même si, comme au Niger, une élection - organisée parfois dans des conditions controversées - vient donner une onction démocratique aux nouvelles autorités.

Ces différents événements ne doivent pas étonner. Rappelons-nous notre propre histoire : la démocratisation s'inscrit dans un processus historique de longue durée. Sans doute, comme l'a souligné le président de la République dans son discours du 18 juillet 1996 à Brazzaville : "la volonté qui s'est manifestée dans un passé récent, de soumettre l'aide publique internationale à des conditions politiques, a conduit certains pays à se parer d'un masque pour répondre à cette exigence. Il s'en suivit une démocratie de façade...". Dans certains pays mal préparés à les recevoir, les usages démocratiques ont dû composer avec la prégnance de traditions politiques toutes différentes. Paradoxalement, ils ont pu parfois exacerber les tensions existantes au lieu de leur fournir, conformément à leur vocation, un exutoire pacifié. C'est ainsi que le multipartisme peut refléter non pas des visions politiques différentes mais bien plutôt les attaches ethniques de la mosaïque africaine. L'erreur est parfois de vouloir aller trop vite en réagissant avec notre propre mentalité , sans tenir compte des différences et de la nécessité d'une évolution progressive.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page