DEUXIÈME PARTIE :

LE THÉÂTRE DRAMATIQUE

L'intervention de l'Etat dans le domaine de l'art dramatique poursuit plusieurs objectifs complémentaires : promouvoir la diffusion du spectacle vivant et élargir les publics du théâtre ; encourager la création dramatique et favoriser l'émergence de nouveaux talents.

Pour assurer ces missions, la direction du théâtre et des spectacles du ministère de la culture, s'appuie en particulier sur le réseau des scènes publiques .

Des subventions sont directement accordées, d'une part aux six grandes institutions nationales que sont le conservatoire national d'art dramatique et les cinq théâtres nationaux (Comédie Française, théâtre de l'Odéon, théâtre national de Chaillot, théâtre national de la Colline et théâtre national de Strasbourg) et d'autre part, au réseau de la décentralisation dramatique qui se compose des centres dramatiques nationaux et régionaux ainsi que des scènes nationales.

Le soutien à la diffusion et à la création passe en second lieu par l'aide accordée à plus de 600 compagnies dramatiques indépendantes ainsi qu'au fonds de soutien au théâtre privé.

Plusieurs dispositifs relatifs à l'écriture et aux auteurs dramatiques ainsi qu'à l'enseignement de l'art dramatique viennent compléter les moyens de la politique du théâtre.

I. LA POLITIQUE EN FAVEUR DU THÉÂTRE

A. LES CRÉDITS AFFECTÉS AU THÉÂTRE DRAMATIQUE : UNE PROGRESSION DIFFICILE À ÉTABLIR

1. Les errements de la nomenclature budgétaire

L'opacité de la présentation des crédits du ministère de la culture rend impossible, à la seule lecture du " bleu ", l'identification des crédits consacrés au théâtre en 1999 et interdit toute mise en perspective par rapport à 1998.

En effet, les crédits du théâtre sont pour une grande part inscrits au titre IV (Interventions publiques). Or, les modifications intervenues dans la nomenclature en 1999 comme en 1998 se sont traduites par une globalisation des crédits au sein de vastes chapitres " fourre-tout ". Votre rapporteur a donc été contraint de se fier aux réponses du ministère de la culture à son questionnaire, réponses qui, il faut le souligner -pour le regretter-, sont souvent imprécises.

En effet, en 1998, une modification est intervenue afin de traduire dans la nomenclature budgétaire la déconcentration des décisions administratives : deux chapitres distincts ont été créés au sein du titre IV, l'un consacré aux interventions culturelles d'intérêt national et, l'autre, aux interventions culturelles déconcentrées. Parallèlement, l'article identifiant les crédits consacrés au théâtre au sein du chapitre 43-50 " Développement culturel " était abandonné au profit d'articles plus globaux. En 1999, une nouvelle globalisation intervient. C'est, en effet, au tour des articles 43-20-30 et 43-30-30 relatifs au développement culturel d'être fondus avec les articles 43-20-20 et 43-30-20 relatifs aux spectacles. Ces chapitres s'intitulent désormais " développement culturel et spectacles ", réunissant près 2,19 milliards de francs consacrés aux opérations les plus diverses.

Cette présentation, certes légitime, aurait dû s'accompagner d'une amélioration de l'information du Parlement. Or, force est de constater qu'en raison des nouvelles procédures déconcentrées, les éléments budgétaires disponibles lors de l'examen du projet de loi de finances en ce qui concerne la répartition des crédits du titre IV sont insuffisants pour permettre un réel contrôle de leur affectation, celle-ci n'étant en fait définitivement connue qu'au début de l'exercice budgétaire et le contrôle du Parlement ne pouvant que s'exercer a posteriori.

Enfin, la fusion des directions du spectacle et du théâtre, d'une part, et de la musique et de la danse, d'autre part, a compliqué encore la tâche de votre rapporteur. En effet, les réponses au questionnaire budgétaire ne distinguent plus les crédits du théâtre des autres crédits de la nouvelle direction, pour l'excellente raison que la répartition définitive des mesures nouvelles proposées en faveur du spectacle vivant ne sera définitivement arrêtée qu'en début d'exercice.

2. Les crédits pour 1999

Compte tenu des difficultés liées à la présentation des documents budgétaires, il a été très difficile à votre rapporteur de prendre la mesure exacte de la progression des crédits consacrés au théâtre, progression qui résulte de l'effort consenti en faveur du spectacle vivant par le projet de loi de finances pour 1999.

Les crédits inscrits en titre III qui regroupent les subventions de fonctionnement versées aux cinq théâtres nationaux et au conservatoire national supérieur d'art dramatique s'élèveront en 1999 à 359 millions de francs, en progression de 2,27 % par rapport à 1998 .

Les dépenses relevant du titre IV qui constituent l'essentiel de la politique du théâtre (aides aux compagnies, soutien au réseau de la décentralisation dramatique, aides à l'écriture) s'élevaient à 1 000,7 millions de francs en 1998. En 1999, sur les 110 millions de mesures nouvelles qui bénéficieront à la direction de la musique, de la danse, du théâtre et du spectacle vivant, 60 millions de francs devraient être consacrés à la politique du théâtre , soit une progression de 6 %, ce qui atteste la volonté de renforcer les moyens des structures théâtrales. Néanmoins, l'affectation de ces mesures nouvelles entre les différentes actions n'est pas encore définitivement arrêtée et n'a été communiquée à votre rapporteur qu'à titre indicatif.

En ce qui concerne les dépenses d'investissement , elles s'élèvent pour 1999 à 153,86 millions de francs , soit une diminution de 24 % par rapport à 1997.

La dotation inscrite au Titre V s'élève à 33,76 millions de francs. Ces crédits sont destinés d'une part à poursuivre les travaux d'aménagement du Centre de réserve du costume de scène de Moulins (Grand Projet en Région) pour 16 millions de francs ainsi que les travaux de rénovation de la Comédie Française (8,37 millions de francs) et les travaux de sécurité du Conservatoire national d'art dramatique (1,5 million de francs).

Par ailleurs, 7,89 millions de francs ont été prévus pour les travaux d'aménagement des autres théâtres nationaux, tandis qu'une autorisation de programme de 11 millions de francs est inscrite au chapitre 56.91, article 93 (établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels) pour la première tranche des travaux d'installation d'un accès décor pour le théâtre national de Chaillot.

Au titre VI, la dotation pour 1999 s'élève à 109,10 millions de francs (+ 54,7 millions de francs) dont 45 millions de francs destinés à financer la première tranche de rénovation et de restructuration du " Cargo " de Grenoble. Les théâtres nationaux bénéficient d'une subvention globale d'équipement de 10 millions de francs.

L'enveloppe prévue pour l'aménagement des salles municipales, scènes nationales, centres dramatiques nationaux et régionaux, théâtre privé, cirque et arts de la rue atteint 53,10 millions de francs (+ 8,2 millions de francs). Elle permettra non seulement la poursuite d'opérations déjà engagées (Théâtre des Bouffes du Nord, Théâtre de l'Athénée, scènes nationales de Créteil, Nantes, centres dramatiques nationaux d'Aubervilliers, de St-Denis, théâtre municipal de Pont-Audemer...), mais également le démarrage d'opérations nouvelles qui sont en cours de sélection.

B. LA RÉNOVATION DES MODALITÉS DE L'INTERVENTION DE L'ETAT

1. La poursuite de la déconcentration

Avec le décret n° 97-34 du 15 janvier 1997 relatif à la déconcentration des décisions administratives, la déconcentration est devenue un principe fondamental de l'organisation administrative de l'Etat. Ce texte prévoit, en effet, que les décisions administratives individuelles entrant dans le champ de compétences de l'Etat, à l'exception de celles concernant les agents publics, sont prises par le préfet, cette disposition étant entrée en vigueur le 1er janvier 1998.

Le décret n° 97-1200 du 19 décembre 1997 qui a précisé les conditions d'application de ce principe général pour le ministère de la culture, parachève un mouvement de déconcentration engagé au sein du ministère depuis plus d'une vingtaine d'années et dont la création en 1977 des directions régionales d'action culturelle (DRAC) a constitué la première étape.

En raison de ses modalités et, en particulier, de l'importance du soutien au réseau de la décentralisation dramatique et aux compagnies dramatiques, la politique du théâtre avait vocation plus que d'autres à se prêter à une déconcentration des moyens d'intervention de l'Etat. Cette évolution sera achevée en 1999.

En 1998, l'ensemble des crédits consacrés au réseau des scènes nationales a été déconcentré, ainsi que la plupart des crédits affectés à des compagnies et des festivals, seules trois scènes nationales restant suivies par l'administration centrale (Guadeloupe, Martinique, Grenoble). Le montant total des crédits déconcentrés en titre IV (interventions publiques) a atteint 453,27 millions de francs, soit 46 % du budget de la direction du théâtre et des spectacles.

En 1999, la déconcentration de l'ensemble du réseau des centres dramatiques nationaux, à l'exception de ceux situés en Ile-de-France, marquera l'aboutissement de ce processus. Seules resteront gérées directement par l'administration centrale les structures à vocation nationale ou internationale ainsi que les commandes et les aides à la création attribuées après l'avis de commissions nationales.

Le rapporteur, s'il s'était félicité de cette orientation susceptible de rapprocher l'Etat et les organismes subventionnés, s'était inquiété des modalités de sa mise en oeuvre. En effet, une déconcentration bien comprise exige un recentrage de l'administration centrale sur sa mission de conception et d'impulsion que rend possible un allégement de ses tâches de gestion mais également le développement d'outils permettant au ministère d'évaluer les conditions de mise en oeuvre de la politique culturelle. Sur ce dernier point, force était de constater que les moyens faisaient défaut, les travaux du service et des études et prospectives du ministère de la culture n'ayant pas réellement vocation à y contribuer et les moyens d'inspection du ministère de la culture étant traditionnellement très limités. Dans ce contexte, certains craignaient que le processus de déconcentration se traduise par une dilution du rôle de l'Etat.

En dépit de certaines difficultés rencontrées cette année qui se sont traduites par un allongement des délais de versement des subventions, il est encore trop tôt pour tirer des enseignements définitifs sur l'opportunité de la relance de la déconcentration dans le domaine du théâtre et sur l'efficacité avec laquelle le ministère de la culture a utilisé les moyens dont il dispose pour coordonner l'activité des DRAC.

Cependant, il faut souligner que les risques d'une politique culturelle à géométrie variable n'ont pas été ignorés. C'est, en effet, dans cette perspective que la ministre de la culture a souhaité relancer la politique contractuelle en la dotant d'un cadre général précisant les droits et obligations respectives de l'Etat et des structures culturelles.

Ce cadre général est défini par la charte des missions de service public , qui entrera en vigueur le 1er janvier 1999.

Destinée à clarifier les conditions de l'intervention de l'Etat, elle fixe les principes généraux définissant :

- les responsabilités des équipes et des structures subventionnées ;

- les principales règles relatives à la gestion des établissements assurant des missions de service public ;

- et les règles et obligations qui s'imposent à l'Etat.

Cette charte consacre l'aboutissement du processus de déconcentration et indique les décisions qui continueront de relever directement du ministère de la culture, répondant en cela à une des interrogations formulée l'an dernier par votre rapporteur. Parmi ces décisions, figurent les décisions concernant les responsables des structures culturelles : nomination des directeurs d'entreprises artistiques quand la règle en est posée par les dispositions régissant leur fonctionnement, ou, dans le cas contraire, agrément préalable à la nomination des directeurs et des administrateurs. Par ailleurs, continue à relever directement du ministère l'approbation préalable à la signature des conventions cadres ou des contrats d'objectifs liant l'Etat aux structures subventionnées, décision qui constitue à l'évidence un des moyens d'orientation les plus significatifs dont dispose l'administration centrale en ce domaine.

Par ailleurs, elle précise les instruments sur lesquels peut s'appuyer l'administration centrale pour orienter l'action des DRAC. Certains, comme les circulaires annuelles d'instructions sur le montant et l'emploi des crédits déconcentrés existent déjà ; d'autres sont inédits, à l'image des schémas directeurs des politiques nationales qui devront être élaborées par l'administration centrale auxquels répondront de la part des DRAC des schémas d'action pluriannuels.

Enfin, elle pose le principe général de la contractualisation, dès lors que l'Etat se lie à un partenaire artistique ou culturel pour une durée supérieure à un an. Il faut relever que sur ce point la charte se contente de consacrer une pratique déjà très largement suivie dans les faits.

Si votre rapporteur approuve les finalités de la charte comme les principes qu'elle réaffirme (répartition territoriale équilibrée de l'offre culturelle, liberté des créateurs et du public, démocratisation de l'accès à la culture), il souligne que, sous bien des aspects, ses dispositions demeurent très générales et leurs conditions de mise en oeuvre très floues, laissant ainsi une large marge d'appréciation à l'administration centrale et à ses partenaires.

La valeur d'un tel document dépendra donc essentiellement des suites qu'entendra lui donner le ministère dans ses relations avec les structures concernées. En effet, au delà de sa dimension pédagogique, cette charte devra servir de référence notamment à la rédaction des contrats d'objectifs des scènes nationales et des contrats de décentralisation des centres dramatiques.

La redéfinition de la politique contractuelle, fondement de l'intervention de l'Etat dans le domaine du spectacle vivant, s'accompagne d'une réorganisation des services centraux du ministère de la culture.

2. La création d'une direction de la musique, de la danse, du théâtre et du spectacle

Préconisée par la commission de refondation de la politique culturelle présidée par M. Jacques Rigaud et annoncée dès l'année dernière par la ministre de la culture et de la communication, la création d'une direction unique regroupant les directions du théâtre et des spectacles, d'une part, et de la direction de la musique et de la danse, d'autre part, a été opérée par le décret n° 98-841 du 21 septembre 1998.

En dépit du particularisme des professions concernées et des craintes soulevées par une telle mesure, elle semblait justifiée par le fait que bien des questions étaient communes à ces deux directions, qu'il s'agisse des relations avec les troupes ou du partenariat avec les collectivités territoriales.

Aux termes de l'article 2 du décret n° 98-841 du 21 septembre 1998 précité, les compétences de cette nouvelle direction sont ainsi définies :

" La direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles a pour mission, dans toutes les disciplines de la vie musicale, théâtrale, chorégraphique et, plus généralement, des arts liés au spectacle vivant, de favoriser la création et la diffusion, de développer l'enseignement et les formations, d'encourager l'accès le plus large possible aux oeuvres et aux pratiques, de protéger et mettre en valeur le patrimoine. " Elle est organisée en six services horizontaux 2( * ) .

Votre rapporteur formule le souhait que cette mesure de réorganisation administrative permette aux services de l'administration centrale de se consacrer à leurs missions de conception, de coordination et de contrôle. De même, il espère qu'elle soit de nature à rendre plus cohérente la politique conduite par le ministère de la culture dans des domaines comme le développement des enseignements artistiques ou le soutien à la pratique amateur, qui ne pouvaient que pâtir de la dichotomie administrative traditionnelle.

Mais, si on peut attendre de la déconcentration comme de la création d'une direction unique compétente pour l'ensemble du spectacle vivant une rationalisation des méthodes d'administration, ces évolutions ne sont pas, à l'évidence, de nature à faciliter le contrôle du Parlement sur les crédits consacrés au théâtre.

3. La rénovation de la réglementation relative aux entreprises de spectacles

Le caractère obsolète de certaines des dispositions de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles avait été souligné à de nombreuses reprises.

Longtemps attendue par la profession, la rénovation des dispositions de l'ordonnance a été entreprise, la deuxième lecture du projet de loi modifiant ce texte devant être inscrite avant la fin de l'année à l'ordre du jour du Sénat.

La réforme mise en oeuvre tend à moderniser les dispositions de l'ordonnance sans toutefois remettre en cause le cadre général institué en 1945. Conservant le régime d'autorisation fondé sur la délivrance de la licence d'entrepreneur de spectacles, le projet de loi étend son champ d'application à l'ensemble du secteur et redéfinit les différentes catégories de licence afin de les adapter à la réalité de la profession. Par ailleurs, il vise à faire de la licence un instrument de contrôle de l'application de la législation sociale, cet objectif apparaissant particulièrement opportun pour assurer le respect des obligations des employeurs en matière de protection sociale.

Cette réforme, dont la légitimité a été reconnue par votre commission, est le résultat d'une concertation approfondie avec les professionnels du secteur réunis au sein du Conseil national des professions du spectacle.

C. LE RÉGIME DES INTERMITTENTS DU SPECTACLE : VERS DES SOLUTIONS

Le théâtre dramatique, comme l'ensemble du secteur du spectacle vivant, se caractérise par une organisation du travail spécifique fondée en grande partie sur le salariat intermittent. Ce salariat, qui repose sur des contrats à durée déterminée, entrecoupés par des périodes de chômage, est par nature précaire et a justifié la mise en place d'un régime spécifique d'indemnisation.

Depuis 1985, notamment en raison des difficultés économiques qui ont frappé les structures du spectacle vivant et qui les ont conduites à limiter le recours à des troupes ou à des équipes techniques permanentes, les statistiques sur les intermittents du spectacle ont fait apparaître une constante progression de leur nombre qui s'établissait en 1997, tous secteurs confondus, à 67 700. Sur ce total, le spectacle vivant représentait le tiers des techniciens et plus de 73 % des artistes relevant de ce statut. Cette augmentation du nombre des intermittents s'est accompagnée d'une précarité plus marquée des conditions de travail ; en effet, le nombre des contrats a augmenté et leur durée s'est réduite, passant de 24,5 jours en moyenne en 1985 à 8,7 jours en 1994. Le régime d'assurance chômage prévu par les annexes VIII et X de l'UNEDIC n'étant financé que par les cotisations des intermittents et celles de leurs employeurs, ces évolutions ont contribué à accentuer le déséquilibre structurel de ce régime. Le montant des recettes et des dépenses de 1997 fait apparaître que pour un franc collecté, 5,3 francs étaient dépensés. En effet, 3 610 millions de francs de prestations ont été versées pour 678 millions de francs d'encaissements, soit un déficit de 2 932 millions de francs.

A la suite de la menace formulée par le CNPF en novembre 1996 de ne pas reconduire les annexes VIII et X, le gouvernement, reprenant les propositions formulées par M. Pierre Cabanes, s'est engagé à mettre en oeuvre des mesures destinées à remédier aux difficultés structurelles rencontrées par ce régime.

Les mesures destinées à mieux encadrer ce régime portaient sur :

- une meilleure connaissance du marché réel de l'emploi, notamment grâce à un croisement des fichiers ;

- la lutte contre l'évasion des charges sociales et le travail illégal, qui devait se traduire notamment par la création d'un guichet unique pour la déclaration et le paiement des charges sociales par les employeurs occasionnels du spectacle vivant qui sont confrontés en pratique à la complexité des régimes spécifiques ;

- la rénovation des règles de fonctionnement des entreprises de spectacles ;

- et la clarification des conditions du recours à des contrats à durée déterminée -dits contrats d'usage- grâce à la création d'une commission mixte paritaire permettant une concertation entre les professionnels du spectacle.

Ces engagements avaient permis la reconduction, en l'état, du régime prévu par les annexes VIII et X jusqu'au 31 décembre 1998.

Les nouveaux titulaires des ministères en charge de la culture et de la sécurité sociale, reprenant les engagements pris en 1997 par leurs prédécesseurs, se sont attachés depuis à mettre en oeuvre les mesures préconisées.

Des avancées significatives ont été effectuées en ce domaine. La modification de l'ordonnance des spectacles dont votre rapporteur a évoqué plus haut la portée est en cours d'examen par le Parlement. Par ailleurs, la commission mixte paritaire chargée d'un accord sectoriel interbranche destiné à limiter le recours au contrat d'usage est parvenue à un accord qui a été approuvé par l'ensemble des professionnels. Cet accord s'articule autour de deux axes principaux :

- l'objet du contrat devrait être défini en termes très précis de façon à faire correspondre la durée du contrat avec celle de l'activité économique précaire pour laquelle il a été conclu ;

- une liste limitative établit les emplois et les activités pour lesquels il est admis de recourir au contrat dit d'usage.

En ce qui concerne la mise en place d'un guichet unique, l'article 6 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique a offert un cadre juridique adéquat au projet d'accord accepté par les professionnels et les organismes sociaux concernés.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter du résultat des efforts engagés afin de remédier aux difficultés du système actuel, qui fragilisaient la situation des artistes et techniciens du spectacle et qui constituaient, à ce titre, un frein à la création dramatique.

D. LE STATUT ASSOCIATIF : UNE CLARIFICATION AUX CONSÉQUENCES INCERTAINES

Dans le domaine théâtral, comme pour l'ensemble des disciplines du spectacle vivant, nombreuses sont les structures artistiques à exercer leur activité sous le statut associatif. C'est le cas notamment de l'ensemble des scènes nationales.

Si ce statut présente certains avantages liés notamment au régime de création par simple déclaration, il présente un inconvénient qui tient dans les incertitudes liées à leur régime d'imposition.

En effet, bien que la loi dispose que les associations à but non lucratif ne sont pas assujetties aux impôts commerciaux, celles-ci ont été de plus en plus nombreuses à faire l'objet de redressements. Les critères d'exonération fixés voilà plus de vingt ans se sont révélés inadaptés à l'évolution du monde associatif et sources d'une insécurité juridique dont les conséquences, comme l'a rappelé le rapport Goulard, sont particulièrement lourdes pour les associations.

En effet, à la différence d'une société commerciale pour laquelle les redressements ne représentent qu'une fraction des impôts déjà acquittés, une association qui subit un contrôle et un redressement se voit contrainte de supporter d'un seul coup la totalité de l'impôt dû au titre des trois années précédentes.

En outre, pensant de bonne foi n'être pas imposables, elles n'ont pas, dans la plupart des cas, une comptabilité régulière et ne sont pas à jour de leurs obligations déclaratives, ce qui les place dans la situation de la taxation d'office, alors qu'elles n'ont pas les moyens la plupart du temps de prouver que les bases d'imposition retenues par l'administration fiscale sont exagérées.

Afin de remédier à ces situations, une instruction fiscale du 15 septembre 1998 prise à la suite du rapport remis au Premier ministre par M. Guillaume Goulard a précisé les critères d'application du caractère " non lucratif " de ces associations.

L'instruction réaffirme le principe selon lequel les organismes non lucratifs ne sont pas soumis aux impôts commerciaux et précise les méthodes d'analyse et les conditions dans lesquelles sera apprécié le caractère non lucratif de leur activité.

Le caractère non lucratif doit être apprécié au regard :

- de la gestion désintéressée de l'organisme ;

- et de son activité, qui ne doit pas concurrencer celle d'entreprises commerciales. Si l'association intervient dans un domaine où existent des entreprises commerciales -ce qui est souvent le cas en matière culturelle, notamment en matière de spectacle vivant- le caractère non lucratif de son activité sera apprécié au regard du produit proposé, du public visé, des prix pratiqués et des moyens de publicité utilisés. Ces critères sont définis de manière assez stricte et, dans bien des cas, il est vraisemblable que leur application entraînera l'assujettissement des associations aux impôts commerciaux.

Afin de mettre un terme à l'insécurité qui résultait pour les associations de l'inadaptation des critères antérieurs, quatre mesures ont été prises :

- un correspondant " association " sera désigné dans chaque direction départementale des services fiscaux ; il aidera les associations et ses réponses seront opposables à l'administration ;

- les redressements en cours seront abandonnés, à condition que les impositions non payées ne soient pas devenues définitives et que les associations concernées soient de bonne foi ;

- les associations existantes auront jusqu'au 31 mars 1999 pour se conformer aux nouvelles dispositions. Ainsi, les associations de bonne foi ne pourront voir leur caractère non lucratif remis en cause pour la période antérieure au 1er avril 1999 ;

- enfin, pour les associations créées après le 1er avril 1999 et qui interrogeront l'administration, l'assujettissement aux impôts commerciaux ne prendra effet qu'à compter de la date de la réponse de l'administration.

La clarification du régime fiscal des associations s'accompagne également de mesures destinées à limiter les conséquences de l'assujettissement aux impôts commerciaux. Ainsi, l'article 73 du projet de loi de finances pour 1999 prévoit la possibilité pour les collectivités territoriales de porter de 50 à 100 % l'exonération de la taxe professionnelle qu'elles peuvent décider au profit d'associations du secteur culturel. Cette exonération concerne notamment les théâtres et les compagnies itinérantes.

Quelles seront les conséquences de ce nouveau régime fiscal ? Les " mesures transitoires " d'apurement du passé qui ont accompagné la publication de l'instruction fiscale du 15 septembre 1998 sont incontestablement très positives, et "sauveront " sans doute beaucoup d'associations, menacées de redressements qui leur auraient sans doute été fatals.

Mais, pour l'avenir, une lecture pessimiste de l'instruction s'impose. L'application des critères qu'elle définit se soldera en effet par l'assujettissement aux impôts commerciaux de nombreuses associations culturelles ayant une activité dans le domaine du théâtre. Les exemples d'application du nouveau régime fiscal des associations obligeamment donnés par l'administration des finances suffisent à le démontrer : ainsi, une compagnie de théâtre itinérante qui ne se produit pas exclusivement en des lieux où n'existe aucune activité théâtrale, dont les représentations sont ouvertes au public en général, dont les tarifs sont similaires à ceux des théâtres privés, et qui assure la publicité de ses représentations par des annonces dans la presse locale ou par voie d'affiche sera imposable."

Or, les mesures d'accompagnement ne suffiront pas à compenser le coût pour les associations de l'assujettissement aux impôts commerciaux. L'application de l'instruction se traduira donc vraisemblablement pour les associations par des difficultés financières qui posent, pour celles qui sont subventionnées, la question d'une éventuelle augmentation du montant des concours publics dont elles bénéficient. Pour les associations qui sont étroitement liées aux collectivités locales, ces difficultés constitueront une incitation supplémentaire à la création d'un statut juridique plus adapté et plus clair qui pourrait être celui de l'établissement public local dont la création avait été préconisée par la commission présidée par M. Jacques Rigaud.

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